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21/06/2000 | LUXEMBOURG | N°11164

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juin 2000, 11164


N° 11164 du rôle Inscrit le 3 mars 1999 Audience publique 21 juin 2000

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Recours formé par la société anonyme DEBELUX AUDIT S.A.

contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt commercial communal

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11164 du rôle, déposée en date du 3 mars 1999 au greffe du tribunal administratif par la société anonyme DEBELUX AUDIT S.A., établie et ayant son siège social à

L-…, représentée par deux membres de son conseil d’administration, en sa qualité d’ayant cause de ...

N° 11164 du rôle Inscrit le 3 mars 1999 Audience publique 21 juin 2000

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Recours formé par la société anonyme DEBELUX AUDIT S.A.

contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt commercial communal

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11164 du rôle, déposée en date du 3 mars 1999 au greffe du tribunal administratif par la société anonyme DEBELUX AUDIT S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par deux membres de son conseil d’administration, en sa qualité d’ayant cause de la société à responsabilité limitée DEBELUX AUDIT S.A.R.L., tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 4 décembre 1998 par laquelle a été rejetée la réclamation introduite auprès dudit directeur en date du 26 septembre 1997, dirigée contre un bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 1994 et un bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de la même année, émis tous les deux sur un même support matériel en date du 26 juin 1997, ayant eu pour objet de faire modifier les prédits bulletins de l’impôt commercial communal et de la base d’assiette;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle la demanderesse a été invitée à indiquer au tribunal si elle entendait maintenir son recours ;

Vu la déclaration de la société anonyme DEBELUX AUDIT S.A., préqualifiée, faite à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 octobre 1999, par laquelle elle a déclaré qu’elle entendait poursuivre le présent recours ;

Vu le mémoire en réponse déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 1999 ;

Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, constatant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure ;

Vu le mémoire en réplique déposé en date du 9 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par la société anonyme DEBELUX AUDIT S.A. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Monsieur …, membre du conseil d’administration de la société anonyme DEBELUX AUDIT S.A. en ses explications ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en ses plaidoiries.

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La société à responsabilité limitée DEBELUX AUDIT S.A.R.L., qui a été établie et a eu son siège social à L-…, fut transformée, par acte notarié du 18 septembre 1996, en société anonyme, étant entendu qu’à cette occasion tous les droits et obligations du prédécesseur de DEBELUX AUDIT S.A. ont été repris par celle-ci, qui a par ailleurs gardé la même adresse comme siège social.

En date du 26 juin 1997, le bureau d’imposition Sociétés IV de l’administration des Contributions directes adressa à DEBELUX AUDIT S.A.R.L. un bulletin de l’impôt commercial communal et un bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal pour l’année 1994, rédigés sur un même support matériel.

Le 26 septembre 1997, la société anonyme DEBELUX AUDIT S.A., en sa qualité d’ayant cause de la société à responsabilité limitée DEBELUX AUDIT S.A.R.L., introduisit une réclamation devant le directeur de l’administration des Contributions directes contre les susdits bulletins.

Le directeur de l’administration des Contributions directes rejeta la réclamation précitée comme étant non fondée, par décision du 4 décembre 1998.

La société anonyme DEBELUX AUDIT S.A. a introduit le 3 mars 1999 un recours en réformation contre, d’une part, la décision directoriale précitée du 4 décembre 1998 ainsi que, d’autre part, contre non seulement le bulletin de l’impôt commercial communal, mais également le bulletin de la base d’assiette relatif audit impôt, établis en date du 26 juin 1997 au sujet de l’année d’imposition 1994.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours dans la mesure où il tend à la modification du bulletin de l’impôt commercial communal, en soutenant que la décision directoriale n’aurait pas statué quant à celui-ci et que la motivation du recours sous analyse ne viserait pas le bulletin en question.

Dans son mémoire en réplique, DEBELUX AUDIT S.A. admet que le recours, dans la mesure où il tend à la modification du bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 1994, émis en date du 26 juin 1997, est “ superflu ” et partant elle déclare retirer son recours dans la mesure où il tend aux fins précitées. Le délégué du gouvernement ne s’y opposant pas, il y a lieu d’en donner acte à la partie demanderesse.

La demanderesse déclare encore dans son prédit mémoire en réplique qu’elle entend maintenir son recours dans la mesure où il tend à la modification du bulletin de la base d’assiette permettant de calculer l’impôt commercial communal.

2 Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée “ Abgabenordnung ” (AO), et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant tranché sur les mérites d’une réclamation dirigée contre le calcul de la base d’assiette servant à déterminer l’impôt commercial communal ainsi que contre le bulletin de l’impôt commercial communal lui-même.

Les signataires de la requête introductive d’instance, à savoir Messieurs … et …, ont valablement pu introduire le recours contentieux sous analyse et représenter dans ce contexte DEBELUX AUDIT S.A., étant donné qu’ils sont tous les deux membres du conseil d’administration de DEBELUX AUDIT S.A., telle que cela résulte d’un extrait du registre de commerce et des sociétés daté au 7 mai 1998 et déposé au greffe du tribunal administratif ensemble avec le mémoire en réplique, à la suite de la question formulée par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse quant au fait de savoir si les personnes précitées ont valablement pu représenter DEBELUX AUDIT S.A., et que, d’après le même extrait du registre de commerce et des sociétés, DEBELUX AUDIT S.A. est valablement représentée en toute circonstance par la signature de deux de ses administrateurs.

Le recours en réformation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse reproche au directeur de l’administration des Contributions directes de ne pas avoir fait droit à sa réclamation dirigée contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal dans la mesure où celui-ci a ajouté au bénéfice commercial soumis à l’impôt commercial le salaire du gérant-associé, conformément au paragraphe 8, point 6 de la loi modifiée du 1er décembre 1936 sur l’impôt commercial communal, communément appelée “ Gewerbesteuergesetz ” en abrégé “ GewStG ”.

Tout en ne contestant pas la légalité du bulletin de la base d’assiette et de la décision directoriale intervenue à la suite de la réclamation portée devant le directeur de l’administration des Contributions directes, en ce que ces deux décisions seraient conformes au paragraphe 8, points 6 et 7 GewStG, dans la mesure où le gérant, dont le salaire a été ajouté au bénéfice commercial soumis à l’impôt commercial, possède une participation substantielle (“ wesentlich ”) dans la société anonyme DEBELUX AUDIT S.A., dépassant 25% du capital de ladite société, elle estime néanmoins que le paragraphe 8 point 6 GewStG serait contraire au principe d’égalité prévu aux articles 11 et 101 de la Constitution. Dans ce contexte, elle demande au tribunal administratif de poser à la Cour Constitutionnelle, conformément à l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, une question préjudicielle de la teneur suivante : Le “ paragraphe 8 N° 6 Gewerbesteuer-Gesetz du 1er décembre 1936 en vigueur jusqu’au 31 décembre 1998, et disposant que les salaires et autres rémunérations payés par des sociétés de capitaux à des personnes ayant une participation importante (ou à leur conjoint) pour une occupation dans l’entreprise était-il compatible avec le principe de l’égalité des Luxembourgeois devant la loi édicté à l’article 11 (nouvellement article 10bis) de la Constitution ? ”.

Elle soutient, d’une part, que la Cour constitutionnelle allemande aurait, par arrêt du 24 janvier 1962, déclaré contraire à la Constitution allemande une disposition légale identique, comprise dans les lois fiscales allemandes, à celle incluse au paragraphe 8 point 6 GewStG, et, 3 d’autre part, que la disposition légale luxembourgeoise aurait pour conséquence de créer une discrimination entre les sociétés de capitaux, à savoir les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes gérées par une personne y possédant une participation substantielle, dépassant 25% du capital social et les autres sociétés de capitaux ainsi que les entreprises individuelles ou les sociétés de personnes. Ainsi, les sociétés de capitaux gérées par des personnes y possédant une participation substantielle devraient, du fait de l’ajout du salaire de ce gérant au bénéfice commercial soumis à l’impôt commercial communal, payer un impôt commercial communal plus élevé que celui qui serait à payer par les autres sociétés de capitaux. Dans le cas d’espèce, le supplément d’impôt commercial communal qui serait à payer par elle au titre de l’année d’imposition 1994 du fait de l’ajout du salaire du gérant possédant une participation substantielle dans la société, s’élèverait à 177.000.- francs.

Dans ses développements, la demanderesse souligne que le point 6 en question du paragraphe 8 GewStG a été biffé par l’article XXI point 1 de la loi du 12 février 1999 concernant la mise en œuvre du plan d’action national en faveur de l’emploi 1998 avec effet au 1er janvier 1999, au motif que cette disposition aurait eu un caractère discriminatoire. Cette modification législative prouverait partant le caractère discriminatoire de la disposition légale en question et que celle-ci n’aurait pas été en conformité avec les articles 11 et 101 de la Constitution.

La demanderesse estime encore qu’il n’y aurait aucune raison objective de faire une différenciation entre les sociétés de capitaux comprenant un gérant possédant une fraction du capital social supérieure à 25% et les autres sociétés de capitaux, d’autant plus que les deux types de sociétés possèdent la même structure juridique et qu’elles seraient traitées de la même façon par les autres dispositions légales applicables à leur forme juridique. Le seul fait que la première catégorie de sociétés ci-avant mentionnées possède un ou des dirigeants possédant une participation substantielle dans le capital de la société et que la règle prévue au point 6 du paragraphe 8 GewStG a le cas échéant eu pour objet d’éviter que par le biais du paiement de salaires élevés à ces dirigeants possédant une participation substantielle dans le capital de la société, le bénéfice commercial soumis à l’impôt commercial soit diminué abusivement, ne saurait, de l’avis de la demanderesse, justifier la disposition légale en question.

Elle fait encore valoir que même si le droit fiscal luxembourgeois traite différemment les sociétés de personnes, soumises à l’impôt sur le revenu, et les sociétés de capitaux, soumises à l’impôt sur le revenu des collectivités, ce qui entraînerait que du point de vue notamment de l’impôt commercial communal, les sociétés de capitaux et les sociétés de personnes seraient traitées de manière inégale, il n’y aurait cependant pas de raison permettant de justifier un traitement différent entre certains types de sociétés de capitaux, suivant la structure de leur actionnariat et la participation de leurs dirigeants dans le capital social.

Partant, dans le cadre de l’examen, sur base de l’article 101 de la Constitution, ayant pour objet de vérifier si entre certains types de sociétés de capitaux, il existe une différence de traitement du point de vue fiscal, il y aurait lieu de prendre en considération les sociétés de capitaux dans lesquelles le gérant possède une participation dans le capital de la société dépassant 25% et les autres, sans que les sociétés de capitaux possédant un dirigeant participant substantiellement au capital social ne puissent être comparées dans ce contexte aux sociétés de personnes.

Dans le cadre de l’analyse du caractère discriminatoire de la disposition légale incriminée, il y aurait encore lieu d’analyser si la discrimination en question est susceptible 4 d’être justifiée objectivement et s’il existe le cas échéant des arguments convaincants permettant de défendre cette inégalité de traitement entre ces deux types de sociétés qui font tous les deux partie des sociétés de capitaux d’une manière générale. A ce sujet, elle soutient que non seulement la disposition légale incriminée aurait pour conséquence une imposition plus élevée des sociétés de capitaux dirigées par un ou des gérants possédant une participation substantielle dans le capital social, mais qu’il n’existerait en outre aucune raison objective d’instituer un tel traitement discriminatoire à l’égard de ce type de sociétés de capitaux. Le seul fait que le point 6 du paragraphe 8 GewStG aurait pu avoir pour objectif d’éviter la réduction injustifiée du bénéfice commercial par le biais du paiement de salaires exagérés aux dirigeants sociaux, possédant individuellement plus de 25% du capital social, ne saurait d’après elle justifier cette discrimination dans la mesure où cette disposition légale s’applique également aux sociétés de capitaux dont les dirigeants perçoivent un salaire qui n’est pas disproportionné.

La demanderesse s’interroge encore sur l’effet que pourrait avoir le cas échéant la constatation, par la Cour Constitutionnelle, sur question préjudicielle à lui poser, de la non conformité de la disposition légale incriminée à la Constitution. Elle estime dans ce contexte que le point 6 du paragraphe 8 en question devrait être annulé par la Cour Constitutionnelle “ de manière rétroactive ”.

Le délégué du gouvernement soutient que l’article 11 de la Constitution ne viserait que l’égalité devant la loi et limiterait ainsi le pouvoir décisionnel des auteurs d’actes réglementaires, mais non celui du législateur lui-même. L’article 101 de la Constitution quant à lui s’appliquerait bien au législateur, mais il n’interdirait pas des réglementations spéciales permettant de traiter différemment certaines catégories d’assujettis dans la mesure où ces différences de traitement peuvent être justifiées par leur objet ou la matière. Il estime que la disposition incriminée est essentiellement justifiée par le fait que comme les sociétés de capitaux dirigées par des gérants possédant une participation substantielle dans le capital social, dépassant 25% de celui-ci, constituent essentiellement des petites et moyennes entreprises, il y aurait lieu d’éviter que le bénéfice commercial de la société ne soit diminué de salaires, même appropriés, versés aux prédits gérants, entraînant que le résultat de la société ne sera pas imposable au titre du bénéfice commercial mais au titre de l’impôt sur le revenu, ce qui serait illustré par le cas d’espèce dans lequel l’associé, dont le salaire en tant que gérant a été rajouté au bénéfice commercial, possédait une participation de 80%.

De même, il relève que la demanderesse ne contesterait pas que ce type de sociétés de capitaux pourrait plus facilement faire l’objet d’abus de structure de droit civil que la disposition incriminée aurait pour objet d’éviter, dans la mesure où elle aurait en outre pour souci d’assurer une certaine sécurité juridique et la différence de traitement existant entre les deux catégories de sociétés de capitaux, dont fait état la demanderesse, serait de ce fait justifiée objectivement du point de vue du droit luxembourgeois.

Le représentant étatique conclut au non fondé de la question préjudicielle à soumettre à la Cour Constitutionnelle suggérée par la demanderesse.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse estime que, contrairement à l’argumentation développée par le délégué du gouvernement, le principe d’égalité tel que figurant à l’article 11, alinéa 2 de la Constitution, devenu l’article 10bis de la loi fondamentale, s’appliquerait également au législateur, tel que cela ressortirait des récents arrêts de la Cour Constitutionnelle.

5 Elle critique encore dans ledit mémoire en réplique le fait que le délégué du gouvernement a exprimé l’avis qu’il n’y aurait pas lieu de tolérer une réduction inacceptable du bénéfice commercial par le paiement d’un salaire, même approprié, au gérant disposant d’une participation substantielle dans le capital social, dans la mesure où le gérant ne possédant pas une telle participation substantielle dans le capital social pourrait se voir payer un salaire beaucoup plus élevé, qui pourrait le cas échéant être inapproprié, réduisant le bénéfice commercial ainsi que l’impôt commercial communal d’une manière beaucoup plus importante sans que la disposition incriminée ne soit applicable à ce type de situation. Ce déséquilibre entre les deux types de situations prouverait que l’objectif recherché prétendument par le législateur n’aurait pas pu être atteint de manière satisfaisante dans la mesure où il aurait existé des sociétés de capitaux dont le bénéfice commercial aurait été réduit d’une manière inacceptable du fait du paiement de salaires élevés à cette catégorie de dirigeants sans que, du point de vue légal, ces salaires n’auraient pu être pris en considération en vue de les rajouter au bénéfice commercial dans le cadre de la détermination de l’impôt commercial communal. Un tel traitement inégalitaire entre ces deux types de sociétés de capitaux prouverait que le principe de la proportionnalité serait violé.

Elle exprime encore ses réserves quant à la question de savoir si les sociétés de capitaux dirigées par des gérants possédant une participation substantielle dans le capital social sont davantage exposées à un risque d’abus de structure de droit civil que d’autres sociétés de capitaux et, dans ce contexte, elle est d’avis que de tels comportements inacceptables pourraient être rencontrés par d’autres moyens se trouvant à la disposition de l’administration des Contributions notamment sur base de la loi d’adaptation fiscale.

Le paragraphe 8 GewStG, dans sa teneur applicable au cas d’espèce, dispose que :

“ Dem Gewinn aus Gewerbebetrieb (§7) werden folgende Beträge wieder hinzugerechnet, soweit sie bei der Ermittlung des Gewinns abgesetzt sind : (…) 6. Gehälter und sonstige Vergütungen jeder Art, die von einem im §2 Abs. 2 Ziffer 2 und Abs. 3 bezeichneten Unternehmen an wesentlich Beteiligte oder an ihre Ehegatten für eine Beschäftigung im Betrieb gewährt worden sind (…) ”.

Ladite disposition légale, applicable au présent litige, a été abrogée par l’article XXI point 1 de la loi précitée du 12 février 1999 avec effet au 1er janvier 1999, d’après l’article XXX, paragraphe (5) de la loi en question. Cette abrogation des dispositions du n° 6 du paragraphe 8 GewStG entraîne que les salaires des associés/gérants et des actionnaires - ainsi que de leurs conjoints - qui possèdent ensemble avec leurs proches parents une participation de plus de 25% dans la société de capitaux, ne sont plus à réintégrer au bénéfice d’exploitation pour le calcul de l’impôt commercial communal.

Avant cette modification législative, et sur base du texte de loi applicable au présent litige, les salaires des associés - gérants étaient considérés comme non déductibles et pour cette raison ils ont été réintégrés au bénéfice. D’après la chambre de commerce (v. trav. parl. 44594, avis du 13 octobre 1998, page 36) cette simplification élimine “ le risque de traitement inégal entre les s.à r.l. et les S.A. dans lesquelles, par définition, les actionnaires peuvent ne pas être connus ”.

6 Le Conseil d’Etat, quant à lui, a estimé dans son avis du 24 novembre 1998 (v. trav.

parl. 445910, page 27) que “ la mesure envisagée ne semble être que partielle alors qu’à la lecture des avis des chambres professionnelles compétentes la solution ne serait pas de nature à enlever toutes les discriminations ”.

Les entreprises qui étaient visées par le point 6 du paragraphe 8 précité constituent, d’après le paragraphe 2, alinéa 2, point 2 GewStG notamment les sociétés de capitaux, telles les sociétés anonymes ainsi que les sociétés à responsabilité limitée.

Par ailleurs, en vertu du règlement d’application de la loi sur l’impôt commercial communal du 31 janvier 1940 et plus particulièrement de son paragraphe 20, alinéa 2, sont à considérer comme “ wesentlich Beteiligte ” les personnes physiques qui soit seules soit ensemble avec leurs proches parents possèdent plus de 25% du capital social de l’entreprise.

La demanderesse, tout en rappelant que les points 5 et 6 du paragraphe 8 précité ont été abrogés avec effet au 1er janvier 1999, par l’article XXI de la loi précitée du 12 février 1999, estime que la réglementation ainsi abrogée, restant toutefois applicable à la présente instance, violerait les articles 11 et 101 de la Constitution.

C’est à tort que le délégué du gouvernement estime que l’article 11 (2)(devenu, après modification, l’article 10bis) de la Constitution ne serait opposable qu’aux auteurs d’actes réglementaires et non pas au législateur lui-même dans la mesure où ladite disposition constitutionnelle ne prévoirait que l’égalité devant la loi, étant donné qu’une telle restriction ne figure ni à l’article 11 (2) en question ni dans une autre disposition constitutionnelle et que la Cour Constitutionnelle a fait application dudit article 11 (2) à l’égard de dispositions légales, tel que cela ressort notamment des arrêts de la Cour Constitutionnelle des 5 mai 2000, 9 juillet et 26 mars 1999.

Avant tout autre progrès en cause, le tribunal doit analyser s’il y a lieu de soumettre à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle telle que suggérée par la demanderesse.

L’article 6 alinéa 1er de la loi précitée du 27 juillet 1997, dispose que : “ Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :

a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ;

b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;

c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet ”.

L’article 11 paragraphe (2) de la Constitution, devenu l’article 10bis dans une version légèrement remaniée lors de la révision constitutionnelle du 29 avril 1999, dans sa version applicable au présent litige, c’est-à-dire avant la révision constitutionnelle précitée, disposait 7 que : “ Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, seuls ils sont admissibles aux emplois, civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers ”.

D’après la demanderesse, cette disposition constitutionnelle devrait être interprétée en matière fiscale au regard de l’article 101 de la Constitution en vertu duquel “ il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts. Nulle exemption ou modération ne peut être établie que par une loi ”.

La Cour Constitutionnelle a décidé dans son arrêt du 5 mai 2000, n° 9/2000 que “ la mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée ” et que “ le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but ”. Cette interprétation de l’article 11 (2) (devenu, après modification, l’article 10bis) de la Constitution avait déjà été retenue antérieurement par la Cour Constitutionnelle dans ses arrêts des 9 juillet 1999, n° 08/99 et 26 mars 1999, n° 7/99.

Il échet partant au tribunal d’analyser en premier lieu si les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard du paragraphe 8 , point 6 GewStG.

Dans ce contexte, la demanderesse reproche à la législation critiquée de faire une distinction entre les sociétés à responsabilité limitée dans lesquelles le gérant possède une participation dépassant 25% du capital social et celles dans lesquelles le gérant possède une participation dans le capital social en question ne dépassant pas 25%.

Le tribunal constate tout d’abord qu’il existe une différence de traitement entre les deux situations juridiques prévisées, dans la mesure où un même type de sociétés est imposé différemment, au titre de l’impôt commercial communal, selon que le gérant possède ou non une participation dépassant 25% du capital social.

Par ailleurs, les deux types de situations sont tout à fait comparables au regard de la mesure critiquée.

Le tribunal doit notamment analyser si, sur base des critères retenus par la Cour Constitutionnelle, la question préjudicielle suggérée est à considérer comme étant dénuée de tout fondement, au sens de l’article 6, alinéa 1er, point b) de la loi précitée du 27 juillet 1997. Il y a partant lieu d’examiner s’il existe des critères objectifs pouvant rationnellement justifier la différence de traitement retenue ci-avant et si cette inégalité de traitement est adéquate et proportionnée à son but.

Il appartient partant au juge administratif de rechercher l’objectif de la mesure légale ainsi incriminée. Dans ce contexte, il échet de constater, comme l’a d’ailleurs remarqué le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, que la disposition légale incluse dans l’ancien paragraphe 8, point 6 GewStG était essentiellement justifiée par le fait que le législateur voulait éviter une réduction abusive du bénéfice commercial soumis à l’impôt 8 commercial par le biais du paiement au gérant possédant plus de 25% des parts représentatives du capital social d’un salaire élevé, ayant pour conséquence que l’Etat soit n’était plus en mesure d’imposer une telle société au titre de l’impôt commercial communal, au cas où, par le biais de ce mécanisme, le bénéfice commercial soumis à l’impôt commercial était réduit à zéro du fait du paiement d’un tel salaire abusif, soit percevait un impôt commercial communal très réduit. L’objectif poursuivi par le législateur, avant la modification législative précitée du 12 février 1999, consistait donc à contrecarrer de tels comportements abusifs de la part des sociétés soumises à l’impôt commercial communal.

Le critère de distinction ainsi retenu par le législateur, sur base duquel il est appliqué une différence de traitement entre les sociétés dans lesquelles le gérant possède plus de 25% des parts représentatives du capital social et celles dans lesquelles le gérant possède moins de 25% desdites parts, est à qualifier d’objectif dans la mesure où il s’appliquait indistinctement à toutes les sociétés à responsabilité limitée sans qu’il a pu y avoir un risque d’arbitraire. Par ailleurs, cette différence de traitement a pu être rationnellement justifiée dans la mesure où il appartient à l’Etat de veiller à une juste et exacte perception de l’impôt commercial communal, en interdisant tout comportement frauduleux de la part des contribuables, susceptible d’entraîner une réduction abusive du bénéfice commercial soumis à l’impôt en question. Enfin, il y a lieu de considérer ladite mesure comme étant adéquate et proportionnée à son but.

Il ressort des considérations qui précèdent que le moyen tiré d’une violation des articles 11 (2) (devenu, après modification, l’article 10bis) et 101 de la Constitution est dénué de fondement.

En l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de question préjudicielle formulée par la demanderesse dans la mesure où le tribunal administratif est en mesure, sur base notamment des arrêts rendus par la Cour Constitutionnelle, de solutionner lui-même la question de droit développée par la demanderesse, en arrivant à la conclusion, sur base des critères fixés par la Cour Constitutionnelle dans les arrêts précités, permettant de déterminer les cas dans lesquels des inégalités de traitement sont à considérer comme ne comportant aucune violation des articles 11 (2) (devenu, après modification, l’article 10bis) et 101 de la Constitution, que le raisonnement ainsi soumis à la juridiction est dénué de tout fondement. Il n’y a partant pas lieu de faire droit à la demande en question.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

donne acte à la partie demanderesse que le recours ne tend pas à la modification du bulletin de l’impôt commercial communal ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

rejette la demande tendant à la saisine de la Cour Constitutionnelle d’une question préjudicielle ;

déclare le recours non fondé, partant en déboute ;

9 condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 21 juin 2000 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11164
Date de la décision : 21/06/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-06-21;11164 ?

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