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29/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11789

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mai 2000, 11789


N° 11789 du rôle Inscrit le 17 janvier 2000 Audience publique du 29 mai 2000 Recours formé par Monsieur … VESELJI, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11789 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2000 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, assisté de Maître Fränk SCHAACK, avocat, tous les deux inscrits au tablea

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N° 11789 du rôle Inscrit le 17 janvier 2000 Audience publique du 29 mai 2000 Recours formé par Monsieur … VESELJI, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11789 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2000 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, assisté de Maître Fränk SCHAACK, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … VESELJI, de nationalité yougoslave, né le … à … (Kosovo), demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 3 novembre 1999, notifiée le 16 novembre 1999, refusant de faire droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative du 17 décembre 1999, notifiée le 22 décembre 1999, intervenue sur recours gracieux du 10 décembre 1999;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2000 au nom de Monsieur … VESELJI;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Fränk SCHAACK, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mai 2000.

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En date du 4 août 1998, Monsieur … VESELJI, né le … à … (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, présenta au Luxembourg une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Le 6 août 1998, Monsieur VESELJI fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur VESELJI fut encore entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile en dates des 19 mars et 3 mai 1999.

Le 16 septembre 1999, la commission consultative pour les réfugiés émit un avis défavorable au sujet de sa demande d’asile.

Par décision du 3 novembre 1999, notifiée le 16 novembre 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur VESELJI de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit :

“ Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie (…) ”.

A l’encontre de cette décision, Monsieur VESELJI fit introduire un recours gracieux par courrier de son mandataire datant du 10 décembre 1999. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre de la Justice du 17 décembre 1999, notifiée le 22 décembre 1999, Monsieur VESELJI a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions ministérielles précitées des 3 novembre et 17 décembre 1999 par requête déposée le 17 janvier 2000.

L’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours en réformation est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique serait justifiée au motif qu’il remplirait les conditions prévues par la Convention de Genève. Il renvoie à cet égard aux arguments exposés dans le cadre de son recours gracieux et expose qu’en cas de retour dans son village natal à Lushte où il était domicilié avant le début des hostilités, il risquerait d’être la proie de représailles serbes, qu’en effet ce village, situé dans la banlieue de Mitrovica, serait particulièrement exposé à de tels actes de revanche, étant donné que les deux populations ethniques, en l’occurrence les Serbes d’une part et les Albanais du Kosvo d’autre part, cohabiteraient ensemble sur le même territoire et que les forces internationales y installées ne sauraient que difficilement maîtriser la 2 situation d’après-guerre, de sorte que les populations indigènes et plus particulièrement la population d’expression albanaise vivraient dans l’insécurité la plus totale et ne seraient pas à l’abri de persécutions de la part de rebelles serbes. Il indique encore que les mauvais traitements, la violence gratuite et la torture, qui seraient des formes d’expression possibles de persécutions en raison de son appartenance au groupe ethnique des Albanais du Kosvo, seraient monnaie courante même après l’arrêt des hostilités dans sa région d’origine, pour soutenir qu’une crainte justifiée en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social serait suffisamment établie dans son chef.

Le délégué du Gouvernement estime que ce serait à juste titre que la commission consultative pour les réfugiés a constaté que l’armée fédérale yougoslave et les forces de police serbes ont quitté le Kosovo, de sorte qu’à l’heure actuelle il n’y aurait plus au Kosovo d’agents de persécution au sens de la Convention de Genève. Par ailleurs, il estime que si l’on ne saurait certes ignorer l’existence d’hostilités entre les différentes communautés ethniques vivant au Kosovo, on ne saurait cependant pas raisonnablement qualifier les actes isolés de certains habitants serbes d’actes de persécution au sens de la Convention de Genève et il remarque à cet égard que des craintes de persécutions commises par des personnes qui ne sont pas sous l’autorité directe et officielle du Gouvernement, ne pourraient être invoquées à l’appui d’une demande en obtention du statut de réfugié politique que dans l’hypothèse où les autorités gouvernementales commanditent ou soutiennent ces personnes, les tolèrent ou n’assurent pas une protection adéquate des victimes ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Le représentant étatique relève encore que le demandeur focalise sa demande sur un hypothétique retour dans son village natal et remarque à cet égard que la situation de Monsieur VESELJI devrait être appréciée par rapport à la situation qui règne dans tout le Kosovo, de sorte que ce serait encore à juste titre que la commission consultative pour les réfugiés a constaté qu’une force internationale s’est installée au Kosovo et qu’une administration civile y a été mise en place pour soutenir que rien n’empêcherait le demandeur de s’établir dans une autre partie du Kosovo.

Dans son mémoire en réplique le demandeur insiste sur le caractère préoccupant de la situation actuelle au Kosovo et plus particulièrement dans sa ville natale de Mitrovica. Il signale par ailleurs que les actes de violence et de représaille seraient répandus non seulement dans la ville de Mitrovica, mais sur l’ensemble du territoire où cohabitent les Serbes et les Albanais, de sorte qu’il serait humainement irresponsable et juridiquement erroné de ne pas faire droit à sa demande en obtention du statut de réfugié politique.

A côté de cette insécurité générale, le demandeur se prévaut encore du fait qu’en raison de son jeune âge, un retour dans sa ville natale risquerait de braver son éducation et de compromettre sérieusement ses chances de trouver un emploi stable et sécurisant pour son avenir personnel et que par ailleurs, sans emploi ni ressources financières, il ne saurait être envisagé qu’il pourrait s’établir dans une autre partie du Kosovo, alors que dans ces régions le même risque d’insécurité existerait.

A titre subsidiaire il se prévaut encore du droit à la vie pour les ressortissants d’une communauté minoritaire, garanti par l’article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et fait valoir que les événements actuels au Kosovo démontreraient clairement que les attrocités quotidiennes ne se réduiraient pas à des actes isolés de certains habitants serbes, mais seraient l’œuvre d’hostilités interethniques qui seraient une menace constante pour l’ensemble des habitants et seraient implicitement soutenues par les autorités yougoslaves. Il en déduit que la sécurité des 3 populations indigènes et plus particulièrement de la communauté albanaise du Kosovo ne serait pour l’instant nullement garantie, les troupes de pays tiers – OTAN, KFOR – n’étant à son avis et au vu des plus récents développements pas encore à même d’y assurer la paix.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle de la demanderesse, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de ses déclarations.

Force est de constater que les faits invoqués par le demandeur pour justifier dans son chef l’existence d’une crainte de persécution, se rapportent à la situation d’insécurité générale, documentée certes de manière exhaustive, règnant au Kosovo et plus particulièrement dans la région de Mitrovica. Le demandeur reste cependant en défaut d’établir des circonstances particulières dans son chef, s’analysant en une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. En effet, le demandeur a déclaré avoir “ peur de tout au Kosovo, puisqu’il y a la guerre ”, et, interrogé sur d’éventuelles actions susceptibles d’entraîner des persécutions dans son chef dans son pays d’origine de la part des autorités en place, voire d’autres personnes ou groupes, il a clairement répondu par la négative.

En l'espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur VESELJI lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes-rendus figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés au cours de la procédure gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène partant le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir, à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques, ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, 4 au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 mai 2000 par:

M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Campill 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11789
Date de la décision : 29/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-29;11789 ?

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