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21/06/2000 | LUXEMBOURG | N°11768

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juin 2000, 11768


N° 11768 du rôle Inscrit le 7 janvier 2000 Audience publique du 21 juin 2000

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Recours formé par Monsieur … ISSA, … contre une décision du ministre des Finances en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11768 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 janvier 2000 par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avo

cats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ISSA, directeur de banque, demeurant à L-…, tendant à l’an...

N° 11768 du rôle Inscrit le 7 janvier 2000 Audience publique du 21 juin 2000

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Recours formé par Monsieur … ISSA, … contre une décision du ministre des Finances en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11768 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 janvier 2000 par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ISSA, directeur de banque, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre des Finances lui non notifiée, par laquelle il a été mis fin au régime fiscal des dirigeants et spécialistes étrangers introduit par décisions du Gouvernement en Conseil prises les 19 décembre 1986, 30 octobre 1987, 16 juin et 23 novembre 1989 concernant plus particulièrement les exercices fiscaux 1994 et 1995 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 avril 2000;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Yves PRUSSEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 juin 2000.

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Considérant qu’en date du 23 mai 1996, Monsieur … ISSA, directeur de banque, demeurant à L-…, a adressé au directeur de l’administration des Contributions directes une réclamation dirigée contre les bulletins de l’impôt sur le revenu établis par le bureau d’imposition Luxembourg I de la section des personnes physiques, service d’imposition, de l’administration des Contributions directes relatifs aux exercices 1994 et 1995 lui notifiés le 2 mai 1996;

Que cette réclamation a été motivée par le fait que la déduction forfaitaire prévue en faveur de certains dirigeants et experts étrangers de banque sur base d’une décision du Gouvernement en conseil du 19 décembre 1986, telle qu’elle a été modifiée par la suite, prise en application de l’article 9 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 sur l’impôt sur le revenu, appelée ci-après “ LIR ”, lui accordée jusqu’à l’exercice d’imposition 1993 inclus, lui a été refusée pour lesdits exercices 1994 et 1995;

Considérant que devant le silence directorial, Monsieur ISSA a fait introduire en date du 16 décembre 1997 un recours, dont il a précisé par la suite qu’il était dirigé directement 1 contre les bulletins de l’impôt sur le revenu prévisés du 2 mai 1996 concernant les années d’imposition 1994 et 1995, par lequel il demande à voir constater que l’administration a violé le principe de bonne foi en modifiant rétroactivement le régime de déduction forfaitaire qui a constitué la base de négociation salariale entre lui-même et son employeur, pour voir dire en conséquence que pour lesdites années il avait droit à la continuation du régime pendant la durée prévue par l’article 9 LIR et suivant les montants en découlant, soit un abattement de 780.000.- francs tant pour l’année 1994, que pour l’année 1995;

Considérant que par jugement du 10 mai 1999 (n° 10460 du rôle), le tribunal a retenu à partir des éléments du dossier lui soumis, qu’il ressort d’un courrier du directeur de l’administration des Contributions directes du 22 mars 1996 adressé au directeur de l’ABBL que ce dernier s’est vu communiquer lors d’une entrevue du 9 février 1994 la décision du Gouvernement, également confirmée par le ministre des Finances par lettre du 14 mars 1996, de ne plus accorder le régime fiscal particulier à partir de l’année 1994;

Qu’il a encore retenu qu’abstraction faite de toutes questions de constitutionnalité et de légalité en la matière, il est patent que d’après l’article 9 LIR la fixation du cadre général d’un régime particulier, tel celui arrêté en l’occurrence à l’égard de certains salariés étrangers, dirigeants ou spécialistes de banque, de même que les décisions individuelles en découlant directement échappent à la compétence des organes de l’administration des Contributions directes, cette dernière étant uniquement appelée, d’après ce texte, à formuler ses propositions préalables, de sorte que ni le directeur de l’administration des Contributions directes, ni un quelconque bureau d’imposition ne sont revêtus d’un pouvoir décisionnel y relatif;

Que le tribunal a dégagé des règles de compétence ainsi tracées que la demande en continuation, sinon en restauration du régime particulier en question, formulée d’abord devant le directeur de l’administration des Contributions directes et dirigée par la suite contre les bulletins d’imposition déférés, aurait dû être portée directement contre la, sinon les décision(s) gouvernementale(s) à sa base;

Que le tribunal a déclaré le recours non fondé en ce que la question de la compétence de l’autorité saisie pour statuer sur les contestations d’ordre fiscal lui soumises était une question de fond ;

Que l’appel interjeté contre ce jugement a été déclaré irrecevable pour raison de tardiveté par arrêt de la Cour administrative du 22 février 2000 (n° 11429C du rôle) ;

Considérant que par requête déposée en date du 7 janvier 2000 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … ISSA a introduit “ un recours contre la décision du ministre des Finances dont la date n’a pas été communiquée et qui en tant que telle ne lui a pas été notifiée, de mettre fin au régime fiscal des dirigeants et spécialistes étrangers introduit par décisions du gouvernement en conseil prises les 19 décembre 1986, 30 octobre 1987, le 16 juin 1989 et 23 novembre 1989 ”, en reprenant mutatis mutandis ses arguments antérieurement déployés concernant les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1994 et 1995 critiqués ;

Que plus particulièrement le demandeur sollicite de la part du tribunal de constater que le principe général du respect de la bonne foi a été violé par la modification rétroactive du régime de déduction forfaitaire qui a constitué la base de négociation salariale entre lui-même et son employeur pour en conséquence voir annuler la décision de retrait du régime fiscal 2 particulier instauré en faveur des dirigeants et experts étrangers de banque pour autant que celle-ci concerne son cas particulier ;

Que le délégué du Gouvernement conclut à la recevabilité du recours en la forme tout en argumentant qu’au fond il ne serait pas justifié ;

Que ni l’article 9 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 sur l’impôt sur le revenu, (LIR) ni la décision du Gouvernement en conseil, qui n’a pas de caractère réglementaire, ni enfin des décisions du ministre des Finances dont le demandeur avait bénéficié dans le passé n’auraient autorisé celui-ci à croire à un régime permanent ;

Considérant que sur question spéciale du tribunal, le demandeur a affirmé ne pas se placer dans le cadre de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et ne pas rechercher la décision de ne pas reconduire, ni restaurer le régime spécial dont s’agit en tant qu’acte administratif à caractère réglementaire ;

Que le demandeur de préciser à l’audience son intention de rechercher la décision collective du ministre des Finances lui communiquée au biais de la lettre du directeur des Contributions du 22 mars 1996 adressée à l’association des banques et banquiers Luxembourg, en abrégé “ ABBL ”, de ne plus accorder le régime fiscal particulier en question à partir de l’année 1994 dans la mesure seulement où cette décision ministérielle concerne son cas particulier ;

Considérant que l’article 9 LIR, tel qu’il a été modifié en dernier lieu par la loi du 6 décembre 1990, dispose que “ le ministre des Finances peut, sur la proposition de l’administration des Contributions et après délibération du Gouvernement en Conseil, déterminer forfaitairement l’impôt des personnes qui, venant de l’étranger, établissent leur domicile fiscal au Grand-Duché et cela pour au maximum les dix premières années de cet établissement ”;

Considérant qu’il est constant en cause que par décision du Gouvernement en conseil du 19 décembre 1986 un régime fiscal particulier de certains salariés étrangers de banque, non publié au Mémorial, a été arrêté et fut communiqué par le ministre des Finances en date du 23 février 1987 à l’ABBL ;

Que ce régime a été successivement précisé par décisions du Gouvernement en conseil des 30 octobre 1987, 16 juin 1989 et 23 novembre 1989;

Qu’en application des dispositions qui précèdent le ministre des Finances a statué en dernier lieu sur les demandes d’octroi du régime spécial relatives à l’année d’imposition 1993 introduites par les différents instituts bancaires concernés en faveur de leurs dirigeants et spécialistes, dont l’employeur de Monsieur ISSA, la banque … (Luxembourg) S.A., laquelle a été avisée en date du 21 décembre 1994 par le directeur de l’administration des Contributions directes de la décision ministérielle afférente concernant trois de ses collaborateurs, dont Monsieur ISSA, lequel s’est vu accorder un abattement mensuel de 65.000.- francs pour ladite année;

Considérant que la décision du ministre des Finances de ne plus accorder le régime fiscal particulier en question à partir de l’année d’imposition 1994 constitue dans le chef de Monsieur … ISSA une décision administrative à l’égard de laquelle aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements, de sorte que le tribunal est appelé à statuer à son 3 encontre sur base de l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée, la décision ministérielle de refus en question étant un acte préalable et détachable, indépendant de l’imposition sur le revenu intervenue pour les années fiscales en question et échappant dès lors à la compétence du tribunal telle que définie à l’article 8 de la même loi ;

Considérant que le recours, non autrement critiqué à cet égard est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant qu’au fond Monsieur ISSA admet la possibilité pour le ministre des Finances de ne plus accorder à l’avenir un régime particulier tel celui ayant prévalu jusqu’à l’année d’imposition 1993 incluse, tout en reprochant en tant qu’unique moyen d’annulation la façon de procéder gouvernementale ayant consisté à modifier rétroactivement en 1996 concernant les années d’imposition 1994 et 1995 le régime de déduction forfaitaire qui a constitué la base de négociation salariale avec son employeur, façon de procéder violant d’après lui le principe général du respect de la bonne foi s’imposant également au gouvernement et plus particulièrement au ministre des Finances compétent en l’espèce ;

Considérant que d’après l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée, les cas d’ouverture limitativement énumérés du recours en annulation y prévu, dont est saisi le tribunal, sont l’incompétence, l’excès et le détournement de pouvoir, la violation de la loi, ainsi que la violation des formes destinées à protéger les intérêts privés ;

Qu’il est patent que l’invocation par la partie demanderesse du principe général du respect de la bonne foi ne vise ni le cas d’ouverture de l’incompétence, ni ceux de l’excès ou du détournement de pouvoir, son moyen unique étant tout au plus susceptible d’être analysé sous le double volet d’une violation de la loi ou d’une violation des formes destinées à protéger les intérêts privés ;

Considérant que d’après le régime cadre introduit à travers les délibérations du Gouvernement en Conseil successives précitées des 19 décembre 1986, 30 octobre 1987, 16 juin et 23 novembre 1989, le bénéfice du régime particulier n’est accordé que sur demande, de façon individuelle et à chaque fois pour une année fiscale seulement, à concurrence au maximum des dix premières années de l’établissement de leur domicile fiscal au Grand-Duché de Luxembourg des personnes plus particulièrement visées par l’article 9 LIR ;

Considérant qu’aux termes de l’article 99 de la Constitution aucun impôt au profit de l’Etat ne peut être établi que par une loi, les impôts en question étant votés annuellement conformément à son article 100, les lois qui les établissent n’ayant de force que pour un an, si elles ne sont renouvelées ;

Considérant qu’au-delà de toute prescription constitutionnelle ou légale concernant la validité même du régime particulier dont s’agit, établi par décisions successives du Gouvernement en conseil non publiées au Mémorial, force est de constater que la partie demanderesse admettant la possibilité même de mettre un terme à la faveur du régime spécial accordé en vertu de l’article 9 LIR, ne saurait valablement critiquer le principe de ne plus accorder de façon générale les faveurs de ce régime à partir de l’année d’imposition 1994, étant constant que la bonne foi du Gouvernement et plus particulièrement du ministre des Finances compétent ne saurait être raisonnablement mise en cause, comme de fait elle ne l’a pas été de façon expresse, au vu de la précarité ab initio du régime particulier en question, arrivée à la connaissance des intéressés et ce plus particulièrement de la partie demanderesse ;

4 Que dès lors le moyen est à écarter en tant qu’il aurait visé la non-subsistance du régime particulier en tant que tel ;

Considérant que le moyen a encore été présenté sous la facette que le principe de bonne foi aurait été violé à travers la façon dont la décision ministérielle de mettre fin, voire de ne pas reconduire le régime en question, aurait été portée à la connaissance individuelle des intéressés ;

Considérant qu’il résulte du courrier du directeur des Contributions du 22 mars 1996 précité que la décision ministérielle de ne plus accorder le régime fiscal particulier en question à partir de l’année 1994 a été communiquée par le ministre des Finances aux responsables de l’ABBL lors d’une entrevue du 9 février 1994 ;

Considérant que ni l’article 9 LIR, ni aucune autre disposition légale, ni les décisions du Gouvernement en Conseil précitées ne prévoient de forme spéciale relativement à la manière de porter à la connaissance des intéressées des décisions individuelles relatives au régime spécial instauré, étant constant qu’aucune exigence de forme ou de communication n’a été également prévue ad substantiam conditionnant l’existence du régime particulier dans le chef d’une personne intéressée pour un exercice fiscal concerné ;

Considérant que dans la mesure où des conditions de forme et plus particulièrement de communication de la décision individuelle de mettre un terme à la faveur du régime spécial antérieurement accordé en vertu de l’article 9 LIR ne conditionnent pas l’existence de la décision en question, elles pourraient tout au plus être de nature à influer sur le délai à agir au niveau contentieux, de sorte que le moyen laisse également d’être fondé sous cet aspect ;

Considérant que force est dès lors de constater que le moyen d’annulation formulé n’est pas fondé, abstraction faite de la qualification en termes de responsabilité civile de la façon de procéder des autorités étatiques concernées, question échappant à la compétence du tribunal comme touchant de façon éminente à des droits civils, au sens de l’article 84 de la Constitution ;

Considérant que par voie de conséquence, à défaut d’autre moyen proposé, le recours laisse d’être fondé ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

déclare le recours recevable;

au fond le dit non justifié;

partant en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

5 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 juin 2000 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11768
Date de la décision : 21/06/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-06-21;11768 ?

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