La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2000 | LUXEMBOURG | N°10778

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mai 2000, 10778


N° 10778 du rôle Inscrit le 30 juin 1998 Audience publique du 17 mai 2000

==========================

Recours formé par la société anonyme GEPROLUX S.A.

contre une décision de l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils en matière d’inscription à l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils

------------------------------------------------------------------------

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 1998 par Maître Jean WELTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoca

ts à Luxembourg, au nom de la société anonyme GEPROLUX S.A., établie et ayant son siège social à Lux...

N° 10778 du rôle Inscrit le 30 juin 1998 Audience publique du 17 mai 2000

==========================

Recours formé par la société anonyme GEPROLUX S.A.

contre une décision de l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils en matière d’inscription à l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils

------------------------------------------------------------------------

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 1998 par Maître Jean WELTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme GEPROLUX S.A., établie et ayant son siège social à Luxembourg, …, tendant à l’annulation d’une décision du conseil de l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils du 30 mars 1998, portant refus de l’inscrire à l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 1er juillet 1998, portant signification de ce recours à l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 1998 par Maître Paul BEGHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, préqualifié, du 5 octobre 1998, portant signification de ce mémoire en réponse à la société anonyme GEPROLUX S.A.;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Jean WELTER, ainsi que Maître Dominique BORNERT, en remplacement de Maître Paul BEGHIN en leurs plaidoiries respectives.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

--

En date du 16 septembre 1997, le ministre des Classes moyennes et du Tourisme, dénommé ci-après le “ ministre ”, émit une autorisation d’établissement en faveur de la société anonyme GEPROLUX S.A., établie et ayant son siège social à Luxembourg, …, dénommée ci-après la “ société GEPROLUX ”, en vue de l’exercice, en qualité de profession libérale, de l’activité d’ingénieur-conseil en construction.

Par lettre du 16 octobre 1997, la société GEPROLUX transmit à l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils, dénommé ci-après “ l’OAI ”, une copie de l’autorisation d’établissement précitée ensemble avec une copie de ses statuts, en le priant de l’inscrire comme membre de l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils.

L’OAI s’adressa au ministre par un courrier du 10 novembre 1997 en priant celui-ci de procéder “ au retrait de l’autorisation d’établissement délivrée à la société GEPROLUX, du fait que son bénéficiaire ne remplit pas les conditions légales pour être inscrit au tableau de l’Ordre, cette question étant nécessaire pour l’exercice de la profession d’ingénieur-conseil indépendant ”, au motif qu’il résulterait des statuts de ladite société que le capital de celle-ci serait détenu à 100% par les sociétés anonymes X. et X. International. L’indépendance professionnelle de la société GEPROLUX, telle que celle-ci serait requise par l’article 2 de la loi du 13 décembre 1989 portant organisation des professions d’architecte et d’ingénieur-conseil ainsi que par les articles 4 et 5 du règlement grand-ducal du 17 juin 1992 déterminant la déontologie des architectes et des ingénieurs-conseils ne serait pas assurée au motif que la société anonyme X. S.A. serait “ une entreprise générale ayant des activités industrielles et commerciales ”.

Le ministre répliqua au courrier précité de l’OAI, par une lettre datée du 3 décembre 1997 qu’à la suite d’un réexamen du dossier de la société GEPROLUX effectué par la commission prévue à l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, cet organe de consultation aurait conclu à l’unanimité qu’il n’y avait pas lieu de procéder au retrait de l’autorisation en question au motif que “ toutes les conditions de qualification et d’honorabilité professionnelles requises par la loi d’établissement susmentionnée étaient remplies ” et qu’il se ralliait à cette prise de position exprimée par ladite commission. Il ajouta “ que la question d’indépendance, tout comme les problèmes de déontologie prévus par la loi du 13 décembre 1989 sont de la compétence de l’Ordre ” en critiquant “ une fois de plus le grand décalage entre les dates d’octroi de ses agréments et les suites y réservées par l’Ordre, alors que l’inscription des titulaires des autorisations dûment délivrées est censée être automatique ”.

Après des démarches faites par l’OAI auprès de la société GEPROLUX afin que celle-ci formule auprès du ministre une demande en vue de faire retirer par ledit ministre son autorisation d’établissement précitée, et à défaut par la société GEPROLUX de donner suite à cette demande, l’OAI porta à la connaissance de la société GEPROLUX, par courrier du 30 mars 1998, ce qui suit : “ En réponse à votre demande d’inscription reprise sous rubrique tendant à l’inscription de la société GEPROLUX au tableau de l’OAI comme bureau d’ingénieurs-conseils exerçant à titre libéral, et suite aux différents entretiens téléphoniques et échanges de télécopies au sujet de la situation de la société GEPROLUX S.A., nous sommes obligés de vous informer que le Conseil de l’Ordre ne peut pas donner une suite favorable à votre demande d’inscription.

2 L’analyse des statuts de GEPROLUX S.A. révèle que le capital est détenu à 100% par les sociétés anonymes X. et X. International.

Or, la société X. S.A. étant une entreprise générale ayant des activités industrielles et commerciales, l’indépendance professionnelle de GEPROLUX S.A., requise par l’article 2 de la loi du 13 décembre 1989 portant organisation des professions d’architecte et d’ingénieur-conseil et par les articles 4 et 5 du règlement grand-ducal du 17 juin 1992 déterminant la déontologie des architectes et des ingénieurs-conseils, n’est pas assurée.

Du fait que GEPROLUX S.A. ne remplit pas les conditions prescrites par la loi du 13 décembre 1989, cette dernière n’est pas en droit d’exercer la profession d’ingénieur-conseil en construction à titre libéral au Luxembourg ”.

Par requête déposée le 30 juin 1998, la société GEPROLUX a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du 30 mars 1998 du conseil de l’OAI.

La partie défenderesse se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en annulation introduit par la société GEPROLUX.

La loi précitée du 13 décembre 1989 ne prévoyant pas de recours en réformation contre une décision rendue par le conseil de l’OAI en matière d’inscription d’un ingénieur-conseil en tant que membre de l’ordre, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre la décision déférée du 30 mars 1998. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que le conseil de l’OAI ne disposerait d’aucun pouvoir d’appréciation lors de l’inscription, en tant que membre de l’OAI, d’un détenteur d’une autorisation d’établissement afférente délivrée par le ministre. La compétence dudit ordre constituerait une compétence liée dans la mesure où dès que le ministre a émis une autorisation d’établissement au titre de la loi précitée du 28 décembre 1988 à une personne physique ou morale afin de l’autoriser à exercer, en qualité de profession libérale, une activité d’ingénieur-conseil en construction, cette personne serait automatiquement membre de l’OAI qui ne pourrait que l’inscrire sur son tableau.

A titre subsidiaire, la demanderesse développe, pour le cas où un pouvoir d’appréciation devrait être reconnu à l’OAI dans le cadre de l’inscription au tableau des architectes et des ingénieurs-conseils, une argumentation tendant à établir qu’elle disposerait de l’indépendance requise au titre des dispositions légales et réglementaires applicables en la matière.

Le défendeur estime qu’à partir du moment où le ministre se limite à analyser si les conditions d’honorabilité et de qualification professionnelles exigées par la loi précitée du 28 décembre 1988 sont remplies, sans analyser si d’autres conditions prévues, d’une part, par la loi précitée du 13 décembre 1989 et, d’autre part, par le règlement grand-ducal précité du 17 juin 1992 sont également remplies, il appartiendrait à l’OAI d’examiner si les conditions supplémentaires, propres à la 3 profession d’ingénieur-conseil, telles que déterminées par la loi précitée du 13 décembre 1989 et le règlement grand-ducal précité du 17 juin 1992, sont également remplies, avant qu’une inscription en tant que membre de l’ordre puisse intervenir.

Dans ce contexte, il appartiendrait au conseil de l’ordre d’examiner si, notamment, la condition de l’indépendance professionnelle est remplie par la demanderesse avant qu’elle puisse être inscrite en tant que membre de l’ordre.

Le défendeur expose encore les raisons pour lesquelles, à son avis, la société GEPROLUX ne disposerait pas de l’indépendance professionnelle requise en vue de l’exercice de la profession d’ingénieur-conseil.

En vertu de l’article 7, alinéa 2 de la loi précitée du 13 décembre 1989, “ sont obligatoirement inscrits en tant que membres de l’ordre, … les ingénieurs-conseils, personnes physiques ou morales, soumis à un agrément gouvernemental … ”.

Il ressort de cette disposition légale que l’ingénieur-conseil qui souhaite obtenir son inscription en tant que membre de l’OAI doit être, au préalable, en possession d’une autorisation d’établissement, délivrée par le ministre, l’autorisant à exercer la profession d’ingénieur-conseil.

En l’espèce, il est constant que la société GEPROLUX s’est vue délivrer, par décision ministérielle du 16 septembre 1997, une autorisation d’établissement l’autorisant à exercer, en qualité de profession libérale, l’activité d’ingénieur-conseil en construction. Un recours contentieux n’a pas été dirigé par l’OAI contre cette décision ministérielle. Partant, et en l’absence d’une contestation ayant trait à cette autorisation ministérielle, la demanderesse est valablement autorisée à exercer au Luxembourg, en qualité de profession libérale, la profession d’ingénieur-conseil.

A part la condition précitée, remplie en l’espèce, l’article 7, alinéa 2 précité, ne prévoit aucune autre condition à remplir par un ingénieur-conseil en vue d’obtenir l’inscription au tableau de l’OAI.

Il ressort plus particulièrement de l’article 7, alinéa 2 précité, que les personnes physiques ou morales bénéficiant de l’agrément gouvernemental prescrit sont obligatoirement membres de l’ordre. Cette disposition légale a partant une portée générale qui ne saurait être tenue en échec par un quelconque pouvoir d’appréciation du conseil de l’ordre (C.E. 7 juillet 1992, n° 8557 du rôle et trib. adm. 3 juin 1999, n° 10770 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Autorisation d’établissement, II. Qualification professionnelle, n° 17, page 39).

S’il est vrai que l’OAI compte parmi les attributions prévues par l’article 8 de la loi précitée du 13 décembre 1989 celle d’assurer l’indépendance de ses membres et qu’il peut dans ce contexte se laisser guider par l’article 2 qui prévoit que la profession d’architecte ou d’ingénieur-conseil est incompatible avec toute activité de nature à y porter atteinte, il n’en demeure pas moins qu’il doit l’exercer dans le cadre du pouvoir disciplinaire conféré au conseil de discipline par l’article 22 de la loi précitée du 13 décembre 1989 (C.E. 7 juillet 1992 et trib. adm. 3 juin 1999, précités).

4 Il se dégage des développements qui précèdent qu’en invoquant à l’appui du refus d’inscription de la demanderesse au tableau de l’ordre le défaut d’une indépendance professionnelle, le conseil de l’ordre a fait une fausse application de la loi et sa décision précitée du 30 mars 1998 doit être annulée, sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux argumentations développées à titre subsidiaire par les parties à l’instance quant à l’indépendance professionnelle de la demanderesse.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare justifié et partant annule la décision du 30 mars 1998 du conseil de l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils ;

renvoie l’affaire à l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils pour prosécution ;

condamne l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 17 mai 2000 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10778
Date de la décision : 17/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-17;10778 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award