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12/07/2000 | LUXEMBOURG | N°11892

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juillet 2000, 11892


N° 11892 du rôle Inscrit le 22 mars 2000 Audience publique du 12 juillet 2000

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Recours formé par les consorts JASAROVIC-…, Useldange contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11892 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2000 par Maître Gérard A. TURPEL, avocat à la Cour, assisté de Maître M

urielle NGUYEN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a...

N° 11892 du rôle Inscrit le 22 mars 2000 Audience publique du 12 juillet 2000

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Recours formé par les consorts JASAROVIC-…, Useldange contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11892 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2000 par Maître Gérard A. TURPEL, avocat à la Cour, assisté de Maître Murielle NGUYEN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … JASAROVIC-…, née le … à … (Monténégro), et de sa fille … JASAROVIC, née le … à … (Monténégro), toutes les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 5 janvier 2000, notifiée le 21 janvier 2000, refusant de faire droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 21 février suivant intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 avril 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mai 2000 par Maître Gérard A. TURPEL, assisté de Maître Murielle NGUYEN, au nom des parties demanderesses ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Murielle NGUYEN, en remplacement de Maître Gérard A. TURPEL, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 juillet 2000.

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En date du 14 mai 1999, Madame … JASAROVIC-…, née le … à … (Monténégro), ainsi que sa fille … JASAROVIC, née le … à … (Monténégro), toutes les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, présentèrent au Luxembourg une demande en obtention du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

1 En date du même jour, les dames JASAROVIC furent entendues par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-

ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

En date du 15 juillet 1999, elles furent entendues par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le 20 décembre 1999, la commission consultative pour les réfugiés émit à l’unanimité un avis défavorable.

Par décision du 5 janvier 2000, notifiée le 21 janvier 2000, le ministre de la Justice informa Madame … JASAROVIC-… de ce que sa demande, ainsi que celle de sa fille … avaient été rejetées. Ladite décision est motivée comme suit :

“ Me ralliant à l’avis de la Commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie (…) ”.

A l’encontre de cette décision, les dames JASAROVIC firent introduire par l’intermédiaire de leur mandataire un recours gracieux par courrier datant du 18 février 2000.

Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 21 février 2000, elles ont fait introduire, par requête déposée le 22 mars 2000, un recours tendant à la réformation des décisions ministérielles précitées des 5 janvier et 21 février 2000.

Encore que les demanderesses exposent dans leur requête introductive d’instance que le ministre aurait refusé de faire droit à leur demande au motif que celle-ci serait “ manifestement infondée ”, hypothèse plus particulièrement visée à l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, il se dégage des pièces versées au dossier que ladite décision n’est pas intervenue sur base de l’article 9 de cette loi, mais bien sur base de son article 12.

L’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile instaurant un recours au fond en la matière ainsi qualifiée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours en réformation est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

A l’appui de leur recours, les parties demanderesses exposent être de confession musulmane et indiquent ne pas avoir été libres, dans leur pays d’origine, de pratiquer leur religion. Elles signalent que les réservistes serbes les auraient insultées et proféré à leur égard des menaces de persécution, de viol et de mort. Ces derniers auraient également tiré des coups de fusil devant la porte de leur maison pour les effrayer et les contraindre à quitter leur pays.

Elles signalent avoir vécu seules et n’avoir pu bénéficier d’aucune aide ou protection dans leur 2 pays, de sorte que, tout en ayant eu toutes les deux un travail, elles n’auraient eu d’autre choix que de se résoudre à fuir leur pays. Elles font valoir en outre que la situation d’après-guerre demeurerait encore très instable et que ce serait partant à juste titre qu’elles seraient toujours inquiètes pour leur sécurité et qu’elles éprouveraient une crainte pour leur intégrité physique et leur vie du fait de leur appartenance à la communauté musulmane.

Elles estiment que la décision déférée devrait être réformée pour violation de la loi et erreur manifeste d’appréciation des faits en faisant valoir que le ministre aurait basé sa décision sur un examen superficiel et insuffisant des faits et n’aurait pas pris en considération les craintes réelles de persécution par elles éprouvées.

Le délégué du Gouvernement rétorque que la crainte exprimée par les demanderesses ne traduirait qu’un sentiment général d’insécurité et ne saurait dès lors s’analyser en une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Il se dégagerait par ailleurs des pièces versées au dossier et notamment d’un courrier émanant de la Fondation Caritas Luxembourg qu’elles seraient en aveu de ne pas éprouver une crainte de persécution liée aux motifs de la Convention de Genève, mais présenteraient plutôt une peur liée à la situation d’insécurité au Monténégro et aux violations des droits des minorités.

Dans leur mémoire en réplique, les demanderesses insistent que la crainte par elles invoquée serait justifiée compte tenu des menaces de persécution, de viol et de mort proférées à leur égard par les réservistes serbes et contestent formellement avoir renoncé à leur demande en obtention du statut de réfugié politique.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les dames JASAROVIC lors de leurs auditions, telle que celles-ci ont été relatées dans les rapport et compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demanderesses restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à établir dans leur chef l’existence d’une crainte justifiée de persécutions du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leur convictions politiques, ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

A travers la motivation de leur recours, les demanderesses se prévalent en substance d’un risque de persécution de la part des réservistes serbes à leur encontre et d’un défaut de protection de la part des autorités de leur pays d’origine face à ces actes de persécution.

3 La notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. (cf. Jean-Yves CARLIER : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, p. 113, n° 73 et suivants).

En l’espèce, les demanderesses restent en défaut d’établir que les persécutions alléguées de la part des réservistes serbes seraient tolérées, voir encouragées par les autorités en place et qu’elles auraient essayé d’obtenir la protection de la part des autorités en place et que ces recherches concrètes se seraient heurtées à un défaut de protection caractérisé par l’absence de poursuites des actes de persécution commis.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne les demanderesses aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 juillet 2000 par :

Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge en présence de Mme Wiltzius, greffier de la Cour administrative, greffier assumé.

s. Wiltzius s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11892
Date de la décision : 12/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-12;11892 ?

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