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31/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11976

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mai 2000, 11976


Numéro 11976 du rôle Inscrit le 4 mai 2000 Audience publique du 31 mai 2000 Recours formé par Monsieur … PILICI, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11976 du rôle, déposée le 4 mai 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Sandra CORTINOVIS, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avo

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Numéro 11976 du rôle Inscrit le 4 mai 2000 Audience publique du 31 mai 2000 Recours formé par Monsieur … PILICI, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11976 du rôle, déposée le 4 mai 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Sandra CORTINOVIS, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PILICI, de nationalité macédonienne, né le … à … (Macédoine), demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 28 février 2000, ainsi que d’une décision confirmative du 4 avril 2000, les deux déclarant sa demande d’octroi du statut de réfugié politique manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Sandra CORTINOVIS et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Le 13 novembre 1998, Monsieur … PILICI, de nationalité macédonienne, né le 4 octobre 1977 à … (Macédoine), demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 13 novembre, Monsieur PILICI fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et son identité.

Monsieur PILICI fut entendu en date du 17 août 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 12 janvier 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur PILICI, par lettre du 28 février 2000, notifiée en date du 7 mars 2000, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants : « (…) Me ralliant à l’avis émis le 12 janvier 2000 par la Commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, vous n’invoquez aucune crainte sérieuse de persécution pour une des raisons visées de la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par courrier de son mandataire datant du 28 mars 2000, Monsieur PILICI fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision précitée du ministre de la Justice du 28 février 2000.

Ce recours gracieux s’étant soldé par une décision confirmative datant du 4 avril 2000, Monsieur PILICI a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 28 février et 4 avril 2000.

Etant donné que l’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche aux décisions entreprises une violation de l’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 et de l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes en ce que ces décisions seraient dépourvues d’une motivation propre suffisante, le ministre se bornant à reprendre sans autre motivation l’avis de la commission consultative.

Une décision administrative est motivée à suffisance de droit si l’auteur de la décision déclare se rallier à l’avis d’une commission consultative et que cet avis est annexé en copie à la décision (trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure administrative non contentieuse, III. Motivation de la décision administrative, p. 261, n° 35 et autres références y citées).

2 En l’espèce, le moyen d’annulation invoqué par le demandeur consistant à soutenir que la décision ministérielle critiquée serait entachée d’illégalité pour absence de motivation, n’est pas fondé, étant donné qu’il ressort des pièces versées au dossier que les décisions ministérielles des 28 février et 4 avril 2000, ensemble l’avis de la commission consultative pour les réfugiés auquel le ministre s’est rallié, en en adoptant également les motifs, et qui a été annexé en copie à la première décision en question, de sorte qu’il en fait partie intégrante, indiquent de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels le ministre s’est basé pour justifier sa décision de refus, motifs qui ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance du demandeur.

Celui-ci fait valoir en second lieu que les conditions pour l’obtention du statut de réfugié seraient réunies dans son chef, étant donné que le guide des procédures du Haut Commissariat aux réfugiés définirait la persécution comme des menaces à la vie ou à la liberté pour des raisons, entre autres, d’opinions philosophiques, politiques ou religieuses. Le demandeur estime qu’il résulterait des éléments de fait par lui soumis que les raisons l’ayant poussé à déserter de l’armée seraient en relation avec ses convictions religieuses et qu’il risquerait une condamnation à une peine de prison sans proportion avec les faits commis en cas de retour dans son pays, pour conclure que le statut de réfugié aurait dû lui être accordé et que les décisions ministérielles entreprises devraient encourir l’annulation.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement (…) ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou que la crainte invoquée ne soit pas manifestement dénuée de fondement, eu égard aux pièces et renseignements fournis.

Le tribunal doit partant examiner, sur base de l’ensemble des pièces du dossier et des renseignements qui lui ont été fournis, si les faits peuvent être qualifiés de manifestement incrédibles ou la crainte invoquée de manifestement dénuée de fondement.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, à savoir la Macédonie.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, le demandeur a affirmé avoir refusé de faire le service militaire parce que « mes amis m’ont dit que c’était très dangereux à la frontière avec l’Albanie. Les soldats y sont obligés de contrôler le trafic d’armes, ce qui est un travail à haut risque. Je ne voulais 3 pas risquer ma vie » tout en déclarant que son insoumission n’est pas motivée par d’autres raisons. Il a déclaré avoir quitté son pays d’origine « à cause du service militaire » et que l’obligation d’accomplir son service militaire l’empêcherait d’y retourner. Il a encore répondu clairement par la négative à la question s’il avait personnellement subi des persécutions.

L’insoumission ne constitue pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié politique (trib. adm. 7 juillet 1999, n° 10861, Ajdarpasic, confirmé par Cour adm. 11 novembre 1999, n° 11454C, Pas. adm. 1/2000, v° Etrangers, n° 30).

S’il est vrai que le demandeur a fait valoir dans ses recours gracieux et contentieux un danger pour sa vie en cas d’accomplissement de son service militaire, en renvoyant au décès de trois de ses amis dans le cadre de leur service militaire, la condamnation à une peine de prison de 8 à 20 ans à laquelle il s’exposerait en cas de retour, ainsi que l’incompatibilité du fait de porter des armes et du risque de tuer un « frère de sang » avec ses convictions religieuses, le tribunal doit cependant constater que, ce faisant, le demandeur n’a pas apporté suffisamment de précisions quant aux persécutions qu’il risquerait personnellement de subir.

Ainsi, il ne précise pas en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il ferait l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. Les autorités luxembourgeoises ont partant été mises dans l’impossibilité d’examiner, en plus de la situation générale régnant au Monténégro, sa situation particulière et de vérifier concrètement et individuellement s’il a raison de craindre d’être persécuté.

Il résulte des considérations qui précèdent que les faits avancés par le demandeur ne sont manifestement pas de nature à justifier dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance à savoir la Macédonie.

La demande d’asile ne reposant dès lors sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, c’est à bon droit que le ministre de la Justice a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée, de sorte que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mai 2000 par:

4 M. CAMPILL, premier juge, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. CAMPILL 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11976
Date de la décision : 31/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-31;11976 ?

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