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14/06/2000 | LUXEMBOURG | N°11526

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juin 2000, 11526


No. 11526 du rôle Inscrit le 7 septembre 1999 Audience publique du 14 juin 2000 Recours formé par Monsieur … WELSCH, …, et 116 autres consorts contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de Monsieur … HENKES, … en matière de protection de la nature

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Vu la requête déposée le 7 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Pol Urbany, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des Avocats à Diekirch, au nom

de 1) Monsieur … WELSCH, fonctionnaire, demeurant à …;

2) à 117) …;

tendant à la réfor...

No. 11526 du rôle Inscrit le 7 septembre 1999 Audience publique du 14 juin 2000 Recours formé par Monsieur … WELSCH, …, et 116 autres consorts contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de Monsieur … HENKES, … en matière de protection de la nature

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Vu la requête déposée le 7 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Pol Urbany, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des Avocats à Diekirch, au nom de 1) Monsieur … WELSCH, fonctionnaire, demeurant à …;

2) à 117) …;

tendant à la réformation de la décision prise en date du 30 avril 1999 pour le ministre de l’Environnement par le premier conseiller de gouvernement Guy Weiss, autorisant Monsieur … Henkes, marchand de bestiaux, demeurant à L-7680 …, 9, rue de Christnach, à transformer une étable en porcherie sur un fonds sis à …, inscrit au cadastre de la commune de …, section B de …, sous le numéro 789/4228.

Vu l’exploit d’huissier de justice du 6 septembre 1999 par lequel cette requête a été signifiée à Monsieur Henkes, Vu le mémoire en réponse déposé le 10 novembre 1999 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement, Vu le mémoire en réplique déposé en date du 10 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Pol Urbany, Vu le mémoire en réponse déposé en date du 14 décembre 1999 par Maître Edith Reiff, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des Avocats du Barreau de Diekirch, au nom de Monsieur … Henkes, Vu le mémoire en duplique déposé en date du 6 janvier 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Edith Reiff;

Vu le mémoire en réplique déposé en date du 17 mars 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Pol Urbany;Vu le mémoire complémentaire déposé en date du 17 avril au greffe du tribunal administratif par Maître Pol Urbany;

Vu le mémoire supplémentaire déposé en date du 5 mai 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Edith Reiff;

Vu le complément au mémoire en duplique déposé en date du 5 mai 2000 par Maître Edith Urbany;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Vu la visite des lieux du 28 mars 2000;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Maîtres Pol Urbany et Edith Reiff, ainsi que Monsieur le délégué de gouvernement Guy Schleder et Madame le délégué de gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries respectives.

Le 27 janvier 1999, Monsieur … Henkes, marchand de bestiaux, demeurant à L- 7680 …, 9, rue de Christnach, a introduit une demande d’autorisation de procéder à la transformation d’une étable en porcherie sur un fonds sis à …, inscrit au cadastre de la commune de …, section B de …, sous le numéro 789/4228.

Par décision du 30 avril 1999, cette autorisation lui a été accordée en vertu de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, par « pour le Ministre de l’Environnement, le Premier Conseiller de Gouvernement ».

Par requête déposée le 7 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif, 117 personnes, préqualifiés, habitant les villages de Christnach et … ont introduit un recours en réformation contre cette décision.

Le tribunal administratif étant compétent en vertu des dispositions de l’article 38 de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles pour statuer au fond en la matière, le recours en réformation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

1) Quant à la procédure:

Les requérants font valoir que le litige soumis à l’appréciation du tribunal serait régi par l’ancienne procédure telle qu’elle résulte de l’arrêté grand-ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, tel que rendu applicable devant les juridictions de l’ordre administratif par l’article 98 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif en attendant l’entrée en vigueur des loi et règlement prévus aux articles 55 et 82 de la loi du 7 novembre 1996.

Le recours dont est saisi le tribunal a été introduit en date du 7 septembre 1999, soit avant l’entrée en vigueur de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dont l’entrée en vigueur a été fixée par l’article 69 de cette même loi au 16 septembre 1999.

L’article 70 de la loi du 21 juin 1999 précité prévoit, au titre de mesures transitoires relativement aux affaires introduites avant l’entrée en vigueur de cette loi et n’ayant pas fait l’objet d’un jugement du tribunal administratif avant la fin de l’année judiciaire 1998/1999, que, dans les affaires dans lesquelles seule la requête introductive aura été communiquée, le tribunal enjoindra au demandeur de déclarer au greffe s’il entend poursuivre son recours. En cas de réponse positive, l’affaire sera, toujours suivant les dispositions de l’article 70 de la loi du 21 juin 1999, instruite conformément aux dispositions de la loi du 21 juin 1999.

Dans le cadre de l’affaire dont le tribunal a à connaître, il a été enjoint aux parties requérantes, par ordonnance du 27 septembre 1999, de faire savoir si elles entendaient poursuivre l’affaire. Au vu de la réponse positive formulée par ces parties, il a été décidé par jugement du 15 novembre 1999 que l’affaire serait instruite suivant la nouvelle procédure telle qu’elle résulte de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

L’article 70 de la loi du 21 juin 1999 ne prévoit pas que le jugement décidant de l’application de la nouvelle procédure soit notifié aux parties. Il faut en conclure que les requérants ne sauraient se prévaloir de l’absence de notification du jugement du 15 novembre 1999 pour conclure à l’application de l’ancienne procédure.

Il y a lieu d’analyser l’incidence de l’aplication de la nouvelle procédure sur l’admissibilité des différents mémoires déposés par les parties.

En vertu de l’article 5 de la loi du 21 juin 1999, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avoué et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive. Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse. La partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois. L’article 7 de la même loi prévoit qu’il ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive.

Les requérants ont déposé leur recours en date du 7 septembre 1999. Ce recours a été signifié au défendeur … Henkes en date du 6 septembre 1999. Le délégué du gouvernement a conclu en date du 10 novembre 1999. Les requérants ont répliqué en date du 10 décembre 1999. Le défendeur … Henkes a répondu en date du 14 décembre 1999. La même partie … Henkes a déposé un mémoire en duplique en date du 6 janvier 2000. En date du 14 mars 2000, les requérants ont déposé un mémoire supplémentaire en réplique. En date du 5 mai 2000, la partie … Henkes a déposé un « complément au mémoire en duplique déposé le 6 janvier 2000 par la partie Henkes ».

L’article 5 (5) de la loi du 21 juin 1999 prévoit que la partie requérante peut fournir dans le mois de la communication de la réponse une réplique. Par déduction des dispositions de l’article 5 (1) de la loi du 21 juin 1999, la réponse vise le mémoire déposé par le défendeur ou tout tiers intéressé dans le délai de trois mois à partir de la requête introductive d’instance.

La partie défenderesse … Henkes n’a répondu qu’en date du 14 décembre 1999 au recours introduit par les requérants. C’est à partir de cette date qu’a couru le délai d’un mois prévu à l’article 5 (5) précité pendant lequel les requérants peuvent dupliquer.En l’espèce, les requérants ont déposé leur mémoire en duplique en date du 10 décembre 1999, soit avant la réponse du défendeur … Henkes. En agissant de la sorte, ils se sont privés du droit de pouvoir dupliquer utilement contre ce mémoire du défendeur, les parties n’étant pas en droit de déposer plus de deux mémoires par application de l’article 7 de la loi du 21 juin 1999.

Il faut en déduire que le mémoire en « duplique » déposé en date du 6 janvier 2000 par les requérants doit être rejeté des débats. Il en va de même du « complément au mémoire en duplique déposé le 6 janvier 2000 par la partie Henkes ».

Il y a lieu d’ajouter qu’en vertu de l’article 7 alinéa 2 de la loi du 21 juin 1999, en cas de mesure d’instruction, chaque partie peut encore prendre position par un mémoire supplémentaire.

Par ordonnance du 28 mars 2000, les parties ont été autorisées à prendre position par un mémoire supplémentaire par rapport au résultat de la visite des lieux à laquelle le tribunal a procédé. Les mémoires complémentaire et supplémentaire des requérants et du défendeur … Henkes ont été déposés en exécution de cette ordonnance et sont partant réguliers.

2) Quant à la recevabilité du recours :

Le défendeur … Henkes et le délégué de gouvernement ont soulevé le moyen d’irrecevabilité du recours au motif que les requérants n’auraient pas un intérêt personnel et distinct de l’intérêt général à agir.

Les requérants sont soit des habitants du village de …, soit des habitants du village de Christnach, partant des voisins proches de la porcherie exploitée par le défendeur.

Toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Les voisins d’une porcherie, qu’ils soient des habitants du village concerné ou qu’ils habitent le village voisin, situé à proximité de la porcherie, ont un intérêt évident à agir contre les décisions ministérielles emportant autorisation de transformer une étable en porcherie, étant donné qu’ils ont intérêt à voir respecter les dispositions légales et réglementaires qui régissent l’octroi des autorisations de transformer un établissement en une porcherie dont l’existence ou l’exploitation peuvent présenter des causes de danger ou d’inconvénients, soit pour la sécurité, la salubrité ou la commodité, par rapport au voisinage, cette proximité de situation étant pour un tel établissement à elle seule suffisante pour fonder l’intérêt à agir (Tribunal administratif 20 octobre 1999, numéro 11089 du rôle).

3) Quant au fond :

Les requérants font valoir que les compétences ministérielles sont d’attribution. Ceci impliquerait que sauf disposition légale contraire, le ministre ne pourrait déléguer ses compétences à un conseiller de gouvernement.

Ce moyen des requérants ne saurait valoir. En effet, l’article 7 de l’ordonnance grand-

ducale modifiée du 31 janvier 1970 concernant les délégations de signature par le gouvernement prévoit expressément le droit des membres du gouvernement d’accorder des délégations de signature pour les affaires de leur département. Les articles 36 et 37 de la Constitution invoqués par les requérants pour soutenir qu’une telle délégation ne serait pas possible sont étrangers à la matière en question et ne sauraient partant être valablement invoqués par les requérants pour conclure à l’irrégularité de la décision prise par la ministre de l’Environnement de déléguer ses pouvoirs.

Les requérants font ensuite valoir qu’au cas où le ministre de l’Environnement aurait accordé au premier conseiller du gouvernement Guy Weiss une délégation de signature en vertu de l’article 7 de l’ordonnance grand-ducale du 31 janvier 1970, encore faudrait-il que ladite autorisation de délégation de signature ait été donnée dans les formes prévues par l’ordonnance grand-ducale du 31 janvier 1970, à savoir avoir été soumise à l’avis du Ministre d’Etat et avoir été déposée avec un spécimen de signature du fonctionnaire délégué auprès du ministère d’Etat.

L’article 3 alinéa 2 de l’ordonnance du 31 janvier 1970 concernant les délégations de signature par le Gouvernement prévoit que le projet de toute délégation de signature est soumis à l’avis du ministre d’Etat. L’alinéa 3 de ce même article ajoute qu’une expédition de toute délégation de signature est déposée, avec un spécimen de la signature du fonctionnaire délégué, au ministère d’Etat qui en donne communication aux services publics intéressés.

Il est de principe que les décisions administratives doivent contenir en elles-mêmes la preuve de leur validité. Il a néanmoins été admis qu’il peut y être suppléé par des éléments de preuve extrinsèques qui justifient objectivement sa légalité ( Tribunal administratif 13 janvier 1998, numéro du rôle 9652, confirmé en appel par arrêt du 8 octobre 1998, numéro du rôle 10580C).

En l’espèce, la décision conférant délégation au premier conseiller Guy Weiss est de la teneur suivante :

Le Ministre de 1'Environnement, Conformément à l'article 7 de l'ordonnance grand-ducale modifiée du 31 janvier 1970 concernant les délégations de signature par le Gouvernement telle qu’elle a été modifiée par les ordonnances grand-ducales des 7 octobre 1972, 4 juillet 1974, 22 avril 1978, 20 septembre 1985 et 4 octobre 1991 Arrête:

Art. ler.- Monsieur Guy WEISS, Premier Conseiller de Gouvernement, est délégué pour signer 1.

toutes les affaires relatives aux attributions du département pour autant qu'à son jugement ces pièces correspondent à la politique établie du département et ne requièrent pas l'attention personnelle du Ministre;

2.

tous les actes portant engagement “ de l'Etat ainsi que les ordonnances de paiement à charge des crédits budgétaires et relatifs aux affaires énumérées sous 1) jusqu'à concurrence de dix millions (10.000.000.-) de francs de valeur pour autant qu'à son jugement ces affaires correspondent à la politique du département et ne requièrent pas l'attention personnelle du Ministre.

Monsieur Guy WEISS, Premier Conseiller de Gouvernement, signera par la formule Pour le Ministre de l'Environnement Le Premier Conseiller de Gouvernement Guy WEISS Art. 2.- Le pouvoir conféré par la disposition qui précède est susceptible de subdélégation.

1 Art. 3.- Une expédition du présent arrêté revêtu de la signature de Monsieur Guy Weiss sera déposée au Ministère d’Etat, une copie en sera adressée à la Chambre des Comptes.

Spécimen de signature Le Minsitre de l’Environnement Guy WEISS Alex Bodry Il ne résulte pas de cette décision qu’un projet y relatif ait été soumis pour avis au ministre d’Etat. Cette décision ne contient partant pas en elle-même la preuve de sa validité.

Aucun élément n’a été fourni au tribunal pour voir suppléer par des moyens de preuve extrinsèques à cette carence de la décision elle-même.

L’autorisation accordée au défendeur … Henkes par Monsieur le premier conseiller de gouvernement au nom de Monsieur le Ministre de l’Environnement ne repose partant pas sur une délégation répondant aux exigences de la loi. La délégation de signature étant nulle, la décision prise sur base de cette délégation viciée doit également être annulée.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours recevable, rejette des débats le mémoire en duplique déposé par les requérants en date du 14 mars 2000 et le « complément au mémoire en duplique déposé le 6 janvier 2000 par la partie Henkes » déposé par le défendeur … Henkes en date du 5 mai 2000, dit le recours fondé, partant annule la décision prise en date du 30 avril 1999 pour le ministre de l’Environnement par le premier conseiller de Gouvernement Guy Weiss autorisant Monsieur … Henkes, marchand de bestiaux, demeurant à L-7680 …, 9, rue de Christnach, à transformer une étable en porcherie sur un fonds sis à …, inscrit au cadastre de la commune de …, section B de …, sous le numéro 789/4228.

condamne l’Etat aux frais de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juin 2000 par :

Mme. Harles M. Hoscheit Mme. Kerschen en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Harles


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11526
Date de la décision : 14/06/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-06-14;11526 ?

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