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31/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11602

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mai 2000, 11602


Numéro 11602 du rôle Inscrit le 22 octobre 1999 Audience publique du 31 mai 2000 Recours formé par Monsieur … SIEDLER, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’armes prohibées

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11602 du rôle, déposée le 22 octobre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SIEDLER, …, d

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…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du mi...

Numéro 11602 du rôle Inscrit le 22 octobre 1999 Audience publique du 31 mai 2000 Recours formé par Monsieur … SIEDLER, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’armes prohibées

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11602 du rôle, déposée le 22 octobre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SIEDLER, …, demeurant à L-

…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 30 septembre 1999 l’informant de ce que son permis de port d’armes avait été retenu par ses services;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jos STOFFEL, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Venant d’acquérir un fusil de chasse en France, Monsieur … SIEDLER, …, demeurant à L-…, envoya au cours du mois de novembre 1996 le permis de port d’armes dont il était détenteur au service compétent du ministère de la Justice en vue d’y voir inscrire cette nouvelle arme.

En l’absence de réaction de la part dudit service, Monsieur SIEDLER s’adressa au ministre de la Justice par courrier du 19 août 1999 pour solliciter une réponse à sa demande.

Le ministre informa Monsieur SIEDLER par lettre du 30 septembre 1999 que « le permis prédésigné a en effet été retenu par le Service des Armes prohibées auprès du Ministère de la Justice à la suite d’un rapport de police, dans lequel vous êtes accusé d’avoir fait un usage prohibé de vos armes, entre autres, d’avoir tiré des coups de feu à l’intérieur d’une localité et d’avoir respectivement tué et blessé des animaux domestiques appartenant à autrui.

Etant donné que ces accusations rentrent dans le cadre des dispositions de l’article 16 de la loi du 15 mars 1983 sur les armes et munitions qui prévoient les conditions dans lesquelles les autorisations de port et de détention d’armes sont à refuser, il est normal que votre demande de modification a provisoirement été tenue en suspens et que votre port d’armes a été retenu, à titre préventif, en vue de la décision définitive à prendre sur base de la décision judiciaire afférente à intervenir.

La présente décision est susceptible d’un recours devant le tribunal administratif, recours qui doit être intenté dans les 3 mois de la notification par requête signée d’un avocat ».

A l’encontre de cette décision ministérielle du 30 septembre 1999, Monsieur SIEDLER introduisit un recours en annulation, sinon en réformation par requête déposée le 22 octobre 1999.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l'obligation d'examiner en premier lieu l’admissibilité d’un recours au fond en la matière, l'existence d'une telle possibilité rendant irrecevable l'exercice d'un recours en annulation contre la même décision (trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404, Nika, Pas. adm. 1/2000, v° Recours en réformation, n° 2).

Etant donné que ni la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ni aucune autre disposition légale n’instaure en recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation.

Quant à la recevabilité Quant au recours en annulation, le délégué du Gouvernement oppose le moyen d’irrecevabilité tiré du caractère prématuré du recours en ce que le ministre n’aurait pas pris de décision faisant grief et attaquable dans son courrier du 30 septembre 1999 pour s’être confiné à informer le demandeur de ce que sa demande était provisoirement tenue en suspens et son permis retenu à titre préventif en vue de la décision définitive à prendre.

S’il est bien vrai que la loi précitée du 15 mars 1983 ne prévoit dans ses articles 16, 18, 20 et 21 que le refus ou la révocation d’autorisations en tant que décisions entraînant la perte pour la personne en cause du droit de détenir ou de porter une arme, le courrier ministériel déféré du 30 septembre 1999 a pour effet de priver le demandeur de la jouissance de son autorisation de port d’armes en cours de validité, même si la mesure est qualifiée de préventive et provisoire. En effet, l’article 27 de la loi prévisée du 15 mars 1983 impose au bénéficiaire d’une autorisation l’obligation de porter le permis de port d’arme en même temps que l’arme afin de pouvoir l’exhiber à toute réquisition des agents de l’autorité publique, de sorte que le demandeur ne peut plus légalement porter ses armes en l’absence de ce document.

Le courrier ministériel déféré du 30 septembre 1999 s’analyse partant en une décision administrative de rétention causant grief au demandeur, cette qualification étant conforme à l’intention de son auteur ayant inscrit dans le corps même dudit courrier une instruction sur les voies de recours admises à son encontre. Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité afférent doit être rejeté.

2 Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit suivant les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond Le demandeur reproche en premier lieu au ministre une violation de la loi prévisée du 15 mars 1983 en ce que plus particulièrement son article 16 ne concernerait que la seule hypothèse d’une première demande d’autorisation, mais non pas une demande en inscription complémentaire d’une arme au permis.

Aux termes de l’article 16 de la loi précitée du 15 mars 1983, « l’autorisation (…) de porter (…) des armes et munitions est délivrée par le ministre de la Justice ou son délégué, si les motifs invoqués à l’appui de la demande sont reconnus valables.

L’autorisation peut être refusée lorsqu’il est à craindre que le requérant, compte tenu de son comportement, de son état mental et de ses antécédents, ne fasse un mauvais usage de l’arme ».

L’article 18 de la même loi dispose que « les autorisations accordées sont essentiellement révocables ; elles peuvent être assorties d’obligations et de conditions ».

Il résulte de la combinaison des deux dispositions légales précitées que la révocation d’une autorisation de porter des armes et munitions ou le refus d’inscription d’une arme supplémentaire est possible sur base des mêmes motifs qui justifient le refus de sa délivrance à savoir, d’une part, lorsqu’il est établi que l’intéressé n’a plus de motifs valables pour requérir l’autorisation de port d’armes, et, d’autre part, même au cas où des motifs valables persistent, sur base de considérations fondées sur le comportement, l’état mental, les antécédents ou le risque que l’intéressé fasse un mauvais usage de l’arme.

Les mêmes dispositions légales confèrent au ministre le pouvoir d’assortir l’autorisation en cours de la condition que le détenteur suspende temporairement l’exercice de son droit au port d’armes dans l’hypothèse où des indices dénotant un comportement ou un risque que le détenteur fasse un mauvais usage de l’arme et justifiant, s’ils se trouvent établis dans la suite, une révocation du permis de port d’arme sont portés à sa connaissance, cette décision ministérielle pouvant se matérialiser légalement par une rétention du permis et une information correspondante du détenteur du permis, ainsi que la tenue en suspens d’une demande d’inscription d’une arme supplémentaire.

Le ministre ayant ainsi pu légitimement se référer aux critères fixés par l’article 16 précité pour arrêter une mesure basée sur l’article 18 précité, le premier moyen du demandeur doit partant être rejeté.

Le demandeur conteste ensuite « formellement » les faits retenus par le ministre à la base de la décision déférée, à savoir d’avoir fait un usage prohibé de ses armes, entre autres, d’avoir tiré des coups de feu à l’intérieur d’une localité et d’avoir respectivement tué et blessé des animaux domestiques appartenant à autrui. Il critique que ces faits n’auraient jamais fait l’objet d’un procès-verbal en bonne et due forme, vu qu’il n’aurait jamais « été entendu intégralement par la police de Belvaux ». Il invoque encore la prescription des poursuites pour ces mêmes faits allégués en l’absence de poursuites engagées par le parquet en temps utile. Il conclut qu’aucune décision judiciaire ne pourrait partant intervenir quant à ces faits et que la décision ministérielle déférée devrait encourir l’annulation.

3 Alors même que le délégué du Gouvernement a admis à l’audience que, selon les informations lui fournies par le parquet, les faits sont prescrits depuis le 12 février 2000, le dernier acte interruptif ayant été posé le 12 février 1997, force est de retenir que la décision ministérielle en matière d’autorisation est indépendante de toute poursuite pénale (Cour adm.

23 mars 2000, Wolff, n° 11787C, non encore publié).

Par ailleurs, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise (Cour adm. 6 octobre 1998, n° 10755C, Skrijelj, Pas. adm. 1/2000, v° Recours en annulation, n° 12).

L’argument du demandeur tiré de la prescription de l’action publique ne saurait partant affecter la légalité de la décision ministérielle déférée du 30 septembre 1999, prise à un moment où ladite prescription, intervenue le 12 février 2000 seulement, n’était pas encore acquise.

Le ministre s’est basé en l’espèce sur des considérations tirées du comportement du demandeur telles que celles-ci lui ont été soumises à travers des procès-verbaux et rapports des forces de l’ordre qui constituent des moyens licites et appropriés pour puiser les renseignements de nature à asseoir la décision déférée (cf. Cour adm. 23 mars 2000, précité).

Abstraction même de rapports et procès-verbaux antérieurs en date, il se dégage des pièces versées au dossier que le demandeur a fait l’objet d’un rapport n° 1081 daté au 13 septembre 1996 de la brigade d’Esch/Alzette de la gendarmerie grand-ducale et d’un procès-

verbal n° 1272/96 daté au 21 août 1996 du commissariat de la police de Belvaux-Sanem.

Tant le rapport que le procès-verbal prévisés relatent un nombre considérable de témoignages de personnes affirmant avoir été menacées par le demandeur, dont certaines avec une arme à feu, lorsqu’elles se sont promenées en campagne avec leurs animaux domestiques.

Ces mêmes documents comportent un témoignage attestant que le demandeur aurait tiré des coups de feux en direction de maisons d’habitation et des dépositions relatives à des blessures causées à des animaux domestiques par des armes à feu, voire même à des disparitions de tels animaux. Encore d’après les rapport et procès-verbal prévisés, l’ensemble des personnes questionnées mettent en cause le demandeur et son père comme auteurs des faits ainsi incriminés et certains ont déclaré porter plainte à leur encontre.

Le ministre, disposant en la matière d’un pouvoir d’appréciation sur l’opportunité de soumettre une autorisation de port d’arme à une condition complémentaire pour autant que cette appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire (trib. adm. 29 avril 1998, n° 10394, Hesse, confirmé par Cour adm. 22 octobre 1998, 10746C, Pas. adm. 1/2000, v° Armes prohibées, n° 1), a légitimement pu estimer que les indices lui soumis à travers les rapport et procès-verbal prévisés ont mis en doute que le comportement du demandeur présentait encore les garanties requises pour justifier le maintien en vigueur de l’autorisation de port d’armes et suspendre l’exercice du droit au port d’armes dans le chef du demandeur sur une base temporaire.

Il s’ensuit que la décision déférée du 30 septembre 1999 est justifiée sur base des éléments à disposition du ministre au moment où il a statué, de sorte que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

4 PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mai 2000 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11602
Date de la décision : 31/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-31;11602 ?

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