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17/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11780

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mai 2000, 11780


Numéro 11780 du rôle Inscrit le 14 janvier 2000 Audience publique du 17 mai 2000 Recours formé par Monsieur … TRUBLJANIN, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11780 du rôle, déposée le 14 janvier 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Lydie BEURIOT, avocat, assisté de Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, les deux inscrits au tableau de l’O

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Numéro 11780 du rôle Inscrit le 14 janvier 2000 Audience publique du 17 mai 2000 Recours formé par Monsieur … TRUBLJANIN, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11780 du rôle, déposée le 14 janvier 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Lydie BEURIOT, avocat, assisté de Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … TRUBLJANIN, né le … à … (Monténégro), demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 18 octobre 1999, notifiée le 9 novembre 1999, et d’une décision confirmative sur recours gracieux du 17 décembre 1999, les deux portant rejet de sa demande en obtention du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décision entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Lydie BEURIOT, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 14 avril 1998, Monsieur … TRUBLJANIN, né le … à … (Montenégro), demeurant à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur TRUBLJANIN fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile en date du 26 mars 1999.

Sur avis défavorable unanime de la commission consultative pour les réfugiés du 1er juillet 1999, le ministre de la Justice informa, par courrier du 18 octobre 1999, notifié le 9 novembre suivant, Monsieur TRUBLJANIN de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants :

« Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie (…) ».

Contre cette décision de rejet, Monsieur TRUBLJANIN soumit, moyennant courrier de son mandataire du 7 décembre 1999, au ministre un recours gracieux qui fut rencontré par une décision confirmative du 17 décembre 1999.

Par requête déposée le 14 janvier 2000, Monsieur TRUBLJANIN fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 18 octobre et 17 décembre 1999.

L’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique serait justifiée en ce qu’il remplirait les conditions prévues par la Convention de Genève et que le ministre aurait affirmé à tort qu’il n’invoquerait aucune crainte raisonnable de persécution. Après avoir relevé qu’il serait originaire du Monténégro, mais qu’il aurait toujours vécu en Bosnie, il se prévaut de menaces de mort par voie téléphonique répétées et systématiques, auxquelles il aurait déjà renvoyé lors de son audition du 26 mars 1999, et dont il aurait fait l’objet en raison du fait qu’il serait né au Monténégro pour conclure que ces faits seraient constitutifs d’une persécution en raison de la race. Il renvoie à cet égard à un article de presse versé au dossier qui établirait la réalité de sa crainte d’être persécuté en ce que cet article retiendrait qu’il se serait adressé en vain aux organes compétents pour obtenir une protection pour sa famille et sa propre vie suite aux appels téléphoniques lui enjoignant de quitter la Bosnie. Il conclut dès lors avoir établi les éléments subjectifs et objectifs de nature à fonder sa crainte légitime de persécution en raison de sa race et le risque de persécutions en cas de retour en Bosnie pour solliciter la réformation des décisions déférées.

Le délégué du Gouvernement conteste d’abord la crédibilité et la pertinence de l’article de presse dont le demandeur se prévaut, vu qu’il se trouve versé en photocopie, qu’il n’est pas daté et qu’il ne ressort pas du dossier de quel journal il est extrait.

2 Le représentant rétorque ensuite que le demandeur fait état de menaces téléphoniques sans pour autant établir que les menaces ainsi alléguées proviennent d’un agent de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné que seules les personnes sous l’autorité directe et officielle du gouvernement rentreraient en principe dans cette notion et que la crainte de persécutions par d’autres personnes ne pourraient être invoquée que si les autorités commanditent ou soutiennent ces dernières ou n’assurent pas une protection adéquate pour l’un des motifs énumérés à la Convention de Genève.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des demandeurs.

En l'espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 26 mars 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir, à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, le demandeur n’établit, voire n’allègue point que les menaces téléphoniques dont il se prévaut proviennent de personnes qui se trouvent directement ou indirectement sous la direction des autorités étatiques bosniaques.

Concernant les soupçons exprimés par le demandeur lors de son audition du 26 mars 1999 que des membres du parti politique SDA peuvent être à l’origine de ces mêmes menaces, force est de constater qu’une persécution émanant non pas de l’Etat, mais de groupes de la population ne peut être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève. La notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient 3 incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves CARLIER : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, p. 113, nos 73-s).

En l’espèce, le demandeur n’étaye par aucun élément concret et précis ni son allégation d’avoir dénoncé les menaces à son encontre à la police et d’avoir ainsi recherché la protection des autorités étatiques, ni le refus de cette protection de la part de celles-ci pour l’un des motifs énumérés par la Convention de Genève, mais se confine à affirmer qu’il s’est rendu à la police pour dénoncer les menaces alléguées, mais que les policiers n’ont pas donné suite à sa déposition. La copie d’un article de presse versée en cause reste à cet égard sans valeur probante pour être non-datée et dépourvue de toute indication relative au journal de publication et pour le moins ambiguë quant à l’identité de la personne y visée.

Le demandeur reste pareillement en défaut de justifier une impossibilité pour lui de retourner dans son pays natal, à savoir le Monténégro.

Le recours est partant à rejeter comme étant non fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 mai 2000 par:

Mme LENERT, premier juge, Mme LAMESCH, juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11780
Date de la décision : 17/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-17;11780 ?

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