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17/05/2000 | LUXEMBOURG | N°10870

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mai 2000, 10870


N° 10870 du rôle Inscrit le 4 septembre 1998 Audience publique du 17 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … GUCATI et Madame X. et consort contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu le jugement avant dire droit du tribunal administratif du 10 février 2000, ayant déclaré recevable le recours en annulation déposé au greffe du tribunal administratif le 4 septembre 1998 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tablea

u de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat i...

N° 10870 du rôle Inscrit le 4 septembre 1998 Audience publique du 17 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … GUCATI et Madame X. et consort contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu le jugement avant dire droit du tribunal administratif du 10 février 2000, ayant déclaré recevable le recours en annulation déposé au greffe du tribunal administratif le 4 septembre 1998 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat inscrit au prédit tableau, et ayant ordonné une enquête sociale ;

Vu le rapport d’enquête sociale du 21 mars 2000 ;

Vu la note versée par le délégué du gouvernement le 10 avril 2000 ;

Vu le mémoire en duplique des demandeurs déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2000 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport ainsi que Maître Ardavan FATHOLAZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 septembre 1998, Monsieur … GUCATI et Madame X., agissant tant en leur nom personnel, qu’en nom et pour compte de leur fille mineure …, demeurant ensemble à L-…, ont sollicité l’annulation d’une décision implicite de refus de délivrance par le ministre de la Justice d’une autorisation de séjour à Monsieur GUCATI à la suite d’une demande afférente introduite en date du 5 mars 1998.

Par jugement du 10 février 2000, le tribunal administratif a reçu le recours en annulation en la forme et, après avoir constaté que la décision attaquée comportait une motivation suffisante dans la mesure où le délégué du gouvernement avait précisé, dans son mémoire en réponse, le motif se trouvant à la base du refus ministériel, à savoir le défaut de moyens personnels suffisants, le tribunal a retenu dans son jugement d’avant dire droit que 1 Monsieur GUCATI ne disposait pas de moyens personnels propres au moment où la décision attaquée a été prise et qu’il s’ensuivrait que c’est à bon droit et conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère que le ministre a refusé l’octroi de l’autorisation de séjour sollicitée, en se basant sur l’absence de preuve de moyens personnels dans le chef de Monsieur GUCATI, étant précisé qu’une prise en charge par une tierce personne n’était pas à considérer comme constituant des moyens personnels.

Le tribunal a encore retenu dans le prédit jugement que si le refus ministériel se trouvait, en principe, justifié à suffisance de droit par ledit motif, il convenait cependant encore d’examiner le moyen d’annulation soulevé par les demandeurs tiré de la violation de l’article 8 alinéa 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée la « Convention européenne des droits de l’homme », dans la mesure où les demandeurs estiment qu’il y aurait violation de leur droit au maintien de leur vie familiale, lequel tiendrait la disposition précitée de la loi du 28 mars 1972 en échec. Dans ce contexte, les demandeurs ont précisé qu’il y aurait existence d’une vie familiale effective et impossibilité pour les intéressés de s’installer et de mener une vie familiale normale dans un autre pays. Ils ont partant estimé que le refus ministériel conduirait « à un éclatement de la cellule familiale constituée sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg avec des parents, la concubine et l’enfant, tous deux de nationalité luxembourgeoise et qui disposent partant d’un droit intangible à vivre dans le pays dont ils sont nationaux ».

Quant au fond, avant tout progrès en cause, tous autres droits des parties étant réservés, le tribunal a ordonné une enquête sociale et a nommé Madame …, assistante sociale, demeurant à L-…, avec la mission d’informer le tribunal sur la situation familiale actuelle de Monsieur GUCATI et de Madame X. et de leur enfant commun … et, dans la mesure du possible, d’éclairer le tribunal sur l’évolution de la situation familiale depuis le 1er janvier 1998, en insistant spécialement sur les rapports que Monsieur GUCATI entretient et entretenait avec respectivement Madame X. et leur enfant commun … .

Eu égard aux principes énoncés dans son jugement d’avant dire droit du 10 février 2000, le tribunal est appelé à examiner la situation des intéressés à savoir l’existence d’une vie familiale effective et à examiner si le but légitime poursuivi par l’administration, à savoir le contrôle de l’immigration ainsi que le refoulement des résidents ne disposant pas d’un titre de séjour régulier et valable, est proportionné ou non à l’atteinte au droit des demandeurs au respect de leur vie privée et familiale.

Le délégué du gouvernement, dans sa note déposée en date du 10 avril 2000, se rapporte à prudence de justice quant aux conclusions à tirer du rapport d’enquête sociale établi en date du 21 mars 2000.

Les demandeurs, dans leur mémoire en duplique déposé le 5 mai 2000 au greffe du tribunal administratif, concluent qu’il résulterait du prédit rapport qu’il existerait une vie familiale effective et des liens affectifs entre Monsieur GUCATI, Madame X. et leur fille …. Ils considèrent partant que le refus d’accorder une autorisation de séjour à Monsieur GUCATI s’analyserait en une « ingérence disproportionnée à l’atteinte au droit à sa vie familiale ».

Il est constant que Monsieur GUCATI vise à protéger sa vie familiale qu’il a établie sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. A ce sujet, il se dégage du rapport d’enquête 2 sociale établi en date du 21 mars 2000 que Monsieur GUCATI, de nationalité kosovare et Madame X., de nationalité luxembourgeoise, ont un enfant commun, à savoir … GUCATI, reconnue par son père le 27 février 1998 et que depuis janvier 1998, ils résident ensemble dans un appartement acheté par Madame X. en septembre 1997. Le rapport précise encore que Monsieur GUCATI et Madame X. se sont rencontrés en mars 1996 et que depuis cette date ils se sont vus régulièrement. L’assistante sociale note que « Monsieur GUCATI a une bonne relation avec son enfant et réciproquement. …, 2 ans, connaît bien son père et le sollicite beaucoup. Il s’en occupe de façon calme et posée et sait se faire respecter lorsqu’elle tente de faire des « bêtises ». Il a souvent gardé l’enfant dans la journée lorsqu’il ne travaillait pas de façon régulière. La vie de famille est réelle, le couple mène une vie simple avec des loisirs comme la promenade, les visites aux amis et à la famille. Madame X. apprécie son ami qu’elle décrit comme honnête, sérieux, tolérant, travailleur et courageux. Il n’a jamais été violent ou irrespectueux avec elle. Il n’a pas de pratique religieuse particulière ni l’habitude de vie qui l’inciterait à soumettre son épouse. Il a accepté que l’enfant soit baptisé. Il sort rarement seul avec des amis, il préfère sortir avec sa femme mais accepte qu’elle retrouve des amies et à cette occasion il garde l’enfant ». L’assistante sociale conclut qu’il « existe une vie de famille et des liens affectifs entre Monsieur GUCATI, Madame X. et leur fille …. La relation est saine et complémentaire : soutien réciproque, communication, sécurité, participation aux tâches familiales dont l’entretien et la présence à l’enfant » Il se dégage des considérations qui précèdent qu’il existe une vie familiale effective entre Monsieur GUCATI et Madame X., respectivement avec leur enfant commun …. Le but légitime que l’administration poursuit, à savoir contrôler l’immigration en exigeant le départ du pays des personnes s’y trouvant illégalement, est disproportionné par rapport à la gravité de l’atteinte au droit des demandeurs au respect de leur vie privée et familiale eu égard au fait que le refus de l’octroi d’une autorisation de séjour briserait le lien de Monsieur GUCATI avec sa famille. Il convient par ailleurs de relever que Monsieur GUCATI mène une vie « de bon père de famille », qu’il n’a pas fait l’objet de condamnations par un tribunal et qu’il serait difficile pour les intéressés de s’installer et de mener une vie familiale normale dans un autre pays, au vu notamment du fait que Madame X. a conservé des liens familiaux très étroits avec ses parents qui résident également au Luxembourg, et dont elle est l’unique fille.

S’agissant d’une ingérence au sens de l’article 8, paragraphe 1er de la Convention européenne des droits de l’homme dans la vie familiale et privée des demandeurs, qui n’a pas été justifiée pour l’une quelconque des causes énoncées à l’article 8, paragraphe 2 de la convention précitée, il y a lieu d’annuler la décision ministérielle attaquée, sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres moyens invoqués à l’encontre de la décision en question.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

vidant le jugement avant dire droit du 10 février 2000 ;

dit le recours en annulation fondé;

3 partant annule la décision implicite de refus de délivrance par le ministre de la Justice d’une autorisation de séjour à Monsieur GUCATI à la suite d’une demande afférente introduite en date du 5 mars 1998 et renvoie le dossier devant ledit ministre ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 17 mai 2000 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10870
Date de la décision : 17/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-17;10870 ?

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