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26/06/2000 | LUXEMBOURG | N°11398

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juin 2000, 11398


N° 11398 du rôle Inscrit le 22 juillet 1999 Audience publique du 26 juin 2000

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Recours formé par Monsieur …, dit … HALSDORF, … contre un arrêté grand-ducal en matière de promotion

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11398 et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 1999 par Maître James JUNKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … HALSDORF, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, « principalement en nulli

té ou inefficacité, subsidiairement en réformation, plus subsidiairement en annulation » contre un ar...

N° 11398 du rôle Inscrit le 22 juillet 1999 Audience publique du 26 juin 2000

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Recours formé par Monsieur …, dit … HALSDORF, … contre un arrêté grand-ducal en matière de promotion

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11398 et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 1999 par Maître James JUNKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … HALSDORF, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, « principalement en nullité ou inefficacité, subsidiairement en réformation, plus subsidiairement en annulation » contre un arrêté grand-ducal du 18 mai 1999 ayant rapporté un arrêté grand-ducal du 20 « avril » 1999 par lequel il avait été nommé aux fonctions d’ingénieur-technicien inspecteur principal à l’administration des Contributions directes;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle le demandeur a été invité à indiquer au tribunal s’il entendait maintenir son recours;

Vu la déclaration de Maître James JUNKER faite à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 octobre 1999, par laquelle il a déclaré que son mandant entendait poursuivre le présent recours;

Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, constatant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal par le délégué du gouvernement le 24 janvier 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur le 23 février 2000;

Vu le mémoire en duplique déposé le 23 mars 2000 par le délégué du gouvernement;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté grand-ducal critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître James JUNKER et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté grand-ducal du 20 janvier 1999, Monsieur… HALSDORF, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, fut nommé ingénieur technicien inspecteur principal au service de métrologie de l’administration des Contributions directes.

Par lettre du 9 avril 1999, le directeur de l’administration des Contributions directes informa Monsieur HALSDORF de ce que « au sujet de la nomination susvisée la Chambre des Comptes a émis l’observation suivante:

Le seul poste du cadre fermé de la carrière de l’ingénieur technicien étant occupé par l’agent J. K. la nomination [de Monsieur HALSDORF] (…) n’est pas admise ».

Par arrêté grand-ducal du 18 mai 1999, « l’arrêté grand-ducal du 20 avril 1999 portant nomination de Monsieur … HALSDORF aux fonctions d’ingénieur technicien inspecteur principal à l’administration des contributions directes, est rapporté ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 juillet 1999, Monsieur HALSDORF a fait introduire un recours « principalement en nullité ou inefficacité, subsidiairement en réformation, plus subsidiairement en annulation » contre l’arrêté grand-

ducal prévisé du 18 mai 1999.

Le demandeur relève en premier lieu que l’arrêté grand-ducal litigieux concernerait un arrêté grand-ducal du 20 avril 1999 et, comme un tel arrêté grand-ducal n’existerait pas, étant précisé que sa nomination a été arrêtée par le Grand-Duc le 20 janvier 1999, il soutient que ce serait à tort qu’il se verrait réduire son traitement mensuel de plus de …- francs sur base de l’arrêté grand-ducal litigieux « alors que son arrêté de nomination n’a jamais été rapporté et qu’il a toujours la fonction d’ingénieur technicien inspecteur principal à l’Administration des Contributions directes ». Sur ce, il demande au tribunal de « constater la nullité, sinon l’inefficacité de l’arrêté grand-ducal du 18 mai 1999 ».

Le demandeur conclut ensuite à la nullité sinon à l’inefficacité de l’arrêté grand-ducal litigieux, au motif qu’il a été pris plus de trois mois après l’arrêté de nomination du 20 janvier 1999 et qu’à ce moment l’arrêté de nomination serait devenu inattaquable, c’est-à-dire qu’il aurait acquis autorité de chose décidée.

En ordre subsidiaire, le demandeur soulève la violation de l’article 4 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après appelé le « statut général », au motif que la Chambre des Comptes n’aurait pas respecté le délai de 10 jours -

fixé par la prédite disposition - pour la communication de ses observations au ministre des Finances.

En ordre plus subsidiaire encore, le demandeur soutient que l’article 8 bis de la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat, sur lequel tant la Chambre des Comptes que le Grand-Duc auraient basé respectivement leur avis et décision, ne 2 serait pas applicable dans « un cas aussi particulier que le service de métrologie qui ne se compose en tout que de deux fonctionnaires dans la carrière de l’ingénieur technicien ».

Enfin, le demandeur reproche à l’arrêté grand-ducal critiqué de ne pas tenir compte de l’article 15 bis de la loi précitée du 28 mars 1986.

L’Etat se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours par rapport aux exigences légales de formes et de délai et il demande que les débats soient limités sur les moyens de fait et de droit invoqués par le demandeur dans son mémoire introductif d’instance.

Au fond, le délégué du gouvernement expose que le 17 décembre 1998, l’administration des Contributions directes aurait proposé au ministre des Finances de nommer Monsieur HALSDORF au grade 12 et qu’elle se serait basée pour cette proposition sur le fait que le seul emploi du grade 12 dans la carrière de l’ingénieur technicien au service de métrologie deviendrait vacant par suite de la nomination de Monsieur J. K., préposé du même service, au grade 13.

Le délégué ajoute que « par mégarde l’administration des contributions n’avait pas respecté la disposition de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1986 (…) » et que la Chambre des Comptes aurait relevé cette irrégularité, la nomination de Monsieur HALSDORF au grade 12 aurait été rapportée par l’arrêté grand-ducal litigieux.

Le délégué estime que si l’arrêté grand-ducal se référait à un arrêté grand-ducal du 20 avril 1999 au lieu de celui du 20 janvier 1999, il s’agirait d’une simple erreur matérielle qui ne devrait entraîner ni la nullité ni l’inefficacité de l’arrêté d’annulation.

Il conclut en outre au rejet du moyen tiré de la violation de l’article 4 du statut général au motif que l’autorité de nomination se serait conformée audit article « alors qu’à la suite des observations de la Chambre des Comptes elle a retiré sans délai la décision critiquée, compte tenu du temps d’analyse et de consultation d’usage de l’administration ».

Enfin, le représentant étatique soutient que l’ensemble des dispositions légales applicables aurait été respecté et que l’acte critiqué n’encourrait aucun reproche sous ce rapport.

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de l’arrêté grand-ducal litigieux.

Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

C’est à tort que la partie demanderesse conclut à la nullité ou à l’inefficacité de l’arrêté grand-ducal du 18 mai 1999 au motif qu’il rapporterait une décision inexistante, à savoir un arrêté grand-ducal prétendument daté du 20 avril 1999, tout en laissant subsister l’arrêté grand-ducal du 20 janvier 1999 portant nomination de Monsieur HALSDORF à la fonction d’ingénieur technicien inspecteur principal au service de métrologie de l’administration des Contributions directes.

3 En effet, l’erreur commise par l’administration s’analyse en une simple erreur matérielle non constitutive d’illégalité, dès lors que le demandeur a facilement pu la déceler - d’autant plus que l’arrêté grand-ducal litigieux précise dans son préambule la date exacte de l’arrêté grand-ducal de nomination - et qu’il n’a pas pu se méprendre sur l’intention effective de l’auteur de la décision, de sorte que ladite erreur n’a en aucune façon porté atteinte à ses droits de la défense.

Il convient ensuite d’analyser le moyen tiré de ce que l’arrêté grand-ducal de nomination du 20 janvier 1999 n’aurait pas pu être rapporté étant donné que trois mois après son édiction il aurait acquis autorité de chose décidée.

Bien que non expressément spécifié par la partie demanderesse, ce moyen d’annulation a trait indubitablement à l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, applicable aux fonctionnaires (trib. adm. 14 juillet 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Fonction publique, n° 164, et les autres références y citées), qui dispose qu’« en dehors des cas où la loi en dispose autrement, le retrait rétroactif d’une décision ayant créé ou reconnu des droits n’est possible que pendant le délai imparti pour exercer contre cette décision un recours contentieux, ainsi que pendant le cours de la procédure contentieuse engagée contre cette décision.

Le retrait d’une telle décision ne peut intervenir que pour une des causes qui auraient justifié l’annulation contentieuse de la décision ».

Il convient en premier lieu de relever qu’une décision de nomination à une fonction supérieure ou de promotion s’analyse en une décision créatrice de droit, de sorte que la première condition d’application de l’article 8 précité est remplie en l’espèce.

Au voeu de l’article 8 précité, le retrait d’une décision créatrice de droit doit intervenir tant que l’annulation contentieuse demeure possible, c’est-à-dire pendant le délai du recours contentieux ou, lorsqu’une procédure contentieuse est engagée à son encontre, pendant le temps où l’instance est encore pendante devant les juridictions administratives.

En d’autres termes, par l’épuisement des voies de recours et l’expiration des délais de recours, toute décision administrative créatrice de droit devient définitive et irrévocable, c’est-

à-dire qu’elle acquiert autorité de la chose décidée. Cette autorité une fois acquise implique que la décision ne peut plus être attaquée en justice et que l’administration ne peut pas revenir sur sa décision, c’est-à-dire que l’administration ne peut plus l’anéantir rétroactivement.

Par ailleurs, il découle de l'absence de procédure et de délai de recours contentieux spécialement prévus en la présente matière que, conformément au droit commun en matière de recours contentieux, constitué par l'article 11 de l'arrêté royal grand-ducal du 21 juin 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d'Etat, maintenu en application devant les juridictions administratives par l'article 98 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives, applicable au moment de l’introduction du recours actuellement sous discussion, le recours contentieux contre un arrêté grand-ducal portant nomination à une fonction supérieure n'est plus recevable après trois mois à compter du jour où cet arrêté a été notifié.

4 Or, en l’espèce, d’une part, il se dégage de l’utilisation du terme « rapporté » - dans l’arrêté grand-ducal litigieux du 18 mai 1999 - que l’autorité de nomination, une fois en possession de l’avis de la Chambre des comptes, a entendu redresser la prétendue illégalité en prononçant le retrait, c’est-à-dire l’anéantissement rétroactif, de sa décision du 20 janvier 1999. D’autre part, il est constant que l’arrêté grand-ducal du 20 janvier 1999 a été notifié à Monsieur HALSDORF en date du 28 janvier 1999, de sorte qu’en l'absence d'un recours contentieux exercé contre l’arrêté grand-ducal du 20 janvier 1999, ce dernier a acquis autorité de chose décidée trois mois après sa notification, c’est-à-dire le 28 avril 1999 et qu’à partir de cette date l’autorité de nomination ne pouvait plus procéder d'office au retrait rétroactif de sa décision. Au contraire, depuis ladite date du 28 avril 1999, l’administration se trouve liée par sa propre décision de promotion de Monsieur HALSDORF, fût-elle illégale.

Par conséquent, en considération des développements qui précèdent et sans qu’il y ait encore lieu à examiner les autres moyens d’annulation proposés par le demandeur, l’arrêté grand-ducal déféré du 18 mai 1999 est illégal en tant qu'il procède à la rétractation de l’arrêté grand-ducal de promotion de Monsieur HALSDORF à la fonction d’ingénieur technicien inspecteur principal au service de métrologie de l’administration des Contributions directes à un moment où la décision de promotion est devenu définitive et irrévocable et l’arrêté litigieux encourt partant l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare fondé;

partant annule l’arrêté grand-ducal du 18 mai 1999;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 26 juin 2000, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11398
Date de la décision : 26/06/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-06-26;11398 ?

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