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21/06/2000 | LUXEMBOURG | N°11357

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juin 2000, 11357


N° 11357 du rôle Inscrit le 1er juillet 1999 Audience publique du 21 juin 2000

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Recours formé par Madame …, contre une décision du service d’imposition de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11357 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 1999 par Maître Marc BADEN, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la ré...

N° 11357 du rôle Inscrit le 1er juillet 1999 Audience publique du 21 juin 2000

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Recours formé par Madame …, contre une décision du service d’imposition de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11357 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 1999 par Maître Marc BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation de l’imposition à la base d’une contrainte du 12 juillet 1996 émanant du service de recette de l’administration des Contributions rendue exécutoire le 29 juillet 1996, ainsi que de son époux …, employé privé, agent immobilier, demeurant à L-…, ainsi que d’une feuille d’établissement de l’impôt sur le revenu de l’année 1991 émanant du bureau d’imposition Grevenmacher datant du 10 mai 1996 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Camille FABER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 8 juin 1999 portant signification de ce recours à Monsieur …, employée privé, agent immobilier, demeurant actuellement à L-… ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, conformément à son article 70 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 1999 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Robert LOOS et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mai 2000.

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Madame …, demeurant à L-…, vivant séparée de fait de son époux, Monsieur …, et ayant quitté le domicile commun en date du 11 septembre 1995, se vit communiquer par lettre du mandataire de son époux du 19 décembre 1996 la copie d’une contrainte datant du 12 juillet 1996 émanant du préposé du service de recette de l’administration des Contributions directes, rendue exécutoire le 29 juillet 1996. Aux termes de cette contrainte « le sieur … , employé privé, agent immobilier, demeurant à L- … et son épouse la dame … Martine, employée privée, demeurant L- …, est / sont en retard de payer la somme de frs. sept millions sept cent six mille et trois cent soixante-dix suivant détail ci-après Montant Intérêts Impôt sur le revenu solde 1991 6.756.360 Impôt sur la fortune solde 1992 54.200 Impôt sur la fortune solde 1993 54.200 Impôt sur le revenu av. 1994 114.636 21.774 Impôt sur la fortune solde 1994 54.200 Impôt sur le revenu av. 1995 400.000 46.000 Impôt sur le revenu av. 1996 200.000 5.000 Intérêts dus 72.774

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7.706.370 ».

Un commandement pour les arrières d’impôt en question et pour les intérêts de retard échus ayant par ailleurs été signifié à Madame … le 7 août 1996, celle-ci s’adressa, par l’intermédiaire de son mandataire, au préposé du bureau d’imposition Grevenmacher pour s’enquérir sur l’imposition à la base des contrainte et commandement prévisés. En réponse à cette demande, le préposé remit à Madame … une copie de la feuille d’établissement de l’impôt sur le revenu 1991 de Monsieur et Madame …-… datant du 10 mai 1996, ceci par envoi postal du 8 janvier 1997.

Madame … a alors fait introduire, par l’intermédiaire de son mandataire, « un recours contre l’imposition du revenu et du revenu commercial 1991 des époux Marco …-…, 1954 113 230 donc contre les bulletins IR et ICC » devant le directeur de l’administration des Contributions directes par courrier datant du 23 janvier 1997.

Cette réclamation étant restée sans suite, elle a fait introduire, par requête déposée en date du 1er juillet 1999 un recours contentieux tendant à la réformation des bulletins de l’impôt sur le revenu et de l’impôt commercial communal pour l’année 1991, ainsi qu’à voir dire plus particulièrement « que les époux …-… ne sont pas imposables au titre de l’impôt commercial pour 1991, sinon dire que c’est à tort que l’administration des Contributions a retenu comme base d’imposition au titre de l’impôt commercial pour l’année 1991 un bénéfice commercial des époux …-… de 5.000.000. – francs et dire que l’impôt afférent est à réduire et à fixer en considération du montant correspondant à la situation réelle des époux …-… de ce chef pendant l’année 1991 ».

Le tribunal étant appelé, en vertu des dispositions combinées de l’article 8 (3) alinéa 3 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung », ci-après appelée « AO », à statuer comme juge du fond en la matière, il a compétence pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les bulletins déférés de l’impôt sur le revenu et de l’impôt commercial communal de l’année 1991.

Concernant plus particulièrement le recours dirigé contre le bulletin de l’impôt commercial communal déféré, le délégué du Gouvernement fait remarquer qu’en application 2 du paragraphe 232, alinéa 2 AO, le bénéfice d’exploitation ne peut en principe être valablement critiqué que par une réclamation dirigée contre le bulletin de la base d’assiette.

Il se dégage à cet égard du libellé de la réclamation préalable du 23 janvier 1997 que Madame …, en contestant les cotes respectives d’impôt, a entendu réclamer contre la base d’assiette de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu de l’année 1991 et plus particulièrement contre le bulletin d’établissement du bénéfice commercial. Il y a dès lors lieu d’analyser le recours de Madame … contre le bulletin de l’impôt commercial selon l’intention y sous-jacente, à savoir celle d’agir contre le bulletin de la base d’assiette.

Le délégué du Gouvernement conclut encore à l’irrecevabilité du recours au motif que rien ne permettrait de supposer que les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial et de l’impôt sur le revenu litigieux aient été notifiés à Madame … et que le défaut de notification régulière à son égard ferait que les bulletins en question ne seraient pas susceptibles de lui faire grief, de manière à ne pas pouvoir faire l’objet d’un recours faute d’intérêt à agir dans son chef.

Encore que le tribunal ne puisse constater en l’espèce sur base du dossier présenté que les bulletins critiqués aient été valablement notifiés à Madame …, force est de relever que le défaut de notification d’un bulletin d’imposition ne conditionne pas pour autant son existence juridique, mais uniquement son efficacité à travers la force exécutoire qu’elle lui confère. En effet, le paragraphe 91 AO en disposant dans son alinéa (1) que « Verfügungen (Entscheidungen, Beschlüsse, Anordnungen) der Behörden für einzelne Personen werden dadurch wirksam, dass sie demjenigen zugehen, für den sie ihrem Inhalt nach bestimmt sind (Bekanntgabe) …. », érige le bulletin d’imposition non pas en un acte réceptice, n’ayant d’existence juridique qu’à la condition d’être notifié à son destinataire, mais seulement en un acte ayant une existence juridique propre, sa notification ne conditionnant que ses effets au stade de l’exécution.

Conformément au paragraphe 238 AO qui dispose que « befugt, ein Rechtsmittel einzulegen, ist der, gegen den der Bescheid oder die Verfügung ergangen ist », le destinataire d’un bulletin effectivement émis a qualité pour introduire un recours à son encontre. Aussi, le tribunal administratif, qui conformément à l’organisation juridictionnelle luxembourgeoise, n’est pas le juge des contestations relatives au recouvrement de l’impôt sur le revenu, n’est en principe pas appelé à se prononcer sur le caractère valable ou non de la notification à la base de la mise à exécution d’un bulletin d’imposition, sous peine d’empiéter sur une compétence du juge judiciaire et d’être à l’origine, le cas échéant, de décisions juridictionnelles contradictoires.

D’un autre côté, le juge judiciaire n’est pas compétent pour toiser les questions relatives au principe d'imposition et à la cote d'impôt, de sorte que le refus du juge administratif de connaître de celles-ci au motif d’une notification non conforme à la loi, un bulletin d’imposition ayant été émis, risquerait de priver, le cas échéant, le contribuable d’un recours effectif contre une décision d’imposition lui faisant grief par ailleurs au sens du paragraphe 232 AO.

Une irrégularité, voire un défaut de notification d’un bulletin d’impôt, outre l’incidence éventuelle sur la recevabilité ratione temporis d’un recours dirigé à son encontre, reste en effet sans incidence sur la question de l’intérêt à agir en la matière du destinataire du bulletin, cet intérêt étant conditionné par les dispositions du paragraphe 232 AO et le 3 contribuable étant admis comme se sentant lésé (« sich beschwert fühlt ») par l’imposition nonobstant l’existence d’une irrégularité au niveau de la notification qui, pour effectivement faire obstacle à l’exécution, doit être constatée en dernière analyse par le seul juge judiciaire.

Au-delà de ces considérations tenant à la notification, il y a cependant lieu de relever que conformément à l’article 2 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives « la décision critiquée doit figurer en copie parmi les pièces versées », de même que le paragraphe 246 AO, en disposant dans son alinéa (2) que « ein Rechtsmittel kann eingelegt werden, sobald der Bescheid vorliegt », érige l’émission effective du bulletin en une condition préalable à l’introduction d’un recours à son encontre.

En l’espèce, les bulletins critiqués faisant l’objet du recours n’ont pas été versés au dossier administratif avant la prise en délibéré de l’affaire, de sorte que le tribunal n’a été mis en mesure ni de vérifier leur émission effective, ni encore de statuer utilement à leur encontre.

En effet, la feuille d’établissement de l’impôt sur le revenu, même si elle contient des éléments sur le fond de l’imposition, n’est qu’un acte préalable et préparatoire du bulletin proprement dit et ne saurait partant être confondu avec ce dernier. La même conclusion s’impose en ce qui concerne les contrainte et commandement versés au dossier qui par essence ne font que renseigner sur la dette fiscale en souffrance et ne sauraient partant combler la carence constatée en l’espèce au niveau de la mise à disposition du tribunal des décisions d’imposition critiquées.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours est irrecevable pour violation de l’article 2 de la loi du 21 juin 1999 précitée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en réformation irrecevable ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 juin 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11357
Date de la décision : 21/06/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-06-21;11357 ?

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