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10/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11364

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mai 2000, 11364


Numéro 11364 du rôle Inscrit le 5 juillet 1999 Audience publique du 10 mai 2000 Recours formé par Monsieur … SCHOCKWEILER, … contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière de révocation

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11364 du rôle, déposée le 5 juillet 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Marco FRITSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur

… SCHOCKWEILER, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, tendant à la réformati...

Numéro 11364 du rôle Inscrit le 5 juillet 1999 Audience publique du 10 mai 2000 Recours formé par Monsieur … SCHOCKWEILER, … contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière de révocation

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11364 du rôle, déposée le 5 juillet 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Marco FRITSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SCHOCKWEILER, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 22 mars 1999 ayant infligé à ce dernier la peine disciplinaire de la révocation;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 5 juillet 1999 portant signification dudit recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 1999 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 2 décembre 1999 portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur SCHOCKWEILER;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, conformément à son article 70 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Mourad SEBKI et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives.

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Par note du 6 mars 1998, les supérieurs hiérarchiques de Monsieur … SCHOCKWEILER, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, affecté au service central du personnel, ont attiré l’attention du collège échevinal de la Ville de Luxembourg sur certaines irrégularités tenant au paiement de rémunérations indues qui auraient été commises par ce fonctionnaire. Par délibération du 9 mars 1998, le collège échevinal décida alors d’entamer une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur SCHOCKWEILER et désigna Monsieur … comme délégué à l’instruction. Par la même décision, la société fiduciaire … de Bâle fut chargée de la vérification des livres de comptabilité des salaires ouvriers. Après avoir informé Monsieur SCHOCKWEILER qu’il envisageait de le suspendre de ses fonctions pendant tout le cours de la procédure jusqu’à la décision définitive et avoir entendu ce dernier en ses explications et observations le 10 mars 1998, le collège échevinal le suspendit de l’exercice de ses fonctions par délibération du 11 mars 1998.

Sur base d’un rapport du délégué à l’instruction du 17 juin 1998, le conseil communal de la Ville de Luxembourg décida, par délibération du 13 juillet 1998, de transmettre le dossier disciplinaire de Monsieur SCHOCKWEILER pour avis au conseil de discipline des fonctionnaires communaux institué auprès du ministère de l’Intérieur, ci-après désigné par « le Conseil de discipline », étant donné qu’il estimait que les faits établis par l’instruction disciplinaire, tenant notamment à « de multiples fautes dans le calcul des biennales non spécifiées en détail, et surtout bon nombre d’irrégularités ayant consisté à avoir fait mandater en faveur d’ouvriers et de retraités de la ville par le biais du système de rémunération des sommes de différents ordres de grandeur sans bases légales ni instructions de la part de ses supérieurs », constitueraient des manquements à réprimer par une sanction plus sévère que l’avertissement, la réprimande ou l’amende ne dépassant pas 1/5 d’une mensualité brute du traitement de base.

Suite à une convocation à l’adresse de Monsieur SCHOCKWEILER pour se présenter devant le Conseil de discipline à la séance du 18 janvier 1999 à 14:30 heures pour y être entendu en ses explications et moyens de défense, le mandataire de Monsieur SCHOCKWEILER sollicita, par télécopie du 17 janvier 1999, la remise de l’audience du Conseil de discipline « afin que les droits de la défense soient respectés » et réitéra sa demande antérieurement formée par la voie téléphonique en communication des coordonnées exactes des membres du Conseil de discipline devant siéger dans le cadre du dossier de son mandant. Suite à une information téléphonique de la part du secrétaire du Conseil de discipline au secrétariat du mandataire de Monsieur SCHOCKWEILER, celui-ci réitéra par télécopie du 18 janvier 1999 à destination du président du Conseil de discipline sa demande en communication des identités, qualités et fonctions des membres du Conseil de discipline.

Devant le Conseil de discipline, le mandataire de Monsieur SCHOCKWEILER soumit une demande en communication de l’arrêté ministériel de nomination des membres du Conseil de discipline et souleva la récusation à l’encontre de chaque membre pris individuellement.

Par avis du 1er mars 1999, le Conseil de discipline prit position face aux moyens soulevés par le mandataire de Monsieur SCHOCKWEILER et conclut, sur base des éléments 2 au fond dégagés par l’instruction accomplie, « à l’unanimité des voix l’avis que … SCHOCKWEILER est à sanctionner de la peine disciplinaire de la révocation ».

Le conseil communal décida en sa séance du 22 mars 1999 d’infliger à Monsieur SCHOCKWEILER la peine disciplinaire de la révocation, cette décision ayant été approuvée par le ministre de l’Intérieur en date du 30 mars 1999.

A l’encontre de cette décision du conseil communal du 22 mars 1999, Monsieur SCHOCKWEILER fit introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée en date du 5 juillet 1999.

L’article 66 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, ci-après désignée par « le statut », instaurant un recours au fond contre une décision infligeant une sanction disciplinaire autre qu’un avertissement, une réprimande ou une amende ne dépassant pas le cinquième d’une mensualité brute du traitement de base, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, de sorte que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable. Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur soutient en premier lieu que la procédure d’instruction serait viciée en ce que ni le rapport du délégué à l’instruction, ni l’avis du Conseil de discipline ne relèveraient que le dossier aurait été instruit à sa décharge dans le cadre de l’article 65 du statut par l’analyse de la question de la responsabilité de son supérieur hiérarchique. Il avance plus particulièrement à cet égard qu’il résulterait des éléments du dossier que certains des faits reprochés remonteraient à l’année 1992 et qu’il serait inconcevable qu’aucun contrôle, voire la moindre supervision sérieuse n’aient été effectués dans un service où une grande partie du budget communal est gérée, de manière à ce que l’examen de la question de la responsabilité du supérieur hiérarchique se serait imposé.

Aux termes de l’article 65 du statut « tout manquement à la discipline qu’il aurait toléré ou facilité engage la responsabilité du préposé. Il en est de même s’il a omis de provoquer les sanctions disciplinaires et ce dans le cadre de ses compétences dûment établies ».

Cette disposition constitue la base légale en vue de sanctionner le supérieur hiérarchique en raison de l’insuffisance de sa part dans la supervision des agents qui lui sont subordonnés et qui a permis à ces derniers de commettre des fautes disciplinaires. Elle ne saurait néanmoins être interprétée comme imposant l’examen de la responsabilité du supérieur hiérarchique dans le cadre de toute instruction disciplinaire visant l’agent subordonné, étant donné qu’une responsabilité du supérieur hiérarchique n’est pas en toute occurrence de nature à réduire ou effacer la gravité intrinsèque au manquement disciplinaire de l’agent subordonné.

C’est encore à juste titre que la partie défenderesse relève que le demandeur aurait pu, sur base de l’article 68 (4) du statut, prendre inspection du dossier, comportant le rapport du délégué à l’instruction dès que l’instruction disciplinaire était terminée, et demander dans les dix jours un complément d’instruction s’il avait estimé que l’instruction n’avait pas été accomplie de manière suffisamment complète et objective.

Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

Le demandeur expose en second lieu avoir soulevé, au moyen de demandes écrites, devant le Conseil de discipline in limine litis la récusation de tous ses membres présents pris 3 chacun individuellement sur base de l’article 71 in fine du statut. Cette récusation était fondée sur le moyen de la contrariété de l’article 70 alinéa 4 du statut, prévoyant la nomination des membres du Conseil de discipline par le ministre de l’Intérieur, à l’article 36 de la Constitution en ce que cette compétence ministérielle conférée par la loi violerait ladite disposition constitutionnelle réservant au Grand-Duc le pouvoir de prendre les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois, de manière à ce que l’arrêté ministériel de nomination des membres du Conseil de discipline serait dépourvu de base légale valable. Le président du Conseil de discipline, dont la récusation avait également été demandée par écrit, aurait pourtant déclaré que le Conseil déciderait des récusations introduites en même temps qu’il allait rendre son avis sur le fond. Le demandeur estime qu’en prenant effectivement position sur les demandes en récusation dans le même avis du 1er mars 1999 qui se prononce sur le fond de l’affaire, le Conseil de discipline aurait méconnu le principe général de droit qu’une personne dont la récusation est demandée doit s’abstenir jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la récusation et ne peut pas statuer sur sa propre cause, exigence découlant notamment de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il conclut que la procédure devant ledit Conseil serait dès lors entachée d’une irrégularité qui aurait pour effet d’entraîner également l’illégalité de la décision déférée du 22 mars 1999 dont ledit avis ferait partie intégrante.

La partie défenderesse soulève l’irrecevabilité de ce moyen en se fondant sur le défaut de production par le demandeur des mémoires en récusation soumis au Conseil de discipline parmi ses pièces. Elle relève que la requête introductive doit impérativement mentionner toutes les pièces déposées, de sorte que le demandeur se verrait empêché de faire état d’un document ni déposé, ni communiqué à la partie adverse.

Aux termes de l’article 71 alinéa 4 du statut, « les membres du Conseil peuvent être récusés par le fonctionnaire inculpé pour des motifs reconnus légitimes par le Conseil ; ils doivent se récuser pour les causes indiquées à l’article 378 du code de procédure civile ».

Il échet de préciser d’emblée que le défaut allégué de communication suffisamment à l’avance des identités et qualités des membres du Conseil de discipline qui allaient connaître de l’affaire du demandeur n’est en l’espèce pas de nature à affecter la validité de l’avis litigieux du 1er mars 1999 et de la décision déférée du 22 mars 1999, étant donné que le mandataire a pu soumettre utilement les demandes en récusation à l’audience du conseil de discipline du 18 janvier 1999 sous forme de 7 mémoires individualisés et qu’il ne fait état d’aucun grief concret d’avoir été empêché de faire valoir un autre moyen de récusation en raison de l’ignorance de la composition du Conseil de discipline dans laquelle il aurait été mis.

L’analyse du moyen ainsi soumis par le demandeur présuppose l’examen de la question de savoir si la cause avancée de récusation, à savoir le défaut de base légale valable de l’arrêté ministériel de nomination du 17 août 1998, rentre dans la notion de motif de récusation, abstraction faite de la question de savoir s’il est à qualifier de légitime ou non.

La récusation est une procédure permettant à une partie de faire écarter, et donc remplacer, un juge de la juridiction à laquelle le procès est soumis, en raison du risque de partialité dudit juge (cf. Encyclopédie Dalloz, Procédure, v° récusation et renvoi, n° 1). Un motif de récusation, que ce soit l’une des causes légales de récusation visées à l’article 378 du code de procédure civile ou un autre motif légitime au sens de l’article 71 du statut, doit dès lors nécessairement se rattacher à la personne même qui est visée, mais ne saurait se rapporter en réalité à l’institution dont celle-ci fait partie.

4 En l’espèce, le moyen de récusation opposé par le mandataire du demandeur à travers ses mémoires déposés au Conseil de discipline le 18 janvier 1999 ne fait état d’aucun risque d’impartialité dans le chef d’un des membres du Conseil de discipline ayant siégé dans la procédure engagée contre le demandeur en raison de circonstances qui lui sont personnelles, mais est relatif à l’organisation de l’institution même du Conseil de discipline. Ce moyen ne saurait partant être qualifié de motif de récusation, mais constitue le cas échéant un motif d’irrégularité de l’avis à émettre par le Conseil de discipline et, par voie de conséquence, de la décision du conseil communal à intervenir sur base de cet avis, de manière à ce que le Conseil de discipline n’était pas tenu de lui appliquer le régime de la récusation et pouvait valablement passer outre pour émettre son avis sur le fond de l’affaire. Le moyen afférent du demandeur, tout comme le moyen d’irrecevabilité soulevé par la partie défenderesse, sont dès lors sans objet.

En troisième lieu, le demandeur reprend le moyen de la contrariété de l’article 70 alinéa 4 du statut, prévoyant la nomination des membres du Conseil de discipline par le ministre de l’Intérieur, à l’article 36 de la Constitution en ce que cette compétence ministérielle conférée par la loi violerait ladite disposition constitutionnelle réservant au Grand-Duc le pouvoir de prendre les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois, de manière à ce que l’arrêté ministériel de nomination des membres du Conseil de discipline serait dépourvu de base légale valable et que la décision déférée du 22 mars 1999 devrait être annulée. Il renvoie à cet égard à la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat qui aurait servi de référence pour l’élaboration du statut des fonctionnaires communaux et dont l’article 59 alinéa 3 attribuerait au Grand-Duc la compétence pour nommer les membres du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat.

A titre subsidiaire, il propose de soumettre à la Cour Constitutionnelle une question préjudicielle sur le moyen ainsi soulevé.

L’article 36 de la Constitution, en disposant que « le Grand-Duc fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-

mêmes, ni dispenser de leur exécution », réserve au Grand-Duc le pouvoir d’édicter des règles générales en exécution d’une norme supérieure (Cour adm. 15 janvier 1998, Wolter-Weber, Pas. 30, 359). L’article 70 alinéa 4 du statut ne confère néanmoins au ministre de l’Intérieur aucun pouvoir d’édicter des actes à caractère normatif en complément à la loi, mais l’autorise seulement à procéder à des nominations individuelles de membres d’une institution prévue par la loi. L’arrêté de nomination pris en vertu de l’article 70 alinéa 4 du statut ne rentrant pas parmi les actes réservés au Grand-Duc par l’article 36 précité, le moyen d’inconstitutionnalité de cette disposition légale et la demande de question préjudicielle sont dénués de tout fondement et doivent être rejetés sur base de l’article 6 alinéa 2 b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle.

Le demandeur fait exposer en quatrième lieu que la secrétaire de son mandataire aurait contacté le 15 janvier 1999 le secrétariat du Conseil de discipline afin d’obtenir communication des identités, qualités et professions des membres de ce Conseil siégeant dans la procédure engagée à son encontre, demande à laquelle le secrétariat aurait refusé de donner suite « alors que Monsieur le Ministre de l’Intérieur devait encore mettre sa signature sous un arrêté ministériel de nomination ». Suite à une télécopie du 17 janvier 1999 envoyée par le mandataire du demandeur sollicitant la remise de l’audience du Conseil de discipline « afin que les droits de la défense soient respectés » et réitérant la demande en communication des coordonnées exactes des membres du Conseil de discipline devant siéger dans le cadre du dossier de son mandant, le secrétaire du Conseil de discipline aurait, d’après le demandeur, informé le 18 janvier 1999 son mandataire par la voie téléphonique que les membres dudit 5 Conseil auraient été nommés par un arrêté ministériel du 17 août 1998. Le mandataire du demandeur réitéra alors par télécopie du 18 janvier 1999 à destination du président du Conseil de discipline sa demande en communication des identités, qualités et fonctions des membres du Conseil de discipline. Le secrétaire du Conseil de discipline n’aurait consenti que le 18 janvier 1999 à 9 heures du matin à fournir du moins oralement les noms et prénoms des personnes qui allaient siéger concernant le dossier du demandeur. S’y ajouterait que le dit arrêté ministériel du 17 août 1998 n’aurait jamais été publié au Mémorial.

A partir des faits ainsi exposés, le demandeur conteste d’abord l’existence, sinon du moins la régularité de l’arrêté ministériel de nomination des membres du Conseil disciplinaire, notamment pour défaut d’une publication valable. Il critique plus particulièrement l’impossibilité matérielle dans laquelle il aurait été mis par le comportement des agents de ce Conseil de vérifier en temps utile et en parfaite connaissance de cause la régularité de sa composition eu égard aux articles 70 et 71 du statut.

Il conteste encore la régularité de la nomination de Monsieur …, directeur des ressources et des relations humaines au service du personnel de la Ville de Luxembourg, comme membre dudit Conseil, faute de nomination parallèle d’un membre de la délégation des fonctionnaires communaux conformément à l’article 70 alinéa 3 du statut.

La partie défenderesse a versé au dossier une copie d’un arrêté du ministre de l’Intérieur du 17 août 1998, sous la signature de la ministre de la Famille, agissant « pour le Ministre de l’Intérieur », portant nomination de 7 membres effectifs et de 7 membres suppléants aux qualités correspondantes du Conseil de discipline des fonctionnaires communaux pour une durée de trois ans. Il échet de relever que Monsieur … ne figure pas parmi les personnes visées dans cet arrêté.

Dans la mesure où l’article 70 du statut n’impose pas la publication de l’arrêté ministériel de nomination des membres effectifs et suppléants du Conseil de discipline et où, ainsi qu’il vient d’être relevé, un arrêté de nomination ne constitue pas une norme générale qui ne devient obligatoire qu’à travers sa publication, l’arrêté ministériel litigieux du 17 août 1998 est valable dès lors qu’il répond à toutes les exigences légales de contenu et de forme abstraction faite de la question de sa publication. Etant donné que le moyen sous discussion du demandeur a trait non pas à la validité intrinsèque de l’arrêté ministériel litigieux mais à son défaut de publicité préalablement à l’audience du Conseil de discipline à laquelle il était convoqué, sans qu’un grief effectif du fait du défaut de publication ne soit autrement établi, voire allégué, il y a lieu de rejeter ledit moyen, alors que le demandeur a eu une connaissance effective de la composition dudit Conseil qui allait siéger dans son affaire disciplinaire et a pu faire valoir tous ses moyens afférents tant devant le Conseil de discipline lui-même que devant le tribunal.

Dans la mesure où Monsieur … n’a pas été nommé membre du Conseil de discipline par l’arrêté ministériel litigieux du 17 août 1998 et où il ressort de l’avis du Conseil de discipline qu’il n’a pas siégé dans le cadre de la procédure engagée à l’encontre du demandeur, le moyen tiré de sa nomination irrégulière est sans objet.

Quant à la justification de la sanction disciplinaire infligée, le demandeur se prévaut de la prescription de l’action disciplinaire résultant d’un manquement aux devoirs du statut fixée à trois ans par l’article 88 du statut. Cette prescription prenant cours à partir du jour où le manquement a été commis et se trouvant interrompue par tout acte de poursuite ou d’instruction disciplinaire, en l’occurrence par la décision du collège échevinal du 9 mars 6 1998, le demandeur estime que les faits repris au rapport du délégué à l’instruction sous les numéros 1-2, 4-6, 8-10, 13-15 et 17 sont prescrits.

La partie défenderesse rencontre ce moyen en soutenant que certains des faits reprochés au demandeur seraient susceptibles d’être constitutifs des crimes de détournement de fonds et de faux en écriture et en renvoyant à une procédure pénale pendante à l’heure actuelle à l’encontre du demandeur pour en tirer la conclusion que le délai de prescription serait en l’espèce, conformément à la seconde phrase de l’article 88 du statut, celui de l’action publique qui est de dix ans.

Aux termes de l’article 88 du statut, « l’action disciplinaire résultant du manquement aux devoirs du présent statut se prescrit par trois ans. Au cas où la faute disciplinaire constitue en même temps une infraction à la loi pénale, la prescription de l’action disciplinaire n’est en aucun cas acquise avant la prescription de l’action publique. La prescription prend cours à partir du jour où le manquement a été commis ; elle est interrompue par tout acte de poursuite ou d’instruction disciplinaire ».

Dans la mesure où cette disposition aligne le délai de prescription de la sanction disciplinaire à celui de l’action publique dès lors que les fautes disciplinaires constituent ou sont susceptibles de constituer également une infraction pénale, le tribunal ne saurait trancher sur les mérites du moyen du demandeur tiré du délai de prescription qu’après avoir pris connaissance des faits concrets à la base de la procédure pénale dont fait état la partie défenderesse ainsi que des suites y données. Aucune pièce afférente ne se trouve néanmoins versée a dossier, les parties s’étant bornées à indiquer sans autre précision qu’une plainte pénale aurait été déposée par la Ville de Luxembourg.

Conformément à l’article 64 alinéa 1er du statut, « l’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé ».

Le passé disciplinaire du fonctionnaire concerné constitue partant un des éléments d’appréciation expressément visés par l’article 64 alinéa 1er précité dont l’autorité compétente doit tenir compte lors de la fixation de la sanction disciplinaire.

Dans le cadre du recours en réformation dirigé par un fonctionnaire contre une sanction disciplinaire grave lui infligée, le tribunal est amené à apprécier les faits commis par le demandeur dans le cadre d’un recours de pleine juridiction en vue de déterminer si la sanction prononcée par l’autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant notamment en considération la situation personnelle et les antécédents éventuels du demandeur.

Dans la mesure où la prescription invoquée délimite en partie les faits pouvant être pris en considération pour la fixation de la sanction disciplinaire et où le dossier soumis au tribunal ne comporte pas d’indications sur le passé disciplinaire du demandeur, le tribunal ne se trouve pas, au stade actuel de l’affaire, en mesure d’apprécier sur base de tous les éléments relevants en l’espèce la justification de la sanction disciplinaire de la révocation infligée au demandeur. Il échet dès lors d’ordonner la réouverture des débats afin de permettre aux parties de fournir tous les documents et informations relatifs à la procédure pénale engagée à l’encontre du demandeur et concernant son passé disciplinaire, ainsi que d’y prendre position le cas échéant à travers un mémoire complémentaire.

7 PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, au fond, avant tout autre progrès en cause, ordonne la réouverture des débats afin de permettre aux parties de verser avant le 20 mai 2000 tous les documents et informations relatifs à la procédure pénale engagée à l’encontre du demandeur et à son passé disciplinaire, admet les parties à prendre position par rapport aux pièces à verser par un mémoire complémentaire à déposer avant le 20 juin 2000 ;

fixe l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du mercredi 21 juin 2000, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 mai 2000 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT DELAPORTE 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11364
Date de la décision : 10/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-10;11364 ?

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