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28/06/2000 | LUXEMBOURG | N°11553

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2000, 11553


Numéro 11553 du rôle Inscrit le 24 septembre 1999 Audience publique du 28 juin 2000 Recours formé par la société anonyme FOREIGN TRADE CORPORATION contre des bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et des bulletins de l’impôt commercial communal émis par le bureau d'imposition sociétés 2 en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11553 du rôle, déposée le 24 septembre 19

99 au greffe du tribunal administratif par Maître James JUNKER, avocat à la Cour, in...

Numéro 11553 du rôle Inscrit le 24 septembre 1999 Audience publique du 28 juin 2000 Recours formé par la société anonyme FOREIGN TRADE CORPORATION contre des bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et des bulletins de l’impôt commercial communal émis par le bureau d'imposition sociétés 2 en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11553 du rôle, déposée le 24 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître James JUNKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme FOREIGN TRADE CORPORATION, établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités pour les années 1989 à 1991 et des bulletins de l’impôt commercial communal pour les années 1989 à 1991, tous émis le 28 juillet 1994 par le bureau d'imposition sociétés 2;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 décembre 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2000 par Maître James JUNKER pour compte de la société anonyme FOREIGN TRADE CORPORATION;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître James JUNKER et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 15 septembre 1989, la société anonyme de droit luxembourgeois FOREIGN TRADE CORPORATION, établie et ayant son siège social à L-…, ci-après désignée par « la société Fotraco », conclut avec la société de droit belge Y., établie et ayant son siège social à B-…, ci-après désignée par « la société Y. », un contrat de représentation non exclusive ayant pour objet une assistance de la société Y. par la société Fotraco pour la vente et le marketing de ses produits dans une soixantaine de pays énumérés en annexe dudit contrat. Celui-ci stipula en faveur de la société Fotraco une commission mensuelle à hauteur de 5% du total des ventes opérées par la société Y. dans les pays couverts par le contrat.

Suivant convention du 16 septembre 1989, la société Fotraco céda ledit contrat de représentation non exclusive, avec l’accord écrit de la société Y. du même jour, à la société de droit chypriote X., établie et ayant son siège social à …, ci-après désignée par « la société X. », cette convention stipulant que la société Fotraco rétrocède à la société X. les paiements reçus de la part de la société Y. pour les services rendus par la société X. sous déduction d’une commission de 3% en faveur de la société Fotraco.

Dans le cadre de cette convention du 16 septembre 1989, la société Fotraco régla à la société X. les sommes de …,- LUF au cours de l’année 1989, de …,- LUF au cours de l’année 1990 et de …,- LUF pour l’année 1991, tout en comptabilisant ces montants en tant que frais généraux sous l’intitulé « commissions d’intermédiaires ».

Suite au dépôt des déclarations de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 1989 en date du 14 avril 1992 ainsi que des déclarations afférentes pour les années 1990 et 1991 en date du 4 avril 1993, le bureau d'imposition sociétés 2 s’adressa à la société Fotraco par courrier du 7 septembre 1993 pour requérir des suppléments d’informations quant aux postes des comptes annuels concernant les relations d’affaires avec Y. et X., ainsi que les pièces relatives aux tenues des assemblées générales ayant approuvé les comptes annuels des exercices en cause. Etant resté sans réponse, le bureau d'imposition émit le 15 décembre 1993 un rappel, sous peine d’astreinte, pour se voir soumettre les informations par lui requises. Il résulte d’une attestation testimoniale établie par Monsieur …, administrateur de la société … S.A., bureau comptable de la société Fotraco, que deux fonctionnaires dudit bureau d'imposition ont pris inspection des documents comptables de cette dernière. Le même bureau d'imposition émit le 28 juillet 1994 les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal relatifs aux années 1989 à 1991 refusant, à hauteur de …,- LUF pour l’année 1989 et intégralement pour les deux années subséquentes, la déduction des sommes prévisées en tant que dépenses d’exploitation au motif, pour l’année 1989, que « faute d’avoir fourni les détails demandés par la lettre du 7.9.1993 une quote-part des charges a été rajoutée au bénéfice afin que le résultat imposable corresponde à un rendement normal du capital investi (rendement évalué à 5% du capital social) » et, pour les années subséquentes, que « faute d’avoir fourni les détails demandés par la lettre du 7.9.93 les commissions ont été rajoutées au bénéfice ».

La société Fotraco réclama contre l’ensemble de ces bulletins d’impôt par courrier du 23 septembre 1994 à l’adresse du bureau d'imposition sociétés 2.

Cette réclamation étant restée sans réponse de la part dudit directeur malgré plusieurs courriers de rappel, la société Fotraco a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre des bulletins prévisés de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour les années 1989 à 1991 émis le 28 juillet 1994.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin de l'impôt sur le revenu ou de l’impôt commercial communal en 2 l’absence de décision du directeur ayant tranché sur les mérites d’une réclamation contre les bulletins ainsi critiqués. Le recours subsidiaire en annulation est partant irrecevable.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, étant remarqué qu’en déclarant déférer les bulletin de l'impôt commercial communal susvisés la société Fotraco a nécessairement entendu déférer les bulletins de la base d’assiette y relatifs réunis sur un même support matériel avec les premiers.

A l’appui de son recours, la société Fotraco relève d’abord que les paiements litigieux opérés en 1989, 1990 et 1991 seraient inscrits dans ses comptes annuels des années en question, auraient été effectués sur base de la convention prévisée du 16 septembre 1989 et seraient documentés par des factures et les livres comptables, pour conclure à partir de ces éléments que ces mêmes paiements devraient être qualifiés de dépenses d’exploitation fiscalement déductibles. Elle relève encore que ses déclarations pour les années 1992 à 1994 n’auraient pas fait l’objet d’un redressement malgré la présence aux bilans respectifs sous la rubrique « autres charges » des montants payés au cours des années visées à la société X..

Le délégué du Gouvernement renvoie aux motivations des refus de déduction tirés du défaut d’un rendement normal du capital investi et de l’absence d’explications suite à la lettre du 7 septembre 1993 de la part du bureau d'imposition. Il estime que les doutes du bureau d'imposition n’étaient pas manifestement déraisonnables dans les circonstances de l’espèce et qu’il appartiendrait partant à la société Fotraco de fournir les explications propres à justifier sa déclaration, sous peine de ne devoir s’en prendre qu’à elle-même si sa déclaration a été rejetée. Il relève que l’admission des dépenses correspondantes dans le cadre de l’imposition au titre des années 1993 et 1994 resterait sans incidence pour les années litigieuses.

La société Fotraco fait répliquer que, s’il est vrai qu’elle a été invitée par écrit à fournir certains suppléments d’information et qu’après avoir obtenu un délai supplémentaire elle avait fait l’objet d’un nouveau rappel, il résulterait de l’attestation prévisée de Monsieur …, versée ne cause, que deux fonctionnaires du bureau d'imposition se seraient présentés dans les bureaux de la société … S.A., chargée de la tenue de sa comptabilité, pour obtenir les renseignements demandés et consulter les documents comptables. Le bureau d'imposition n’aurait ensuite plus requis d’informations complémentaires mais aurait émis les bulletins d’impôt litigieux du 28 juillet 1994. La société Fotraco affirme que sa réclamation du 23 septembre 1994 aurait encore été accompagnée de tout un ensemble de documents et qu’elle aurait également soumis au bureau d'imposition les informations et pièces complémentaires sollicitées par courrier dudit bureau d'imposition du 26 octobre 1994 intervenu suite à ladite réclamation. Elle déduit de ces éléments qu’un défaut de communication d’informations ne saurait plus lui être reproché à l’heure actuelle et que ce serait plutôt l’administration des Contributions qui resterait en défaut depuis plus de cinq années de prendre position quant à sa réclamation du 23 septembre 1994. La société Fotraco critique finalement le caractère vague du motif tiré du défaut de rendement normal du capital investi et l’impossibilité pour elle d’y prendre position en l’absence de communication des critères d’un rendement considéré comme normal.

Il résulte des éléments du dossier soumis au tribunal que le bureau d'imposition n’a pas disposé de l’ensemble des informations et pièces par lui requises notamment dans son courrier du 7 septembre 1993, mais qu’il a obtenu des éléments complémentaires d’abord dans le cadre d’une vérification sur place effectuée auprès du comptable de la société Fotraco, documentée par l’attestation testimoniale versée en cause, ensuite en annexe à la réclamation du 23 septembre 1994 et enfin en réponse au courrier du bureau d'imposition du 26 octobre 3 1994 donnant suite à ladite réclamation. Dans la mesure où le tribunal administratif, siégeant comme juge du fond, statue sur l’ensemble des moyens et éléments lui soumis par les parties à l’instance et d’après la situation telle qu’elle se dégage au jour où il statue, les questions relatives à l’exécution correcte de son devoir de collaboration par la société Fotraco restent en l’espèce sans incidence sur la question de fond à trancher compte tenu de l’ensemble des éléments d’information régulièrement soumis au tribunal par les parties, dont notamment toutes celles requises par le bureau d'imposition à travers son courrier du 7 septembre 1993.

Il ressort des éléments de l’espèce qu’en motivant le refus de déduction d’une partie des commissions d’intermédiaires au bénéfice de X. par la considération qu’une « quote-part des charges a été rajoutée au bénéfice afin que le résultat imposable corresponde à un rendement normal du capital investi (rendement évalué à 5% du capital social) », le bureau d'imposition a en réalité mis en doute la réalité économique de l’opération de cession du contrat de représentation non exclusive et des paiements allégués à sa suite et a ainsi nécessairement dénié à la comptabilité de la société Fotraco la régularité au fond, dont elle bénéficie en principe en vertu du paragraphe 208 (1) AO, pour procéder sur ce point à une taxation du bénéfice sur base du paragraphe 217 AO, une fixation forfaitaire du bénéfice par un fonctionnaire compétent conformément à l’article 56 LIR n’étant pas alléguée en cause.

Aux termes de l’article 45 (1) LIR, « sont considérées comme dépenses d’exploitation déductibles les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise ». Si le contribuable reste ainsi en principe juge de l’opportunité des dépenses à engager, il lui incombe toutefois d’établir le lien causal exclusif entre l’activité de l’entreprise et la dépense engagée.

En l’espèce, la société Fotraco a versé en cause le contrat de représentation du 15 septembre 1989 conclu entre elle-même et la société Y., la convention de cession du 16 septembre 1989 conclue entre elle-même et la société X., les facturations des « market fee » par la société X. en exécution de ladite convention du 16 septembre 1989, un relevé comptable et des extraits bancaires témoignant du versement effectif des montants facturés, un « certificate of incorporation » attestant que la société X. est officiellement enregistrée comme société en Chypre et les autres documents requis par le bureau d'imposition dans son courrier du 7 septembre 1993.

Ces éléments de preuve sont de nature à documenter l’apparence d’une réalité économique de l’opération sous-jacente aux dépenses litigieuses et à conforter de la sorte la preuve de régularité attachée à la comptabilité de la société Fotraco. Il incombe dès lors au bureau d'imposition de faire d’état d’un quelconque indice suffisamment concret pour ébranler l’apparence ainsi créée et, par voie de conséquence, mettre en cause la régularité de ladite comptabilité et la réalité économique des relations commerciales à sa base afin de justifier ainsi le refus de déduction des commissions litigieuses.

Force est néanmoins de constater en l’espèce qu’au delà de la pétition de principe non autrement étayée de la non-réalisation d’un bénéfice imposable correspondant à un rendement normal du capital investi (rendement évalué à 5% du capital social), le bureau d'imposition et le délégué du Gouvernement restent en souffrance de faire valoir un quelconque élément concret et partant pertinent mettant en doute l’opération ayant donné lieu aux déductions litigieuses, de sorte que le refus de déduction des montants en cause ne se trouve pas justifié à suffisance de droit.

Il s’ensuit que le recours est fondé et que les bulletins déférés encourent la réformation en ce sens que les montants susvisés renseignés dans les comptes annuels des années 4 d’imposition en cause comme commissions à destination de la société X. constituent des dépenses d’exploitation déductibles du bénéfice commercial de la société Fotraco.

PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond le dit justifié, partant, par réformation des bulletins déférés, dit que les montants de …,- LUF, …,-

LUF et …,- LUF, renseignés dans les comptes annuels respectivement des années 1989, 1990 et 1991 comme commissions à destination de la société X., constituent au titre des prédites années d’imposition des dépenses d’exploitation déductibles du bénéfice commercial de la société demanderesse, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d'imposition compétent pour exécution, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 28 juin 2000 par M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT DELAPORTE 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11553
Date de la décision : 28/06/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-06-28;11553 ?

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