La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11328

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mai 2000, 11328


N° 11328 du rôle Inscrit le 14 juin 1999 Audience publique du 31 mai 2000

==========================

Recours formé par Monsieur … STEICHEN et Madame … contre un arrêté du ministre de l’Environnement en matière d’aménagement des agglomérations

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête inscrite sous le numéro 11328C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 14 juin 1999 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de lâ

€™Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … STEICHEN, agriculteur, et de son épouse, ...

N° 11328 du rôle Inscrit le 14 juin 1999 Audience publique du 31 mai 2000

==========================

Recours formé par Monsieur … STEICHEN et Madame … contre un arrêté du ministre de l’Environnement en matière d’aménagement des agglomérations

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête inscrite sous le numéro 11328C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 14 juin 1999 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … STEICHEN, agriculteur, et de son épouse, Madame …, agricultrice, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 30 octobre 1998, par lequel il a approuvé le projet d’aménagement général de la commune de …, adopté provisoirement par le conseil communal de ladite commune en date du 27 mai 1993 et définitivement par le conseil communal de ladite commune en date du 25 octobre 1994, en décidant encore qu’un certain nombre d’aires énumérées au prédit arrêté ministériel, faisant partie du projet d’aménagement général, doivent rester classées zone verte au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 17 juin 1999 portant signification de ce recours à l’administration communale de … ;

Vu l’article 71 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, portant transmission au tribunal administratif sans autre forme de procédure le recours inscrit sous le numéro 11328 C du rôle, y inscrit sous le numéro 11328 du rôle ;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, par laquelle les demandeurs ont été invités à indiquer au tribunal s’ils entendaient maintenir leur recours sous analyse ;

Vu la déclaration des demandeurs effectuée à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 1999, par laquelle ils ont déclaré au tribunal qu’ils entendaient poursuivre le présent recours ;

Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, constatant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 novembre 1999 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 décembre 1999 par Maître Roland ASSA au nom des époux STEICHEN-… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 23 décembre 1999 portant signification du mémoire en réplique à l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 27 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy LUDOVISSY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de …;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 12 janvier 2000 portant signification de ce mémoire en réponse aux époux STEICHEN-… ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport ainsi que Maître Nathalie CARRE, en remplacement de Maître Roland ASSA, Maître Nadine HIRTZ, en remplacement de Maître Guy LUDOVISSY, et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Dans sa séance du 27 mai 1993, le conseil communal de la commune de …, dénommé ci-après le « conseil communal », décida à l’unanimité d’approuver provisoirement le « projet de révision du plan d’aménagement général de la commune de … du 18 mars 1982 », dénommé ci-après le « PAG », A la suite de la publication de ladite approbation provisoire du PAG à partir du 9 juin 1993 pendant un délai de 30 jours, plusieurs personnes, dont Monsieur … STEICHEN, agriculteur, et son épouse, Madame …, agricultrice, demeurant ensemble à L-…, adressèrent des réclamations écrites au collège échevinal. Ces réclamants furent entendus par le collège échevinal en date des 2 et 3 août 1993.

Lors de sa séance du 25 octobre 1994, le conseil communal décida, d’une part, « d’approuver les prises de positions et propositions formulées par le collège des bourgmestre et échevins dans le corps de sa délibération du 6 août 1993 », qui a eu lieu au sujet des réclamations présentées et, d’autre part, « d’approuver définitivement le projet de révision du projet d’aménagement général présenté (parties graphique et écrite) ».

Par lettre du 18 novembre 1994, le collège des bourgmestre et échevins informa les époux STEICHEN-… de ce que le conseil communal avait approuvé définitivement le PAG et que leurs objections, formulées à l’encontre du prédit projet, avaient été « admises en partie ».

A la suite de ce courrier, les époux STEICHEN-… ont néanmoins adressé une réclamation concernant le classement de certaines de leurs parcelles au ministre de l’Intérieur qui, par décision du 10 juillet 1995 déclara leur réclamation recevable en la forme mais non motivée à suffisance de droit quant au fond.

2 Par la prédite décision du 10 juillet 1995, le ministre de l’Intérieur informa également l’administration communale de … de ce que « la délibération du 25 octobre 1994 du conseil communal de …, portant adoption définitive de la partie graphique du projet de révision du projet d’aménagement général, est approuvée, à l’exception des fonds énumérés ci-après, définis par un liséré hachuré aux plans joints en annexe à ma présente décision et en constituant une partie intégrante, étant entendu que ces fonds restent classés zone verte au sens de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelle ». Parmi les fonds « reclassés en zone verte » par le ministre de l’Intérieur figuraient également des parcelles appartenant aux époux STEICHEN-…. Le prédit ministre approuva à cette occasion la partie écrite du PAG.

Lors de sa délibération du 3 août 1995, le conseil communal décida d’introduire un recours gracieux auprès du ministre de l’Intérieur en le « priant de bien vouloir reconsidérer sa décision du 10 juillet 1995 en présence des arguments complémentaires formulés ci-

après(…) ». Le prédit ministre y prit position dans un courrier daté du 26 février 1996 adressé au commissaire de district, dans lequel il fit partiellement droit à la requête de la commune.

Les plans concernant l’aménagement général de la commune ont été redressés d’office par les services compétents du ministère de l’Intérieur en exécution de la décision du ministre de l’Intérieur du 26 février 1996.

A la suite de ces redressements, l’administration communale invita les intéressés à adresser leurs objections éventuelles au sujet des modifications qui avaient été portées d’office par le ministre de l’Intérieur par ses décisions des 10 juillet 1995 et 26 février 1996 aux plans approuvés définitivement par le conseil communal en date du 25 octobre 1994, au collège des bourgmestre et échevins.

Les époux STEICHEN-…, par l’intermédiaire de leur mandataire, formulèrent leurs observations par lettre du 17 mai 1996. Dans sa séance du 13 juin 1996, le collège échevinal prit position au sujet des objections formulées par « les particuliers concernés », en les acceptant dans une large mesure et, par conséquent, invita le conseil communal à approuver ces prises de positions. Cette approbation fut donnée le 12 juillet 1996 et le conseil communal pria ensuite le ministre de l’Intérieur « d’autoriser le redressement correspondant de la partie graphique de la révision du projet d’aménagement général, telle qu’elle a fait l’objet de ses décisions du 10 juillet 1995 et 26 février 1996 ».

Par l’intermédiaire du commissaire de district, le ministre de l’Intérieur fit savoir aux autorités communales que leur délibération du 12 juillet 1996 manquerait de base légale « alors qu’elle ne s’inscrit dans aucune procédure légale prévue par la législation existante ».

Par lettre datée du 7 août 1997, le ministre de l’Environnement, dénommé ci-après « le ministre », informa le bourgmestre de la commune de …, dénommé ci-après « le bourgmestre », que « le plan d’aménagement que vous m’avez soumis pour approbation devra être revu par l’autorité communale en tenant compte du reclassement en zone verte des parties du territoire communal suivantes : [suit l’énumération des différentes parties du territoire communal concerné]. Pour votre gouverne, ces parties ont été délimitées sur les extraits de plan joints en annexe. Ces propositions tiennent compte des avis émis par l’administration des eaux et forêts et du Conseil Supérieur pour la Protection de la Nature ».

3 Dans sa séance du 11 septembre 1997, le conseil communal décida à l’unanimité des membres présents d’accepter à ce stade les reclassements préconisés par le ministre « à l’exception de certains points plus amplement définis et commentés ci-après » [suit une énumération des exceptions souhaitées par la commune] et pria en conséquence le ministre de « bien vouloir reconsidérer gracieusement ses décisions concernées du 7 août 1997 en présence des arguments développés ci-dessus et de statuer définitivement en conséquence, décision globale qui saurait pouvoir trouver l’acceptation (unanime) du Conseil communal de … ».

Par arrêté du 30 octobre 1998, le ministre approuva le PAG, « tel qu’il a été adopté provisoirement respectivement définitivement par le conseil communal en date du 10 mars 1995 [sic] et du 31 mars 1995 [sic] », sous réserve que les aires ci-après énumérées restaient classées zone verte au sens de l’article 2 de la loi précitée du 11 août 1982 :

… au motif notamment que « dans l’optique d’un développement durable qui vise à concilier le développement urbanistique et la protection de l’environnement naturel, l’autorité communale devra favoriser et encourager des conceptions urbanistique moins consommatrices d’espaces naturels, notamment au niveau des zones soumises à plan d’aménagement particulier ».

Cette décision ministérielle fut portée à la connaissance du public en date du 15 mars 1999 par voie d’affichage.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 14 juin 1999, les époux STEICHEN-… ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 30 octobre 1998, en ce qu’elle a reclassé en zone verte certains de leurs terrains, notamment « la zone d’habitation au lieu-dit « … » portant les numéros cadastraux ….

Tant le délégué du gouvernement que l’administration communale de … se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans les formes et délai de la loi. Le délégué du gouvernement demande encore acte de ce que les demandeurs poursuivent la seule annulation de l’arrêté ministériel et demande à ce que le tribunal en tirera « les conséquences de droit ».

Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des territoires qui le concernent et le régime des constructions à y élever, ont un caractère réglementaire (cf. Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Actes réglementaires, I Principes, n° 6, p. 25 et trib. adm. 2 février 2000, n°s 10929 à 10931 du rôle). La décision d’approbation du ministre s’inscrivant dans le cadre de l’article 2 alinéa final de la loi précitée du 11 août 1982 participe au caractère réglementaire de l’acte à approuver (cf. ibidem).

En vertu de l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, tel qu’il a été en vigueur au moment de l’introduction du recours, « la Cour administrative statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les 4 intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent ».

La Cour administrative était donc compétente, au jour de l’introduction du recours, pour en connaître, cette compétence ayant été dévolue au tribunal administratif en vertu de l’article 71 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. En effet, en vertu du prédit article 71, l’affaire en question a été transmise sans autre forme de procédure au tribunal administratif pour y revêtir le numéro du rôle 11328.

Aux termes de l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996, seul un recours en annulation est prévu à l’encontre de ce type de décision. Aux termes de cet article, le recours doit être introduit dans les trois mois de la publication de l’acte administratif attaqué.

En l’espèce, la décision du ministre du 30 octobre 1998 a été portée à la connaissance des demandeurs en date du 15 mars 1999. Le délai contentieux a donc expiré trois mois après cette date, soit le 15 juin 1999.

En conséquence, le recours introduit le 14 juin 1999 a été déposé dans le délai de la loi. La recevabilité dudit recours n’ayant pas été autrement contestée, il échet de déclarer le recours recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes de la loi.

L’administration communale de … conteste encore l’applicabilité de la nouvelle loi de procédure du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Elle demande au tribunal de constater que « le présent recours en annulation est régi par les règles de procédure édictées par l’arrêté grand-ducal du 21 août 1866, tel que modifié, alors qu’il a été introduit avant la date du 16 septembre 1999 ».

Concernant l’applicabilité de la loi précitée du 21 juin 1999, entrée en vigueur le 16 septembre 1999, à la présente affaire, il y a lieu de retenir que l’article 69 de la prédite loi dispose dans son alinéa second que les affaires introduites avant ladite date d’entrée en vigueur continueront à être instruites selon les anciennes règles de procédure, à savoir celles résultant pour l’essentiel de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux administratif, maintenu en vigueur par l’article 98 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996.

Ce principe reçoit cependant exception à travers l’article 70 alinéa 3 de ladite loi libellé comme suit : « Dans les affaires dans lesquelles seule la requête introductive aura été communiquée, le tribunal enjoindra par ordonnance non susceptible d’appel, au demandeur de déclarer au greffe, dans un délai d’un mois, à peine de forclusion, s’il entend poursuivre le recours. Dans ce cas, l’affaire sera instruite conformément aux dispositions de la présente loi. Sinon le demandeur est censé s’être désisté de son recours ».

Sur ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, le mandataire des époux STEICHEN-… a déclaré en date du 19 octobre 1999 maintenir l’affaire en question au rôle.

Dans la mesure où pour l’affaire sous analyse, les dispositions de l’article 70 alinéa 3 prévisées interviennent à titre d’exception par rapport à celles générales prévues à l’article 69 alinéa 2 également précité, l’application des nouvelles règles de procédure issues de la loi du 21 juin 1999 doit s’apprécier de façon stricte.

5 Il se dégage des termes mêmes de l’article 70 alinéa 3 en question, que ce n’est qu’une fois révolu le délai d’un mois à partir de la signification de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999 que pour les affaires non instruites pour lesquelles seule la requête introductive d’instance était déposée au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de procédure en date du 16 septembre 1999, les nouvelles règles de procédure s’appliquent pour l’instruction plus en avant de l’affaire en question, celle-ci ne pouvant interférer relativement aux actes de procédure jusque là posés. L’application de ces nouvelles règles de procédure n’intervient qu’une fois le délai d’un mois prévisé écoulé, réalisé le 28 octobre 1999, alors que la partie demanderesse intéressée a disposé de ce mois en son intégralité pour faire connaître son intention de poursuivre ou non l’affaire en question, rien ne l’ayant empêché, après avoir déclaré vouloir poursuivre, d’exprimer par la suite son intention contraire, pourvu qu’elle se fût trouvée encore dans le délai mensuel en question (trib. adm. 13 décembre 1999, Rausch, n° 10980 du rôle, non encore publié).

Le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, déposé et communiqué le 26 novembre 1999, après l’écoulement du délai d’un mois prévisé, a dès lors été fourni suivant les nouvelles règles de procédure, telles qu’issues de la loi du 21 juin 1999 précitée, de sorte que le mémoire en réplique devait suivre les mêmes règles concernant son délai de production.

Dans leur mémoire en réplique, déposé en date du 23 décembre 1999, les demandeurs font relever que comme le délégué du gouvernement a déposé son mémoire en réponse le 26 novembre 1999, ils auraient été contraints, en vertu des dispositions de l’article 5 (5) et (6) de ladite loi du 21 juin 1999, de répliquer dans le mois. Ils estiment dès lors que « compte tenu de la contrainte pesant sur les requérants, l’administration communale de … n’ayant pas déposé de mémoire, sera déclarée forclose pour ce faire ». A titre subsidiaire, ils considèrent que si l’administration communale pourrait néanmoins encore déposer un mémoire en réponse, ils devraient être autorisés à y répliquer.

La question soulevée de la communication, voire du dépôt en dehors des délais légaux des différents mémoires des parties relève de l’ordre public suivant le libellé employé par le législateur prescrivant les délais en question sous peine de forclusion, ensemble son intention touchant à l’organisation juridictionnelle à travers son souci d’instruction expéditive des affaires contentieuses devant les juridictions de l’ordre administratif.

Suivant l’article 5 (5) de ladite loi du 21 juin 1999 « le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse ; la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois ».

S’il est patent que la disposition législative sous revue ne vise que l’hypothèse d’une seule partie défenderesse fournissant son mémoire en réponse, il n’en reste pas moins que par essence même le mémoire en réplique de la partie demanderesse est appelé à répondre à l’ensemble des mémoires en réponse fournis dans les délais légaux par les différentes parties défenderesses présentes au litige.

En l’espèce tant l’administration communale de … que l’Etat figurent comme parties défenderesses au litige, étant entendu que le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, pour compte de l’Etat, déposé le 26 novembre 1999 et communiqué le même jour par le greffe au mandataire de la partie demanderesse et le mémoire en réponse de 6 l’administration communale, déposé le 27 décembre 1999 et communiqué le 12 janvier 2000, ont été déposés et communiqués dans les délais légaux, à savoir avant le 28 janvier 2000. En effet, comme il a déjà été indiqué ci-dessus, l’application des nouvelles règles de procédure n’intervient qu’une fois le délai d’un mois prévisé écoulé, réalisé le 28 octobre 1999, de sorte que le délai de trois mois pour le dépôt des mémoires en réponse respectifs n’a commencé à courir qu’à partir de ce jour.

Le moyen tendant à voir écarter le mémoire en réponse de l’administration communale pour raison de tardiveté est partant à écarter.

Concernant la demande formulée par les époux STEICHEN-… tendant à se voir autoriser à répliquer au mémoire en réponse déposé le cas échéant par l’administration communale, il se dégage des termes clairs et non équivoques de l’article 5 (5) précité que chaque partie est autorisée à ne répliquer qu’une seule fois, étant entendu que le délai d’un mois pour déposer le mémoire en réplique ne commence à courir qu’à partir du dépôt dans le délai légal du dernier mémoire en réponse à déposer par les différentes parties défenderesses au litige. Il n’y a partant pas lieu de faire droit à la demande afférente des demandeurs.

Quant au fond, les demandeurs estiment que la décision du ministre se baserait sur des références inexactes en ce qu’elle indique que le conseil communal aurait provisoirement adopté le projet d’aménagement général en date du 10 mars 1995 et définitivement en date du 31 mars 1995, alors qu’il serait constant que ces approbations respectives seraient intervenues le 27 mai 1993 et le 25 octobre 1994.

Le délégué du gouvernement rétorque que les références contenues dans le préambule de l’arrêté ministériel attaqué s’analyseraient en une erreur matérielle sans incidence aucune sur le fond du dossier visé par le recours en annulation.

Il est constant que la décision ministérielle se réfère dans ses visas à des dates erronées concernant l’approbation par le conseil communal du projet d’aménagement général. Cette erreur, purement matérielle, est cependant sans incidence quant à la portée à attribuer à la décision ministérielle attaquée, objet du présent litige. Par ailleurs, les demandeurs ont pu préserver leurs droits de la défense, en introduisant le recours prévu par la loi et en invoquant les moyens de droit qu’ils jugeaient utiles, de sorte que le moyen tendant à l’annulation de la décision pour violation de la loi sinon pour violation des formes destinées à protéger les intérêts privés est à rejeter.

Les demandeurs estiment ensuite que la compétence légale de tutelle d’approbation dont dispose le ministre en matière d’aménagement du territoire communal, sur base de l’article 2 de la loi précitée du 11 août 1982 serait strictement limitée à une approbation ou un refus d’approbation purs et simples. Par conséquent, le ministre ne pourrait pas ajouter ou retrancher des éléments du PAG tel qu’approuvé par le conseil communal.

En l’espèce, le ministre aurait commis un excès de pouvoir en assortissant sa décision du 30 octobre 1998 de plusieurs réserves. Il aurait de ce fait imposé au conseil communal une modification voire un morcellement partiel du PAG qui, initialement, aurait formé un ensemble cohérent et indissociable, ce qui aurait pour conséquence de porter atteinte au principe d’autonomie communale et de détruire le concept global que le conseil communal aurait mis à la base du PAG.

7 Ils soutiennent par ailleurs que la décision ministérielle serait intervenue de manière arbitraire, dans la mesure où le reclassement des terrains faisant l’objet du recours en annulation serait dénué de fondement et de justification en invoquant à ce titre l’absence d’observations défavorables émises par l’administration des Eaux et Forêts par rapport à l’intégration des parcelles litigieuses dans le périmètre d’agglomération.

Ils font encore valoir que ce serait à tort que le ministre a notamment basé sa décision sur des considérations ayant trait aux répercussions négatives que l’extension du périmètre d’agglomération pourrait avoir sur le paysage, alors qu’au contraire la décision prise par le conseil communal serait justifiée par des considérations d’intérêt public.

Dans leur mémoire en réplique, ils contestent la nécessité de l’intervention du ministre, étant donné qu’ils considèrent que l’approbation du ministre n’est requise qu’en cas de modification de délimitation d’une zone verte et qu’en l’espèce, il « n’est nullement prouvé que les terrains litigieux étaient classés en zone verte préalablement à la révision du PAG ».

Le délégué du gouvernement estime que la décision attaquée serait pleinement justifiée non seulement dans le cadre de la loi précitée du 11 août 1982 mais également en prenant en considération l’article 107 (6) de la Constitution, d’autant plus qu’en l’espèce l’approbation partielle de l’adoption provisoire par le conseil communal du PAG serait permise étant donné que « les dispositions approuvées et celles non approuvées ne sont pas liées entre elles au point de former un ensemble indissociable ». Dans ce contexte, il fait valoir que par rapport à l’ensemble des fonds, les superficies non approuvées ne bouleverseraient en aucune façon l’économie générale du PAG qui conserverait, en dépit des réserves formulées par le ministre, son caractère d’ensemble harmonieux et cohérent.

Concernant le prétendu caractère arbitraire de l’arrêté ministériel, il relève que la loi précitée du 11 août 1982 ne comporterait aucune disposition qui obligerait le ministre à soumettre les demandes d’extension du périmètre d’agglomération à l’avis de l’administration des Eaux et Forêts, de sorte que le ministre conserverait son entière liberté de décision. Il relève encore que l’absence d’objections dans l’avis précité s’expliquerait par le fait que l’administration avait jugé « superfétatoire de se prononcer sur une extension du périmètre d’agglomération concernant des terrains qui entre-temps avaient été reclassés zone verte par le ministre de l‘Intérieur ».

L’administration communale de … fait constater que, comme le recours est dirigé exclusivement contre l’arrêté du ministre, le recours ne viserait donc pas la régularité ni le bien-fondé d’une décision ou délibération du conseil communal, elle se rapporte à prudence de justice quant au bien-fondé du recours.

La décision ministérielle attaquée du 30 octobre 1998 a été prise sur base de l’article 2 alinéa final de la loi précitée du 11 août 1982, libellé comme suit : « Toute modification de la délimitation d’une zone verte découlant du vote provisoire, selon l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, est soumise à l’approbation du Ministre. Cette approbation est également requise pour toute création d’une zone verte en vertu de l’adoption d’un premier projet d’aménagement. Le projet d’aménagement définitivement adopté est, pour autant qu’il a été modifié, également soumis à l’approbation du Ministre ».

8 Il est constant qu’avant la délibération du conseil communal du 27 mai 1993 portant approbation provisoire de l’extension du périmètre d’agglomération, les terrains sis au lieu-dit « …», visés par le présent recours et appartenant aux demandeurs, étaient situés en zone verte, telle que définie par l’article 2 alinéa second de la loi précitée du 11 août 1982. Le fait que les prédits terrains étaient classés en zone verte avant la délibération du conseil communal résulte notamment d’une lettre de réclamation des demandeurs du 8 juillet 1993 adressée au bourgmestre. Partant, la condition d’ouverture fixée par l’article 2 alinéa final, première phrase, de la loi précitée du 11 août 1982 se trouve être vérifiée, entraînant que la modification de la délimitation de la zone verte en question découlant du vote provisoire, selon l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, était soumise à l’approbation du ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts, en l’espèce le ministre de l’Environnement.

D’après l’article 2 alinéa final de la loi précitée du 11 août 1982, le ministre doit, au moins dans un premier stade, se prononcer sur l’adoption provisoire par le conseil communal du PAG. Ce n’est qu’au cas où celui-ci a fait l’objet de modifications par la suite, qu’il sera également amené à se prononcer sur l’adoption définitive de ce projet d’aménagement. En cas de refus d’approbation par le ministre de la délibération provisoire du conseil communal, celle-ci est mise à néant et ledit conseil est amené à statuer à nouveau de façon provisoire au sens de l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937.

Il appert des pièces versées au dossier, que la délibération du conseil communal du 27 mai 1993 portant approbation provisoire du PAG n’a pas été transmise à titre isolé au ministre pour approbation, mais qu’elle était accompagnée de celle définitive intervenue le 25 octobre 1994.

Il s’ensuit qu’ayant été saisi des deux délibérations à la fois, le ministre s’est également vu déférer celle provisoire par rapport à laquelle il lui appartenait de statuer selon l’article 2 alinéa final de la loi modifiée du 11 août 1982.

Comme la décision attaquée du 30 octobre 1998 porte sur l’adoption provisoire et définitive par le conseil communal du PAG, les considérations ayant trait aux modifications qui ont été faites par le conseil communal à la suite de l’adoption provisoire du PAG, ne sauraient être prises en considération afin d’analyser la légalité de la décision sous analyse, d’autant plus qu’au-delà des prévisions légales ci-avant dégagées, le conseil communal a procédé à l’adoption définitive du PAG sans attendre l’approbation ou le refus d’approbation par le ministre de l’adoption provisoire par le conseil communal du PAG.

Etant donné que d’après l’article 107 (6) de la Constitution, qui dispose que « la loi règle la surveillance de la gestion communale. Elle peut soumettre certains actes des organes communaux à l’approbation de l’autorité de surveillance et même en prévoir l’annulation ou la suspension en cas d’illégalité ou d’incompatibilité avec l’intérêt général, sans préjudice des attributions des tribunaux judiciaires ou administratifs », l’autonomie communale et les attributions en découlant pour les organes communaux décentralisés constituent la règle générale, les actes de tutelle des autorités de surveillance centrales représentant l’exception, les dispositions légales régissant la tutelle sont à interpréter de façon restrictive au regard des finalités du contrôle du respect de la légalité et de la compatibilité avec l’intérêt général leur assigné. Ainsi, seuls des arguments tirés de la légalité considérée au regard des dispositions de la législation relative à la protection de la nature et des ressources naturelles concernées, de même que des considérations de conformité à l’intérêt général ainsi circonscrit peuvent entrer 9 en ligne de compte pour justifier un refus d’approbation d’une décision soumise à l’autorité de tutelle, sur base de l’article 2 alinéa final de la loi précitée du 11 août 1982 (trib. adm. 2 février 2000, n°s 10929 à 10931 du rôle).

Un acte de tutelle administrative, tel que celui que le ministre est amené à prendre en vertu de l’article 2 alinéa final de la loi précitée du 11 août 1982, doit prendre la forme soit d’une approbation soit d’un refus d’approbation, purs et simples, sous peine de violer le principe de l’autonomie communale. Ce principe n’entend toutefois pas déroger au principe selon lequel toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et l’indication, par le ministre, dans sa décision, des motifs se trouvant à sa base, doit mettre le conseil communal en mesure d’apprécier, essentiellement en cas de décisions portant refus d’approbation, le bien-fondé des motifs sur lesquels le ministre s’est basé, afin qu’il puisse en tenir compte lors de la modification éventuelle du plan d’aménagement. Une telle modification du PAG devra, en dehors de son approbation provisoire par le conseil communal, faire l’objet d’une nouvelle demande d’approbation à adresser au ministre.

En l’espèce, indépendamment de la question de la validité de l’approbation définitive du PAG par le conseil communal, comme le ministre n’a ni refusé d’approuver ni approuvé purement et simplement le PAG, mais comme il a décidé de n’approuver le PAG que partiellement, en assortissant sa décision de réserves quant à certaines parties du PAG à réintégrer, à son avis, en zone verte, il a violé le principe constitutionnel de l’autonomie communale et sa décision est partant à annuler.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

rejette la demande formulée par les époux STEICHEN-… tendant à se voir autoriser à répliquer au mémoire en réponse déposé par l’administration communale ;

au fond dit le recours justifié ;

annule la décision du ministre de l’Environnement du 30 octobre 1998 et renvoie le dossier audit ministre ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 31 mai 2000 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

10 s. Legille s. Schockweiler 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11328
Date de la décision : 31/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-31;11328 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award