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15/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11747

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 mai 2000, 11747


N° 11747 du rôle Inscrit le 28 décembre 1999 Audience publique du 15 mai 2000

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Recours formé par Madame … DE SOUSA VARELA, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11747 du rôle et déposée en date du 28 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … DE SOUSA VARELA, de nationalité ...

N° 11747 du rôle Inscrit le 28 décembre 1999 Audience publique du 15 mai 2000

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Recours formé par Madame … DE SOUSA VARELA, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11747 du rôle et déposée en date du 28 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … DE SOUSA VARELA, de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 27 octobre 1999 refusant de lui accorder le permis de travail pour un emploi de femme de ménage au … à Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 février 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2000 par Maître Charles KAUFHOLD pour Madame … DE SOUSA VARELA ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en ses plaidoiries à l’audience publique du 3 mai 2000.

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Par une déclaration d’engagement datée du 6 juillet 1999, Monsieur Ewald RAUWOLF introduisit auprès de l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée “l’ADEM ”, une demande en obtention d’un permis de travail en faveur de Madame … DE SOUSA VARELA, de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…, pour le poste de femme de charge au …, sis à L-….

Le ministre refusa la délivrance du permis de travail sollicité par arrêté du 27 octobre 1999 “ pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

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des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 1905 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’administration de l’emploi, dont 14 personnes assignées, -

priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.), -

occupation irrégulière depuis le 2 juillet 1999, -

augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’administration de l’emploi durant les six dernières années : 3526 en 1993 / 5313 en 1998 ”.

Par requête déposée le 28 décembre 1999, Madame … DE SOUSA VARELA a fait introduire un recours en annulation contre ledit arrêté ministériel du 27 octobre 1999.

Quant à la recevabilité Le délégué du Gouvernement soulève d’abord l’irrecevabilité du recours en faisant valoir que la décision ministérielle déférée du 27 octobre 1999 ne constituerait pas une décision nouvelle, susceptible de faire l’objet d’un nouveau recours, étant donné qu’elle ne serait que purement confirmative d’une décision de refus antérieure datant du 11 décembre 1991. Il estime encore qu’aucun fait nouveau comportant une modification de la situation juridique de la demanderesse ne se serait produit depuis cette décision du 11 décembre 1991, de même qu’aucun argument nouveau n’aurait été présenté lors de l’introduction de la demande en obtention d’un permis de travail, de sorte qu’un nouveau recours contentieux n’était pas ouvert contre la décision déférée du 27 octobre 1999.

La partie demanderesse rencontre ce moyen en faisant valoir que l’arrêté déféré stipule lui-même être attaquable devant le tribunal administratif par voie de recours en annulation dans un délai de trois mois, qu’il ne résulterait par ailleurs pas de cette décision qu’elle soit purement confirmative et que la décision ministérielle invoquée du 11 décembre 1991 aurait eu trait à sa situation passée et non à sa situation actuelle. La demanderesse signale à cet égard qu’en date du 18 avril 1999 elle a accouché d’un enfant sur le territoire luxembourgeois, de sorte que ses attaches au Grand-Duché seraient accrues depuis 1991.

Elle s’empare encore des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme pour soutenir que toute argumentation contraire risquerait de priver à jamais une personne d’un recours quelconque si elle avait essuyé une fois un refus, situation qui serait contraire à la disposition invoquée en ce qu’elle préciserait que chacun a le droit de défendre ses intérêts et que ce droit supposerait celui d’être entendu.

S’il est certes constant au regard des pièces versées au dossier, qu’en date du 25 juillet 1991, Monsieur … avait déjà introduit une demande en obtention d’un permis de travail en faveur de la demanderesse pour un poste de femme de ménage au … et que cette demande s’est soldée par une décision négative du ministre datant du 11 décembre 1991, il n’en demeure pas moins que cette décision remonte à près de 8 années, de sorte qu’eu égard notamment au fait que l’appréciation d’une demande en obtention d’un permis de travail est conditionnée, entre autres, par la situation du marché de l’emploi, qui, par essence, est susceptible d’évoluer avec le temps, le ministre, saisi d’une nouvelle demande en 1999, était tenu de procéder à un nouvel examen de celle-ci, par rapport à la situation actuelle du marché de l’emploi, ceci même en l’absence d’un élément nouveau fourni par la demanderesse. Il s’ensuit que l’arrêté ministériel 2 déféré du 27 octobre 1999 n’est pas à considérer comme purement confirmatif de celui-ci invoqué du 11 décembre 1991 et que le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du Gouvernement n’est pas fondé.

Aucune disposition légale n’instaurant en la matière un recours au fond, le recours en annulation, par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond A l’appui de son recours, la partie demanderesse fait d’abord valoir que la décision déférée manquerait de motivation, étant donné que les motifs gisant à sa base seraient trop vagues et imprécis et ne tiendraient notamment pas compte de sa situation particulière en ce qu’elle a accouché le 28 avril 1999 d’un enfant au Luxembourg.

Le délégué du Gouvernement rétorque que la motivation de l’arrêté litigieux serait légale, réelle et suffisante.

Une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.

En l’espèce, l’arrêté ministériel déféré du 27 octobre 1999 énonce quatre motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, cette motivation étant utilement complétée par le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement, de sorte que la demanderesse n’a pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il s’agit encore d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision déférée.

La partie demanderesse fait valoir à cet égard qu’en retenant son occupation irrégulière depuis le 2 juillet 1999 en tant que motif de refus, le ministre aurait commis une erreur d’appréciation manifeste, puisque cette occupation irrégulière serait à considérer non pas comme une raison de refus du permis de travail, mais comme une conséquence de ce refus.

Elle estime qu’il aurait également commis une violation de la loi en retenant parmi les motifs de refus l’augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’administration de l’Emploi, étant donné que ce motif ne serait pas prévu par la loi comme une raison suffisante pour refuser un permis de travail.

3 La législation spécifique existant en matière de permis de travail vise à réglementer l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire luxembourgeois et conditionne l’exercice d’un emploi salarié à l’obtention d’un permis de travail préalablement à l’entrée en service, tout en fixant notamment une priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen, ci-après dénommé “ E.E.E. ”.

L’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail a la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (v° trav. parl. projet de loi n° 2097, exposé des motifs, p. 2).

Au vœu de l’article 28 de la loi modifiée du 28 mars 1972, et de l’article 1er du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 précités, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E. sont dispensés de la formalité du permis de travail.

En l’espèce, la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’Union Européenne et de l’E.E.E. se justifie donc en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité cap-verdienne, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E..

Concernant ensuite la question de savoir si des demandeurs d’emplois appropriés aptes à occuper le poste vacant étaient concrètement disponibles sur le marché de l’emploi, il y a lieu de relever d’abord que s’il faut, en principe, que le ministre établisse, in concreto, la disponibilité sur place de ressortissants d’un Etat membre de l’E.E.E., susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé, il n’en reste pas moins que l’employeur doit de son côté mettre l’ADEM en mesure d’établir cette disponibilité concrète.

En l’espèce, il se dégage des pièces versées au dossier que l’employeur a introduit le 6 juillet 1999 auprès de l’ADEM une déclaration d’engagement pour un poste de femme de ménage, cette déclaration valant demande en obtention d’un permis de travail pour Madame … DE SOUSA VARELA. Les parties sont encore en accord pour admettre que le poste en question fut déclaré vacant en date du 30 juin 1999 et que cette déclaration a donné lieu à 14 assignations de la part de l’ADEM.

Dans la mesure où la déclaration d’engagement mentionne cependant comme date d’entrée en service le 2 juillet 1999, soit une date postérieure de 2 jours seulement à la déclaration de poste vacant à l’ADEM, force est de constater que l’employeur n’avait manifestement pas l’intention d’engager une autre personne que celle nommément visée et entrée en service le 2 juillet 1999.

Comme les quatorze assignations adressées par l’ADEM à des demandeurs d’emploi potentiels inscrits auprès d’elle, furent expédiées, d’après les informations non contestées en cause du représentant étatique, par lettres recommandées en dates respectivement du 30 juin et du 1er juillet 1999, l’employeur ne peut en effet pas raisonnablement soutenir avoir éliminé ces 4 candidatures en connaissance de cause à la date du 2 juillet 1999 prévue pour l’entrée en service de la demanderesse, étant donné que les assignations ne lui ont pas été directement adressées et qu’il est par ailleurs matériellement impossible que toutes les personnes assignées aient déjà pu utilement contacter l’employeur avant le 2 juillet 1999.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’employeur n’était pas disposé à engager une autre personne et plus particulièrement un ressortissant de l’Union Européenne ou de l’E.E.E. et que partant toute assignation était, ab initio, vouée à l’échec.

Dans ces circonstances, le ministre n’a pas été mis en mesure d’établir concrètement l’existence de travailleurs appropriés et disponibles sur place, qui auraient pu bénéficier d’une priorité à l’emploi en leur qualité de ressortissants d’un Etat membre de l’Union Européenne voire de l’E.E.E., avant l’entrée en service effective de la demanderesse.

La décision ministérielle déférée se trouve partant légalement justifiée par le motif analysé ci-dessus, de sorte que l’examen des autres motifs à sa base, de même que des moyens d’annulation y afférents invoqués par la demanderesse, devient surabondant.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la circonstance que la demanderesse a donné naissance à un enfant au Luxembourg en date du 28 avril 1999, cette considération étant étrangère à la matière et non susceptible de mettre en cause une décision de refus de permis de travail par ailleurs légalement prise.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

La procédure étant écrite, le jugement est rendu contradictoirement même en l’absence de représentation de la demanderesse à l’audience à laquelle l’affaire fut plaidée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 mai 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

5 s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11747
Date de la décision : 15/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-15;11747 ?

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