La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11925

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mai 2000, 11925


N° 11925 du rôle Inscrit le 14 avril 2000 Audience publique du 10 mai 2000

=========================

Recours formé par Madame … ADROVIC contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

-----------------------------------------------------------

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11925 et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2000 par Maître Sabrina MARTIN, avocat à la Cour, assistée de Maître Nathalie SCHROEDER, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avoc

ats à Luxembourg, au nom de Madame … ADROVIC, née le … à …(Monténégro), sans état particuli...

N° 11925 du rôle Inscrit le 14 avril 2000 Audience publique du 10 mai 2000

=========================

Recours formé par Madame … ADROVIC contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

-----------------------------------------------------------

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11925 et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2000 par Maître Sabrina MARTIN, avocat à la Cour, assistée de Maître Nathalie SCHROEDER, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … ADROVIC, née le … à …(Monténégro), sans état particulier, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 3 janvier 2000, notifiée le 18 janvier 2000, ainsi que d’une décision confirmative du 15 mars 2000, rendue à la suite de l’introduction d’un recours gracieux le 17 février 2000, par lesquelles sa demande en obtention du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Nathalie SCHROEDER et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Madame … ADROVIC, née le … à … (Monténégro), sans état particulier, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit en date du 19 mai 1999 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Elle fut entendue en date du 20 août 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 17 décembre 1999, le ministre de la Justice informa Madame ADROVIC, par lettre du 3 janvier 2000, notifiée le 18 janvier 2000, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants: « (…) Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis 1 votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, vous n’invoquez aucune crainte sérieuse de persécution pour une des raisons visées de la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par lettre datée du 17 février 2000, le mandataire de Madame ADROVIC introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 3 janvier 2000.

Par décision du 15 mars 2000, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête du 14 avril 2000, Madame ADROVIC a introduit un recours en annulation contre les décisions précitées des 3 janvier et 15 mars 2000 pour être dénuées de la motivation requise.

L’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le recours en annulation à l’encontre des décisions ministérielles litigieuses ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

La demanderesse fait valoir que « les motifs figurant dans l’avis de la commission consultative, par référence auxquels le ministre a confirmé sa décision du 3 janvier 2000, ne sont pas de nature à motiver légalement la décision critiquée alors qu’ils ne trouvent d’appui ni dans le dossier, ni dans la réalité et sont au contraire contredits par ceux-ci ». Elle en conclut que dans ces conditions, les décisions attaquées, qui procèderaient par entérinement de l’avis de la commission consultative, seraient à leur tour dénuées de la motivation requise.

Le délégué du gouvernement rétorque que force serait de constater que la commission consultative pour les réfugiés aurait repris les éléments invoqués par la demanderesse à la base de sa demande. Il relève encore ce qui suit : « Toutefois, alors que la requérante n’avait invoqué que très peu d’éléments, on ne saurait reprocher à la commission consultative pour les réfugiés de ne pas avoir inventé d’autres moyens ».

Concernant le reproche tiré d’une motivation insuffisante des décisions attaquées, c’est-

à-dire, de la violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, il y a lieu de retenir qu’une décision administrative est motivée à suffisance de droit si l’auteur de la décision déclare se rallier à l’avis d’une commission consultative et que cet avis est annexé en copie à la décision (trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure administrative non contentieuse, III. Motivation de la décision administrative, p. 261, n° 35 et autres références y citées).

2 Le moyen d’annulation invoqué par la demanderesse consistant à soutenir que les décisions ministérielles attaquées seraient entachées d’illégalité pour absence de motivation, n’est pas fondé, étant donné qu’il ressort des pièces versées au dossier que les décisions du ministre de la Justice des 3 janvier et 15 mars 2000, ensemble l’avis de la commission consultative pour les réfugiés auquel le ministre s’est rallié, en en adoptant également les motifs, et qui a été annexé en copie à la décision initiale, de sorte qu’il en fait partie intégrante, indiquent de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels le ministre s’est basé pour justifier sa décision de refus, motifs qui ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance de la demanderesse. – Cette conclusion n’est pas ébranlée par le fait que la décision ministérielle confirmative du 15 mars 2000 ne contient pas de motivation propre, étant donné que, en l’absence d’éléments nouveaux, elle a pu, à bon droit, se borner à renvoyer à la décision initiale, les deux décisions attaquées ayant ainsi vocation à constituer un tout indissociable.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il convient encore d’examiner si les décisions ministérielles ne sont pas le résultat d’une mauvaise appréciation de la situation personnelle de la demanderesse.

A ce titre, la demanderesse fait valoir qu’il résulterait de ses déclarations qu’elle aurait quitté son pays « à cause de la situation politique, des bombardements et de la police militaire ». Elle a encore précisé lors de son audition que la situation au Monténégro ne se serait pas encore calmée et qu’elle aurait peur qu’une guerre éclate. Ces craintes de persécution seraient documentées par des rapports établis par des organisations internationales, de sorte qu’il serait établi que la situation politique au Monténégro serait très instable et que les « risques d’éclatement d’un conflit ne sont pas négligeables ». Comme il y aurait également lieu de tenir compte de la situation générale existant dans le pays de la demanderesse, sa demande en obtention du statut de réfugié politique serait fondée.

Le délégué du gouvernement conclut au non fondé du recours au motif que la demanderesse ne ferait état d’aucune crainte sérieuse de persécution pour une des raisons visées par la Convention de Genève.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement… ».

En vertu de l’article 3 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, manifestement dénués de fondement.

3 Le tribunal doit partant examiner, de manière sommaire, et sur base de l’ensemble des pièces du dossier et des renseignements qui lui ont été fournis, si les faits peuvent être qualifiés de manifestement incrédibles ou manifestement dénués de fondement.

Or, en l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’elle n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, à savoir le Monténégro. - En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, Madame ADROVIC a uniquement affirmé avoir quitté son pays d’origine à cause de la situation politique, des bombardements ainsi que de la police militaire. Lorsque l’agent du ministère de la Justice l’a rendu attentive sur le fait que la guerre était finie, elle a répondu qu’elle aurait entendu « qu’au Monténégro la situation ne s’est pas encore calmée. J’ai peur que la guerre aille éclater au Monténégro ». Interrogée sur la question de savoir si elle avait personnellement subie des persécutions, elle a répondu par la négative. Elle a encore précisé qu’elle n’avait jamais travaillé, qu’elle n’avait pas été membre d’un parti politique et qu’elle n’avait pas d’opinions politiques.

Il se dégage de ces déclarations, que la demanderesse reste en défaut d’établir ou même d’alléguer en quoi sa situation particulière ait été telle qu’elle pouvait avec raison craindre qu’elle ferait l’objet de persécutions, au sens de la Convention de Genève, dans son pays de provenance, à savoir le Monténégro.

La demande d’asile ne repose dès lors sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Etant donné que la demanderesse n’a pas fait état de persécutions ou de craintes de persécutions au sens de la Convention de Genève, c’est à bon droit que le ministre a décidé que la demande d’asile politique devait être déclarée manifestement infondée.

Il suit des considérations qui précèdent, que le recours est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge, 4 et lu à l’audience publique du 10 mai 2000 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11925
Date de la décision : 10/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-10;11925 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award