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09/05/2000 | LUXEMBOURG | N°10839

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 mai 2000, 10839


N° 10839 du rôle Inscrit le 13 août 1998 Audience publique du 9 mai 2000

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Recours formé par Madame … DAZZAN, … contre 1. deux décisions du conseil communal de la Ville de … et 2. une décision du ministre de l’Intérieur en présence de 1) – 8) … en matière d’aménagement des agglomérations

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Vu la requête inscrite sous le numéro 10839C du rôle et déposée en date du 13 août 1998 au greffe de la

Cour administrative par Maître Jean-Paul RIPPINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avo...

N° 10839 du rôle Inscrit le 13 août 1998 Audience publique du 9 mai 2000

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Recours formé par Madame … DAZZAN, … contre 1. deux décisions du conseil communal de la Ville de … et 2. une décision du ministre de l’Intérieur en présence de 1) – 8) … en matière d’aménagement des agglomérations

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Vu la requête inscrite sous le numéro 10839C du rôle et déposée en date du 13 août 1998 au greffe de la Cour administrative par Maître Jean-Paul RIPPINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … DAZZAN, veuve …, demeurant à …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de deux décisions du conseil communal de la Ville de … datant des 28 mai et 24 octobre 1997 et portant approbation respectivement provisoire et définitive d’un plan d’aménagement particulier présenté par Monsieur X., demeurant à L-…, concernant une parcelle sise à … au lieu-dit “ … ”, cadastrée à la section C de … sous le numéro …, ainsi que d’une décision du ministre de l’Intérieur du 19 mai 1998 par laquelle ce dernier a approuvé la délibération du conseil communal de … du 24 octobre 1997 et déclaré recevable, mais non fondée une réclamation introduite par Madame DAZZAN à l’encontre du dit plan d’aménagement particulier ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch/Alzette, du 7 septembre 1998 portant signification de ce recours à la Ville de …, ainsi qu’à Monsieur X., préqualifié et aux époux …, demeurant ensemble à L-…;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch/Alzette, du 27 septembre 1999 portant signification de ce même recours à l’administration communale de …, ainsi qu’à Monsieur X., préqualifié, et …;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative en date du 14 septembre 1999 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la Ville de …;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 1er septembre 1999 portant signification de ce recours à Madame … DAZZAN, Monsieur Dominique X., ainsi qu’aux époux …, préqualifiés ;

Vu l’article 71 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives et modification de certaines dispositions législatives, suivant lequel le recours introduit sous le numéro 10839C du rôle a été transmis au tribunal administratif sans autre forme de procédure pour y revêtir le numéro 10839 du rôle ;

Vu le mémoire en réponse, intitulé mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 novembre 1999 par Maître Claude COLLARINI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg pour compte de Monsieur Dominique X., et …, préqualifiés ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, préqualifié, du 27 octobre 1999 portant signification de ce mémoire en réplique à Madame … DAZZAN, ainsi qu’à l’administration communale de la Ville de … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 1999 ;

Vu la rupture du délibéré prononcée en date du 13 mars 2000 ;

Vu la prise de position complémentaire déposée au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2000 par Maître Laurent NIEDNER ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Laurent NIEDNER, Marc KERGER, Roger NOTHAR et Steve HELMINGER, ainsi que Messieurs les délégués du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH et Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 7 février et 8 mai 2000.

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Monsieur X., demeurant à L-…, s’adressa à l’administration communale de … pour solliciter une autorisation de principe concernant la mise en construction d’une parcelle ayant appartenu à l’époque aux époux …, demeurant ensemble à L-…, et sise à …, au lieu dit “ … ”, cadastrée à la section C de …sous le numéro … et ayant une contenance de 2 ares 42 centiares. Après avoir informé Monsieur X. dans un premier temps par courrier du 30 mars 1992 que son projet de construction n’était pas acceptable au motif que “ la parcelle en question est classée WOB III (Wohngebiet mit offener Bauweise). La marge latérale est de 4 mètres. Puisque le terrain en question a une largeur sur rue d’environ 8 mètres, aucune construction dépassant 4 mètres de largeur ne pourrait être autorisée ”, l’administration communale accepta, par courrier du 6 mars 1995, sa demande de principe concernant ledit terrain sous les réserves suivantes: “ le terrain en question doit subir un reclassement ponctuel en WOB III avec une marge latérale de 1,5 mètres (procédure de lotissement en annexe) ”.

Monsieur X. s’adressa alors par courrier du 10 octobre 1995 à la commission d’aménagement près du ministère de l’Intérieur pour solliciter son avis “ concernant le reclassement d’une parcelle sise à …, rue …, cad. …, d’une contenance de 2 ares 42 centiares ”, en faisant valoir qu’“ en effet la parcelle en question d’une largeur de 8,15 mètres ne saurait être mise en 2 construction puisque le règlement des bâtisses de la Ville de … prévoit une marge latérale de 4 mètres ”.

Cette première demande s’étant soldée par un avis négatif émis par ladite commission en date du 27 décembre 1995, au motif que “ l’immeuble projeté ne s’intègre pas harmonieusement dans la structure urbaine existante du quartier notamment en ce qui concerne sa hauteur et sa profondeur de construction ” et que “ le projet est dressé sur un extrait cadastral datant de 1947 et que tout renseignement sur la construction avoisinante du côté de la rue … fait défaut ”, les autorités communales de … ont présenté une nouvelle demande d’avis pour compte de Monsieur X. le 24 janvier 1997.

Dans sa séance du 7 mars 1997, la commission d’aménagement a retenu au sujet de cette demande qu’elle “ ne voudrait pas s’opposer à une réduction du recul latéral à observer lors de l’urbanisation de la parcelle concernée, étant précisé que l’avis de la commission porte exclusivement sur la modification en question et ne concerne nullement l’aspect architectural du projet ”. Sur base de cet avis favorable, le conseil communal de la commune de … approuva en première lecture le projet d’aménagement particulier présenté par Monsieur X. dans sa séance publique du 28 mai 1997.

Ledit projet ayant été déposé à l’inspection du public à la maison communale à partir du 3 juin 1997, Madame … DAZZAN, veuve …, demeurant à …, fit introduire le 11 juin 1997 une réclamation à son encontre qui fut amplifiée par courrier de son mandataire notifié en date du 15 juin 1997. Après avoir entendu la réclamante en date du 10 septembre 1997, le conseil communal procéda à l’approbation définitive du projet en question dans sa séance publique du 24 octobre 1997 et transmit le dossier au ministre de l’Intérieur pour approbation.

Par courrier de son mandataire daté du 7 novembre 1997, Madame … DAZZAN s’est alors adressée au ministre de l’Intérieur pour lui soumettre son opposition au projet d’aménagement particulier ainsi approuvé au niveau communal. Par décision du 19 mai 1998, le ministre approuva, sur base de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, la délibération du conseil communal de … du 24 octobre 1997 portant adoption définitive du projet en question et déclara recevable en la forme, mais non fondée la réclamation introduite à son encontre par Madame DAZZAN.

Madame DAZZAN fit alors introduire, par requête déposée le 7 août 1998, un recours contentieux devant le tribunal administratif tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des délibérations du conseil communal de la Ville de … des 28 mai et 24 octobre 1997, ainsi que de la décision ministérielle précitée du 19 mai 1998. Par une seconde requête déposée le 13 août 1998, elle fit encore introduire un recours contentieux, qualifié de subsidiaire par rapport à celui précité devant le tribunal administratif, devant la Cour administrative tendant aux mêmes fins, ceci afin de conserver ses droits pour le cas où le recours introduit devant le tribunal administratif serait déclaré irrecevable.

Le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du recours introduit devant lui et inscrit sous le numéro 10830 du rôle par jugement du 21 juillet 1999 au motif que les trois décisions critiquées constituent des actes à caractère réglementaire dont le tribunal n’était à l’époque pas encore appelé à connaître. Ce jugement fut confirmé par la Cour administrative dans un arrêt du 13 janvier 2000 en toutes ses formes et teneur.

3 Conformément à l’article 71 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives et modifiant un certain nombre de dispositions légales y plus amplement mentionnées, le recours introduit par requête déposée le 13 août 1998 au greffe de la Cour administrative et y portant le numéro 10839C du rôle, pour lequel le rapport du magistrat-rapporteur n’avait pas encore été présenté devant la Cour administrative à la date du 16 septembre 1999, a été transmis au tribunal administratif sans autre forme de procédure pour y revêtir le numéro 10839 du rôle.

Il est constant que les décisions déférées du conseil communal de … sont intervenues dans le cadre de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée ayant pour objet de réglementer la procédure relative à l’élaboration d’un projet d’aménagement. Il en va de même de la décision ministérielle déférée du 19 mai 1998, tant en ce qu’elle approuve la délibération déférée du conseil communal du 24 octobre 1997, qu’en ce qu’elle statue sur la réclamation introduite par la demanderesse à l’égard du projet d’aménagement litigieux.

Les trois décisions critiquées se rapportant ainsi toutes à la modification d’un plan d’aménagement général, lequel a pour objet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des parties du territoire qu’il concerne et le régime des constructions à y élever, elles constituent, aux termes de la jurisprudence constante, dégagée à ce sujet par le Conseil d’Etat et entérinée de manière réitérée et constante, notamment en ce qui concerne les décisions plus particulièrement déférées, par la Cour administrative, des actes à caractère réglementaire (cf. Cour adm. 13 janvier 2000, n° 11489C du rôle, DAZZAN).

Le tribunal étant actuellement appelé à statuer, conformément à l’article 7 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, “ sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelque soit l’autorité dont ils émanent ”, sans que ledit texte ne prévoie un recours de pleine juridiction en cette matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.

La Ville de … conclut à l’irrecevabilité du recours en annulation en tant que dirigé contre la délibération du conseil communal du 28 mai 1997, étant donné qu’il s’agirait d’un acte simplement préparatoire et intérimaire, non susceptible en tant que tel d’un recours contentieux.

Les parties intéressées X., et …, en leur qualité d’acquéreurs de la parcelle litigieuse suivant acte notarié de vente du 18 août 1998 et déclaration de command du même jour, ainsi que …, en leur qualité de parties venderesses de la même parcelle, concluent globalement à l’irrecevabilité du recours en annulation en faisant valoir que la décision de reclassement du PAP serait une décision individuelle qui ne concernerait que le propriétaire du terrain faisant partie du PAP et ne saurait faire l’objet d’un recours d’une tierce personne d’ailleurs non intéressée. Pour ce qui est plus particulièrement des délibérations du conseil communal, elles relèvent que la procédure de réclamation inscrite à l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée prévoirait que les réclamations contre l’approbation définitive d’un projet peuvent être adressées au Gouvernement, de sorte que ce serait la décision finale du ministre qui doit être attaquée et que le recours serait partant encore irrecevable en tant que dirigé contre les décisions de l’autorité communale déférées.

4 Les délibérations portant adoption respectivement provisoire et définitive d’un plan d’aménagement particulier, ainsi que la décision d’approbation ministérielle y relative constituent, chacune en ce qui la concerne, un acte administratif réglementaire au sens de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée. Il s’ensuit que chacun de ces actes peut être attaqué individuellement devant le tribunal administratif sur base de l’article 7 en question dans la mesure des moyens de légalité dirigés à son encontre et le concernant directement (cf. trib. adm. 21 février 2000, n° 11206 du rôle, Gallo).

Dans la mesure où la partie demanderesse fait valoir à l’égard de chacune de ces décisions qu’elles seraient illégales, le recours était ouvert tant contre les décisions communales que contre la décision d’approbation ministérielle déférée, dans les limites fixées par l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 précitée.

La partie demanderesse justifie par ailleurs, en sa qualité de propriétaire du terrain voisin de la parcelle litigieuse ayant une vue directe sur celle-ci, d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain à agir, de sorte que le recours en annulation est pour le surplus recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours la partie demanderesse fait valoir que le plan d’aménagement particulier présenté par Monsieur X., ci-après appelé “ le PAP X. ”, approuvé tant au niveau communal que par le ministre de l’Intérieur à travers les décisions déférées, déroge au plan d’aménagement général de la Ville de … en ce que le terrain litigieux y est classé dans une zone d’habitation WOB III dans laquelle le recul latéral des constructions par rapport au terrain voisin est de 4 mètres, à moins que les maisons ne soient contiguës. Dans la mesure où le PAP X. vise à réduire, pour la parcelle concernée, ce recul latéral à 1,50 mètres, il opérerait en effet une modification du plan d’aménagement général, ce qui serait impossible eu égard aux termes de l’article 5 de la loi du 12 juin 1937 précitée, en vertu duquel un projet d’aménagement général ne pourrait être modifié ni implicitement, ni expressément par un plan d’aménagement particulier, mais uniquement à la suite d’un projet de modification du projet d’aménagement général dressé par le collège des bourgmestre et échevins.

La partie demanderesse fait valoir encore que le droit d’initiative accordé aux particuliers pour établir des plans d’aménagements susceptibles de devenir obligatoires pour toutes les parcelles concernées serait tout à fait extraordinaire et partant d’interprétation stricte et non susceptible d’être étendu à des cas non prévus par la loi.

Elle soutient plus particulièrement que le projet X., en ce qu’il n’a trait qu’à une seule maison à construire sur une parcelle exiguë, ne rentrerait pas dans les prévisions du point c) de l’article 1er de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, pour en déduire que le recours à la procédure d’un plan d’aménagement particulier aurait été illégal en l’espèce.

La Ville de … rencontre ces moyens en soutenant qu’il n’y aurait aucune différence entre la valeur juridique d’un plan d’aménagement particulier et celle d’un plan d’aménagement général et fait valoir qu’aucune disposition légale n’interdirait de modifier le plan d’aménagement général au moyen d’un plan d’aménagement particulier, lorsqu’il s’agirait, comme en l’espèce, d’adapter pour le terrain classé au plan d’aménagement général dans la zone d’habitation WOB III la marge de recul latéral afin de permettre d’y réaliser effectivement une construction. Estimant que les particuliers disposeraient, sans restriction, du droit 5 d’initiative pour solliciter des modifications ponctuelles du plan d’aménagement général, le pouvoir réglementaire serait en droit d’apprécier discrétionnairement le mérite de la demande du particulier et de refuser d’y accéder lorsqu’elle est contraire à la loi ou à l’intérêt général.

Aussi si la loi imposerait aux particuliers dans certaines conditions de faire élaborer un plan d’aménagement particulier, elle n’entendrait nullement lui interdire la faculté de solliciter l’adoption d’un plan d’aménagement particulier en cas d’existence d’un intérêt reconnu légitime et justifié.

Un projet d’aménagement est désigné comme “ particulier ” non pas parce qu’il a été dressé dans un intérêt particulier, mais parce qu’il modifie et complète pour des terrains déterminés le plan d’aménagement général. Ainsi un plan d’aménagement particulier dûment approuvé participe au caractère de règlement de police à l’instar des règlements communaux en matière de bâtisses. La procédure d’adoption d’un plan d’aménagement particulier étant en effet une procédure réglementaire de même niveau hiérarchique que celle aboutissant à un plan d’aménagement général qu’il a vocation de modifier, les dispositions du plan d’aménagement général ne sauraient en principe empêcher ou interdire l’admission de dispositions dérogatoires ultérieures (cf. Cour adm. 7 janvier 1999, n° 10780C du rôle, et 9 novembre 1999, n° 11325C du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Urbanisme, n°s 74 et 78).

Il n’en demeure cependant pas moins que la possibilité de déroger, à travers un plan d’aménagement particulier, aux dispositions communales générales en matière d’urbanisme n’est pas envisagée d’une manière générale, mais uniquement dans le cadre des hypothèses bien particulières prévues à l’article 1, c) de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, qui fait obligation de se doter d’un plan d’aménagement “ aux associations, sociétés ou particuliers qui entreprennent de créer ou de développer des lotissements de terrains ou des groupes d’habitations ” et précise in fine que l’“ on entend par groupe d’habitations deux maisons ou plus occupant un terrain qui, en raison de son étendue, de sa situation et de la condition du propriétaire, est destiné à être soumis à un lotissement ”.

Il s’ensuit que si un plan d’aménagement particulier peut certes déroger, pour la zone couverte par ce plan, aux dispositions du plan d’aménagement général afférent, cette possibilité de dérogation n’est pas pour autant d’ordre général, mais strictement accessoire aux projets qui requièrent, par ailleurs de manière obligatoire, l’établissement d’un tel plan comme s’inscrivant dans les prévisions plus particulièrement énoncées à l’article 1, c) de la loi modifiée du 9 juin 1937 précitée.

C’est en effet la spécificité des hypothèses mises en évidence par cette disposition légale qui justifie tant l’obligation d’établir un plan d’aménagement particulier que la possibilité corrélative de déroger aux règles communales générales en matière d’urbanisme, de sorte que contrairement aux affirmations de la Ville défenderesse, le droit d’initiative pour solliciter, à travers l’établissement d’un plan d’aménagement particulier, des modifications ponctuelles du plan d’aménagement général n’est pas sans restriction, mais est strictement conditionné par la nature du projet concerné qui doit s’écrire à cet égard dans les prévisions de l’article 1, c) de la loi modifiée du 9 juin 1937 précitée.

Il est constant que le projet litigieux, en ce qu’il n’a trait qu’à une seule maison, n’entreprend pas de créer ou de développer un groupe d’habitations au sens de l’article 1, c) de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, de sorte que seule l’hypothèse de la création ou du développement d’un lotissement de terrains resterait, aux termes même dudit article, 6 susceptible de justifier en l’espèce le recours à la procédure d’élaboration d’un plan d’aménagement particulier. Il y a dès lors lieu d’examiner si le terrain litigieux, en raison de son étendue, de sa situation et de la condition de son propriétaire, est destiné à être soumis à un lotissement, étant entendu que seule cette destination saurait en l’espèce engendrer l’obligation d’établissement d’un plan d’aménagement particulier, avec la possibilité afférente de déroger, le cas échéant, aux règles du plan d’aménagement général.

Pour tous les particuliers, professionnels ou non, l’obligation d’établissement d’un plan d’aménagement particulier n’est donnée que s’il s’agit d’une opération d’une certaine envergure, cette question devant être tranchée en tenant compte, outre de la qualité de l’intéressé et de la situation des biens, surtout de l’ampleur de l’opération projetée (cf. trib.

adm. 13 décembre 1999, n° 10952 du rôle, Pfeiffenschneider, Pas. adm. 1/2000, V° Urbanisme, n° 80, confirmé par Cour adm. 9 mai 2000, n°s 11797C et 11801C du rôle).

En l’espèce, force est de constater que la configuration particulièrement exiguë de la parcelle concernée n’accusant qu’une largeur totale de 8 mètres, au-delà de rendre cette parcelle impropre à recevoir l’affectation lui conférée par le plan d’aménagement général, ne remplit manifestement pas la condition d’étendue posée par l’article 1er in fine de la loi du 12 juin 1937 précitée et ne s’inscrit partant pas dans les prévisions de ladite disposition.

Il s’ensuit que le projet X. ne range pas parmi les hypothèses de création ou de développement de lotissements de terrains ou de groupes d’habitations, seules soumises, au voeu de l’article 1, c) de la loi modifiée du 12 juin 1937, à l’obligation d’établissement d’un plan d’aménagement particulier, de sorte qu’en l’absence d’autre possibilité légale de recourir à cette procédure particulière et dérogatoire au droit commun en matière d’urbanisme pour obtenir une modification ponctuelle du plan d’aménagement général, le dit projet fut adopté et approuvé à tort sous forme de plan d’aménagement particulier.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la considération que le projet litigieux entend adapter, pour le terrain classé au plan d’aménagement général dans la zone d’habitation WOB III, la marge de recul latéral afin de permettre d’y réaliser effectivement une construction, alors que cet intérêt, qualifié par le mandataire de la Ville de … de “ légitime et justifié ”, n’est pas prévu par la loi comme ouvrant le droit à l’adoption d’un plan d’aménagement particulier dérogatoire au plan d’aménagement général. Suivre le raisonnement de la Ville reviendrait à ouvrir large la possibilité de déroger tous azimuts à l’ensemble des dispositions générales et permanentes relevant du plan d’aménagement général, ce qui justement ne correspond ni à la volonté exprimée, ni à l’intention du législateur.

Si la loi précitée du 12 juin 1937 envisage certes notamment le cas d’une parcelle qui, à raison de sa forme, ne permet pas une utilisation rationnelle comme place à bâtir, ainsi que d’une parcelle présentant une largeur ou une profondeur insuffisante pour une construction normale, il reste que ces hypothèses bien particulières sont prévues uniquement dans le cadre des dispositions ayant trait au remembrement et plus particulièrement à la rectification de limites entre riverains et non en tant que possibilité dérogatoire au droit commun en matière d’urbanisme d’avoir recours à un plan d’aménagement particulier laquelle n’est envisagée que dans des hypothèses limitativement énumérées, et ne saurait partant être étendue à des situations non expressément prévues à ce titre.

7 Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que les décisions déférées encourent l’annulation pour cause de violation de la loi. Les parties défenderesses ayant succombé il y a lieu de faire masse de frais et de les imposer pour un tiers respectivement à l’Etat, à la Ville de … et aux parties X. et consorts.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule les décisions déférées du conseil communal de la Ville de … des 28 mai et 24 octobre 1997 et du ministre de l’Intérieur du 9 mai 1998 ;

renvoie l’affaire devant la Ville de … ;

fait masse des frais et les impose pour un tiers respectivement à charge de l’Etat, de la Ville de … et des parties défenderesses X. et consorts.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 mai 2000 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10839
Date de la décision : 09/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-09;10839 ?

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