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05/07/2000 | LUXEMBOURG | N°11872

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 juillet 2000, 11872


N° 11872 du rôle Inscrit le 10 mars 2000 Audience publique du 5 juillet 2000

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Recours formé par Madame … GOLOVENKO, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11872 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2000 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Madame … GOLOVENKO, né

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N° 11872 du rôle Inscrit le 10 mars 2000 Audience publique du 5 juillet 2000

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Recours formé par Madame … GOLOVENKO, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11872 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2000 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Madame … GOLOVENKO, née le …, de nationalité russe, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 17 septembre 1999 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour et l’invitant à quitter le pays sans délai, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre datant du 9 décembre 1999 intervenue sur recours gracieux du 15 novembre 1999 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 avril 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Madame … GOLOVENKO, née le …, de nationalité russe, demeurant à L-…, arriva au Grand-Duché de Luxembourg au courant de l’année 1996, munie d’un visa Schengen émis par l’ambassade du Grand-Duché de Luxembourg à Moscou et valable jusqu’au 29 octobre 1996. Elle fut accompagnée par son mari Juan MORALES et de son fils Artiom GOLOVENKO.

Par courrier datant du 2 octobre 1996, Madame GOLOVENKO s’adressa au ministre de la Justice pour solliciter une autorisation de séjour en son nom personnel, ainsi que pour son fils en indiquant vouloir suivre des cours de langue au Centre de Langues de Luxembourg.

Le ministre refusa de faire droit à sa demande par décision datant du 11 novembre 1996 en relevant que “ selon l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels et suffisants permettant à l’étranger d’assurer son séjour au Grand-Duché indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient lui faire parvenir ” et l’invita à quitter le pays sans délai.

En date du 25 juillet 1997, Madame GOLOVENKO s’adressa une nouvelle fois au ministre de la Justice pour solliciter une autorisation de séjour pour elle-même ainsi que pour son fils. Suite à un réexamen de son dossier, le ministre de la Justice refusa de faire droit à cette demande par courrier datant du 17 septembre 1999 et invita encore une fois l’intéressée à quitter le pays sans délai.

A l’encontre de cette décision, Madame GOLOVENKO fit introduire un recours gracieux, par courrier de son mandataire datant du 15 novembre 1999. Le recours s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 9 décembre 1999, elle a fait introduire, par requête déposée le 10 mars 2000, un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 17 septembre 1999, ainsi que de celle confirmative du 9 décembre 1999, intervenue sur recours gracieux.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté en faisant valoir que la décision ministérielle déférée du 17 septembre 1999 serait confirmative de celle précitée du 11 novembre 1996 dans la mesure où elle refuserait l’autorisation de séjour sollicitée pour les mêmes motifs. Il estime dès lors que dans la mesure où aucun recours n’avait été intenté contre la décision du 11 novembre 1996, celle-ci aurait acquis autorité de chose décidée, de sorte que la demanderesse aurait été forclose à agir.

S’il est vrai qu’en principe une nouvelle décision prise sur base d’une demande réitérée en dehors du délai de recours contre une décision antérieure n’est pas distincte de cette dernière et n’ouvre ainsi pas de nouveau délai de recours, dès lors que la nouvelle décision confirme purement et simplement la décision antérieure, il en est autrement si la décision confirmative est basée, au moins partiellement, sur des éléments nouveaux à l’égard desquels l’administration prend position, ou encore si l’administration elle-même procède au réexamen du dossier (cf. trib. adm 7 mai 1997, n° 9322 du rôle, V° Pas. adm.

1/2000, Procédure contentieuse, n° 48 et autres références y citées).

En l’espèce, il se dégage du libellé de la décision ministérielle déférée du 17 septembre 1999 que le ministre a procédé à un réexamen du dossier de Madame GOLOVENKO et a pris position notamment par rapport au fait que le permis de travail a été refusé à la demanderesse par arrêté ministériel du 4 mai 1998, de même qu’il se dégage de la décision confirmative déférée du 9 décembre 1999, intervenue sur recours gracieux, que le ministre a procédé au réexamen du dossier au regard des arguments exposés dans le cadre du recours gracieux et tenant notamment au degré d’intégration de Madame GOLOVENKO au Luxembourg, ainsi qu’aux perspectives d’emploi par elle alléguées.

Il se dégage des considérations qui précèdent que les décisions déférées se distinguent de celle initialement intervenue en date du 11 novembre 1996 et que la demanderesse a partant valablement pu intenter un recours à leur encontre tel que cela lui 2 fut par ailleurs suggéré par le ministre à travers l’instruction sur les voies de recours dont est assortie la décision déférée du 17 septembre 1999.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

La partie demanderesse critique la décision déférée en faisant valoir qu’elle violerait le principe de proportionnalité devant guider toute mesure administrative en ce sens qu’elle serait excessive quant aux effets qu’elle est susceptible de produire tenant à l’invitation lui adressée de quitter le pays sans autre délai, ceci par rapport au but qu’elle pourrait légitimement poursuivre. Elle soutient plus particulièrement qu’en l’absence de trouble à l’ordre public et en l’absence d’une quelconque urgence, il paraîtrait excessif d’obliger un étranger, fût-il en situation irrégulière, de quitter immédiatement le territoire luxembourgeois sans autre délai.

La demanderesse estime ensuite que le ministre disposerait d’une liberté d’appréciation en matière d’autorisations de séjour et fait valoir à cet égard qu’il n’y aurait aucune “ automaticité légale entre le fait qu’un étranger n’ait pas de moyens personnels de subsistance et le fait que lui soit refusé pour ce motif un titre de séjour au Grand-

Duché ”. Elle signale par ailleurs que depuis son arrivée au Grand-Duché de Luxembourg en 1996, elle se serait parfaitement intégrée dans la communauté luxembourgeoise sans compromettre l’ordre ou la santé publics, de sorte que loin de constituer pour celle-ci “ un handicap ”, elle présenterait pour cette même communauté d’évidents intérêts tenant notamment au fait qu’elle serait très appréciée pour ses compétences sportives en tant que joueuse de basket, voire d’entraîneur ou d’arbitre.

Le délégué du Gouvernement rencontre ces moyens en faisant valoir que la loi ne prévoirait pas qu’il faille accorder un certain délai à une personne dont l’entrée ou le séjour ont été refusés pour quitter le pays. Il relève à cet égard que l’article 12 du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée de séjour de certaines catégories d’étrangers, tout en prévoyant l’indication d’un délai pour quitter le territoire pour les ressortissants des Etat membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’accord sur l’Espace Economique Européen, ne saurait être invoqué dans le chef de la demanderesse qui est de nationalité russe.

Le représentant étatique fait valoir ensuite que l’intégration sociale d’un étranger ne figurerait pas parmi les critères d’octroi d’une autorisation de séjour et que par ailleurs il n’existerait aucune raison particulière qui aurait dû amener le ministre à faire une exception au principe de l’exigence de la preuve de moyens d’existence personnels dans son chef, tout en contestant par ailleurs que le fait d’entraîner une équipe de basket-ball, ainsi que d’avoir suivi des cours de langue soient des éléments suffisants pour considérer une personne comme “ intégrée socialement ”.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère dispose que : “ l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ”. Une autorisation de séjour peut partant être valablement 3 refusée lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter ses frais de voyage et de séjour.

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise. Il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

En l’espèce, la demanderesse reste en défaut d’établir, notamment au moyen d’un permis de travail l’autorisant à occuper légalement un emploi dans le pays, qu’elle disposait de moyens personnels propres au moment où le ministre a statué sur sa demande.

La demanderesse se prévaut encore d’un degré d’intégration sociale accru dans son chef pour conclure au caractère arbitraire du refus ministériel déféré.

Ce moyen n’est pas de nature à énerver la légalité des décisions déférées, étant donné que dans le cadre de l’appréciation d’une demande en obtention d’une autorisation de séjour, le ministre n’est pas appelé à apprécier la situation du demandeur par rapport à son degré d’intégration sociale, ceci d’autant plus qu’en l’espèce les efforts d’intégration de la demanderesse ont été déployés en situation de séjour irrégulier.

Concernant plus particulièrement les critiques dirigées contre l’invitation de quitter le territoire dont est assortie la décision déférée du 17 septembre 1999, il y a lieu de constater d’abord qu’il ne s’agit ni d’une mesure d’éloignement au sens de l’article 12 de la loi du 28 mars 1972 précitée qui s’effectue par la force publique, ni encore d’une décision d’expulsion au sens de l’article 9 de la même loi, mais de l’indication d’une conséquence légale directe du refus d’accorder l’autorisation de séjour sollicitée découlant de l’article 7 de la même loi qui dispose en effet que “ le refus d’entrée et de séjour au Grand-Duché, (…), entraîne(nt) pour l’étranger l’obligation de quitter le territoire luxembourgeois endéans le délai imparti, qui commencera à courir à partir de la notification de la décision ”.

Eu égard au libellé de l’article 7 précité, force est cependant de constater que l’obligation de quitter le territoire, en tant que conséquence légale du refus de séjour, est expressément conçue dans l’hypothèse d’un délai imparti par l’administration, de sorte que le ministre, en invitant la demanderesse à quitter le pays sans délai, s’est placé en dehors des prévisions de l’article 7 précité.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la décision ministérielle déférée du 17 septembre 1999, telle que confirmée sur recours gracieux par décision également déférée du 9 décembre 1999, est à annuler partiellement dans la mesure où elle comporte l’invitation adressée à la demanderesse de quitter le pays non pas dans un délai déterminé et raisonnable, mais sans délai.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

4 reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit partiellement justifié ;

partant annule les décisions déférées en ce qu’elles comportent l’invitation adressée à la demanderesse de quitter le pays sans délai ;

les confirme pour le surplus ;

condamne la demanderesse au frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 juillet 2000 par :

M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef s. Schmit s. Campill 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11872
Date de la décision : 05/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-05;11872 ?

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