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10/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11509

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mai 2000, 11509


N° 11509 du rôle Inscrit le 1er septembre 1999 Audience publique du 10 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … QERAJ, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11509 et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 1999 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … QERAJ, né le …, de nationalité alba

naise, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décisio...

N° 11509 du rôle Inscrit le 1er septembre 1999 Audience publique du 10 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … QERAJ, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11509 et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 1999 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … QERAJ, né le …, de nationalité albanaise, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 23 juillet 1999, notifiée le 6 août 1999, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle le demandeur a été invité à indiquer au tribunal s’il entendait maintenir son recours;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 1999;

Vu la déclaration de Maître Louis TINTI faite à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposée au greffe du tribunal administratif le 28 octobre 1999, par laquelle il a déclaré que son mandant entendait poursuivre le présent recours;

Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, constatant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 février 2000 au nom du demandeur;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement le 23 février 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Louis TINTI ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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1 Le 2 juin 1998, Monsieur … QERAJ, né le …, de nationalité albanaise, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du 5 juin 1998, Monsieur QERAJ fut auditionné par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’iténéraire suivi pour venir au Luxembourg et en date du 22 mars 1999, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le 12 juillet 1999, la commission consultative pour les réfugiés émit un avis défavorable.

Par décision du 23 juillet 1999, notifiée le 6 août 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur QERAJ de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Me ralliant à l’avis de la Commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. (…) ».

Par requête déposée en date du 1er septembre 1999, Monsieur QERAJ a introduit un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 23 juillet 1999.

Etant donné que l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise du 23 juillet 1999. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est également recevable.

Dans son mémoire en duplique la partie défenderesse déclare se rapporter à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du mémoire en réplique déposé au nom du demandeur le 14 février 2000.

La question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais émargés sous peine de forclusion, tel que cela ressort de l’article 5 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Lors des plaidoiries et sur invitation du tribunal à prendre position quant à la susdite question, le mandataire du demandeur a également déclaré se rapporter à la sagesse du tribunal.

2 En l’espèce, le recours sous analyse a été introduit avant l’entrée en vigueur, le 16 septembre 1999, de la loi précitée du 21 juin 1999 prévoyant des règles procédurales nouvelles en matière de contentieux administratif, de sorte qu’il incombe au tribunal de déterminer de prime abord les champs d’application respectifs dans le temps de l’ancienne réglementation issue de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat tel que maintenu en vigueur par l’article 98 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ainsi que des nouvelles dispositions issues de la loi précitée du 21 juin 1999.

En application de l’article 70 alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999, dans les affaires dans lesquelles seule la requête introductive a été communiquée à sa date d’entrée en vigueur, le 16 septembre 1999, le tribunal a enjoint par ordonnance non susceptible d’appel du 27 septembre 1999 aux demandeurs de déclarer au greffe dans un délai d’un mois à peine de forclusion s’ils entendaient poursuivre le recours et que dans l’affirmative, vérifiée en l’espèce, l’affaire sera instruite conformément aux dispositions de la nouvelle loi.

L’ordonnance du tribunal administratif prévisée a été rendue le 27 septembre 1999 et notifiée le lendemain, de sorte que le délai d’un mois prévisé s’est écoulé à la date du 28 octobre 1999 (cf. trib. adm. 13 décembre 1999, Rausch, n° 10980 du rôle, non encore publié).

Par voie de conséquence les actes de procédure posés dans l’affaire sous analyse postérieurement à l’écoulement du délai d’un mois prévisé sont régis par la loi du 21 juin 1999 et notamment par son article 5 concernant le délai dans lequel le demandeur doit fournir son mémoire en réplique, conditionnant celui pour le défendeur de fournir son mémoire en duplique.

Or, l’article 5 de la loi du 21 juin 1999 prévoit en ses paragraphes (5) et (6) que « (5) le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.

(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Il ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il convient encore de relever qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal conformément à l’article 5 paragraphe (7) ni, par la force des choses, accordée par ce dernier.

Dans la mesure où le mémoire en réponse de la partie défenderesse a été déposé au greffe du tribunal en date du 5 octobre 1999 et qu’il a été transmis au demandeur par courrier du même jour, le dépôt du mémoire en réplique du demandeur étant intervenu le 14 février 2000, le délai d’un mois légalement prévu à peine de forclusion n’a pas été respecté et le tribunal est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réplique.

Le mémoire en réplique ayant été écarté, le même sort frappe le mémoire en duplique de la partie défenderesse, lequel ne constitue qu’une réponse à la réplique fournie.

3 Au fond, le demandeur fait exposer qu’il est de nationalité albanaise, originaire de Shkoder et de religion musulmane, que, membre d’une équipe d’athlétisme, il aurait quitté son pays d’origine à la fin du mois de mai 1998 pour se rendre au Grand-Duché de Luxembourg en vue de la participation à une compétition sportive et qu’il a profité de son séjour au Luxembourg pour introduire une demande d’asile.

Il fait encore exposer qu’il aurait été, de même que son père, un membre actif du parti d’opposition « Front National » et qu’à cause de cette adhésion et de sa participation active notamment à des démonstrations contre le pouvoir communiste, sa vie serait menacée et intolérable en Albanie. Il fait préciser que son père et lui-même auraient été menacés de mort, qu’une bombe aurait explosé dans leur jardin, que la police aurait perquisitionné leur maison et que son père aurait été blessé par balle alors qu’il se trouvait dans un café, à l’intérieur duquel était organisée une réunion du susdit parti.

Le demandeur estime que lesdits faits, ensemble les pièces produites en cause, établiraient une persécution pour des motifs politiques au sens de la Convention de Genève et, il conclut à la réformation de la décision querellée pour violation de la loi sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

Le représentant étatique soutient en premier lieu que le demandeur n’aurait pas rapporté la preuve de ses allégations. Dans ce contexte, il estime qu’il serait pour le moins étonnant qu’une personne prétendument persécutée par les autorités de son pays d’origine « ait été choisi pour faire partie d’une délégation sportive représentant l’Albanie en Europe de l’Ouest ».

Ensuite, le délégué soutient que, même à supposer que les faits allégués soient établis, ils ne seraient pas de nature à justifier une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur QERAJ lors de son audition en date du 22 mars 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces 4 produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit de raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les faits invoqués par le demandeur s’inscrivent dans un contexte de criminalité répandue en Albanie, sans que le demandeur n’établit en quoi il risquerait de subir des actes de persécution. En outre, il n’explique ni les raisons pour lesquelles il ne pourrait pas rechercher, pour le cas où il devrait subir de tels actes de persécution, la protection des autorités en place dans son pays d’origine ni encore les éléments de fait permettant d’établir que ces autorités ne seraient pas en mesure ou n’auraient pas la volonté de poursuivre de tels actes.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare compétent pour connaître du recours;

le déclare également recevable en la forme;

écarte les mémoires en réplique et en duplique tardivement fournis;

au fond déclare le recours non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 10 mai 2000, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11509
Date de la décision : 10/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-10;11509 ?

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