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24/05/2000 | LUXEMBOURG | N°s11562,11563

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mai 2000, s11562,11563


N°s 11562 et 11563 du rôle Inscrits le 29 septembre 1999 Audience publique du 24 mai 2000

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Recours formé par la société REALIM SARL, … contre un bulletin de l’impôt sur le revenu et un bulletin de l’impôt commercial communal en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal

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I. Vu la requête, intitulée « Conclusions », inscrite sous le numéro du rôle 11562 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 septembre 1999 par MaÃ

®tre Alain STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no...

N°s 11562 et 11563 du rôle Inscrits le 29 septembre 1999 Audience publique du 24 mai 2000

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Recours formé par la société REALIM SARL, … contre un bulletin de l’impôt sur le revenu et un bulletin de l’impôt commercial communal en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal

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I. Vu la requête, intitulée « Conclusions », inscrite sous le numéro du rôle 11562 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 septembre 1999 par Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée REALIM SARL, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités relatif à l’année 1993, émis le 11 juillet 1996 par le bureau d’imposition Sociétés 5 de l’administration des Contributions directes, suite au silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions directes postérieurement à une réclamation introduite auprès de lui en date du 10 octobre 1996;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 1999;

II. Vu la requête, intitulée « Conclusions », inscrite sous le numéro du rôle 11563 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 septembre 1999 par Maître Alain STEICHEN, préqualifié, au nom de la société à responsabilité limitée REALIM SARL, préqualifiée, tendant à la réformation du bulletin de l’impôt commercial communal relatif à l’année 1993, émis le 11 juillet 1996 par le bureau d’imposition Sociétés 5 de l’administration des Contributions directes, suite au silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions directes postérieurement à une réclamation introduite auprès de lui en date du 10 octobre 1996;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins litigieux;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Nicole LORENZ, en remplacement de Maître Alain STEICHEN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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1 Le 11 juillet 1996, le bureau d’imposition Sociétés 5 de l’administration des Contributions directes émit à l’encontre de la société à responsabilité limitée REALIM SARL, établie et ayant son siège social à L-…, un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1993 et un bulletin de l’impôt commercial communal relatif à ladite année 1993.

Contre lesdits bulletins, la société REALIM SARL introduisit, par lettre de la Fiduciaire STEICHEN du 10 octobre 1996, une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », en reprochant au bureau d’imposition de ne pas avoir considéré comme fiscalement déductible une provision pour travaux de garantie.

En l’absence d’une décision directoriale à la suite de ladite réclamation, la société REALIM SARL a introduit le 29 septembre 1999 deux recours en réformation respectivement contre les deux bulletins précités de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal.

La demanderesse expose avoir comme activité la construction, la réalisation, la promotion et la vente immobilières, qu’à partir de l’exercice d’exploitation 1988, elle a constitué chaque année une provision pour risques et charges pour couvrir sa responsabilité décennale en matière de construction immobilière prévue par l’article 1792 du code civil et qu’au 31 décembre 1993, la provision pour garantie décennale s’élevait à …- francs, étant précisé que la dotation au titre de l’année 1993 était de …- francs.

Elle fait encore exposer que l’inscription dans les bilans fiscaux et la déductibilité de cette provision pour risques et charges auraient été acceptées par le bureau d’imposition pendant plusieurs années, lorsque sont intervenus les bulletins litigieux, lesquels documenteraient pour la première fois le refus du bureau d’imposition de déduire ladite provision et que, dans lesdits bulletins, le bureau d’imposition aurait réintégré au bénéfice commercial de l’année 1993 la dotation à la provision pour travaux de garantie décennale effectuée au titre de l’année 1993 d’un montant de …- francs, ainsi que la totalité de la provision constituée au cours des années 1988 à 1992 d’un montant de ….- francs.

La demanderesse soutient en premier lieu que les bulletins litigieux aboutiraient indirectement à un redressement de l’imposition des années 1988 à 1992, qu’une remise en cause du bilan d’ouverture ne serait acceptable que si elle est effectuée moyennant l’émission de bulletins rectificatifs pour les années concernées. - Elle estime en outre qu’on ne saurait accepter que l’administration ait imputé sur l’exercice 1993 l’ensemble des corrections des bulletins des exercices antérieurs, au lieu d’émettre des bulletins rectificatifs, au motif que le paragraphe 222 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-

après dénommée « AO », n’autoriserait l’administration fiscale qu’à rectifier un bulletin en défaveur du contribuable que si des faits nouveaux sont parvenus à la connaissance de l’administration, preuve qui n’aurait pas été rapportée en l’espèce.

La demanderesse soutient en outre que la déductibilité fiscale de la provision pour risques et charges constituée, dans « le souci de respecter les principes comptables » d’image fidèle, de prudence et de spécificité des exercices comptables, ne saurait être contestée, au motif qu’elle aurait été calculée avec une approximation suffisante sur base d’un certain pourcentage du chiffre d’affaires.

2 Dans un deuxième ordre d’idées, la demanderesse reproche au bureau d’imposition d’avoir manqué aux obligations découlant du paragraphe 205 AO, au motif qu’il aurait omis de l’informer préalablement à l’établissement des bulletins litigieux sur un point s’écartant substantiellement de ses déclarations fiscales.

Le délégué du gouvernement soutient que si le bureau d’imposition n’aurait pas de doute quant à la constitution d’une provision mais estime, à tort ou à raison, qu’une telle provision n’est pas déductible, il ne s’écarterait pas à proprement parler « de la situation telle que déclarée par le contribuable », mais il procéderait plutôt à une qualification juridique des faits lui soumis par rapport à une certaine interprétation de l’article 23 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR ». Etant donné qu’en l’espèce, il serait cependant malaisé de séparer la question de droit de celle du montant concrètement justifié, le délégué demande au tribunal d’apprécier si le bureau d’imposition aurait dû ou non entendre la demanderesse sur la réintégration projetée de la provision dans le bénéfice.

Pour le surplus, le délégué du gouvernement, excluant le principe de bonne foi en cas de compétence liée, mais admettant que l’imposition en 1993 de bénéfices que le bureau d’imposition « regrette » de n’avoir imposés pour les années antérieures ne serait pas justifiée par la seule continuité des bilans, soutient que le bureau d’imposition aurait été fondé à s’interroger sur l’évaluation du risque en 1993 et de solliciter de la demanderesse des explications. - Il soutient encore que la demanderesse n’aurait pas évalué ses risques individuellement et annuellement, mais l’aurait fait forfaitairement et qu’elle omettrait de produire des pièces suffisantes pour appuyer une méthode statistique et en particulier les évaluations de ses risques.

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice, il échet de joindre les deux recours, respectivement introduits sous les numéros 11562 et 11563 du rôle, pour y voir statuer par un seul et même jugement.

Les recours ayant été introduits dans les formes et délai de la loi et non autrement contestés sous ce rapport, ils sont recevables.

Les questions de procédure étant à analyser avant les questions ayant trait au fond, le tribunal est tout d’abord amené à examiner le moyen invoqué par la demanderesse quant à une prétendue violation du paragraphe 205, alinéa 3 AO.

Le paragraphe 205 alinéa 3 AO dispose que: « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ».

Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il envisage de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

3 Le paragraphe 205 alinéa 3 AO constitue une application du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu par le bureau d’imposition (« Anspruch auf Gehör »), tel qu’il résulte du paragraphe 204 alinéa 1er AO. L’application de ce principe général a pour conséquence que sans une consultation appropriée du contribuable, il n’est pas possible de fixer une imposition correcte de la situation patrimoniale d’un contribuable (v. Becker, Riewald, Koch: Reichsabgabenordnung, Kommentar, Band II, Carl Heymanns Verlag, 1965, 6.

Das Recht auf Gehör, pages 288 et s.).

Le droit d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration ou lui fixant une imposition sur base des informations et documents qui sont à la disposition du bureau d’imposition, doit être interprété comme comportant un droit élémentaire au profit du contribuable face à l’administration fiscale, découlant à la fois du principe du contradictoire et des droits de la défense durant la phase précédant l’établissement d’un bulletin d’impôt, pareille façon de procéder étant de plus de nature à éviter des réclamations et recours ultérieurs.

Le droit à la consultation du contribuable par le bureau d’imposition ne s’applique pas exclusivement à des questions ayant trait à la matérialité des faits soumis à imposition, mais également aux questions de droit, tenant à l’interprétation à donner aux dispositions légales ou réglementaires et à la qualification juridique des faits. Pour que l’obligation prévue par la disposition précitée trouve application, il suffit que le bureau d’imposition entende s’écarter de manière notable d’une situation existante, découlant des informations et documents qui sont en sa possession, peu importe que cette divergence de vues porte sur des questions de fait ou sur des questions de droit. - S’il est vrai que le paragraphe 166 alinéa 2 AO dispose notamment qu’il appartient exclusivement au bureau d’imposition de décider de l’imposabilité d’une situation, il n’en demeure pas moins que le contribuable, sans avoir évidemment le pouvoir de prendre une décision d’imposition, a intérêt, tout comme pour une divergence de vues existant quant aux éléments de fait susceptibles d’influer sur la décision d’imposition, à présenter son argumentation devant le bureau d’imposition quant à l’interprétation ou à l’application de certaines dispositions légales ou réglementaires ou encore par rapport à la qualification juridique des faits concernant sa situation fiscale, ceci afin d’éviter des réclamations et recours ultérieurs.

L’information préalable et le droit de faire connaître ses observations étant destinés à protéger les droits des contribuables, tout en contribuant à éviter des réclamations et recours ultérieurs, ils doivent être qualifiés de formalités substantielles. Dans la mesure où la violation de cette formalité a été invoquée devant le tribunal dans le cadre d’un recours ayant pour objet une cote d’impôt ou le principe d’imposabilité, elle entraîne l’annulation des bulletins d’impôt émis au terme de la procédure ainsi viciée.

En l’espèce, indépendamment de la solution « malaisée » de la question relative à la séparation de la question de droit et de celle du montant concrètement justifié, il est constant que le bureau d’imposition a procédé à une réintégration d’une provision pour risques d’un montant de …- francs dans le bénéfice réalisé par la demanderesse au cours de l’année 1993, s’écartant ainsi substantiellement de la déclaration d’impôt sur le revenu présentée pour l’année concernée, en omettant d’en informer celle-ci, préalablement à l’émission des deux bulletins d’impôt entrepris. Il a ainsi mis la demanderesse dans l’impossibilité de présenter les observations qui, à son avis, justifieraient sa qualification juridique desdits faits voire de 4 documenter et d’expliquer le montant tel que déclaré et partant ses droits de la défense ont été violés.

Le tribunal administratif peut, dans le cadre d’un recours en réformation, se limiter à prononcer l’annulation de bulletins entrepris au cas où, comme en l’espèce, une formalité substantielle n’a pas été respectée lors de l’instruction du dossier par le bureau d’imposition. Il s’ensuit que les bulletins entrepris, émis le 11 juillet 1996, encourent l’annulation, l’analyse des autres moyens invoqués devenant par ailleurs superflue.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

joint les affaires introduites sous les numéros 11562 et 11563 du rôle;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare partiellement justifié;

annule les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 1993 émis le 11 juillet 1996 à charge de la demanderesse;

renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour prosécution;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 24 mai 2000 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : s11562,11563
Date de la décision : 24/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-24;s11562.11563 ?

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