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25/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11594

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 mai 2000, 11594


N° 11594 du rôle Inscrit le 19 octobre 1999 Audience publique du 25 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … KASS, … contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11594 et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 1999 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KASS, sans état particulier, demeurant

à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environneme...

N° 11594 du rôle Inscrit le 19 octobre 1999 Audience publique du 25 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … KASS, … contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11594 et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 1999 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KASS, sans état particulier, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement du 23 mai 1997, l’autorisant à procéder à la plantation d’arbres de Noël sur un fonds sis à …, inscrit au cadastre de ladite commune, section A de …, sous le n° …, autorisation qui est cependant assortie d’un certain nombre de conditions, notamment celle d’entourer, avant la plantation des arbres de Noël, la parcelle concernée d’une haie composée d’une dizaine d’essences d’arbustes indigènes;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 22 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif;

Vu le mémoire en réplique déposé le 21 janvier 2000 au nom du demandeur;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement le 21 février 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Victor ELVINGER et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 17 février 1997, Monsieur … KASS, sans état particulier, demeurant à L-

…, sollicita auprès du ministre de l’Environnement une autorisation pour la plantation d’« arbres de Noël Nordmann » sur un fonds sis à …, inscrit au cadastre de ladite commune, section A de …, sous le n° … Par lettre datée du 23 mai 1997, le ministre de l’Environnement informa Monsieur KASS qu’il lui accordait l’autorisation sollicitée aux conditions suivantes:

« 1. Les arbres de Noël seront plantés sur la parcelle cadastrale no … de la section B de …, commune de …, conformément au plan de situation joint à la demande.

2. Les arbres seront plantés à 2 mètres de la limite des terrains voisins.

3. Les arbres seront exploités au plus tard 10 ans après la plantation, respectivement dès le moment où les arbres auront atteint 3 mètres de hauteur.

4. Les plantes seront dégagées mécaniquement (fauchage), l’utilisation d’herbicides est interdite.

5. La parcelle prévue pour la plantation d’arbres de Noël est à entourer d’une haie composée d’une dizaine d’essences d’arbustes indigènes à mettre en place avant les arbres de Noël ».

A l’encontre de la décision ministérielle précitée du 23 mai 1997, Monsieur KASS a introduit, par requête déposée le 19 octobre 1999, un recours tendant principalement à sa réformation et subsidiairement à son annulation.

QUANT A LA COMPETENCE Conformément à l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif n’est compétent pour connaître comme juge du fond que des recours en réformation dont les lois spéciales lui attribuent connaissance.

L’article 38 de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles prévoyant un recours en réformation contre toutes les décisions prises par le ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts, actuellement le ministre de l’Environnement, en vertu de la loi en question, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.

QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS EN ANNULATION Il suit de ce qui précède que la demande en annulation de la décision critiquée, introduite en ordre subsidiaire, est d’ores et déjà à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS EN REFORMATION Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit le 19 octobre 1999 et dirigé contre une décision datant du 23 mai 1997, pour avoir été introduit tardivement.

Dans ce contexte, il soutient que la décision déférée s’analyserait en une décision positive, de sorte que le demandeur ne saurait se prévaloir de la disposition de l'article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations 2 relevant de l'Etat et des communes, qui oblige l'autorité administrative qui refuse de faire droit à une demande d'indiquer les voies et délai de recours, faute de quoi le délai du recours contentieux ne commence pas à courir.

Le demandeur conclut au rejet dudit moyen d’irrecevabilité au motif qu’aucun délai contentieux n’aurait commencé à courir faute par le ministre de l’avoir informé quant aux délais et voies de recours qui lui étaient ouverts pour agir contre la décision critiquée. Il soutient qu’une telle information se serait imposée en présence d’une décision s’analysant en une décision de refus partiel voire même complet. Dans ce contexte, il soutient notamment que la condition lui imposant la plantation d’une haie serait tellement coûteuse que son projet deviendrait financièrement inintéressant, c’est-à-dire que ladite condition imposée l’empêcherait purement et simplement de réaliser son projet.

Aux termes de l’article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, « les décisions refusant de faire droit, en tout ou partie, aux requêtes des parties ou révoquant ou modifiant d’office une décision ayant créé ou reconnu des droits doivent indiquer les voies de recours ouvertes contre elles, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l’autorité à laquelle il doit être adressé ainsi que la manière dans laquelle il doit être présenté ».

L'omission des formalités prévues par l'article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 fait obstacle au déclenchement des délais impartis pour les recours. - Cette obligation d’information n’est cependant pas générale, mais elle n’existe que pour certains types de décisions. Il s’agit, entre autres, des décisions qui refusent de faire droit, « en tout ou partie », à une demande d’un administré.

Or, lorsque l’autorité administrative, en réponse à une demande en obtention d’une autorisation pure et simple, délivre une permission conditionnelle, sa décision est à qualifier, au regard de l’article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 et dans la mesure des conditions fixées, de décision de refus partiel.

Par conséquent, en l’espèce, le demandeur ayant sollicité auprès du ministre de l’Environnement une autorisation - pure et simple - afin de planter des sapins de Noël sur une parcelle lui appartenant et le ministre ayant soumis son accord à un certain nombre de conditions, la décision déférée constitue une décision de refus partiel au sens de la disposition précitée et le ministre était tenu d’informer le demandeur sur les voies de recours ouvertes pour agir à l’encontre de ladite décision. - Faute de ce faire, aucun délai n’a pu commencer à courir et le moyen d’irrecevabilité soulevé par la partie défenderesse laisse d’être fondé et doit être écarté.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes prévus par la loi, il est recevable.

QUANT AU FOND Le demandeur soutient en premier lieu que l’article 11 b) de la loi précitée du 11 août 1982 ne soumettrait que les « boisements » de terrains agricoles à l’obtention préalable d’une autorisation ministérielle et il soutient que la plantation d’« arbres de Noël » ne constituerait pas un boisement au sens de ladite disposition.

3 Le délégué du gouvernement rétorque que le boisement d’une terre agricole au moyen d’épicéas constituerait un boisement au motif que l’épicéa constituerait une essence forestière au même titre que le hêtre ou le chêne dans nos régions et qu’il serait faux de « l’assimiler à la plantation de pommes de terre, de poireaux ou autres cultures maraîchères ».

Dans sa réplique, le demandeur relève, entre autres, qu’il ne faudrait pas confondre « épicéa » et « Nordmann - ou abies nordmanniana », la dernière espèce étant un conifère destiné, de nos jours, essentiellement à la culture d’arbres de Noël, tandis que l’épicéa servirait aux plantations forestières. Il ajoute encore que l’essence forestière ou non du « Nordmann » ne serait pas déterminante, étant donné que des espèces forestières pourraient faire l’objet d’une culture agricole.

Aux termes de l’article 11 de la loi précitée du 11 août 1982, « une autorisation du Ministre [de l’Environnement] est requise: a) pour tout changement d’affectation de parcs d’agrément; b) pour tout boisement de terrains agricoles ou vains. (…) L’autorisation peut être refusée si l’opération projetée doit avoir des effets défavorables sur le site ou sur le milieu naturel ».

Il convient de relever que l’article 11 de la loi de 1982 reprend en grande partie le contenu de la disposition antérieure afférente, en l’occurrence l’article 3 de la loi du 27 juillet 1978 qui avait modifié et complété celle du 29 juillet 1965 concernant la conservation de la nature et des ressources naturelles.

En effet, la loi précitée de 1978 avait abrogé l’article 3 de la loi susvisée de 1965 et l’avait remplacé par la disposition suivante: « Une autorisation du Ministre est requise: a) pour tout changement de l’affectation des bois et forêts et des parcs d’agrément ainsi que pour tout boisement de terrains agricoles ou vains. (…) ».

Il se dégage des documents parlementaires relatifs au projet de loi qui est devenu la loi précitée de 1978 que « par changement de l’affectation des bois et forêts et des parcs d’agrément, il faut entendre tout défrichement dans le sens le plus large du mot. Le fait d’enlever les souches n’est plus exclusivement critère pour l’application de la loi; le changement d’affectation, c.-à-d. l’utilisation du terrain à une fin inconciliable avec la mission que les bois et forêts ainsi que les parcs d’agrément sont appelés à remplir, sera dorénavant déterminant » (doc. parl. n° 1729 relatifs au projet de loi portant modification de la loi du 29 juillet 1965 concernant la conservation de la nature et des ressources naturelles, commentaire des articles, ad article 3, page 5). L’idée de base de l’article 3 de la loi de 1978 était donc, d’une part, de soumettre à autorisation tout changement d’affectation des bois et forêts et des parcs d’agrément en terrains agricoles ou vains, mais aussi, d’autre part, la situation inverse où un administré projette de boiser un terrain agricole ou vain.

Or, bien que ce commentaire n’ait pas été expressément repris par la suite dans le cadre de l’article 11 b), le législateur de 1982, en soumettant à autorisation le boisement de terrains agricoles ou vains, a néanmoins entendu soumettre à autorisation préalable un changement d’affectation d’un terrain agricole ou vain en un fonds boisé.

En l’espèce, étant donné qu’il est incontestable que les « sapins ou arbres de Noël » constituent des arbres et qu’un boisement n’est rien d’autre qu’une plantation d’arbres groupés densément sur une parcelle de terrain d’une certaine envergure, le projet dont il est question en 4 cause, à savoir la plantation d’arbres de Noël « Nordmann » sur le fonds appartenant au demandeur et sis à …, inscrit au cadastre de ladite commune, section A de …, sous le n° 769/317, constitue un boisement soumis à autorisation au sens de l’article 11 b) de la loi précitée du 11 août 1982 et la décision litigieuse n’encourt pas de reproche sous ce rapport.

Etant donné que le tribunal est saisi d’un recours en réformation dans le cadre duquel il est appelé à apprécier les motifs à la base de la décision ministérielle, notamment à la base des conditions fixées dans le cadre de la sphère de compétence du ministre de l’Environnement, lesquels ne peuvent être appréciés sur base des seuls éléments du dossier soumis au tribunal, mais nécessitent une prise en considération de la situation concrète du terrain et du milieu naturel, il convient d’ordonner, avant tout progrès en cause, une visite des lieux aux date et heure plus amplement spécifiées au dispositif des présentes, tous droits des parties étant réservés.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

déclare le recours en annulation irrecevable;

reçoit le recours en réformation en la forme;

avant tout autre progrès en cause, tous autres droits des parties étant réservés, ordonne une visite des lieux;

dit qu’il sera procédé à cette mesure d’instruction en date du jeudi 15 juin 2000 à 16.00 heures, rendez-vous étant donné aux parties et leurs représentants à …;

réserve les frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 25 mai 2000 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11594
Date de la décision : 25/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-25;11594 ?

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