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23/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11457C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mai 2000, 11457C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11457C Inscrit le 11 août 1999 Audience publique du 23 mai 2000 Recours formé par la Ministre de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle contre Michèle Quintus en matière de:

homologation de titres et grades étrangers - Appel -

(Jugement entrepris du 12 juillet 1999 / n° du rôle 10993)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 1

1 août 1999 par le délégué du Gouvernement Guy Schleder en vertu d’un mandat de la ministre de...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11457C Inscrit le 11 août 1999 Audience publique du 23 mai 2000 Recours formé par la Ministre de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle contre Michèle Quintus en matière de:

homologation de titres et grades étrangers - Appel -

(Jugement entrepris du 12 juillet 1999 / n° du rôle 10993)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 11 août 1999 par le délégué du Gouvernement Guy Schleder en vertu d’un mandat de la ministre de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle du 3 août 1999, contre un jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 12 juillet 1999 en matière d’équivalence de diplômes entre la partie appelante et Michèle Quintus, chargée de cours, demeurant à L-8030 Strassen, 124B, rue du Kiem.

Vu la signification dudit acte d’appel à Michèle Quintus par acte d’huissier Pierre Biel à la date du 10 août 1999.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 25 octobre 1999 par Maître François Kremer, avocat à la Cour, au nom de Michèle Quintus.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 17 janvier 2000 par le délégué du Gouvernement.

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mars 2000 par Maître François Kremer au nom de Michèle Quintus.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 12 juillet 1999.

1 Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport et le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter ainsi que Maître Luc Reding, en remplacement de Maître Françoise Kremer en leurs observations orales.

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Par requête déposée au greffe du tribunal le 26 novembre 1998 Maître François Kremer, avocat à la Cour, au nom de Michèle Quintus, chargée de cours, demeurant à L-8030 Strassen, 124B, rue du Kiem, a demandé la réformation, sinon l’annulation d’une décision de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 6 août 1996 refusant de reconnaître son titre belge de rééducateur en psychomotricité, ainsi que d’une décision confirmative rendue sur recours gracieux en date du 3 août 1998.

Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement en date du 12 juillet 1999 s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, a reçu le recours en annulation en la forme, l’a déclaré justifié, a annulé les décisions déférées et a renvoyé l’affaire devant la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle.

Monsieur Guy Schleder, agissant en sa qualité de délégué du Gouvernement auprès des juridictions administratives a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative contre ce jugement en vertu d'un mandat de la ministre de l'Education Nationale et de la Formation Professionnelle du 3 août 1999.

Il reproche au tribunal d’avoir annulé à tort la décision de refus de reconnaissance du titre belge de rééducateur en psychomotricité au motif que cette profession n'est pas réglementée au Luxembourg au sens des directives 89/48/CEE et 92/51/CEE alors que des textes réglementaires et conventionnels existeraient dans le domaine de la santé édictant des règles concernant la profession en question, tels que le règlement grand-ducal du 19 mars 1999 fixant la nomenclature des actes et services de rééducateurs en psychomotricité pris en charge par l'assurance maladie et la convention conclue le 13 décembre 1993 entre l'Union des Caisses de Maladie et l'Association Luxembourgeoise des Psychomotriciens Diplômés en exécution de l'article 61 et suivants du Code des Assurances Sociales.

Ce serait également à tort que le tribunal n'a pas examiné la différence existant entre la profession de rééducateur en psychomotricité dans les établissements d'enseignement en Belgique et la profession de rééducateur en psychomotricité considérée en tant que profession de santé au Luxembourg.

Le titre de rééducateur en psychomotricité conféré à Michèle Quintus par l'Institut Supérieur Libre Pédagogique de Theux (Belgique) lui permettrait uniquement d'exercer les fonctions de rééducatrice en psychomotricité dans les établissements d'enseignement en Communauté Française de Belgique, la profession de psychomotricien n'existant pas en Belgique comme profession réglementée dans le domaine de la santé.

Il existerait donc une différence fondamentale entre le rééducateur en psychomotricité belge, qui est une profession éducative ou socio-éducative avec une formation à orientation pédagogique et le rééducateur en psychomotricité au Luxembourg, qui est une profession de santé.

2 Maître François Kremer a déposé un mémoire en réponse au greffe de la Cour administrative en date du 25 octobre 1999 et interjette appel incident contre le jugement du 12 juillet 1999.

Le tribunal administratif se serait à tort déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation alors que l'article 3 de la loi du 13 août 1992 portant transposition de la directive 89/48/CEE prévoirait la possibilité d'introduire un recours en réformation.

L’intimée se rapporte à son recours et à son mémoire en réplique du 30 avril 1999, en ce qui concerne la violation de la directive 89/48/CEE, de la loi du 11 janvier 1995 portant réorganisation des écoles publiques et privées d’infirmiers et d’infirmières et réglementant la collaboration entre le ministère de l’Education nationale et le ministère de la Santé, ainsi que de la loi du 13 août 1992 portant transposition de la directive 89/48/CEE.

Elle estime que la preuve des prétendues différences dans la formation reçue et les titres reconnus au Luxembourg incomberait aux autorités luxembourgeoises chargées de la reconnaissance de diplômes.

Dans le cadre du recours en annulation, l’intimée demande la confirmation du premier jugement.

En ordre plus subsidiaire, l’intimée entend démontrer que les études en Belgique correspondent aux critères exigés au Luxembourg et se rapporte notamment à des extraits du «Guide des Études supérieures, Professions de Santé 1997», édité par le Centre de Psychologie et d'Orientation scolaires en collaboration avec les Ministères compétents.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réplique en date du 17 janvier 2000 et y fait valoir que la directive 89/48/CEE serait inapplicable en l'espèce, de sorte que l'appel incident serait à rejeter.

Des différences fondamentales existeraient entre la formation en France menant au diplôme d'Etat français de psychomotricien et la formation en Belgique menant au titre de rééducateur en psychomotricité.

La formation en France sanctionnerait un cycle unique de trois années d'études supérieures en psychomotricité organisé généralement par une université ou un institut de formation tandis que la formation en rééducation psychomotrice suivie en Belgique sanctionnerait une année d'études supérieures de spécialisation dans une section d'éducateur spécialisé, faisant suite à trois années d'études d'éducateur gradué en éducation physique.

L'intimée n'aurait pas une formation 3 + 1 mais un diplôme sanctionnant une formation de trois années d'études dans l'enseignement supérieur social de plein exercice et de type court, section "éducation physique, éducatrice-éducateur".

La directive 89/48/CEE serait inapplicable alors que la reconnaissance des diplômes serait subordonnée à la condition qu'il s'agisse d'un diplôme donnant accès dans le pays de délivrance à une profession réglementée.

L’intimée a déposé un mémoire en duplique en date du 10 mars 2000 dans lequel elle conclut à l’applicabilité de la directive du Conseil N° 89/48/CEE.

3 L'argumentation suivant laquelle la profession de rééducateur en psychomotricité serait de nature paramédicale et que seules des formations paramédicales pourraient donner accès à cette profession au Luxembourg, tomberait à faux, alors que seraient reconnues comme équivalentes des formations pédagogiques et/ou sociales - comme l'assistant en psychologie.

L'argumentation suivant laquelle la formation de Michèle Quintus ne correspondrait pas au contenu théorique, pratique et technique de la profession de rééducateur en psychomotricité au Luxembourg serait dénuée de tout fondement ceci d’autant plus que deux personnes de nationalité belge - ayant probablement un diplôme belge - travailleraient comme rééducateurs en psychomotricité au Luxembourg.

L’intimée propose finalement de voir nommer un expert à choisir parmi le corps enseignant belge.

L’appel principal déposé en date du 11 août 1999 est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Maître François Kremer, dans son mémoire en réponse déposé en date du 25 octobre 1999 au greffe de la Cour administrative a interjeté appel incident contre le jugement du 12 juillet 1999 en ce qu'il se serait à tort déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation alors que l'article 3 de la loi du 13 août 1992 portant transposition de la directive 89/48/CEE prévoirait la possibilité d'introduire un recours en réformation.

L’intimée se rapporte dans ce contexte à son recours initialement déposé et à son mémoire en réplique du 30 avril 1999 devant le tribunal administratif en ce qui concerne la violation de la directive 89/48/CEE, de la loi du 11 janvier 1995 portant réorganisation des écoles publiques et privées d’infirmiers et d’infirmières et réglementant la collaboration entre le ministère de l’Education nationale et le ministère de la Santé, ainsi que de la loi du 13 août 1992 portant transposition de la directive 89/48/CEE.

Les premiers juges ont procédé à une analyse juridique approfondie du moyen lié à la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision ministérielle attaquée.

C’est à bon droit et pour des motifs exhaustifs et exacts auxquels la Cour se rallie qu’ils sont venus à la conclusion que malgré le cadre légal institué par la loi précitée du 26 mars 1992 en vue de réglementer l’exercice de certaines professions de santé, la profession de rééducateur en psychomotricité ne saurait au stade actuel être considérée comme une profession réglementée au Grand-Duché au sens des directives 89/48/CEE et 92/51 CEE, alors que ni l’accès, ni l’exercice, ni encore une des modalités d’exercice de cette profession ne sont subordonnés directement ou indirectement par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives à la possession d’un diplôme déterminé.

La référence à la possession d’un diplôme, comme l’ont retenu à juste titre les premiers juges, doit en effet s’entendre comme visant l’exigence d’une qualification professionnelle concrètement définie, identifiable notamment à partir de la nature du diplôme qui la sanctionne, étant entendu que la simple référence abstraite à la possession d’un diplôme sans la moindre précision ayant trait au contenu de la formation exigée, n’est pas suffisante pour valoir à la profession en question le caractère réglementé qui constitue pourtant la notion clé pour la délimitation du champ d’application des directives, à la fois pour l’ensemble qu’elles forment et 4 leur prise en considération l’une par rapport à l’autre, et pour la détermination des mesures nationales de mise en oeuvre qu’elles rendent nécessaires.

L’appel incident est partant à déclarer recevable mais non fondé.

Quant au fond L’appelant reproche au tribunal d’avoir annulé à tort la décision de refus de reconnaissance du titre belge de rééducateur en psychomotricité au motif que cette profession n'est pas réglementée au Luxembourg au sens des directives 89/48/CEE et 92/51/CEE alors que des textes réglementaires et conventionnels existeraient dans le domaine de la santé édictant des règles concernant la profession en question, tels que le règlement grand-ducal du 19 mars 1999 fixant la nomenclature des actes et services de rééducateurs en psychomotricité pris en charge par l'assurance maladie et la convention conclue le 13 décembre 1993 entre l'Union des Caisses de Maladie et l'Association Luxembourgeoise des Psychomotriciens Diplômés en exécution de l'article 61 et suivants du Code des Assurances Sociales.

Ce serait également à tort que le tribunal n'a pas examiné la différence existant entre la profession de rééducateur en psychomotricité dans les établissements d'enseignement en Belgique et la profession de rééducateur en psychomotricité considérée en tant que profession de santé au Luxembourg.

L’article 3 de la loi du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé prévoit que pour les professions pour lesquelles un diplôme luxembourgeois n’est pas délivré (dont le rééducateur en psychomotricité), la reconnaissance est accordée aux titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation à l’étranger répondant à des exigences minimales qui sont déterminées pour chaque profession par règlement grand-ducal.

Or, le pouvoir réglementaire s’est abstenu d’agir en application de cette base légale habilitante étant entendu que les textes auxquels se réfère le délégué du Gouvernement, à savoir le règlement grand-ducal du 19 mars 1999 fixant la nomenclature des actes et services de rééducateurs en psychomotricité pris en charge par l'assurance maladie et la convention conclue le 13 décembre 1993 entre l'Union des Caisses de Maladie et l'Association Luxembourgeoise des Psychomotriciens Diplômés en exécution de l'article 61 et suivants du Code des Assurances Sociales ne sauraient suppléer à cette lacune.

Comme il se dégage par ailleurs de l’ensemble des considérations qui précèdent que la profession de rééducateur en psychomotricité n’est pas une profession tombant sous l’application d’une directive communautaire instituant un système général de reconnaissance des diplômes, ni ne fait l’objet d’une directive communautaire spécifique et qu’il n’est ni établi, ni allégué qu’il existe en la matière un engagement international ou un accord de réciprocité conclu par le Luxembourg tel qu’envisagé par l’article 12, 2. sub 5) de la loi du 11 janvier 1995 portant réorganisation des écoles publiques et privées d’infirmiers et d’infirmières et réglementant la collaboration entre le ministère de l’Education nationale et le ministère de la Santé, il y a lieu de retenir, comme l’ont fait à juste titre les premiers juges, que la considération à la base de l’arrêté ministériel déféré du 6 août 1996 suivant laquelle “ les études mentionnées ont une orientation pédagogique et par conséquent ne correspondent pas au contenu des études d’une des profession de santé ni quant à leur spécificité ni quant à leur durée ” ne repose sur aucun fondement légal.

5 C’est encore à bon droit et pour de justes motifs auxquels la Cour se rallie que la décision déférée de la ministre du 3 août 1998 encourt également l’annulation pour cause de violation de la loi, alors qu’en l’absence d’instruction sur les voies de recours aucun délai n’a couru à l’encontre dudit arrêté ministériel et que la ministre était partant tenue de statuer sur le recours lui présenté par courrier du 8 juillet 1998 sur base de pièces nouvelles.

L’appel principal est partant à déclarer non fondé.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel principal de la ministre de l’Education Nationale et de la Formation Profession-

nelle et l’appel incident de la partie intimée en la forme;

les dit non fondés et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 12 juillet 1999 dans toute sa teneur ;

condamne l’Etat luxembourgeois aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par Marion LANNERS, vice-présidente, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller Marc FEYEREISEN, conseiller-rapporteur et lu par la vice-présidente Marion LANNERS, en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

le greffier la vice-présidente 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11457C
Date de la décision : 23/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-23;11457c ?

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