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29/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11736

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mai 2000, 11736


N° 11736 du rôle Inscrit le 22 décembre 1999 Audience publique du 29 mai 2000 Recours formé par les époux … KUC et X., … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11736 du rôle et déposée le 22 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître François PRUM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des épo

ux … KUC et X., de nationalité yougoslave, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation ...

N° 11736 du rôle Inscrit le 22 décembre 1999 Audience publique du 29 mai 2000 Recours formé par les époux … KUC et X., … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11736 du rôle et déposée le 22 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître François PRUM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … KUC et X., de nationalité yougoslave, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 22 décembre 1999 leur refusant l’octroi d’une autorisation de séjour au Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 février 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2000 au nom des époux … KUC et X. ;

Vu les pièces versées ne cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Danièle WAGNER, en remplacement de Maître François PRUM, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mai 2000.

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Les époux … KUC et X., nés respectivement les … et … à … (Monténégro), tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, sollicitèrent le statut de réfugié politique au Grand-Duché de Luxembourg en date du 8 décembre 1995. Cette demande d’asile fut rejetée comme non fondée par décision ministérielle du 10 janvier 1997, et les recours contentieux introduits à son encontre furent rejetés par le tribunal administratif et la Cour administrative en dates respectivement du 2 juin et du 18 novembre 1997. Les époux KUC-X. sollicitèrent alors, par l’intermédiaire de leur mandataire, une autorisation de séjour par courrier du 20 février 1998.

Par courrier de leur mandataire datant du 20 août 1999, les époux KUC-X. ont attiré l’attention du ministre sur les difficultés qu’ils ont rencontrées pour se voir délivrer une autorisation d’occupation temporaire au sens du règlement grand-ducal du 20 avril 1999 portant modification du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché, et, estimant remplir les conditions afférentes, ont sollicité l’octroi d’une autorisation d’occupation temporaire.

Par référence aux deux courriers précités des époux KUC-X. des 20 février 1998 et 20 août 1999, le ministre de la Justice informa leur mandataire par courrier du 22 décembre 1999 “ qu’à défaut d’éléments pertinents nouveaux une autorisation de séjour ne peut être délivrée aux intéressés.

Toutefois je me permets de vous informer qu’à titre exceptionnel, l’intéressé pourra solliciter une autorisation d’occupation temporaire en attendant son éloignement ”.

A l’encontre de la décision ministérielle précitée les époux KUC-X. ont fait introduire un recours en annulation par requête déposée en date du 22 décembre 1999.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité de ce recours pour cause de tardiveté en faisant valoir que la demande en obtention d’une autorisation de séjour présentée en date du 20 février 1998 aurait fait l’objet d’une décision de rejet implicite dans la mesure où aucune réponse explicite n’y aurait été fournie dans les trois mois, de sorte que les demandeurs seraient maintenant, plus d’un an après, forclos à agir contre cette décision de rejet implicite. Il signale en outre que les demandeurs ont fait l’objet d’ordres de quitter le territoire en date respectivement des 4 mai et 18 août 1998 et estime que dans la mesure où le tribunal devait considérer que lesdits ordres forment des décisions explicites, répondant à la demande du 20 février 1998, les demandeurs seraient également forclos pour attaquer les deux décisions les invitant à quitter le territoire précitées pour soutenir que le recours serait encore à déclarer irrecevable pour cause de tardiveté à cet égard.

Concernant plus particulièrement la décision déférée du 22 septembre 1999, elle serait à considérer comme une décision purement confirmative de la décision de rejet implicite se dégageant du silence gardé par rapport à leur demande du 20 février 1998, ainsi que des deux invitations à quitter le territoire émises en 1998, de sorte que les décisions à la base de la décision déférée serait coulées en force de chose jugée et que partant aucun recours ne serait plus possible à son encontre.

Dans la mesure où le simple fait de présenter une demande en obtention d’une autorisation de séjour n’est pas de nature à conférer per se aux demandeurs un droit de séjour en attendant l’instruction de cette demande, un ordre de quitter le territoire adressé par ailleurs aux demandeurs en obtention d’une autorisation de séjour ne saurait être interprété, tel qu’allégué par le représentant étatique, comme valant décision explicite de rejet de la demande en obtention d’une autorisation de séjour. L’ordre de quitter le territoire a en effet un objet distinct et peut, le cas échéant, intervenir parallèlement à l’instruction d’une demande en obtention d’une autorisation de séjour et indépendamment du sort réservé à celle-ci.

Force est encore de constater que si la décision déférée du 22 septembre 1999 est à considérer comme purement confirmative de la décision implicite de refus se dégageant du silence depuis plus de trois mois par rapport à la demande présentée le 20 février 1998, il reste pas moins que cette décision implicite de refus fut par essence dépourvue de toute indication relative au voies de recours ouvertes à son encontre, de sorte qu’aucun délai de recours n’a pu 2 commencer à courir à son égard et que partant le recours introduit en date du 22 décembre 1999 à l’encontre de la décision ministérielle déférée du 22 septembre 1999 est recevable ratione temporis. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes prévues par la loi, il est recevable.

Les demandeurs reprochent à la décision attaquée une insuffisance de motivation en faisant valoir que le ministre n’aurait pas pris position par rapport aux arguments par eux avancés dans leur demande du 20 février 1998 et n’aurait par ailleurs fait aucune référence à leur situation particulière.

En vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé.

En l’espèce, le tribunal constate que la décision déférée du 22 septembre 1999 est motivée par la considération “ qu’à défaut d’éléments pertinents nouveaux, une autorisation de séjour ne peut être délivrée aux intéressés ”. Dans la mesure où la décision implicite de refus résultant du silence ainsi expressément confirmée ne contient, par essence, pas davantage d’éléments de motivation que celle actuellement déférée, il y a lieu de se référer aux précisions apportées en cours d’instance à travers le mémoire du délégué du Gouvernement pour apprécier la motivation de la décision déférée.

La sanction d’une absence de motivation d’une décision administrative ne consiste en effet que dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter ses motifs postérieurement et même pour la première fois en cours d’instance (cf. Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure administrative non contentieuse, III. Motivation, n° 28 et autres références y citées).

En l’espèce, le délégué du Gouvernement a précisé, à suffisance de droit, dans son mémoire en réponse, que la décision attaquée est basée sur ce que les demandeurs ne disposent pas de moyens personnels suffisants tels que prévus à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère. Suite aux motifs présentés en cours d’instance, les demandeurs n’ont partant pas pu se méprendre sur les raisons qui ont amené le ministre à leur refuser l’autorisation de séjour et ils ont utilement pu préparer leur défense avant la prise en délibéré de l’affaire.

Il s’ensuit que le moyen tiré d’une insuffisance de motivation et à abjuger.

Les demandeurs font exposer au fond que la famille de Monsieur KUC, en l’occurence son frère … KUC et sa sœur …, serait très bien intégrée au Luxembourg et y résiderait en situation régulière, que dans leur pays d’origine les deux frères KUC auraient vécu ensemble pendant de longues années et que par ailleurs Monsieur … KUC pourrait subvenir aux besoins de sa femme et de ses deux enfants et souhaiterait se bâtir une nouvelle existence au Luxembourg. Ils signalent à cet égard que l’intéressé aurait fait ses preuves auprès de l’entreprise … auprès de laquelle il aurait travaillé pendant 5 mois comme manœuvre, ainsi qu’auprès de l’entreprise … s.à r.l., qui au vu du bon travail et de la bonne intégration dont il 3 aurait fait preuve, aurait présenté une demande en prolongation du permis de travail et serait disposée à le réengager de suite, ceci tant au vu de ses qualifications purement techniques pour effectuer son travail qu’au vu de ses qualités humaines.

A titre subsidiaire, les demandeurs font valoir que la décision déférée violerait non seulement la loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers, mais témoignerait également d’une erreur de fait en ne tenant pas compte de leur situation subjective. Ils signalent à cet égard que Monsieur KUC aurait suivi dans un souci d’intégration et avec assiduité les cours de langue allemande organisés par la fondation Caritas et que toutes les personnes ayant approché les époux KUC-X. et appris à les connaître les auraient appréciés, de sorte que la décision déférée serait à annuler pour erreur manifeste d’appréciation.

Le délégué du Gouvernement fait valoir qu’il ressortirait clairement du dossier administratif qu’au moment de la prise de la décision déférée, les demandeurs ne disposaient pas de moyens d’existence personnels provenant d’un emploi couvert par un permis de travail et signale à cet égard que l’autorisation d’occupation temporaire dont bénéficiait Monsieur KUC n’était valable que jusqu’au 15 décembre 1999 et n’a pas fait l’objet d’une prolongation, de sorte que les demandeurs ne seraient pas en mesure de percevoir des revenus d’une façon légale. Concernant plus particulièrement les considérations ayant trait à l’intégration des demandeurs au Luxembourg, le représentant étatique les réfute pour ne pas être pertinents au regard du contrôle de la légalité de la décision querellée.

Dans leur mémoire en réplique les demandeurs insistent sur les liens d’amitié qu’ils ont tissés depuis leur arrivée au Luxembourg pour souligner leur volonté d’intégration et relèvent qu’ils n’auraient ni famille, ni amis, ni maison au Monténégro et que Monsieur KUC risquerait par ailleurs d’y être enrôlé de force dans l’armée. Ils signalent en outre que dès l’obtention d’une autorisation de séjour, Monsieur KUC pourrait obtenir un permis de travail, alors qu’il aurait déjà trouvé un emploi et que cet emploi lui permettrait dès lors de disposer de moyens personnels suffisants pour vivre avec sa famille à Luxembourg.

En présence d’un recours en annulation, le rôle du juge administratif consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de l’acte administratif attaqué.

La légalité d’une décision administrative s’appréciant en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise, il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1, l’entrée et le séjour des étrangers ; 2, le contrôle médical des étrangers ; l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, dispose que “ l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) -

qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ”.

Il ressort des éléments du dossier et des renseignements qui ont été fournis au tribunal, que Monsieur KUC ne disposait pas de moyens personnels propres au moment où la décision attaquée a été prise.

4 En effet, c’est à tort que les demandeurs entendent justifier l’existence de moyens personnels suffisants par des rémunérations que Monsieur KUC pourrait toucher s’il obtenait un permis de travail lui permettant d’exercer une profession au Luxembourg, Abstraction faite de toutes autres considérations, force est de relever que le demandeur n’était pas en possession, au moment de la prise de la décision, d’un permis de travail et qu’il n’était dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et à toucher légalement des revenus provenant de cet emploi.

Le demandeur n’invoque, ni a fortiori ne prouve l’existence d’autres moyens personnels, de sorte que le refus ministériel se trouve justifié à suffisance de droit par ledit motif.

Cette considération ne saurait être énervée par le degré d’intégration par ailleurs atteint par les demandeurs, cette appréciation échappant en tant que telle au contrôle du juge statuant dans le cadre d’un recours en annulation.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience du 29 mai 2000 par :

M . Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef s. Schmit s. Campill 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11736
Date de la décision : 29/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-29;11736 ?

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