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29/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11725

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mai 2000, 11725


N° 11725 du rôle Inscrit le 16 décembre 1999 Audience publique du 29 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … ADEMI, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11725 et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 1999 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADEMI, né le … à … (Kosovo),

de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement ...

N° 11725 du rôle Inscrit le 16 décembre 1999 Audience publique du 29 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … ADEMI, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11725 et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 1999 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADEMI, né le … à … (Kosovo), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 29 septembre 1999, notifiée le 11 octobre 1999, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique et d’une décision confirmative sur recours gracieux prise par ledit ministre le 17 novembre 1999;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 février 2000 au nom du demandeur;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Luc SCHANEN, en remplacement de Maître François MOYSE, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Le 1er août 1997, Monsieur … ADEMI, né le … à … (Kosovo), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

1 En date des 8 août 1997 et 7 janvier 1998, Monsieur ADEMI fut auditionné par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Le 16 septembre 1999, la commission consultative pour les réfugiés émit un avis défavorable.

Par décision du 29 septembre 1999, notifiée le 11 octobre 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur ADEMI de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Me ralliant à l’avis de la Commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. (…) ».

Par lettre du 10 novembre 1999, le mandataire de Monsieur ADEMI introduisit auprès du ministre de la Justice un recours gracieux contre la décision précitée du 29 septembre 1999.

Faisant suite au prédit recours gracieux, le ministre de la Justice confirma par lettre du 17 novembre 1999 à l’adresse du mandataire de Monsieur ADEMI sa décision initiale de refus.

Par requête déposée en date du 16 décembre 1999, Monsieur ADEMI a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des deux décisions précitées du ministre de la Justice des 29 septembre et 17 novembre 1999.

Etant donné que l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles déférées. Le recours en réformation, formulé en ordre principal, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Au fond, le demandeur fait exposer qu’il est originaire du Kosovo et de nationalité yougoslave, qu’il aurait été persécuté du fait de son appartenance ethnique et en raison de sa « fonction activiste au sein du LDK ». Il soutient encore que les pièces par lui produites documenteraient « une perquisition de son foyer en 1989, une seconde perquisition en 1992, la fermeture de son épicerie en 1993, les mauvais traitements infligés par la police fin 1996, ainsi que le fait d’avoir été à nouveau inquiété et convoqué par la police fin juin 1997 » et que ce dernier événement l’aurait incité à quitter son pays d’origine et se réfugier au Grand-

Duché de Luxembourg.

2 Il conclut en premier lieu à l’annulation des deux décisions litigieuses pour violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, de l’article 12 de la loi précitée du 3 avril 1996 et de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, lesquels prévoiraient explicitement l’obligation de motiver les décisions rendues en matière d’asile et impliqueraient que le ministre compétent doit prendre position par rapport à la situation générale ayant existé et existant dans le pays d’origine du demandeur d’asile et par rapport à la situation subjective de ce dernier. Dans ce contexte, il soutient que le ministre ne saurait se rallier simplement, sans autre élément de motivation, à l'avis de la commission consultative pour les réfugiés et il reproche au ministre d’avoir omis de se prononcer sur sa situation particulière.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet dudit moyen d’annulation pour manquer de fondement.

Le moyen d’annulation invoqué par le demandeur consistant à soutenir que les décisions ministérielles critiquées seraient entachées d’illégalité pour défaut de motivation suffisante n’est pas fondé, étant donné qu’il ressort des pièces versées au dossier que la décision initiale du 29 septembre 1999 ensemble l’avis de la commission consultative pour les réfugiés auquel le ministre s’est rallié, et qui a été annexé en copie à la prédite décision, de sorte qu’il en fait partie intégrante, indiquent de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait, sur lesquels le ministre s’est basé pour justifier sa décision de refus, motifs qui ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance du demandeur (v. trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 35, page 261, et autres références y citées). - En effet, le ministre de la Justice, en faisant siennes les conclusions de la prédite commission consultative, a donc basé sa décision de refus sur ces mêmes motifs, lesquels ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance du demandeur. - Par ailleurs, le fait par la décision du 17 novembre 1999 de confirmer purement et simplement la décision initiale, implique que cette deuxième décision se base sur les mêmes dispositions légales et réglementaires ainsi que sur les mêmes motifs que ceux sur lesquels s’est basée la décision initiale.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il s’agit d’analyser la justification au fond des deux décisions de refus d’accorder le statut de réfugié politique.

Sous ce rapport, le demandeur estime qu’il remplirait les conditions légales en vue de la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève au motif qu’il ressortirait de son dossier qu’il a subi de réelles persécutions du fait de son appartenance ethnique ainsi que du fait de ses opinions politiques. - Il soutient encore qu’il serait faux d’exiger la preuve d’une persécution « systématique » dans le chef de chaque demandeur d’asile au motif que pareille exigence ne ressortirait pas de la Convention de Genève.

Il ajoute qu’un éventuel retour dans son pays d’origine ne pourrait être envisagé sans risque « alors qu’il y règne toujours une certaine instabilité, un certain désordre qui se manifeste par des règlements de compte ». Dans son cas précis, « des rivalités et exactions subsistent toujours entre les habitants du village dont il est originaire et le village voisin favorable aux Serbes, Gorane ».

3 Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur ADEMI et que le recours laisserait également d’être fondé sous ce rapport.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur ADEMI lors de ses auditions en date des 8 août 1997 et 7 janvier 1998, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit de raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de son départ. - Sur ce, c’est à bon droit que la commission consultative pour les réfugiés et le ministre de la Justice ont relevé que l’armée fédérale yougoslave et les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine de répressions et exactions commises au Kosovo, ont quitté ce territoire et qu’une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée au Kosovo, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place, et qu’il convient d’en conclure que le demandeur ne peut plus faire état d’un risque actuel de persécution par les prédites autorités serbes au sens de la Convention de Genève en raison de son appartenance ethnique et de ses activités politiques. - Par ailleurs, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’autres éléments pouvant justifier une crainte actuelle de persécution dans son pays d’origine.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

4 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation;

le déclare également recevable en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

déclare le recours en annulation irrecevable;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 29 mai 2000, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11725
Date de la décision : 29/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-29;11725 ?

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