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22/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11143

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 mai 2000, 11143


Numéro 11143 du rôle Inscrit le 25 février 1999 Audience publique du 22 mai 2000 Recours formé par Monsieur … BREUER, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 11143, déposée le 25 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BREUER, …,

demeurant à L-

…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ...

Numéro 11143 du rôle Inscrit le 25 février 1999 Audience publique du 22 mai 2000 Recours formé par Monsieur … BREUER, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 11143, déposée le 25 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BREUER, …, demeurant à L-

…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre des Transports du 11 février 1999 rejetant sa demande en obtention d’un permis de conduire pour des véhicules des catégories C et E ;

Vu le jugement du 25 octobre 1999 ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 2 décembre 1999 portant prorogation du délai de remise du rapport d’expertise jusqu’au 1er février 2000 ;

Vu le rapport d’expertise médicale et psychologique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 février 2000 ;

Vu le mémoire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2000 ;

Vu le mémoire déposé en date du 8 mai 2000 par Maître Michel KARP pour compte de Monsieur BREUER ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Joëlle CHOUCROUN-KARP, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … BREUER, …, demeurant à L-…, se vit refuser l’octroi du permis de conduire des catégories C et E par arrêté du ministre des Transports du 16 juin 1994, confirmé sur recours gracieux par décision ministérielle du 1er septembre et sur recours contentieux par arrêt du Comité du Contentieux du Conseil d’Etat du 3 mai 1995 (n° 9173 du rôle), par décision du même ministre du 22 juin 1995, confirmé par arrêt du Comité du Contentieux du Conseil d’Etat du 26 juin 1996 (n° 9367 du rôle), et finalement une itérative décision ministérielle du 31 octobre 1997.

Par courrier de son mandataire du 17 décembre 1998, Monsieur BREUER sollicita un réexamen de sa demande en obtention du permis de conduire des catégories C et E en renvoyant à un avis des docteurs … et …, exerçant auprès des Universitätskliniken des Saarlandes, du 26 mai 1998.

Le ministre rencontra cette demande par décision du 11 février 1999, adressée au mandataire de Monsieur BREUER, en retenant que « le dossier de votre client a été réexaminé par la commission médicale en date du 15 janvier 1999. Celle-ci s’est basée e.a.

sur le rapport du Dr … de la Clinique universitaire de la Sarre versé par vos soins. Suite à cet examen je suis au regret de ne pas faire droit à la demande en obtention d’un permis de conduire de Monsieur BREUER. Faute d’éléments nouveaux justifiant une mainlevée de l’arrêté ministériel du 16 juin 1994 portant rejet de la demande en obtention d’un permis de conduire le refus de lui délivrer un permis de conduire reste maintenu ».

A l’encontre de cette décision, Monsieur BREUER fit introduire un recours en annulation, sinon en réformation par requête déposée le 25 février 1999.

Par jugement du 25 octobre 1999, le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, a reçu le recours en annulation en la forme et considéré au fond qu’il se dégage de la comparaison des deux textes réglementaires que contrairement à l’ancien article 77 § 5 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques qui interdisait la délivrance du permis de conduire des catégories C et E à des personnes ayant souffert dans le passé de manifestations épileptiques sans autre égard à leur état de santé actuel, le nouveau texte, issu du règlement grand-ducal du 11 août 1996, applicable lors de la prise de la décision actuellement déférée ne se réfère qu’à l’état de santé actuel du candidat et fait dépendre l’octroi dudit permis de la seule absence d’un risque présent ou futur de la survenance de crises d’épilepsie ou d’autres perturbations brutales de l’état de conscience. Le tribunal a dès lors, avant tout autre progrès en cause, nommé experts :

1. …, psychologue diplômée, demeurant à L-…, 2. …, médecin spécialiste en neurologie, établi à L-…, 3. …, médecin spécialiste en neuro-psychiatrie, établi à L-…, avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur l’existence d’un risque actuel ou futur de crises épileptiques ou d’autres perturbations brutales de l’état de conscience dans le chef de Monsieur … BREUER et la question de savoir s’il souffre d’autres déficiences intellectuelles ou physiques, le tout au sens de l’article 77 § 5 actuel de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955.

Dans leur rapport d’expertise commun les trois experts commis expriment leur « avis que - malgré l’absence de séquelles psychologiques, neuropsychiatriques et de déficit fonctionnel neurologique 2 - les cicatrices corticales et durales indélébiles du traumatisme crânio-cérébral grave de Monsieur BREUER avec crises épileptiques posttraumatiques pendant plus d’une dizaine d’années provoquent une importante augmentation du risque actuel et futur de subir des crises épileptiques ou d’autres perturbations brutales de son état de conscience comparé à une population normale.

Il est apte à la conduite d’une voiture personnelle, mais inapte à la détention d’un permis de conduire avec responsabilité accrue (permis de conduire type C) ».

Le délégué du Gouvernement demande de voir entériner les conclusions des experts et de rejeter le recours comme non fondé, tout en précisant que, même si les experts se réfèrent uniquement au permis de la catégorie C, les mêmes conclusions devraient s’imposer à plus forte raison pour la catégorie E visant la conduite avec remorque ou semi-remorque pour laquelle un permis ne serait délivré qu’à un conducteur titulaire du permis requis pour la conduite du véhicule tracteur.

Le demandeur rétorque que les experts constatent l’absence de séquelles psychologiques, neuropsychiatriques et de déficit fonctionnel neurologique et qu’aucun risque de crise épileptique ou d’autres perturbations anormales ne serait établi. Il critique encore que le docteur KIEFFER se serait basé sur « des obscures statistiques de blessés de guerre du Vietnam-Corée » pour arriver à la conclusion qu’il ne serait pas apte à détenir un permis de conduire de la catégorie C, mais que la pertinence de ces mêmes statistiques laisserait d’être établie et qu’elles ne suffiraient pas pour ébranler les conclusions d’une clinique universitaire et les rapports confirmatifs du docteur ….

Le tribunal n'est appelé à s'écarter de l'avis des experts par lui commis qu'avec une grande prudence dès lors qu'il a de justes motifs d'admettre que l'expert s'est trompé ou lorsque l'erreur de celui-ci résulte d'ores et déjà soit de son rapport, soit d'autres éléments acquis en cause (trib. adm. 29 septembre 1998, n° 9849, Hack; 1er décembre 1999 n° 10185a, Hack, Pas. adm. 1/2000, v° Procédure contentieuse, n° 114).

Il est vrai que l’expertise psychiatrique du docteur HIRSCH conclut que le demandeur ne démontre pas d’anomalies psychopathologiques tandis que l’expertise psychologique du docteur SCHILTZ retient que le demandeur ne met pas en évidence d’infirmité ou des troubles aigus ou chroniques susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire, mais admet qu’il appartient au neurologue d’évaluer le risque de survenue de séquelles encéphalopathiques. Les experts énoncent néanmoins dans leur rapport commun, sous l’intitulé « Discussion », que le demandeur a parfaitement récupéré de son accident d’un point de vue psychiatrique, psychologique et concernant les fonctions neurologiques, mais que cet accident a indubitablement laissé des cicatrices dans le cerveau et que le risque de crises épileptiques posttraumatiques, présentant parfois une rémission spontanée après plusieurs années, peut réapparaître après plusieurs dizaines d’années pour arriver à leur conclusion commune citée supra. Les experts ont légitimement pu se référer dans ce cadre à des « statistiques sur de très grands nombres de traumatisés crâniens (blessés de guerre du Vietnam-Corée) » qui sont de nature à retracer les expériences médicales acquises sur une plus large échelle relativement à de telles affectations crâniennes. C’est encore à tort que le demandeur entend opposer au rapport d’expertise l’avis émis par les docteurs … et …, exerçant auprès des Universitätskliniken des Saarlandes, les experts y prenant expressément position en retenant que cet avis « se base sur des données anamnestiques incomplètes 3 ignorant les antécédents épileptiques et des troubles aphasiques antérieurs » pour lui reconnaître « une validité très relative ».

Les conclusions univoques des experts commis par le jugement du 25 octobre 1999, non autrement soumis à des critiques fondées de la part du demandeur, amènent partant le tribunal à retenir qu’un risque présent ou futur de la survenance de crises épileptiques ou d’autres perturbations brutales de l’état de conscience au sens de l’article 77 § 5 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 subsiste dans la personne du demandeur et que le ministre des Transports lui a refusé à juste titre l’octroi du permis de conduire tant de la catégorie C que de la catégorie E, la détention de cette dernière comportant également une responsabilité accrue.

Il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, vidant le jugement du 25 octobre 1999, déclare le recours non fondé et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 mai 2000 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11143
Date de la décision : 22/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-22;11143 ?

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