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21/06/2000 | LUXEMBOURG | N°10539

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juin 2000, 10539


Numéro 10539 du rôle Inscrit le 30 janvier 1998 Audience publique du 21 juin 2000 Recours formé par les époux … MIRARCHI et …, …(F) contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 10 en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 10539 du rôle, déposée le 30 janvier 1998 au greffe du tribunal administratif par les époux … MIRARCHI et …, demeurant à F-…, ayant élu domicile auprès de la soc

iété …, L-…, tendant à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1996 é...

Numéro 10539 du rôle Inscrit le 30 janvier 1998 Audience publique du 21 juin 2000 Recours formé par les époux … MIRARCHI et …, …(F) contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 10 en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 10539 du rôle, déposée le 30 janvier 1998 au greffe du tribunal administratif par les époux … MIRARCHI et …, demeurant à F-…, ayant élu domicile auprès de la société …, L-…, tendant à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1996 émis le 29 mai 1997 par le bureau d'imposition Luxembourg 10, suite au silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions face à leur réclamation du 7 juin 1997;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 septembre 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 1998 par les époux MIRARCHI-GÉRARD;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin d’impôt critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur … MIRARCHI en ses explications, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en ses plaidoiries.

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Les époux … MIRARCHI et …, résidant à F-…, ayant élu domicile auprès de la société …, L-…, travaillent l’un et l’autre au Grand-Duché de Luxembourg.

A l’examen de leur bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1996 daté au 29 mai 1997, établi par le bureau d’imposition Luxembourg 10, ils ont constaté qu’aucun des abattements pour dépenses spéciales et charges extraordinaires par eux sollicités du chef de cotisations d’assurances, intérêts débiteurs et frais de garde d’enfants ne leur avait été accordé, alors même qu’ils exposent avoir dûment justifié ces frais réels. Le refus de déduction est motivé par la considération que « les assurances ainsi que les intérêts débiteurs pour les non résidents sont uniquement déductibles jusqu’à 36.000 F ».

Le 7 juin 1997, les époux MIRARCHI ont dirigé contre le bulletin d’impôt précité une réclamation adressée au directeur de l’administration des Contributions directes. Celui-ci n’a pas, dans la suite, statué sur leur demande.

Suite au silence du directeur de l’administration des Contributions directes, les époux MIRARCHI ont introduit contre ce même bulletin d’impôt un recours devant le tribunal administratif par requête déposée le 30 janvier 1998.

Le délégué du Gouvernement estime en premier lieu qu’il y a lieu d’inviter les demandeurs à élire domicile sur le territoire du Grand-Duché pour y recevoir les notifications du tribunal, étant donné que la conception luxembourgeoise de la souveraineté territoriale des Etats n’admettrait pas une notification à l’étranger des décisions des autorités administratives ou judiciaires.

A cet égard, il y a lieu de donner acte aux demandeurs de leur élection de domicile auprès de la société … établie à L-…, employeur de Monsieur … MIRARCHI. Le moyen d’irrecevabilité afférent est partant à écarter.

Le délégué du Gouvernement soulève en second lieu l’irrecevabilité du recours pour autant qu’introduit par le demandeur « pour le compte des époux » en considérant que l’impôt frappe les personnes et non pas les foyers, même en cas d’imposition collective, et ne peut ainsi causer de tort et ouvrir de voie de recours qu’à celui des époux qui est effectivement imposé. De plus, un mandat conféré par l’épouse au mari se heurterait devant le tribunal administratif au monopole de représentation des avocats, réviseurs d’entreprises et experts-

comptables consacré par l’article 109 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif.

Il est vrai que l’impôt sur le revenu frappe les personnes et non pas les ménages, de sorte que chaque époux constitue un contribuable distinct, même si les deux époux sont ensemble redevables d’une même cote d’impôt, qui doit entamer pour son propre compte les voies de recours lui ouvertes à l’encontre d’un bulletin d’impôt dont il est le destinataire. En l’espèce, les époux MIRARCHI ont agi devant le tribunal administratif moyennant une requête collective dirigée contre le même bulletin d’impôt litigieux du 29 mai 1997 fixant une cote d’impôt sur le revenu commune à leur encontre de sorte que le recours ainsi introduit n’encourt pas d’irrecevabilité de ce chef (cf. trib. adm. 27 octobre 1999, Greiveldinger, n° 11196, Pas. adm. 1/2000, v° Impôts, n° 172).

Quant au moyen du délégué du Gouvernement que Monsieur MIRARCHI a exercé la voie de recours de Madame … devant le tribunal administratif par représentation de celle-ci, il échet de constater qu’il ressort de la formulation de la requête déposée au greffe du tribunal le 14 août 1997 que le recours, tout comme la réclamation du 16 novembre 1996, a été introduit par les époux MIRARCHI-… agissant ensemble. L’omission de la signature de Madame MIRARCHI-… in fine de la requête ayant été régularisée avant le rapport à l’audience, le recours n’encourt pas d’irrecevabilité de ce chef.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 2 3. de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin de l'impôt sur le revenu en cas de défaut de décision du directeur suite à une réclamation contre ce bulletin de la part du contribuable. Les demandeurs, qui ne sont pas des professionnels de la postulation, étant censés avoir formé le recours prévu par la loi à défaut d’avoir eux-mêmes autrement spécifié sa nature, il s’ensuit que le recours est recevable comme tendant à la réformation du bulletin déféré pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

Dans leur requête introductive, les demandeurs précisent que l’ensemble de leurs revenus mondiaux proviennent de leur activité salariée au Grand-Duché et que les déductions par eux déclarées leur ont été refusées sur base de leur qualité de non-résidents. Ils renvoient à la fois à une recommandation de la Commission européenne du 21 décembre 1993 et à l’arrêt Schumacker de la Cour de Justice des Communautés européennes du 14 février 1995 pour conclure que les articles 48, 52 et 59 du Traité de Rome imposeraient l’obligation au bureau d'imposition de les faire bénéficier des mêmes déductions du chef des dépenses en cause que celles prévues en faveur des contribuables résidents.

A l’audience, Monsieur MIRARCHI a déclaré reprendre les mêmes moyens, et plus particulièrement le défaut d’une notification valable du bulletin d’impôt du 29 mai 1997, que ceux par lui également présentés oralement dans l’affaire concernant le bulletin l'impôt sur le revenu pour l’année 1995 et ayant donné lieu à un jugement du tribunal administratif du 14 décembre 1998 (n° 10236 du rôle), renonçant ainsi implicitement mais nécessairement à ses autres moyens au fond.

Eu égard à ces conclusions, il y a lieu de constater que le litige est devenu sans objet à travers la renonciation des demandeurs à l’ensemble de leurs moyens présentés quant au fond.

Encore que le tribunal ne puisse constater en l’espèce sur base du dossier présenté que les bulletins initialement critiqués aient été valablement notifiés aux demandeurs, force est de constater que le défaut de notification d’un bulletin d’imposition ne conditionne pas son existence juridique, mais uniquement son efficacité à travers la force exécutoire qu’elle lui confère. En effet, le paragraphe 91 AO, en disposant dans son alinéa (1) que « Verfügungen (Entscheidungen, Beschlüsse, Anordnungen) der Behörden für einzelne Personen werden dadurch wirksam, dass sie demjenigen zugehen, für den sie ihrem Inhalt nach bestimmt sind (Bekanntgabe) …. », érige le bulletin d’imposition non pas en un acte réceptice, n’ayant d’existence juridique qu’à la condition d’être notifié à son destinataire, mais seulement en un acte ayant une existence juridique propre, sa notification ne conditionnant que ses effets au stade de l’exécution.

Dans la mesure où conformément au paragraphe 238 AO qui dispose que « befugt, ein Rechtsmittel einzulegen, ist der, gegen den der Bescheid oder die Verfügung ergangen ist », le destinataire d’un bulletin effectivement émis a qualité pour introduire un recours à son encontre, le tribunal administratif, qui conformément à l’organisation juridictionnelle luxembourgeoise, n’est pas le juge des contestations relatives au recouvrement de l’impôt sur le revenu, n’est en principe pas appelé à se prononcer sur le caractère valable ou non de la notification à la base de la mise à exécution d’un bulletin d’imposition, sous peine d’empiéter sur une compétence du juge judiciaire et d’être à l’origine, le cas échéant, de décisions juridictionnelles contradictoires.

3 D’un autre côté, le juge judiciaire n’est pas compétent pour toiser les questions relatives au principe d'imposition et à la cote d'impôt, de sorte que le refus du juge administratif de connaître de celles-ci au motif d’une notification non conforme à la loi, un bulletin d’imposition ayant été émis, risquerait de priver, le cas échéant, le contribuable d’un recours effectif contre une décision d’imposition lui faisant grief par ailleurs au sens du paragraphe 232 AO.

Une irrégularité, voire un défaut de notification d’un bulletin d’impôt, outre l’incidence éventuelle sur la recevabilité ratione temporis d’un recours dirigé à son encontre, reste en effet sans incidence sur la question de l’intérêt à agir en la matière du destinataire du bulletin, cet intérêt étant conditionné par les dispositions du paragraphe 232 AO et le contribuable étant admis comme se sentant lésé (« sich beschwert fühlt ») par l’imposition nonobstant l’existence d’une irrégularité au niveau de la notification qui, pour effectivement faire obstacle à l’exécution, doit être constatée en dernière analyse par le seul juge judiciaire.

L’affaire étant devenue sans objet à travers la renonciation des demandeurs à l’ensemble de leurs moyens présentés au fond, les frais resteront intégralement à leur charge.

PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare sans objet, laisse les frais à charge des demandeurs.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 21 juin 2000 par M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10539
Date de la décision : 21/06/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-06-21;10539 ?

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