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10/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11504

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mai 2000, 11504


N° 11504 du rôle Inscrit le 27 août 1999 Audience publique du 10 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … CILOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11504 et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 août 1999 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Paul SCHROEDER, avocat, inscrit au prédit tab

leau de l’Ordre des avocats, au nom de Monsieur … CILOVIC, né le…, originaire du Monténégro, de n...

N° 11504 du rôle Inscrit le 27 août 1999 Audience publique du 10 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … CILOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11504 et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 août 1999 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Paul SCHROEDER, avocat, inscrit au prédit tableau de l’Ordre des avocats, au nom de Monsieur … CILOVIC, né le…, originaire du Monténégro, de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 23 juillet 1999, notifiée le 28 juillet 1999, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 27 août 1999, portant signification du susdit recours à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle le demandeur a été invité à indiquer au tribunal s’il entendait maintenir son recours;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 1999;

Vu la déclaration de Maître Albert RODESCH faite à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, transmise au tribunal administratif par voie de télécopie en date du 5 octobre 1999, par laquelle il a déclaré que son mandant entendait poursuivre le présent recours;

Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, décidant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Paul SCHROEDER ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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1 Le 24 août 1998, Monsieur … CILOVIC, né le…, originaire du Monténégro, de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du 29 avril 1999, Monsieur CILOVIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Le 1er juillet 1999, la commission consultative pour les réfugiés émit un avis défavorable.

Par décision du 23 juillet 1999, notifiée le 28 juillet 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur CILOVIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Me ralliant à l’avis de la Commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. (…) ».

Par requête déposée en date du 27 août 1999, Monsieur CILOVIC a introduit un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 23 juillet 1999.

Le demandeur soutient que ce serait à tort que le ministre de la Justice a refusé de faire droit à sa demande d’asile.

Il fait exposer qu’il aurait effectué son service militaire au sein de l’armée yougoslave de mars 1997 à mars 1998 et qu’au terme de son service militaire l’armée aurait voulu « prolonger celui-ci de façon arbitraire ». Or, comme il n’aurait pas voulu être engagé « dans un conflit entre les différents groupes ethniques peuplant la Yougoslavie », il aurait décidé « de rejoindre sa famille au Grand-Duché de Luxembourg par des moyens de fortune ».

Il estime encore que les événements qui ont eu lieu au Kosovo montreraient que c’était à raison qu’il « avait peur d’aller faire la guerre ».

Il ajoute encore qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait d’être arrêté pour insoumission et qu’il risquerait une peine de prison et des mauvais traitements.

Le délégué du gouvernement soutient en premier lieu que les frais de signification de la requête introductive d’instance à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg seraient frustratoires et qu’en tout état de cause, ils devraient rester à charge du demandeur.

2 Le représentant étatique soutient ensuite que la présentation des faits, telle que faite par le demandeur dans le cadre de son recours, relativement à la prolongation de son service militaire ne serait pas conforme aux déclarations qu’il a faites lors de son audition du 29 avril 1999 et que ces faits ne seraient pas non plus corroborés par un quelconque élément de preuve.

Dans ce contexte, le délégué relève que le demandeur aurait initialement déclaré s’être enfui « avant d’avoir eu un appel pour la réserve », qu’il aurait déclaré ne pas encore avoir reçu de convocation depuis qu’il serait au Luxembourg et qu’il était sûr d’être appelé à la réserve puisqu’il aurait fait son service militaire, étant donné que tout le monde qui aurait effectué son service militaire serait appelé à la réserve.

Par ailleurs, le délégué estime que le demandeur aurait tort de se référer aux événements qui se sont produits au Kosovo, étant donné qu’au moment de son départ aucun conflit n’y aurait encore éclaté et qu’il n’existerait aucune preuve qu’il risquait d’y être impliqué.

Enfin, le délégué du gouvernement soutient que la crainte de subir des sanctions en raison de son insoumission ne tiendrait pas en présence de l’affirmation que jusqu’au mois d’août 1999 il n’aurait pas encore reçu de convocation, étant donné qu’il ne saurait avoir peur d’être sanctionné pour avoir désobéi à une convocation qu’il n’aurait jamais reçue.

Etant donné que l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise du 23 juillet 1999. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

En outre, l’insoumission ne constitue pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié (trib. adm. 17 février 1997, n° 9586 du rôle, Pas. adm.

1/2000 V° Etrangers n° 30, et autres références y citées).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur CILOVIC lors de son audition en date du 29 avril 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu 3 figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit de raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, abstraction faite de l’éventuelle contradiction entre les déclarations initiales et celles contenues dans son recours contentieux, force est de relever que le demandeur n’a fait état que d’un sentiment général de peur de devoir aller à la guerre, sans cependant avoir fait état d’un état de persécution vécu ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, étant relevé dans ce contexte que, lors de son audition, il a précisé qu’il n’avait pas adhéré à un parti politique ou groupe social défendant les intérêts de personnes, qu’il n’avait pas eu d’activité politique et que ni lui même, ni l’un quelconque des membres de sa famille n’a eu de problème avec la police. En outre, le demandeur reste en défaut d’expliquer et d’établir l’existence, à l’heure actuelle, d’un risque de persécution dans son chef en raison de sa prétendue insoumission.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 10 mai 2000, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11504
Date de la décision : 10/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-10;11504 ?

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