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19/07/2000 | LUXEMBOURG | N°11124

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juillet 2000, 11124


N° 11124 du rôle Inscrit le 12 février 1999 Audience publique du 19 juillet 2000

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Recours formé par Madame … KOHNEN, … contre une décision de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux en matière d’employé communal

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11124 du rôle et déposée en date du 12 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à

la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KOHNEN, demeuran...

N° 11124 du rôle Inscrit le 12 février 1999 Audience publique du 19 juillet 2000

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Recours formé par Madame … KOHNEN, … contre une décision de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux en matière d’employé communal

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11124 du rôle et déposée en date du 12 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KOHNEN, demeurant à L-…, dirigée contre une décision du 14 janvier 1999 du conseil d’administration de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux lui refusant l’octroi du changement de régime d’employée privée en employée communale ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 2 mars 1999, portant signification de ce recours à la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mai 1999 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, préqualifé, du 31 mai 1999 portant signification de ce mémoire en réponse à Madame … KOHNEN ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 décembre 1999 par Maître Gaston VOGEL au nom de Madame … KOHNEN ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 31 décembre 1999 portant signification de ce mémoire à la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2000 par Maître Jean KAUFFMAN, pour compte de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, préqualifé, du 21 mars 2000 portant signification de ce mémoire en duplique à Madame … KOHNEN ;

Vu la rupture du délibéré prononcée en date du 29 mai 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Ferdinand BURG et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 26 avril et 3 juillet 2000.

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Madame … KOHNEN, demeurant à L-…, fut engagée comme aide non diplômée à partir du 1er octobre 1970 auprès de l’Hôpital …, dénommé ci-après “ Clinique … ”.

Par courrier datant du 26 août 1998, elle s’adressa au président de la commission administrative de la Clinique … pour solliciter le changement de son statut d’employée privée en employée communale. Cette demande fut transmise à la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux du Grand-Duché, ci-après appelée “ la caisse de prévoyance ”, par courrier du 31 août 1998.

La caisse de prévoyance n’ayant pas fait droit à la demande présentée par Madame KOHNEN, elle fit introduire, par l’intermédiaire de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de ce refus par courrier du 1er décembre 1998. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative de la caisse de prévoyance du 14 janvier 1999, Madame KOHNEN a fait introduire un recours contentieux à l’encontre de la décision précitée du 14 janvier 1999.

La décision déférée est motivée par les considérations “ que la matière se trouve réglementée par l’article 13 de la loi du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, tout comme par le règlement grand-ducal du 26 mai 1975 portant assimilation du régime des employés communaux à celui des employés de l’Etat, règlement grand-ducal pris sur base de l’article 13 de la loi habilitante précitée du 27 janvier 1972 ;

Que l’article 2 du règlement grand-ducal précité du 26 mai 1972 fait, au niveau communal, bénéficier du changement de régime d’employée privée en employée communale, les seules personnes employées à temps complet ;

Que cette condition ne se trouve pas rencontrée dans le chef de la requérante ;

Que pour le surplus, la loi du 26 février 1993 concernant le travail volontaire à temps partiel s’applique au seul secteur privé et que par ailleurs l’article 12 de la prédite loi du 26 février 1993 ne porte point abrogation du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 ”.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que “ la loi du 26 février 1993 concernant le travail volontaire à temps partiel bénéficie des droits reconnus au salarié à temps complet ” et qu’il n’y aurait pas lieu d’introduire dans le texte des dispositions arbitraires, pour soutenir qu’il serait “ juridiquement impossible de faire valoir contre un texte 2 de loi précis un règlement grand-ducal dépassé par les événements ”. Elle estime dès lors que dans la mesure où elle a dépassé l’âge de cinquante ans, elle remplirait les critères pour changer son statut d’employée privée en employée communale pour autant que l’ancienneté serait concernée.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse signale plus précisément que depuis 1998, le législateur reconnaît formellement à l’employé de l’Etat la possibilité de travailler à temps complet ou partiel, à durée déterminée ou indéterminée, de sorte que le règlement grand-ducal du 26 mai 1975 portant assimilation du régime des employés communaux à celui des employés de l’Etat, pris en application de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, serait dépassé par les événements, désuet et contraire à la loi, dans la mesure où il exigerait que l’employé communal officie à temps complet, alors que la loi ne l’exige plus pour l’employé de l’Etat.

Elle relève en outre la question de la conformité de l’article 2 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 précité à l’article 11 alinéa 1er de la Constitution pour soutenir qu’en réservant la qualité d’employé communal aux seuls Luxembourgeois occupés à temps complet, ledit article 2 opérerait une exclusion de l’accès à la qualité d’employé communal aux personnes travaillant à temps partiel.

La partie demanderesse précise encore dans son mémoire en réplique que le recours sous examen tend principalement à la réformation et subsidiairement seulement à l’annulation de la décision déférée de la caisse de prévoyance.

La partie défenderesse s’empare des dispositions de l’article 2 du règlement grand-

ducal du 26 mai 1975 précité en vertu duquel “ la qualité d’employé communal au sens des dispositions du présent règlement est reconnue à toute personne engagée contractuellement à temps complet, conformément aux dispositions légales ”, pour faire valoir que la qualité d’employée communale ne serait pas acquise dans le chef de la demanderesse faute d’avoir été engagée sous contrat de travail à plein temps. Dans la mesure où ledit règlement grand-ducal, qui soumet l’assimilation à la condition du travail exécuté à plein temps, serait toujours applicable, la décision déférée serait justifiée tant en droit qu’en fait.

L’article 11.1 du règlement grand-ducal précité du 26 mai 1975 précité prévoit que les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires des employés communaux sont de la compétence du tribunal administratif siégeant comme juge du fond.

Le règlement grand-ducal du 26 mai 1975 en question a été pris en application de l’article 13 de la loi du 27 janvier 1972 précitée, dans sa teneur d’avant la loi du 9 juin 1995 modifiant la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux portant qu’un “ règlement grand-ducal pourra prévoir l’assimilation au régime des employés de l’Etat du personnel … des communes … ”.

En effet, la loi du 9 juin 1995 est venue en son article II modifier l’article 13 de la loi du 27 janvier 1972 précitée en ce sens que le renvoi au personnel des communes a été supprimé.

En contrepartie, ladite loi du 9 juin 1995 a précisé à travers son article I. A) que dans le texte de la loi modifiée du 24 décembre 1985 précitée, les termes “ employés contractuels 3 communaux ” et “ employés temporaires ” sont remplacés respectivement par “ employés communaux ” et “ employés privés ”.

A travers son article I. B), la loi du 9 juin 1975 a disposé que l’article 1er de la loi modifiée du 24 décembre 1985 était complété par deux paragraphes nouveaux libellés comme suit : “ 5. Un règlement grand-ducal fixe les conditions à remplir pour pouvoir bénéficier du statut d’employé communal.

6. La situation des employés privés, sans préjudice de l’article 22, troisième alinéa, de la présente loi, est régie par la législation sur le contrat de travail. Ils sont affiliés à la caisse de pension et à la caisse de maladie des employés privés et ils ressortissent à la Chambre des employés privés.

Le règlement grand-ducal prévu au paragraphe qui précède fixe les conditions et modalités sous lesquels l’autorité investie du pouvoir de nomination peut, sur la demande de l’intéressé et sous l’approbation du ministre de l’Intérieur, faire bénéficier l’employé privé du statut de l’employé communal. Dans ce cas la rémunération et le droit à pension sont nouvellement fixés sur la base de l’article 22, deuxième alinéa, de la présente loi ”.

Dans la mesure où il est constant qu’à ce jour aucun règlement grand-ducal n’a été pris sur base de l’article I.5. de la loi du 24 décembre 1985, telle que modifiée par celle du 9 juin 1995, précitées, et que par ailleurs aucune disposition transitoire concernant le statut du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 n’est contenue dans ladite loi du 9 juin 1995, ni ailleurs, force est de retenir que même si l’article 13 de la loi du 27 janvier 1972 telle que modifiée par celle du 9 juin 1995 ne comporte plus la base légale pour l’assimilation des employés des communes au régime des employés de l’Etat, il n’en reste pas moins qu’en vertu du principe de la pérennité des lois, en attendant la promulgation du règlement grand-ducal prévu par l’article I.5. de la loi modifiée du 24 décembre 1985 précitée, le règlement grand-ducal valablement pris à l’époque, en date du 26 mai 1975, doit continuer à sortir ses effets dans la mesure où ses dispositions ne se trouvent pas en contradiction avec celles, hiérarchiquement supérieures ou égales, ultérieurement promulguées (cf. trib. adm. 5 juillet 1999, Klein, n° 10761 du rôle).

L’attribution de compétence en faveur du tribunal administratif siégeant comme juge du fond résultant de l’article 11.1 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 précité n’ayant été contredite par aucune disposition ultérieure, le litige actuellement déféré ayant trait au contrat d’emploi de Madame KOHNEN amène le tribunal à examiner si celle-ci rentre dans la catégorie des employés communaux visés par ledit règlement grand-ducal du 26 mai 1975, afin de déterminer utilement sa compétence.

Il est constant à travers les pièces versées au dossier que la clinique … appartient à la Ville d’… et est exploitée sous forme d’un hospice, de sorte que Madame KOHNEN est à considérer comme rangeant parmi les “ employés contractuels des communes, syndicats de communes et établissements publics placés sous la surveillance d’une commune ” visés à l’article 2 alinéa 3 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 précité.

La qualité d’employée communale ne saurait être contestée du fait que la demanderesse n’a exercé qu’une tâche partielle au service de la commune, tel que cela a été invoqué par la partie défenderesse qui se base sur l’article 2, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 26 mai 4 1975 précité pour conclure que seuls ceux des employés communaux qui ont été engagés contractuellement à temps complet, peuvent avoir droit à ce statut.

S’il est vrai que l’article 2, alinéa 1er du règlement grand-ducal en question reconnaît seulement celles des personnes engagées contractuellement qui accomplissent une tâche à temps complet comme employés communaux, il n’en reste pas moins que l’article 2, alinéa 1er de la loi du 27 janvier 1972 précitée, telle que modifiée par la loi du 8 août 1988 modifiant a) la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création de chambres professionnelles à base élective ainsi que b) la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat auquel le règlement grand-ducal précité du 26 mai 1975 entend assimiler le régime des employés communaux, a complété, en ce qui concerne les employés de l’Etat, la référence à une tâche à temps complet par une référence faite également à des tâches partielles, en ce qu’il dispose que “ la qualité d’employé de l’Etat est reconnue à toute personne qui remplit les conditions prévues par la présente loi et qui est engagée par l’Etat sous contrat d’employé pour une tâche complète ou partielle et à durée déterminée ou indéterminée dans les administrations et services de l’Etat ”.

Bien que la modification législative intervenue en date du 8 août 1988 ait essentiellement pour objet de réglementer la qualité d’électeur à la chambre des fonctionnaires et employés publics, il n’en reste pas moins qu’elle dispose clairement que peut avoir la qualité d’employé de l’Etat la personne qui n’accomplit qu’une tâche partielle au service de l’Etat.

Comme le règlement grand-ducal du 26 mai 1975 précité, pris en application de l’ancien article 13 de la loi du 27 janvier 1972 précitée, avait pour objectif d’adopter un statut similaire, voire identique à celui des employés de l’Etat en faveur des employés communaux, et comme non seulement la loi précitée du 8 août 1988 est une norme supérieure, mais qu’elle a également été prise après l’adoption du règlement grand-ducal précité du 26 mai 1975, il échet de constater que l’article 2, alinéa 1er du règlement grand-ducal précité du 26 mai 1975 est contraire à l’article 2, alinéa 1er de la loi précitée du 27 janvier 1972, telle que modifiée par la loi du 8 août 1988.

Sur base des considérations qui précèdent, il y a dès lors lieu de conclure que l’article 2 du règlement grand-ducal en question a été implicitement abrogé, dans la mesure où il se réfère à un engagement à temps complet, par l’article 2 nouveau de la loi de 1972, de sorte qu’une personne qui n’accomplit qu’une tâche à temps partiel peut avoir la qualité d’employée communale. (cf. trib. adm. 18 novembre 1999, n° 11003 du rôle, Lecocq, Pas. adm. 1/2000, V° Fonction publique, n° 121).

Il se dégage des considérations qui précèdent que l’argument de la partie défenderesse en vue de conclure au non-respect des conditions à remplir par la demanderesse en vue de bénéficier du statut d’employée communale et partant à la non applicabilité dans son chef des dispositions du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 précité, est à rejeter.

Il s’ensuit également que le tribunal est compétent pour statuer en tant que juge du fond en la matière, ceci conformément aux dispositions de l’article 11.1. du règlement grand-

ducal du 26 mai 1975 précité. Le recours sous examen ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

5 Dans la mesure où l’intégralité du dossier administratif de Madame KOHNEN n’est pas à la disposition du tribunal, il y a lieu de procéder, dans le cadre du recours en réformation, à l’annulation de la décision déférée et de renvoyer le dossier à la Caisse de prévoyance aux fins de statuer une nouvelle fois sur la demande présentée par Madame KOHNEN compte tenu des considérations qui précèdent.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond annule la décision déférée et renvoie l’affaire en prosécution de cause à la Caisse de prévoyance ;

condamne la caisse de prévoyance aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 juillet 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11124
Date de la décision : 19/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-19;11124 ?

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