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10/05/2000 | LUXEMBOURG | N°s10885,10886

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mai 2000, s10885,10886


N°s 10885 et 10886 du rôle Inscrits le 14 septembre 1998 Audience publique du 10 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … MURIC et son épouse, Madame X.

contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu la requête inscrite sous le numéro 10885 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 1998 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, assisté de Maître Ardav

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N°s 10885 et 10886 du rôle Inscrits le 14 septembre 1998 Audience publique du 10 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … MURIC et son épouse, Madame X.

contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu la requête inscrite sous le numéro 10885 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 1998 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, assisté de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MURIC, de nationalité yougoslave, originaire du Monténégro, et de son épouse, Madame X., de nationalité bosniaque, agissant tant en leurs noms personnels qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur, … MURIC, demeurant tous les trois à L-…, tendant à l’annulation de deux décisions du ministre de la Justice rendues en dates des 11 mars et 29 juin 1998, la première refusant à Monsieur MURIC l’autorisation d’entrée et de séjour au Luxembourg, et, la deuxième, confirmant, sur recours gracieux, la décision initiale ;

Vu la requête, inscrite sous le numéro 10886 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 1998 par Maître Claude DERBAL, assisté de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, préqualifiés, au nom de Monsieur … MURIC et de son épouse, Madame X., préqualifiés, agissant tant en leurs noms personnels qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur … MURIC, tendant à l’obtention d’un sursis à l’exécution des décisions précitées des 11 mars et 29 juin 1998 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 1998 ;

Vu les mémoires en réplique, intitulés mémoires en duplique, déposés au nom des demandeurs au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 1999 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Il ressort d’un procès-verbal établi par la brigade de gendarmerie de Grevenmacher, portant la date du 12 novembre 1994 (sic !), que lors d’un contrôle routier effectué en date du 9 décembre 1994 au cours duquel furent contrôlés les papiers d’identité des occupants d’une voiture immatriculée au Luxembourg et circulant à Luxembourg-Findel, Monsieur … MURIC, de nationalité yougoslave, originaire du Monténégro, né le … et séjournant à l’époque à L-…, sans qu’il ait accompli au Luxembourg les formalités requises du point de vue de la police des étrangers, ne pouvait présenter des papiers d’identité aux agents de la gendarmerie. Il est encore indiqué dans le prédit procès-verbal que sur instruction du ministère de la Justice, les agents de la gendarmerie ont été chargés de refouler notamment Monsieur MURIC vers la France, au motif qu’il ne disposait pas d’une autorisation de séjour au Luxembourg et qu’il n’y avait pas rempli les formalités requises en matière de police des étrangers. Il ressort encore dudit procès-verbal qu’après récupération du passeport de Monsieur MURIC, qui se trouvait à son lieu de séjour au Luxembourg, les agents tentaient de le refouler vers la France, tentative qui a toutefois échoué à la suite du refus des autorités françaises de reprendre Monsieur MURIC en l’absence d’une preuve qu’il a pénétré sur le territoire luxembourgeois à partir de la France. Monsieur MURIC a partant dû être remis en liberté sur le territoire luxembourgeois.

Après une analyse du passeport de Monsieur MURIC, les agents des forces de l’ordre ont dû constater que vraisemblablement la photo d’identité se trouvant initialement dans ledit passeport avait été remplacée par la photo d’identité de Monsieur MURIC. Le passeport fut alors confisqué et remis à la police judiciaire de Luxembourg. Quant à l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, Monsieur MURIC avait déclaré aux agents des forces de l’ordre qu’il était entré sur le territoire luxembourgeois environ quatre mois avant le prédit contrôle de gendarmerie, en passant par l’Italie et la France. Il ressort enfin du prédit procès-verbal qu’en date du 23 mai 1994, Monsieur MURIC a fait l’objet d’un procès-verbal du commissariat de police d’Esch-sur-Alzette pour coups et blessures occasionnés dans le cadre d’un accident de voiture et pour d’autres contraventions à la réglementation en matière de circulation routière.

Un procès-verbal établi en date du 20 décembre 1994 par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la gendarmerie grand-ducale indique qu’en date du même jour fut effectué par ledit service un contrôle de deux étrangers en séjour illégal au Luxembourg, résidant à Bettembourg, 12, rue de la Gare, dont Monsieur MURIC qui, comme l’enquête l’a révélé, se trouvait au Luxembourg depuis environ 8 mois et qui habitait auprès de son frère à l’adresse précitée. Lors de ce contrôle policier, Monsieur MURIC indiqua aux agents des forces de l’ordre qu’il avait l’intention de continuer son voyage vers les Pays-Bas.

Comme il n’a pas pu être établi que le passeport de Monsieur MURIC était falsifié, ce dernier lui a été restitué à cette occasion, afin qu’il puisse quitter le Luxembourg. Monsieur MURIC fut encore invité à cette occasion de quitter le pays.

Il ressort d’un autre procès-verbal établi par la brigade de gendarmerie de Bettembourg, portant la date du 20 février 1995, que lors d’un contrôle d’identité effectué à Bettembourg en date du même jour, Monsieur MURIC n’a pas pu présenter des papiers d’identité, qu’au cours des vérifications faites par les agents de gendarmerie, ceux-ci ont pu constater que Monsieur MURIC résidait au Luxembourg depuis le mois de janvier 1995, qu’il avait travaillé dans le passé au Luxembourg et que l’adresse indiquée dans le passé comme constituant l’adresse de sa résidence au Luxembourg, à savoir une maison située à Bettembourg, 12, rue de la Gare, ne correspondait pas à la réalité, alors qu’à l’époque il avait son domicile en Belgique. Les agents des forces de l’ordre ont encore pu constater, au cours de leurs vérifications, qu’une interdiction d’entrée et de séjour valable pour les Etats Benelux avait été émise par les autorités belges au mois de janvier 1995. Comme de ce fait, Monsieur 2 MURIC était en infraction par rapport aux dispositions légales régissant l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg, il fut arrêté par lesdits agents des forces de l’ordre en date du même 20 février 1995 et, comme il avait pénétré sur le territoire luxembourgeois par la Belgique, il fut refoulé vers ce pays.

En date du 22 février 1995, Madame X., née le … à … (République du Monténégro), demeurant à l’époque à …, s’est vue délivrer par le ministre de la Justice une carte d’identité d’étranger valable jusqu’au 22 février 2000.

Monsieur MURIC épousa en date du 2 avril 1996, à la commune d’Esch-sur-Alzette, Madame X..

Par courrier du 4 avril 1996, Madame X. sollicita de la part du ministre de la Justice la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur de son mari.

En date du 17 mai 1996, le ministre de la Justice délivra à Monsieur MURIC une autorisation de séjour valable jusqu’au 15 mai 1997.

En date du 4 février 1997, Monsieur MURIC adressa une demande au ministre de la Justice en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour, en indiquant qu’il comptait “ pouvoir commencer un emploi dans l’entreprise … à Grevenmacher à partir du 1er mars 1997 ”.

Par lettre du 7 avril 1997, le ministre de la Justice informa Monsieur MURIC que son “ autorisation de séjour est uniquement prorogeable sur production d’un permis de travail délivré par le ministère du Travail ” et qu’il regrettait “ de ne pas pouvoir réserver d’autres suites à cette affaire à l’heure actuelle ”.

Un contrat de travail à durée indéterminée fut conclu entre Monsieur MURIC et la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à L-…, en date du 18 avril 1997, en vertu duquel Monsieur MURIC a été engagé avec effet à partir du 10 avril 1997 à travailler auprès de la société précitée en tant que “ ouvrier nettoyeur ”, à raison de 20 à 40 heures par semaine.

Par arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 21 mai 1997, Monsieur MURIC fut autorisé à prendre emploi en qualité d’ouvrier auprès de la société à responsabilité limitée ….

Ledit permis de travail fut émis avec une durée de validité jusqu’au 20 mai 1998.

Il ressort tant d’une lettre émise par le commissariat de police de la Ville de Virton (Belgique) du 18 août 1997 que d’un procès-verbal établi par le commissariat de police d’Esch-sur-Alzette, en date du 26 août 1997, que Monsieur MURIC résidait à Virton jusqu’au mois de juillet 1997, au cours duquel il a communiqué au bureau de la population de la Ville de Virton son changement d’adresse en indiquant résider dorénavant auprès de son épouse à Esch-sur-Alzette. Le prédit procès-verbal indique que cette information de la part du commissariat de police de la Ville de Virton serait en contradiction avec les indications fournies par Monsieur MURIC lui-même, et suivant lesquelles il serait domicilié depuis le 18 juillet 1996 auprès de son épouse à Esch-sur-Alzette. Les agents enquêteurs concluaient partant qu’il aurait fourni de fausses informations lors de son mariage pardevant l’officier de l’état civil de la commune d’Esch-sur-Alzette, auquel il avait soumis un “ certificat de 3 résidence ” suivant lequel il aurait résidé auparavant au Monténégro. Il ressort encore d’un certificat de résidence émis par la Ville de Virton que Monsieur MURIC y avait résidé depuis le 2 juin 1995, et qu’il aurait indiqué à cette date avoir résidé antérieurement à Rozaje (Yougoslavie). Il ressort encore d’une lettre d’accompagnement dudit certificat, que Monsieur MURIC était candidat réfugié en Belgique.

Il ressort d’une attestation émise par le centre public d’aide sociale de la Ville de Virton en date du 3 décembre 1997, que Monsieur MURIC a perçu une aide sociale du 1er janvier 1995 au 30 juin 1997.

Il ressort d’un procès-verbal établi par le commissariat de police d’Esch-sur-Alzette portant la date du 9 décembre 1997, et adressé au procureur d’Etat à Luxembourg, que Monsieur MURIC a bénéficié d’une aide sociale du centre public d’aide sociale de la commune de Virton (Belgique) jusqu’au 30 juin 1997 “ ce qui démontrerait manifestement les fausses déclarations ”. Au cours de l’audition de Monsieur MURIC, ayant eu lieu en date du 1er décembre 1997, et figurant en annexe au procès-verbal précité, il contesta cette version des faits en indiquant aux agents enquêteurs qu’au début de la guerre ayant eu lieu dans son pays d’origine, il aurait quitté ce dernier pour se rendre au Luxembourg et qu’après s’être vu refuser l’autorisation de séjour au Luxembourg, il se serait rendu à Virton où il aurait déposé une demande en obtention du statut de réfugié politique. Au cours de sa période de résidence en Belgique, il serait venu ponctuellement à Esch-sur-Alzette où il aurait rencontré son épouse actuelle. Il aurait officiellement pris domicile à Esch-sur-Alzette après son mariage et il aurait chargé un cousin résidant à Virton de procéder à un changement de domicile auprès des autorités communales de Virton. Il conteste avoir eu l’intention de fournir de quelconques fausses indications et il estime qu’une partie des confusions pourrait résulter du fait qu’on aurait interprété son acte de naissance comme étant un certificat de résidence de son pays d’origine. Il indiqua encore qu’il aurait perçu une aide sociale mensuelle de 13.000.- francs ou 20.504.- francs respectivement en Belgique, mais que cette aide ne lui parviendrait plus depuis longtemps.

Le 11 mars 1998, le ministre de la Justice prit un arrêté, sur base de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, notifié à Monsieur MURIC en date du 30 mars 1998, suivant lequel l’autorisation d’entrée et de séjour lui fut refusée, en indiquant encore que “ l’intéressé devra quitter le pays après la notification du présent arrêté ”. Ledit arrêté ministériel est motivé comme suit :

“ - qu’il a fait de fausses déclarations au moment de sa venue au pays ;

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qu’il a dissimulé sa demande d’asile et sa résidence en Belgique ;

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qu’il se trouve en séjour irrégulier depuis plusieurs mois ;

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qu’il a contracté mariage avec une ressortissante yougoslave régulièrement établie afin de régulariser sa situation ;

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qu’il constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics ”.

Il ressort d’un certificat de résidence établi en date du 1er avril 1998 par le bureau de la population de la commune d’Esch-sur-Alzette que Monsieur MURIC a résidé de manière ininterrompue depuis le 31 mai 1996 jusqu’à la date d’établissement du prédit certificat à différentes adresses à Esch-sur-Alzette, en ayant indiqué venir de Rozaje (Yougoslavie) lors de son arrivée à Esch-sur-Alzette en date du 31 mai 1996.

4 Un recours gracieux introduit en date du 8 mai 1998 contre la décision ministérielle précitée du 11 mars 1998, fut rejeté par une décision du ministre de la Justice datée du 29 juin 1998, confirmant purement et simplement la décision initiale.

Par requête déposée en date du 14 septembre 1998, et inscrite sous le numéro 10885 du rôle, Monsieur … MURIC ainsi que son épouse, Madame X., agissant tant en leurs noms personnels qu’en nom et pour compte de leur enfant, … MURIC, ont fait introduire un recours en annulation contre les décisions ministérielles précitées des 11 mars et 29 juin 1998.

Par requête séparée déposée en date du même jour, et inscrite sous le numéro 10886 du rôle, ils ont fait introduire une demande de sursis à l’exécution des décisions ministérielles précitées.

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu de joindre les deux recours pour y statuer par un seul et même jugement.

Aucun recours au fond n’étant prévu en matière de demandes d’autorisation de séjour, le recours en annulation, non autrement contesté sous ce rapport par le délégué du gouvernement, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet de la demande en sursis à exécution des décisions ministérielles précitées des 11 mars et 29 juin 1998, étant donné que l’affaire est en état de recevoir une solution au fond.

Les demandeurs reprochent tout d’abord aux décisions attaquées une absence sinon une insuffisance de motivation, qui devrait entraîner l’annulation des décisions déférées.

En l’absence d’une prise de position à ce sujet par le délégué du gouvernement, il y a lieu de constater qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé.

La motivation d’une décision de refus, intervenant sur recours gracieux, peut consister au renvoi à la décision antérieure dûment motivée, qui précise les éléments de fait constitutifs de la notion juridique applicable (cf. trib. adm. 8 juillet 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure administrative non contentieuse, III. Motivation de la décision administrative, n° 24, p. 259).

En effet, une décision sur recours gracieux, purement confirmative de la décision initiale, tire son existence de cette dernière et, dès lors, les deux doivent être considérées comme formant un seul tout, notamment du point de vue de leur motivation.

En l’espèce, le tribunal constate que la décision attaquée du 29 juin 1998 renvoie expressément à la décision initiale du 11 mars 1998 et que la formulation retenue dans cette décision est claire et précise en retenant comme motifs de refus les faits suivants : que Monsieur MURIC aurait fait de fausses déclarations au moment de sa venue au pays, qu’il aurait dissimulé sa demande d’asile et sa résidence en Belgique, qu’il se serait trouvé en séjour irrégulier depuis plusieurs mois au Luxembourg, qu’il aurait contracté mariage avec une 5 ressortissante yougoslave régulièrement établie afin de régulariser sa situation, et qu’il constituerait un danger pour l’ordre et la sécurité publics.

Il ressort des considérations qui précèdent que les décisions déférées sont motivées à suffisance de droit et que les demandeurs n’ont pas su se méprendre sur la portée à attribuer aux décisions en question.

Le moyen tiré d’une absence ou d’une insuffisance de motivation est partant à abjuger.

Les demandeurs reprochent aux décisions attaquées de violer l’article 1er du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif à la composition, l’organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers, pris en application de l’article 16 de la loi précitée du 28 mars 1972, en ce que l’avis de ladite commission consultative n’a pas été pris par le ministre de la Justice avant l’émission de ses décisions.

Le délégué du gouvernement conclut à l’inapplicabilité de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 28 mars 1972, au motif que l’hypothèse dans laquelle se trouvait Monsieur MURIC était celle d’une demande et d’un refus subséquent de renouvellement de son autorisation de séjour temporaire, qui ne serait pas visée par la disposition précitée et partant un avis n’aurait pas dû être pris par la commission consultative en matière de police des étrangers.

En vertu de l’article 1er précité “ l’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers sera, sauf urgence, obligatoirement pris avant toute décision portant 1.

refus de renouvellement de la carte d’identité d’étranger ; 2. retrait de la carte d’identité ; 3.

expulsion du titulaire d’une carte d’identité valable ; 4. révocation de l’autorisation temporaire de séjour ; 5. éloignement d’un réfugié reconnu au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, ou d’un apatride au sens de la Convention de New-York du 28 septembre 1954 se trouvant régulièrement au pays ”.

En l’espèce, Monsieur MURIC s’était vu délivrer une autorisation de séjour temporaire en date du 17 mai 1996, avec une durée de validité limitée au 15 mai 1997. En date du 4 février 1997, Monsieur MURIC introduisit auprès du ministre de la Justice une demande en renouvellement de l’autorisation de séjour précitée. C’est à la suite de cette demande en renouvellement que le ministre a émis son arrêté ministériel précité du 11 mars 1998 par lequel l’autorisation d’entrée et de séjour a été refusée à Monsieur MURIC. Comme il s’agit partant d’un refus de renouvellement d’une autorisation de séjour temporaire, et comme cette hypothèse n’est pas visée par l’article 1er précité, un avis de la commission consultative en matière de police des étrangers n’a pas dû être pris avant la décision ministérielle précitée.

C’est à tort que les demandeurs estiment dans leur mémoire en réplique que le fait par le ministre de subordonner l’émission d’une nouvelle autorisation de séjour à la production d’un permis de travail par Monsieur MURIC, tel que cela ressort du courrier précité du 7 avril 1997 du ministre de la Justice, équivaudrait à une révocation de l’autorisation temporaire de séjour, étant donné qu’en l’espèce, l’autorisation de séjour initiale émise en date du 17 mai 1996 a expiré normalement en date du 15 mai 1997 sans que le ministre en ait raccourci la durée de validité par un quelconque procédé. Il n’y a partant pas lieu à application du point 4° de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 28 mars 1972.

6 Il s’ensuit que le moyen afférent invoqué par les demandeurs est à rejeter.

Les demandeurs reprochent encore aux décisions attaquées d’être fondées sur l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, au motif que cette disposition légale viserait uniquement l’hypothèse de l’étranger qui se proposerait d’entrer sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg aux fins d’y séjourner et non pas l’hypothèse dans laquelle un étranger, séjournant déjà légalement au Luxembourg, y sollicite le renouvellement de son autorisation de séjour. D’ailleurs, d’après les demandeurs, la motivation avancée par le ministre de la Justice dans sa décision ministérielle précitée du 11 mars 1998 correspondrait aux motifs de refus d’un renouvellement d’une autorisation de séjour tels que prévus à l’article 5 de la loi précitée du 28 mars 1972 et non pas à ceux prévus à l’article 2 de la même loi. Partant, en invoquant la fausse disposition légale à la base des décisions ministérielles attaquées, celles-ci seraient en réalité dénuées de toute base légale et partant à annuler.

Le délégué du gouvernement estime que l’article 2 précité viserait non seulement les hypothèses dans lesquelles un étranger aurait l’intention de pénétrer sur le territoire luxembourgeois mais également celle où il souhaite y séjourner et partant ce serait à bon droit que le ministre s’est fondé sur cette disposition légale en vue d’émettre ses décisions.

Chaque renouvellement d’une autorisation de séjour étant à considérer comme équivalent à l’émission d’une nouvelle autorisation de séjour, l’expiration d’une autorisation temporaire de séjour entraîne l’obligation de solliciter une nouvelle autorisation, et partant les mêmes conditions sont à remplir par l’étranger dans les deux hypothèses (trib. adm. 7 janvier 1999, n° 10720 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Etrangers, II. Autorisation de séjour, n° 96, p.

120).

En l’espèce, Monsieur MURIC se trouvait bien dans une situation dans laquelle il était obligé de solliciter le renouvellement de son autorisation de séjour temporaire ayant expiré en date du 15 mai 1997, et partant il devait remplir les conditions telles que prévues par l’article 5 de la loi précitée du 28 mars 1972 en vue de l’émission d’une autorisation de séjour valable pour une durée maximale de douze mois. L’article 5 en question constitue en effet la seule disposition légale déterminant les conditions à remplir en vue de l’obtention d’une autorisation de séjour au Luxembourg, dans la mesure où il dispose que “ la carte d’identité d’étranger peut être refusée et l’autorisation de séjour valable pour une durée maximale de douze mois peut être refusée ou révoquée à l’étranger : … ”. S’il est vrai que ledit article 5 fait référence, dans son point 1) à l’article 2 de la même loi, pour inclure, parmi les conditions à remplir en vue de l’obtention d’une autorisation de séjour temporaire, les conditions telles que prévues par ledit article 2, il n’en reste pas moins que l’article 5 constitue la seule base légale en vertu de laquelle la demande d’une personne séjournant au pays et tendant à l’octroi d’une autorisation de séjour ou d’un renouvellement ultérieur d’une autorisation de séjour initiale, considéré en fait comme une nouvelle demande en obtention d’une autorisation de séjour, peut être refusée.

Le ministre, en invoquant à la base de ses refus de délivrance d’une nouvelle autorisation de séjour en faveur de Monsieur MURIC, l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, a partant indiqué une fausse base légale à l’appui des décisions en question. En effet, ledit article 2 ne vise que les hypothèses dans lesquelles un étranger, se trouvant hors du territoire du Grand-Duché de Luxembourg, souhaite y entrer en vue de s’y installer, et sollicite, dans ce contexte, une autorisation d’entrée et de séjour au Grand-Duché, ainsi que celles dans 7 lesquelles, en dehors de l’initiative d’un tel étranger, le ministre décide de refuser l’entrée et le séjour au Luxembourg à cette personne. Cette disposition légale ne visant ni l’hypothèse dans laquelle un étranger séjournant au pays sollicite l’émission d’une autorisation de séjour en sa faveur ni encore le renouvellement d’une telle autorisation de séjour, elle ne saurait être invoquée à la base d’une décision refusant l’émission voire le renouvellement d’une autorisation de séjour.

Le défaut d’indiquer dans une décision administrative la disposition légale correcte qui constitue son fondement n’encourt pas de sanction, dès lors que les raisons fournies sont suffisamment explicites pour permettre au destinataire de la décision de les rattacher à la disposition légale visée par l’administration (cf. trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10157 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure administrative non contentieuse, III. Motivation de la décision administrative, n° 25, p. 259).

En l’espèce, bien que le ministre se soit référé à une fausse disposition légale se trouvant à la base de ses décisions, les demandeurs n’ont pas pu ignorer qu’il faisait en réalité référence à l’article 5 de la loi précitée du 28 mars 1972, d’autant plus que les motifs invoqués par le ministre pour refuser l’émission d’une nouvelle autorisation de séjour en faveur de Monsieur MURIC, prévus par l’article 2 précité, peuvent justifier, par renvoi de l’article 5 à l’article 2 de la prédite loi du 28 mars 1972, le refus d’émission d’une nouvelle autorisation de séjour. En effet, comme il a déjà été constaté ci-dessus, les trois motifs permettant de refuser une décision d’entrée et de séjour au Grand-Duché, en vertu de l’article 2 précité, peuvent également motiver notamment le refus d’émission d’une autorisation de séjour au pays.

Il découle des considérations qui précèdent que le moyen afférent, tiré de ce que le ministre a invoqué à la base de ses décisions de refus la fausse disposition légale, est à écarter.

Quant au fond, les demandeurs font valoir que ce serait à tort que le ministre de la Justice a refusé l’autorisation de séjour voire le renouvellement de l’autorisation de séjour à Monsieur MURIC, au motif que ce dernier n’aurait pas fait de fausses déclarations au moment de la signature de sa déclaration d’arrivée auprès des autorités communales d’Esch-sur-Alzette et qu’il aurait nullement eu l’intention de cacher auxdites autorités sa résidence antérieure à Virton en Belgique ainsi que la demande d’asile présentée en Belgique avant sa venue au Luxembourg. Si ces informations n’ont pas été indiquées dans ladite déclaration d’arrivée, cet état des choses ne pourrait s’expliquer que soit par le fait qu’une question afférente n’aurait pas été posée à Monsieur MURIC soit, d’une manière générale, que Monsieur MURIC n’aurait à l’époque pas maîtrisé la langue française, langue dans laquelle ledit formulaire a été rédigé et dans laquelle les questions lui ont été posées par le préposé du bureau de la population de la Ville d’Esch-sur-Alzette. Il en aurait résulté que ledit préposé a marqué sur la déclaration d’arrivée la résidence antérieure de Monsieur MURIC figurant sur son passeport, à savoir la Ville de Rozaje en Yougoslavie. Dans son mémoire en réplique, il invoque encore à l’appui de ses affirmations le fait que par arrêt du 26 avril 1999, la sixième chambre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, l’a acquitté de l’infraction retenue contre lui par un jugement d’une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg le 22 octobre 1998 et basée sur la violation de l’article 32 de la loi précitée du 28 mars 1972, en ce qu’il aurait fait de fausses déclarations sur sa résidence antérieure lors de sa déclaration d’arrivée au Luxembourg.

8 Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se base sur les prétendues fausses déclarations effectuées par Monsieur MURIC lors de la signature de sa déclaration d’arrivée auprès des autorités communales de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ainsi que sur le fait qu’il aurait caché aux mêmes autorités le fait qu’il a continué à toucher une aide sociale de la part de la commune de Virton en Belgique jusqu’au 30 juin 1997, pour retenir que Monsieur MURIC n’aurait pas fait les démarches qui s’imposaient pour régulariser sa situation et que sa mauvaise foi serait donc établie en l’espèce.

Les deux premiers motifs de refus se trouvant à la base des décisions ministérielles déférées ont valablement pu être invoqués par le ministre de la Justice en ce qu’ils sont expressément prévus par le point 5) de l’article 5 de la loi précitée du 28 mars 1972.

En ce qui concerne ces deux premiers motifs de refus de délivrance d’une autorisation de séjour à Monsieur MURIC, il échet de relever, sur base de l’arrêt précité de la Cour d’Appel du 26 avril 1999, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 décembre 1999 ensemble avec le mémoire en réplique des demandeurs, que Monsieur MURIC a été acquitté des faits lui reprochés dans ce contexte.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée (Cour adm. 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en annulation, II. Pouvoirs du juge, n° 6, p. 305 et autres références y citées).

En l’espèce, il ressort de l’arrêt précité de la Cour d’appel que les prétendues fausses déclarations et l’intention de Monsieur MURIC de dissimuler aux autorités luxembourgeoises le fait d’avoir introduit une demande d’asile en Belgique et d’y avoir résidé antérieurement à son séjour au Luxembourg, n’ont pas pu être établies. Partant, ces faits ne sauraient motiver les décisions attaquées.

Quant au troisième motif de refus de délivrance de l’autorisation de séjour, tiré de ce que Monsieur MURIC se serait trouvé en séjour irrégulier depuis plusieurs mois, les demandeurs soutiennent que Monsieur MURIC disposait d’une autorisation de séjour au Luxembourg et que partant on ne saurait lui reprocher un séjour irrégulier.

Le délégué du gouvernement quant à lui se base sur un prétendu séjour irrégulier pendant 8 mois pour justifier ce motif de refus.

S’il est vrai que ce motif de refus peut se trouver à la base d’une décision de non-

renouvellement d’une autorisation de séjour, sur base du premier tiret de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, dans la mesure où cette disposition se réfère à la nécessité de disposer d’un visa d’entrée ou de séjour au Luxembourg, cette notion comprenant nécessairement, et d’une manière générale, tous les titres autorisant le séjour ou l’entrée au Luxembourg, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce le demandeur a introduit une demande en renouvellement de son autorisation de séjour en date du 4 février 1997, c’est-à-dire suffisamment de temps avant l’expiration de son autorisation en date du 15 mai 1997. Partant, un reproche ne saurait lui être fait sous ce rapport et le fait que l’administration a mis plus d’un an à répondre à sa demande en renouvellement de son autorisation de séjour ne saurait lui être préjudiciable.

9 Il résulte des considérations qui précèdent qu’un séjour irrégulier au Luxembourg ne saurait lui être reproché alors que ce sont les lenteurs administratives dans le traitement de la demande de Monsieur MURIC qui se trouvent à la base de ce séjour irrégulier.

L’administration a par conséquent commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en invoquant ce motif à la base de ses décisions de refus et ce motif ne saurait partant justifier lesdites décisions.

Quant au quatrième motif de refus invoqué par le ministre de la Justice, tiré de ce que Monsieur MURIC aurait épousé une ressortissante yougoslave régulièrement établie au Luxembourg “ afin de régulariser sa situation ”, les demandeurs font exposer que cette allégation ne serait établie par aucun élément du dossier, d’autant plus que les époux MURIC-

X. ont donné naissance à un enfant du nom de … en date du 21 juillet 1998, qui serait par ailleurs gravement malade et qui, comme il ressort d’un certificat médical établi par le docteur Philippe BOUARD de l’hôpital Laennec de Paris, a été opéré en date du 2 septembre 1998 dans le service de chirurgie cardiaque de l’hôpital en question. Dans ce contexte, il ressort encore d’une pièce déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 février 2000 que les époux MURIC-X. ont donné naissance à un deuxième enfant en date du 5 janvier 2000, tel que cela ressort d’un extrait de l’acte de naissance établi par l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette en date du 6 janvier 2000.

Le délégué du gouvernement n’a pas pris position par rapport à ce motif dans son mémoire en réponse.

Ce motif, basé sur le deuxième tiret de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, qui pourrait justifier le cas échéant le refus de délivrance ou de renouvellement d’une autorisation de séjour dans la mesure où il pourrait être estimé qu’un tel comportement serait de nature à porter atteinte à l’ordre public luxembourgeois, ne peut en l’espèce justifier les décisions déférées, dans la mesure où il ne ressort d’aucun élément du dossier que Monsieur MURIC ait épousé Madame X. dans le seul but de régulariser sa situation. Comme des motivations hypothétiques ne sauraient se trouver à la base de décisions ministérielles, le ministre a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en invoquant ce motif à la base de ses décisions de refus et le tribunal en conclut qu’il ne saurait justifier les décisions prises.

Enfin, en ce qui concerne le dernier motif de refus de délivrance de l’autorisation de séjour à Monsieur MURIC, tiré de ce qu’il constituerait “ un danger pour l’ordre et la sécurité publics ”, les demandeurs font valoir que le casier judiciaire de Monsieur MURIC serait vierge et qu’à part un procès-verbal dressé contre lui pour détention d’une arme prohibée, à savoir en l’espèce un couteau qui avait été trouvé dans son véhicule lors d’un contrôle routier, aucune autre atteinte à l’ordre et à la sécurité publics ne saurait lui être reprochée et le seul fait d’avoir détenu un tel couteau ne saurait être considéré comme constituant “ un trouble caractérisé à l’ordre et à la sécurité publics justifiant une mesure d’expulsion ”, d’autant plus qu’une simple contravention sanctionné par une amende aurait été retenue à son encontre par les juridictions pénales dans ce contexte.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se base sur les “ procès-

verbaux dressés pour port d’arme prohibée et pour infraction à la législation sur l’entrée et le séjour des étrangers ” pour justifier le danger que constituerait Monsieur MURIC pour 10 l’ordre et la sécurité publics. Un tel comportement “ irrespectueux des lois ” du Luxembourg serait de nature à compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics au vœu du deuxième tiret de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés (Cour adm. 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm.

1/2000, V° Recours en annulation, II. Pouvoirs du juge, n° 7, p. 305 et autres références y citées).

En l’espèce, il ressort du dossier que Monsieur MURIC a soumis au ministre de la Justice un extrait du casier judiciaire, qui lui a été délivré en date du 5 mai 1998, dont il ressort que celui-ci contient la mention “ néant ”, que l’arrêt précité de la Cour d’appel du 26 avril 1999 l’a acquitté des faits lui reprochés dans le cadre d’une prétendue violation de l’article 32 de la loi précitée du 28 mars 1972 et qu’à son encontre a été dressé un procès-verbal en date du 14 mai 1996 au sujet de la détention, dans sa voiture, d’un couteau décrit comme constituant un “ Springmesser mit Klingensicherung ”, à la suite duquel Monsieur MURIC aurait, de ses propres aveux, était condamné à une amende. Il ressort encore des procès-

verbaux précités des 12 novembre et 20 décembre 1994 ainsi que du 20 février 1995 qu’à l’époque Monsieur MURIC a été interpellé à plusieurs reprises par les agents des forces de l’ordre et qu’à ces occasions, il a pu être constaté qu’il ne disposait pas des autorisations nécessaires pour entrer et séjourner sur le territoire luxembourgeois et qu’en date du 23 mai 1994, il a fait l’objet d’un procès-verbal du commissariat de police d’Esch-sur-Alzette pour coups et blessures occasionnés dans le cadre d’un accident de voiture et pour d’autres contraventions à la réglementation en matière de circulation routière. D’autres faits permettant de justifier une atteinte à la sécurité, à la tranquillité, à l’ordre ou à la santé publics, au vœu de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, ne ressortent ni des pièces du dossier ni des renseignements fournis par le délégué du gouvernement au cours de la procédure contentieuse.

En ce qui concerne les procès-verbaux établis à l’encontre de Monsieur MURIC pour violation à la loi sur l’entrée et le séjour au Luxembourg, il échet de constater que quelques jours après le mariage de Monsieur MURIC avec Madame X., les demandeurs ont accompli toutes les diligences requises en vue d’obtenir la régularisation de la situation de Monsieur MURIC en introduisant auprès du ministre de la Justice une demande en obtention d’une autorisation de séjour en faveur de Monsieur MURIC, par courrier du 4 avril 1996 à la suite de laquelle une autorisation de séjour temporaire a été émise en faveur de Monsieur MURIC par courrier du ministre de la Justice du 17 mai 1996. Ces faits ne sauraient partant justifier, au moment où les décisions déférées ont été prises, une atteinte de Monsieur MURIC à l’ordre public luxembourgeois.

En ce qui concerne la détention par Monsieur MURIC d’une arme prohibée, à savoir en l’espèce le couteau précité, caché dans sa voiture, d’ailleurs avouée par Monsieur MURIC qui a fourni lui-même l’information qu’à ce sujet une amende contraventionnelle a été prononcée à son encontre, il échet de constater que ce fait, à lui seul, ne saurait justifier que Monsieur MURIC constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics, étant donné que ce fait ne saurait démontrer le comportement dangereux de Monsieur MURIC. En ce qui concerne les 11 faits retenus dans un procès-verbal datant du 12 novembre 1994 et commis par Monsieur MURIC dans le cadre d’un accident de circulation, il échet de relever que ces faits datent du 23 mai 1994, à savoir quatre ans avant la prise des décisions litigieuses, que la gravité de ces faits n’a pas été établie, à défaut de précisions quant aux faits concrets commis par le demandeur et qu’il n’a pas été établi que ces faits ont fait l’objet de poursuites ou de sanctions pénales, et partant le tribunal arrive à la conclusion que ces faits non autrement précisés ne sont pas de nature à constituer une atteinte à l’ordre public. Comme aucun autre fait n’a été invoqué ni par le ministre de la Justice ni par le délégué du gouvernement pour justifier ce motif de refus de délivrance de l’autorisation de séjour à Monsieur MURIC et comme les seuls faits qui auraient pu se trouver à la base de ce motif de refus, à savoir la détention d’une arme prohibée et les faits précités commis le 23 mai 1994, ne peuvent à eux seuls justifier ledit motif, il y a lieu d’en conclure que le ministre a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en retenant ce motif à la base de ses décisions et ce motif ne saurait donc les justifier.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucun des motifs invoqués par le ministre à la base des décisions déférées ne saurait les justifier, le recours est à déclarer fondé et il y a lieu d’annuler les deux décisions des 11 mars et 29 juin 1998, sans qu’il y ait lieu de procéder à l’analyse des autres moyens et arguments invoqués par les parties à l’instance.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

joint les recours inscrits sous les numéros du rôle 10885 et 10886 pour y statuer par un seul et même jugement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

rejette la demande de sursis à exécution ;

au fond, déclare le recours en annulation justifié, partant annule les décisions ministérielles des 11 mars et 29 juin 1998, par lesquelles le ministre de la Justice a refusé de délivrer à Monsieur MURIC une autorisation de séjour au Luxembourg, et renvoie le dossier pour prosécution de cause au ministre de la Justice ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 10 mai 2000 par le vice-président, en présence de M.Legille, greffier.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : s10885,10886
Date de la décision : 10/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-10;s10885.10886 ?

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