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24/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11580

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mai 2000, 11580


N° 11580 du rôle Inscrit le 11 octobre 1999 Audience publique du 24 mai 2000

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Recours formé par Madame … KERGER, veuve …, Luxembourg contre différents actes administratifs en matières de changement d’affectation et de traitement

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11580 et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 1999 par Maître Monique WATGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KERGER, veuve …, employÃ

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N° 11580 du rôle Inscrit le 11 octobre 1999 Audience publique du 24 mai 2000

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Recours formé par Madame … KERGER, veuve …, Luxembourg contre différents actes administratifs en matières de changement d’affectation et de traitement

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11580 et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 1999 par Maître Monique WATGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KERGER, veuve …, employée publique, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation:

1) d’une décision, non notifiée, prise par le ministre du Budget en date du 9 juillet 1999, par laquelle il a décidé de faire droit à la demande lui adressée par la voie hiérarchique en date du 24 juin 1999 par le président faisant fonction de la Chambre des Comptes, tendant à voir priver Madame KERGER du bénéfice de 20 points indiciaires, lui alloués en sa qualité de secrétaire de direction de la Chambre des Comptes, pour en faire bénéficier une autre employée de cette administration;

2) d’une décision de refus implicite, se dégageant du silence gardé par le ministre du Budget pendant plus de trois mois à la suite d’une demande lui adressée en date du 2 juillet 1999 par Madame KERGER, tendant à ne pas faire droit à la demande susvisée du président f.f.

de la Chambre des Comptes;

3) d’une décision de refus implicite, se dégageant du silence gardé par le président f.f. de la Chambre des Comptes pendant plus de trois mois à la suite d’une demande lui présentée le 9 juillet 1999 par Madame KERGER, tendant à voir réformer sa décision non datée antérieure par laquelle il lui a octroyé un changement de fonctions;

4) pour autant qu’il s’agisse d’une décision administrative, de nature individuelle, causant grief, de l’organigramme dressé le 24 juin 1999 par le président f.f. de la Chambre des Comptes, documentant les nouvelles tâches confiées aux fonctionnaires et employés de cette administration;

5) d’une décision non écrite et non motivée - à la base de sa demande du 24 juin 1999 - prise par le président f.f. de la Chambre des Comptes, décidant de voir octroyer à Madame KERGER un changement des fonctions qu’elle a exercées jusque-là et partant retrait de la nomination antérieure au poste de secrétaire de direction, accordée par l’autorité de nomination;

6) d’une décision prise en date du 24 septembre 1999 par le ministre de la Fonction Publique et de la Réforme administrative, disposant que le retrait de l’allongement de traitement de 20 points indiciaires, opéré par l’administration du personnel de l’Etat sur le traitement de Madame KERGER alloué à compter du mois de septembre 1999, est intervenu à juste titre;

7) pour autant que ces documents soient considérés comme des décisions administratives susceptibles d’un recours contentieux, des bulletins de traitement relatifs aux mois de septembre et octobre 1999, prouvant matériellement le retrait litigieux des 20 points indiciaires, revenant à Madame KERGER en sa qualité de secrétaire de direction, affectée aux services du président de la Chambre des Comptes;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg le 5 janvier 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse le 18 janvier 2000;

Vu les pièces versées en cause;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Monique WATGEN et Georges PIERRET en leurs plaidoiries respectives.

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Par contrat signé le 23 avril 1982, Madame … KERGER, veuve …, employée publique, demeurant actuellement à L-… fut engagée « comme employée de bureau à l’administration de la Chambre des Comptes à partir du 1er mai 1982 » , tel que cela est précisé à l’article 1er du prédit contrat.

L’article 2 dudit contrat d’engagement ajoute que Madame KERGER « est engagée pour une période indéterminée en qualité de secrétaire de direction. La qualité d’employée de l’Etat lui est reconnue conformément aux dispositions de la loi du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat ».

L’article 4 quant à lui précise, entre autres, que « l’Etat se réserve la faculté de transférer l’employée à tout autre service selon les nécessités de l’administration et à la déplacer auprès de toute administration, en cas de besoin ».

Il ressort d’un courrier du 9 juillet 1987 adressé par Monsieur Jean THILL, président de la Chambre des Comptes, à l’adresse du ministre des Finances que: « Objet: Circulaire du Ministre de la Fonction publique n° 777/87 du 30 juin 1987 concernant les employés exerçant les fonctions de secrétaire de direction.

Je vous prie de bien vouloir transmettre la présente lettre, munie de votre accord, à M. le Ministre de la Fonction publique avec les renseignements concernant l’employée qui exerce effectivement la fonction de secrétaire de direction: Nom et prénom : …-KERGER …, Grade : D - 7. (…) ».

Suite à la mise en disponibilité avec effet immédiat de Monsieur Gérard REUTER, président de la Chambre des Comptes, par arrêté grand-ducal du 18 mai 1999, et en attendant l’entrée en vigueur au 1er janvier 2000 de la loi du 8 juin 1999 portant organisation de la Cour 2 des Comptes, les fonctions de président de la Chambre des Comptes furent temporairement assumées par Monsieur ….

Le 22 juin 1999, le président faisant fonction (f.f.) de la Chambre des Comptes dressa un nouvel organigramme reprenant la répartition des tâches des fonctionnaires et employés de la Chambre des Comptes avec effet à partir du 24 juin 1999. Ledit organigramme renseigne que les tâches de Madame KERGER comprendraient dorénavant ce qui suit: « - Contrôle des opérations de la comptabilité après-paiement de la Trésorerie de l’Etat. Comptes mensuels et balances de la Trésorerie de l’Etat. - Comptables extraordinaires. - Tenue du registre des ordonnances provisoires. - Comptes mensuels, annuels et de fin de gestion des comptables ordinaires; quittances de versement; tenue des registres des comptables et des recettes; Fonds spéciaux; rôles de restitution. - Caisse générale de l’Etat: cautionnements et dépôts - compte de gestion de fin d’année ». - Il convient de relever qu’aux termes de l’organigramme antérieur, produit en cause et daté du mois d’avril 1996, Madame KERGER est mentionnée comme « secrétaire de direction - secrétaire particulière du président ».

Par courrier du 24 juin 1999, communiqué en copie pour information à Madame KERGER, le président f.f. de la Chambre des Comptes, se référant à la circulaire précitée du ministre de la Fonction publique du 30 juin 1987, intervint auprès du ministre du Budget « afin que l’augmentation de 20 points indiciaires accordée à l’employée Madame … … soit annulée à partir du 1er juillet 1999. L’annulation de ladite augmentation se dégage du fait que Madame … n’exerce plus les fonctions de secrétaire de direction. (…) ».

Par lettre du 2 juillet 1999, Madame KERGER, par le biais de son mandataire, s’adressa au ministre du Budget pour protester contre la « révocation de son poste de secrétaire de direction ».

Le 9 juillet 1999, le ministre du Budget transmit la demande précitée du 24 juin 1999 du président f.f. de la Chambre des Comptes au ministre de la Fonction publique « avec prière de faire bénéficier Madame N. G.-H. de la prime revenant aux employés exerçant la tâche de secrétaire de direction avec effet au 1er juillet 1999, date à partir de laquelle Madame G.-H.

reprendra cette tâche de Madame … …-KERGER qui ne bénéficiera donc plus du supplément prémentionné à partir du même jour ».

Le 9 juillet 1999, Madame KERGER s’adressa au président f.f. de la Chambre des Comptes pour protester contre son « changement d’affectation » et lui demanda de lui confier son ancienne affectation à la fin de son congé de maladie.

Le 27 août 1999, Madame KERGER s’adressa, par le biais de son mandataire, au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative dans les termes suivants:

« (…) Ma mandante me remet copie de son bulletin de traitement relatif au mois de septembre 1999, lui notifié le 20 août dernier. Ce bulletin dégage que le bénéfice de l’allongement de son traitement de 20 points indiciaires, lié à sa fonction de secrétaire de direction à la Chambre des Comptes, conformément aux dispositions du règlement du gouvernement en conseil modifié du 1er mars 1974, fixant le régime des indemnités des employés aux services de l’Etat, lui a été enlevé.

3 Ma mandante ignore les motifs qui ont amené votre prédécesseur à donner instruction à l’Administration du Personnel de l’Etat à opérer ce retrait injustifié, dans la mesure où elle occupe les fonctions de secrétaire de direction depuis la date de son entrée en services le 1er mai 1982 et qu’à ce jour, aucune décision motivée, portant révocation de ces fonctions ne lui a été notifiée.

Je vous prie partant de bien vouloir me transmettre, la décision motivée de révocation de ses fonctions par l’autorité de nomination compétente, conformément aux exigences posées par les dispositions de l’article 6 (1) du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 (PANC), afin de permettre à ma partie d’apprécier la légalité de cette décision et de former le cas échéant un recours contentieux à son encontre.

Au cas où une telle décision ne devait pas exister, je vous invite à donner instruction à l’Administration du Personnel de l’Etat de redresser incessamment le retrait injustifié opéré.

(…) ».

Le 24 septembre 1999, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative informa le mandataire de Madame KERGER de ce que « par la missive du 9 juillet 1999, dont vous trouverez copie en annexe, Monsieur le Ministre du Budget a donné instruction à l’Administration du Personnel de l’Etat de retirer le supplément de secrétaire de direction de la rémunération de Madame …, étant donné qu’elle n’exerçait plus cette fonction à partir du 1er juillet 1999.

Par conséquent, le retrait de ladite prime me semble justifié ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 octobre 1999, Madame KERGER a introduit un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation 1) de la décision, non notifiée, prise par le ministre du Budget en date du 9 juillet 1999, par laquelle il a décidé de faire droit à la demande lui adressée par la voie hiérarchique en date du 24 juin 1999 par le président f.f. de la Chambre des Comptes, tendant à voir priver Madame KERGER du bénéfice de 20 points indiciaires, lui alloués en sa qualité de secrétaire de direction de la Chambre des Comptes, pour en faire bénéficier une autre employée de cette administration;

2) de la décision de refus implicite, se dégageant du silence gardé par le ministre du Budget pendant plus de trois mois à la suite d’une demande lui adressée en date du 2 juillet 1999 par Madame KERGER, tendant à ne pas faire droit à la demande susvisée du président f.f.

de la Chambre des Comptes;

3) de la décision de refus implicite, se dégageant du silence gardé par le président f.f. de la Chambre des Comptes pendant plus de trois mois à la suite d’une demande lui présentée le 9 juillet 1999 par Madame KERGER, tendant à voir réformer sa décision non datée antérieure par laquelle il lui a octroyé un changement de fonctions;

4) pour autant qu’il s’agisse d’une décision administrative, de nature individuelle, causant grief, de l’organigramme dressé le 24 juin 1999 par le président f.f. de la Chambre des Comptes, documentant les nouvelles tâches confiées aux fonctionnaires et employés de cette administration;

4 5) de la décision non écrite et non motivée - à la base de sa demande du 24 juin 1999 - prise par le président f.f. de la Chambre des Comptes, décidant de voir octroyer à Madame KERGER un changement des fonctions qu’elle a exercées jusque-là et partant retrait de la nomination antérieure au poste de secrétaire de direction, accordée par l’autorité de nomination;

6) de la décision prise en date du 24 septembre 1999 par le ministre de la Fonction Publique et de la Réforme administrative, disposant que le retrait de l’allongement de traitement de 20 points indiciaires, opéré par l’administration du personnel de l’Etat sur le traitement de Madame KERGER alloué à compter du mois de septembre 1999, est intervenu à juste titre;

7) pour autant que ces documents soient considérés comme des décisions administratives susceptibles d’un recours contentieux, des bulletins de traitement relatifs aux mois de septembre et octobre 1999, prouvant matériellement le retrait litigieux des 20 points indiciaires, revenant à Madame KERGER en sa qualité de secrétaire de direction, affectée aux services du président de la Chambre des Comptes.

La demanderesse soutient que les décisions critiquées seraient à réformer sinon à annuler « pour cause d’incompétence de leur auteur, sinon pour cause de violation de la loi, sinon encore pour violation de formalités substantielles, destinées à protéger des intérêts privés, sinon encore pour détournement de pouvoir ».

Concernant plus particulièrement la décision du ministre du Budget du 9 juillet 1999, elle soutient que ladite décision serait viciée, au motif que le ministre du Budget aurait été incompétent pour la révoquer comme secrétaire de direction, ce pouvoir étant réservé au chef de l’administration dont elle relève, en l’occurrence le président de la Chambre des Comptes.

En outre, elle estime que le ministre du Budget a violé les dispositions du règlement du gouvernement en conseil modifié du 1er mars 1974 portant fixation des indemnités des employés de l’Etat. Dans ce contexte, elle soutient que « compte tenu du fait qu’en vertu de son contrat d’engagement (…) [elle] a été engagée aux services de la Chambre des Comptes comme secrétaire de direction, elle ne pourra se voir dessaisir de ces fonctions que par voie d’une décision prise par l’autorité investie du pouvoir de nomination, intervenant dans le respect des conditions de forme et de fond [légalement prévues] (…) ». Or, selon la demanderesse, l’allocation de l’allongement de traitement de 20 points indiciaires serait une conséquence légale et automatique de la désignation d’un(e) employé(e) de l’Etat à la « fonction » de secrétaire de direction et, par conséquent, pour la priver de la « prime » en question il aurait auparavant fallu la « révoquer de sa fonction de secrétaire de direction ».

Ensuite, la demanderesse soutient que « la décision implicite, non datée, rendue par le Président ff. de la Chambre des Comptes, existant nécessairement à la base de sa demande au ministre du Budget du 24 juin 1999 relativement au retrait de la prime de 20 points indiciaires, à l’effet de dessaisir la requérante de ses fonctions de secrétaire de direction pour les faire passer à une autre employée » serait à annuler pour cause d’incompétence sinon pour excès de pouvoir, au motif que le président f.f. de la Chambre des Comptes ne serait pas « qualifié pour prendre la décision entreprise, au vu du caractère temporaire de ses fonctions ». Dans cet ordre d’idées, elle estime qu’un président « faisant fonction » ne pourrait 5 assumer que la gestion courante d’un service, à l’exception de toute décision « pouvant avoir effet dans l’avenir ».

A l’encontre de la même décision, elle fait soutenir que l’article 6 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après appelé le « statut général », aurait été violé, au motif qu’elle n’aurait pas été entendue en ses observations préalablement à une « privation de sa fonction » et que sa réaffectation ne serait ni dans l’intérêt du service ni justifié au titre d’une mesure disciplinaire.

Concernant plus particulièrement les décisions implicites de refus se dégageant, d’une part, du silence gardé par le ministre du Budget pendant plus de trois mois à la suite de la demande lui adressée en date du 2 juillet 1999 par Madame KERGER et, d’autre part, du silence gardé par le président f.f. de la Chambre des Comptes pendant plus de trois mois à la suite de la demande lui présentée le 9 juillet 1999 par Madame KERGER, cette dernière conclut à leur annulation, principalement, pour violation de l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, au motif qu’elles ne seraient pas basées sur des motifs « légaux, réels, sérieux et existants » et, subsidiairement, pour cause d’inexistence de motifs légaux.

Concernant l’organigramme précité du 24 juin 1999, elle conclut à son annulation pour cause d’incompétence de l’autorité qui l’a émis, sinon pour excès de pouvoir de ladite autorité sinon pour violation de la loi, notamment de l’article 6 du statut général.

Ensuite, la demanderesse conclut à l’annulation de la décision du ministre de la Fonction publique du 24 septembre 1999, au motif que le ministre aurait fait une application pratique d’une décision illégale, à savoir celle prise le 9 juillet 1999 par le ministre du Budget.

Subsidiairement, la demanderesse estime que la décision susvisée du 24 septembre 1999 doit encourir l’annulation « pour être contraire à une décision administrative antérieure, en l’espèce à celle du Président en fonction de la Chambre des Comptes du 9 juillet 1987 (…), non rapportée, qui a conféré un droit acquis à la requérante ».

Enfin, elle conclut à l’annulation des bulletins de traitement relatifs aux mois de septembre et d’octobre 1999, ainsi que de ceux ultérieurs qui documenteraient l’exécution pratique des décisions prétendument illégales du ministre du Budget du 9 juillet 1999 et du ministre de la Fonction publique.

Dans sa réponse, l’Etat se rapporte à la sagesse du tribunal « quant à la recevabilité du recours déposé, tout en invoquant l’irrecevabilité du recours en réformation, alors que la partie demanderesse a omis d’indiquer une quelconque base légale du recours en question ».

L’Etat se rapporte encore à la sagesse du tribunal « quant à la recevabilité de la demande à l’égard des administrations visées, alors qu’en vertu de l’article 23 de la loi du 6 novembre 1997 sur les traitements des fonctionnaires de l’Etat, les indemnités revenant aux agents au service de l’Etat, sont décidées par le Gouvernement en Conseil. La demande aurait dû être dirigée contre le Gouvernement en Conseil ».

Au fond, il fait soutenir en premier lieu que les dispositions légales applicables en l’espèce conféreraient au président de la Chambre des Comptes faisant fonction l’exercice de 6 toutes les attributions de la présidence et notamment la compétence et la « qualification » pour la mise en oeuvre de l’organigramme critiqué.

Il fait encore soutenir que l’indemnité allouée aux employés qui exercent la « fonction » de secrétaire de direction n’aurait jamais constitué « une clause de son contrat ni de son salaire ».

Il fait insister plus particulièrement sur le fait que ladite indemnité n’est due que s’il y a un exercice effectif des fonctions de secrétaire de direction et qu’au cas où cet exercice effectif cesserait, comme en l’espèce, l’indemnité ne serait plus due « sans pour autant que la carrière telle que déterminée par la loi de base et son contrat d’engagement (…) ne soient mis en cause ».

Enfin, l’Etat soutient que la demanderesse ferait une « application fausse sinon incomplète » de l’article 6 du statut général et, plus particulièrement, que l’article 6.5 dudit statut ne serait pas applicable en l’espèce au motif que la demanderesse ne serait pas affectée à un emploi inférieur en rang.

Sur ce, l’Etat fait conclure que la demanderesse « ne fut plus prévue dans le nouvel organigramme du 24 juin 1999 comme secrétaire de direction auprès du Président faisant fonction de la Chambre des Comptes, de sorte que l’indemnité spéciale, liée à l’exercice de cette fonction ne fut plus due. Son travail ne fut pas affecté, et son salaire (de base) reste le même ».

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse développe ses moyens et arguments et prend position par rapport aux moyens de la partie défenderesse ci-avant résumés. Elle soutient notamment que la prime de 20 points indiciaires qui lui a été allouée ne constituerait pas une indemnité spéciale au sens de l’article 23 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat, mais qu’elle ferait partie intégrante de son traitement .

Le tribunal est en premier lieu appelé à examiner s’il est compétent pour connaître du litige qui lui est soumis.

Il appert à l’examen des décisions critiquées, ensemble les moyens développés par la partie demanderesse, que l’objet du présent litige est double. D’une part, il est constitué par la revendication d’une rémunération à laquelle la demanderesse estime avoir droit et, d’autre part, il a trait à un changement d’affectation ou de fonction que la demanderesse critique tant quant à sa légalité formelle que quant à son bien fondé.

Etant donné qu’il est constant en cause que la demanderesse est une employée de l’Etat au sens de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat et que l’article 11 de cette loi dispose que les contestations résultant du contrat d’emploi et de la rémunération des employés de l’Etat sont de la compétence du juge administratif, statuant comme juge du fond, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal dans la mesure où il a pour objet la revendication de la prime revenant aux employés exerçant la fonction de secrétaire de direction. Le recours en réformation est également recevable sous ce rapport pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. - Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable sous ce rapport.

7 Concernant le deuxième volet de la présente affaire, la loi ne prévoyant pas de recours de pleine juridiction en matière de changement de fonction ou d’affectation, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation sous ce rapport. - En revanche, le recours de droit commun en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est en principe recevable en ce qu’il vise une décision intervenue en matière de changement d’affectation ou de fonction, sous réserve de satisfaire aux autres conditions de recevabilité, question qui sera examinée par la suite.

Si la loi reconnaît deux notions voisines à savoir les « changement d’affectation (article 6, 2 du statut général) » et « changement de fonction (article 6, 3 du statut général) », - dont la distinction se révèle souvent malaisée -, en l’espèce, indépendamment de l’utilisation du terme de « fonction » de secrétaire de direction employé par le règlement du gouvernement en conseil du 8 mai 1987 modifiant le règlement modifié du gouvernement en conseil du 1er mars 1974 fixant le régime des indemnités des employés occupés dans les administrations et services de l’Etat, il se dégage des éléments de la cause, que la demanderesse a la qualité d’employée de l’Etat, qu’elle exerce la fonction d’employée de bureau, qu’elle est affectée à la Chambre des Comptes et plus particulièrement au poste de secrétaire de direction auprès du président de ladite administration et que selon la description de son nouveau poste, tel qu’il se dégage de l’organigramme précité du 22 juin 1999 dressé par le président f.f. de la Chambre des Comptes, la demanderesse n’est pas appelée à changer de fonction, mais à un changement d’affectation au sens de l’article 6, 2. du statut général.

Il importe de relever que la logique juridique exige que l’examen de la légalité d’un changement d’affectation précède celui relatif à la légalité du non-paiement d’une rémunération corrélative. En effet, l’assignation voire la révocation d’une indemnité est une question qui est nécessairement précédée par une décision relative à la désignation ou à la déchéance d’un certain poste, la légalité de la seconde, sous réserve des vices qui lui sont propres, étant conditionnée par celle de la première.

Il suit de ce qui précède que le tribunal procédera ci-après en premier lieu à l’examen du recours en annulation dirigé contre la décision relative au changement d’affectation de la demanderesse.

L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’auteur qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l’acte critiqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n’est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l’objet d’un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief (trib. adm. 18 mars 1998, n° 10286 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Actes administratifs, I. Décisions susceptibles d’un recours, n° 3, et autres références y citées).

En l’espèce, s’il est constant en cause qu’aucune décision explicite - écrite ou orale -

portant désaffectation de la demanderesse comme secrétaire de direction auprès du président de la Chambre des Comptes n’a été prise, il n’en reste pas moins que l’existence, d’ailleurs non contestée par la partie défenderesse, d’une pareille décision se dégage, implicitement mais nécessairement, de l’ensemble des démarches ou décisions prises, notamment par le président 8 f.f. de la Chambre des Comptes en vue de la révocation de la prime allouée à la demanderesse en tant qu’employée exerçant la fonction de secrétaire de direction. L’existence d’une telle décision de changement d’affectation est plus particulièrement documentée par l’organigramme du 22 juin 1999 dressé par le président f.f. de la Chambre des Comptes, étant donné que ledit organigramme documente tant la désaffectation de la demanderesse en tant que secrétaire de direction auprès du président de la Chambre des Comptes que sa réaffectation à un autre poste, plus amplement décrit dans ledit organigramme. - Par ailleurs, ladite décision est de nature à faire grief, étant donné qu’en l’espèce, elle affecte la situation professionnelle et patrimoniale de la demanderesse.

Le recours en annulation est partant recevable dans la mesure où il est dirigé contre la décision relative au changement d’affectation de la demanderesse, étant donné qu’il a par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il convient ensuite de relever que, contrairement à l’engagement des employés de l’Etat, qui est effectué, sur avis du ministre de la Fonction publique, par le ministre qui a dans ses attributions l’administration ou le service dont relèvera l’employé, la désignation d’un employé pour remplir les « fonctions » de secrétaire de direction, conformément à l’article 20 du règlement du gouvernement en conseil du 1er mars 1974, dans sa teneur lui conférée par règlement du même conseil du 8 mai 1987, relève de la compétence directe des administrations ou départements ministériels. Il convient d’ajouter que l’article 20 susvisé n’a pas autrement conditionné ledit pouvoir de désignation que par rapport aux seules nécessités de service. -

C’est sur base de cette disposition que, le 9 juillet 1987, la demanderesse a été désignée par le président de la Chambre des Comptes en fonction à l’époque comme étant l’employée de la Chambre des Comptes exerçant effectivement la fonction de secrétaire de direction et devant bénéficier comme telle de la prime instituée par le règlement du gouvernement en conseil précité du 8 mai 1987 pour les employés de la carrière D.

Par ailleurs, conformément à l’article 6.2., alinéa 2 du statut général, le changement d’affectation d’un fonctionnaire et d’un fonctionnaire assimilé, est opéré par le chef de l’administration dont l’intéressé relève. En l’espèce, il s’ensuit que c’est le président de la Chambre des Comptes qui était compétent pour décider un changement d’affectation.

C’est à tort que la demanderesse conteste un tel pouvoir dans les mains d’un président de la Chambre des Comptes faisant fonction, étant donné que l’article 13 de la loi modifiée du 19 février 1931 concernant l’organisation de la Chambre des comptes et de la Recette générale dispose qu’ « en cas de vacance ou d’empêchement, les attributions du président sont exercées par le conseiller premier en rang (…) », cette disposition conférant les mêmes pouvoirs au président faisant fonction qu’au président nommé. - Il s’ensuit que Monsieur …, en sa qualité de président faisant fonction de la Chambre des Comptes avait compétence de principe pour décider un changement d’affectation dans le chef de la demanderesse.

Il est encore constant en cause que le changement d’affectation de la demanderesse a été opéré d’office.

Or, le seul cas d’ouverture justifiant l’intervention d’office d’un changement d’affectation prévu par la loi est l’intérêt du service. Plus précisément, le changement d’affectation doit être soit dans l’intérêt du service dans lequel la nouvelle affectation doit être faite, soit dans celui du service où le fonctionnaire était affecté avant sa mutation. - En tout 9 état de cause, le changement d’affectation doit rester sans influence sur le rang, le traitement et la carrière du fonctionnaire ou fonctionnaire assimilé.

S’il est constant que l’autorité compétente pour l’affectation ou la réaffectation d’un fonctionnaire est en principe juge de l’intérêt du service, c’est-à-dire si le droit de l’administration d’apprécier l’existence et l’étendue des besoins de service, ainsi que de choisir le personnel qui, à ses yeux, remplit le mieux ces besoins, est discrétionnaire, il n’en est pas pour autant soustrait à tout contrôle juridictionnel dans ce sens que sous peine de consacrer un pouvoir arbitraire, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, doit se livrer à l’examen de l’existence et de l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, et de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée (cf. trib. adm. 18 juin 1998, n°s 10617 et 10618 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Fonction publique, IV. Changement d’affectation, de fonction ou de service - détachement, n° 33).

En l’espèce, force est de constater que, comme ci-avant relevé, aucune décision explicite - écrite ou orale - n’a été prise et que, ni au cours de la phase précontentieuse ni au cours de l’instance contentieuse, l’Etat n’a indiqué les motifs qui ont été à la base de la décision de changement d’affectation de la demanderesse, de sorte que la décision implicite afférente prise par le président f.f. de la Chambre des Comptes se trouve viciée à sa base, plaçant le tribunal dans l’impossibilité parfaite de vérifier sa légalité. Il s’ensuit que ladite décision encourt l’annulation pour inexistence de motifs.

Il convient d’ajouter que dans la mesure où la décision attaquée impliquait, de la part de l’autorité administrative, des appréciations dépassant le cadre de la pure légalité, ladite décision est en outre viciée pour non-respect des dispositions combinées des articles 6, alinéa 5 du statut général et 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 relatifs à l’obligation d’informer l’intéressée de son intention et de l’informer de son droit présenter ou de faire entendre ses observations, l’inobservation des formalités prévues aux textes précités portant atteinte aux intérêts de la demanderesse qui n’a pas pu présenter son point de vue, en fait et en droit, préalablement à la prise de la décision litigieuse.

Par ailleurs, si, en l’espèce, la désignation et le dessaisissement d’un employé en tant que secrétaire de direction auprès de la Chambre des Comptes relève de la compétence du président de ladite administration, il n’en reste pas moins que l’assignation ou la révocation d’une indemnité due aux employés de l’Etat relèvent d’une manière générale de l’administration du personnel de l’Etat, en vertu de l’article 3, 2. de la loi du 1er février 1984 portant création d’une administration du personnel de l’Etat, laquelle relève du ministre ayant dans ses attributions la Fonction publique. Dans ce contexte, il convient de relever qu’en la présente matière, la compétence du ministre de la Fonction publique se résume en une compétence liée, ayant trait exclusivement à la mise en oeuvre tant d’une désignation que d’un dessaisissement d’un employé comme secrétaire de direction au niveau de la rémunération de l’employé concerné (cf. trib. adm. 24 mars 1999, n° 10998 du rôle, Schroeder).

Or, comme il se dégage des développements qui précèdent que le changement d’affectation encourt l’annulation, il en est nécessairement de même de tous les actes d’exécution subséquents relatifs à la mise en oeuvre au niveau de la rémunération de la demanderesse pour être affectés du même vice originaire.

10 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare compétent pour connaître du recours principal en réformation dans la mesure où il a pour objet la revendication de la prime revenant aux employés exerçant la fonction de secrétaire de direction;

le déclare également recevable sous ce rapport;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable sous ce rapport.

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation en ce qu’il vise la décision implicite du président f.f. de la Chambre des Comptes intervenue en matière de changement d’affectation de Madame KERGER, veuve …;

déclare le recours subsidiaire en annulation recevable sous ce rapport;

au fond le déclare fondé;

partant annule la décision implicite du président f.f. de la Chambre des Comptes portant dessaisissement de Madame KERGER, veuve … comme secrétaire de direction auprès du président de la Chambre des Comptes et réaffectation à un autre poste au sein de la même administration, de même que l’ensemble des mesures d’exécution de ladite décision relativement à sa mise en oeuvre au niveau de la rémunération de la demanderesse;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 24 mai 2000, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11580
Date de la décision : 24/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-24;11580 ?

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