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29/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11723

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mai 2000, 11723


N° 11723 du rôle Inscrit le 16 décembre 1999 Audience publique du 29 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … SALAHU, son épouse, Madame X. et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11723 et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 1999 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur â€

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N° 11723 du rôle Inscrit le 16 décembre 1999 Audience publique du 29 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … SALAHU, son épouse, Madame X. et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11723 et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 1999 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SALAHU, né le …, de son épouse, Madame X., née le …, et de leurs deux enfants communs, …, né le …, et …, né le …, tous les quatre de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 29 septembre 1999, notifiée le 11 octobre 1999, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que contre une décision confirmative sur recours gracieux prise par le prédit ministre en date du 12 novembre 1999, notifiée le 18 novembre 1999;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 27 mai 1998, Monsieur … SALAHU, né le …, et son épouse, Madame X., née le …, tous les deux de nationalité yougoslave, originaires du Kosovo, les deux demeurant actuellement à L-…, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur, …, né le …, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

1 Monsieur … SALAHU fut entendu en date des 5 février et 29 mars 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande. Son épouse fut entendue en ses déclarations en date du 8 février 1999.

Le 16 septembre 1999, la commission consultative pour les réfugiés émit un avis défavorable.

Par décision du 29 septembre 1999, notifiée le 11 octobre 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur et Madame SALAHU-X. de ce que leur demande avait été rejetée.

Ladite décision est motivée comme suit: « Me ralliant à l’avis de la Commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. (…) ».

Par lettre datée du 8 novembre 1999, Monsieur et Madame SALAHU-X. et leurs enfants … et …, né à Luxembourg en date du 6 juillet 1998, ci-après dénommés ensemble les « consorts SALAHU-X. », introduisirent, par le biais de leur mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 29 septembre 1999.

Par décision du 12 novembre 1999, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée en date du 16 décembre 1999, les consorts SALAHU-X. ont introduit un recours tendant à la réformation des décisions ministérielles précitées des 29 septembre et 12 novembre 1999.

Monsieur SALAHU fait exposer qu’il est de nationalité yougoslave, originaire du Kosovo et de religion musulmane, qu’il aurait été membre du parti « LDK » de 1990 jusqu’en 1994, qu’au cours de l’année 1994, il serait devenu membre du « MNRK - Mouvement National pour la République du Kosovo », que, « dans un passé récent », les membres du « MNR » auraient été persécutés par les Serbes et qu’à l’heure actuelle, ils seraient intimidés et menacés par « la branche extrémiste de l’UCK », qu’en 1998, du fait de ses activités politiques et de son engagement pour la réunification du Kosovo et de l’Albanie, le tribunal de Mitrovica l’aurait condamné par défaut à une peine d’emprisonnement de 3 ans et que, pour les mêmes raisons, il aurait fait l’objet de mauvais traitements et d’arrestations arbitraires et qu’il aurait refusé de donner suite aux appels à la réserve émanant des autorités serbes.

Il convient de relever que Madame X. n’a pas fait état de motifs de persécution personnels propres, mais, lors de son audition par un agent du ministère de la Justice en date du 8 février 1999, elle a fondé sa crainte de persécution sur les faits invoqués par son époux.

Les demandeurs concluent à la réformation des deux décisions litigieuses pour « violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits ».

2 Dans ce contexte, Monsieur SALAHU fait soutenir qu’il aurait quitté son pays d’origine en raison d’une crainte légitime d’avoir à subir des répressions violentes et injustes des autorités policières et militaires serbes et de devoir participer à des exactions auxquelles il refuserait de s’associer et que le ministre de la Justice aurait fait une mauvaise appréciation des faits de l’espèce et qu’il aurait méconnu les dispositions de la Convention de Genève.

Ensuite, les demandeurs estiment que leurs droits, tels qu’ils sont énumérés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, rendue obligatoire par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, auraient été violés par le gouvernement de la Serbie et que cette violation constituerait une persécution au sens de la Convention de Genève.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des consorts SALAHU-X. et que le recours laisserait d’être fondé.

Etant donné que l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des demandeurs.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les époux SALAHU-X. lors de leurs auditions respectives en date des 5 et 8 février ainsi que du 29 mars 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

3 En effet, en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance des demandeurs d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de leur départ. - Sur ce, c’est à bon droit que la commission consultative pour les réfugiés et le ministre de la Justice, - qui s’est rallié à l’avis de ladite commission -, ont relevé que l’armée fédérale yougoslave et les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine de répressions et exactions commises au Kosovo, ont quitté ce territoire et qu’une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée au Kosovo, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place, et qu’il convient d’en conclure que les demandeurs ne peuvent plus faire état d’un risque actuel de persécution au sens de la Convention de Genève en raison de leur crainte de subir de la part des autorités serbes des actes de persécution du fait de leur appartenance ethnique et des activités politiques de Monsieur SALAHU.

Le risque de persécution invoqué par les demandeurs et fondé sur ce que « la branche extrémiste de l’UCK » risquerait de les poursuivre en raison de l’appartenance de Monsieur SALAHU au « MNRK » ne s’analyse pas en une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, à défaut par les demandeurs d’avoir fait état et d’avoir établi des circonstances particulières dans leur chef.

Le recours est donc à rejeter comme non fondé.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par le moyen tiré d’une prétendue violation des droits garantis par la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, étant donné que la simple violation par des autorités étatiques ou par des groupes de personnes contrôlées ou tolérées par elles de droits garantis par la prédite déclaration ne saurait à elle seule justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique, régie par la seule Convention de Genève. En effet, le simple fait de tomber dans le champ d’application de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui dispose dans son article 14 que devant la persécution toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays, n’autorise pas une personne à se voir reconnaître le statut de réfugié politique. Ce principe général doit faire l’objet d’une appréciation au cas par cas et notamment à la lumière des normes juridiques existantes régissant les conditions d’octroi du droit d’asile, à savoir la Convention de Genève (trib. adm. 15 juillet 1998, n° 10654 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Etrangers, I. Réfugiés, A. Généralités, n° 3, p. 101).

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

4 Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 29 mai 2000, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11723
Date de la décision : 29/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-29;11723 ?

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