La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11952

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mai 2000, 11952


N° 11952 du rôle Inscrit le 26 avril 2000 Audience publique du 3 mai 2000

=========================

Recours formé par … RAMDEDOVIC contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du Gouvernement

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

--

Vu la requête inscrite sous le numéro 11952 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2000 par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxe

mbourg, au nom de Monsieur … RAMDEDOVIC, né le … à … (Slovénie), sans état particulier, actuell...

N° 11952 du rôle Inscrit le 26 avril 2000 Audience publique du 3 mai 2000

=========================

Recours formé par … RAMDEDOVIC contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du Gouvernement

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

--

Vu la requête inscrite sous le numéro 11952 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2000 par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … RAMDEDOVIC, né le … à … (Slovénie), sans état particulier, actuellement détenu au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 13 avril 2000 ordonnant une mesure de placement à son égard ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Isabelle HOMO et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 mai 2000.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

--

En date du 30 mars, Monsieur … RAMDEDOVIC, né le … à … (Slovénie), fut arrêté par la police et placé par le juge d’instruction en détention préventive au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig sur base d’un procès-verbal dressé le même jour à son encontre pour possession et usage de faux passeport. En date du 13 avril 2000, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg ordonna la mise en liberté provisoire de l’intéressé, à charge pour lui de se présenter à tous les actes de procédure et pour l’exécution du jugement, aussitôt qu’il en sera requis au motif que les conditions d’application de l’article 94 du Code d’instruction criminelle ne sont plus remplies.

Le ministre de la Justice ordonna, par arrêté du 13 avril 2000, le placement de Monsieur RAMDEDOVIC au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

“ Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Considérant qu’en date du 30 mars 2000 procès-verbal a été dressé contre RAMDEDOVIC … alias …, né le …à … pour possession et usage de faux passeport ;

Considérant que l’intéressé a été mis en détention préventive ;

Considérant que la détention préventive sera levée en date de ce jour ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toutes pièces identité valables ;

-

Qu’il se trouve au séjour irrégulier au pays ;

-

Qu’il est démuni de moyens d’existence personnels ;

-

Que son éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant que des raisons manifestes tenant à un risque de fuite nécessitent que l’intéressé soit placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg en attendant son éloignement ”.

Par requête déposée le 26 avril 2000 au greffe du tribunal administratif, Monsieur RAMDEDOVIC a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de placement précitée du 13 avril 2000.

L’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1.

l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, instituant un recours de pleine juridiction contre une mesure de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle déférée.

Le recours ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur expose avoir expliqué d’ambler avoir acheté un faux passeport afin de pouvoir rejoindre d’une part son épouse, demeurant en France et, d’autre part, sa famille, en l’occurrence son frère, demeurant à Luxembourg. Il reproche à la décision entreprise d’être vicié par le fait que le ministre aurait omis de prendre une mesure de refoulement ou une décision d’expulsion et qu’il n’y aurait pas non plus impossibilité d’exécuter une telle mesure d’expulsion ou de refoulement. Il signale par ailleurs que le ministre aurait omis d’indiquer dans sa décision les circonstances de fait qui l’ont conduit à la conclusion qu’une expulsion ou un refoulement étaient impossibles. Il estime encore que le danger de se soustraire à un rapatriement allégué par le ministre ne résulterait ni de la décision déférée, ni du dossier administratif et que les autorités avaient par ailleurs connaissance de son lieu de séjour au Luxembourg. Il n’aurait par ailleurs opposé aucune résistance aux autorités et aurait collaboré avec elles en dévoilant son pays d’origine ainsi que son véritable document de voyage.

Le demandeur soutient encore que dans la mesure où les magistrats composant la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg auraient été unanimes pour dire qu’il n’existerait aucun danger de fuite dans son chef, la décision ministérielle déférée aurait “ bafouée ” le pouvoir judiciaire.

En outre, il soutient ne pas constituer un danger pour l’ordre et la sécurité publique dans la mesure où il n’aurait pas commis d’actes compromettant la sécurité, la tranquillité ou la salubrité publique. Il signale à cet égard que l’ordonnance précitée de la chambre du conseil du 13 avril 2000 aurait retenu qu’il n’y a pas de danger de récidive dans son chef.

Le demandeur reproche par ailleurs aux autorités compétentes de ne pas avoir entrepris des démarches en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois. Il estime encore que dans la mesure où il serait logé et entretenu par son frère, il n’y aurait aucun risque de récidive et de danger pour l’ordre public.

Enfin, il estime que la mesure de placement au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig serait disproportionné et que ledit Centre Pénitentiaire ne constituerait pas un établissement approprié au sens de l’article 15 (1) de la loi du 28 mars 1972 précitée.

Le délégué du Gouvernement signale d’abord qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne détermine la forme d’une décision de refoulement, de sorte que celle-ci serait censée avoir été prise par le ministre de la Justice à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi du 28 mars 1972 précitée sont remplies, et où, par la suite, une mesure de placement a été décidée à l’encontre de l’intéressé pour soutenir qu’une telle décision de refoulement serait nécessairement sous-jacente à la décision de mise à la disposition du Gouvernement à partir du moment où il n’existe pas d’arrêter d’expulsion.

Il rappelle en outre que les autorités luxembourgeoises n’auraient pas été en mesure de refouler le demandeur vers un de nos pays voisins, un tel refoulement ayant été irrégulier en l’absence de l’accord de l’un de nos pays voisins en vue de la réadmission de l’intéressé.

Concernant plus particulièrement le danger de fuite, il estime qu’à défaut d’être admissible dans un autre Etat membre de l’Union européenne il y aurait lieu de rapatrier le demandeur vers le République Fédérale Yougoslave, de sorte que le danger de fuite dans son chef paraîtrait évident. Il s’empare ensuite du principe de la séparation des pouvoirs pour soutenir que le ministre de la Justice apprécierait le danger de fuite indépendamment de la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg.Quant au danger pour l’ordre public que constituerait le demandeur, il fait valoir que ce danger serait établi à suffisance de droit du fait que le demandeur aurait fait usage d’un fausse identité et d’un faux passeport, ces faits caractérisant à eux seuls le comportement d’un étranger susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre public et justifiant partant un placement au Centre Pénitentiaire afin d’éviter qu’il porte atteinte à la sécurité et à l’ordre public et pour garantir qu’il soit à la disposition des autorités au vue de son éloignement ultérieur.

Le représentant étatique signale encore que le ministre de la Justice a officiellement saisi le service de police judiciaire, section étranger, avec prière d’enquêter en vue du rapatriement du demandeur et signale à cet égard que les recherches risquent d’être compliquées, alors que le demandeur semble être le frère jumeaux du dénommé … RAMDEDOVIC qui se trouve sur le coût d’un arrêté d’expulsion, étant entendu qu’il ne serait pas exclu qu’il s’agisse d’une seule et même personne.

Concernant la justification, au fond, de la mesure de placement, il se dégage de l’article 15 (1) de la loi du 28 mars 1972 précitée que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait, l'étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise, ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.

En l’espèce il se dégage du dossier et des renseignements dont dispose le tribunal que le placement de l’intéressé est basé sur l’impossibilité d’exécuter une mesure de refoulement.

Or, une mesure de refoulement peut être prise, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence, “ … 2. Qu’il ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ; … 4. Qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis … ”.

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier administratif que le demandeur n’était pas en possession d’un document de voyage valable, ni de moyen personnel.

Il s’ensuit que les conditions justifiant un refoulement sont remplies.

Il appartient encore au tribunal d’analyser si une décision de refoulement a été effectivement prise par une autorité légalement y habilitée.

Aucune disposition législative ou réglementaire ne déterminant la forme d’une décision de refoulement, celle-ci, en l’absence de décision expresse, est censée avoir été prise par le ministre de la Justice à partir du moment où les conditions justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, sont remplies, et où, par la suite, une mesure de placement a été décidée à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle décision de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de mise à la disposition du Gouvernement, à partir du moment il n’existe pas d’arrêté d’expulsion.

Le moyen tiré de l’inexistence d’une décision d’éloignement expresse manque partant de fondement et doit être écartée.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le demandeur était sous le coût d’une décision de refoulement légalement prise et justifiée.

C’est encore à bon droit que la demanderesse fait valoir qu’une mesure de placement n’est légalement admissible que si l’éloignement ne peut être mis à exécution en raison d’une circonstance de fait.

A cet égard il y a lieu de relever que contrairement à ce qui est retenu par la décision déférée l’intéressé n’est pas démuni de toutes pièces d’identité valables, étant donné que les parties sont en accord pour admettre que Monsieur RAMDEDOVIC possède une carte d’identité yougoslave sous sa véritable identité. Dans la mesure où il se dégage cependant des pièces versées au dossier que l’administration a pris dès le 18 avril 2000 les mesures qui imposent en vue d’organiser le rapatriement de l’intéressé, mais que ces démarches n’ont pas encore abouti en raison notamment de vérification qui s’imposait au regard de l’identité de l’intéressé qui semble être le frère jumeaux du dénommé Ferhan RAMDEDOVIC se trouve sous le coût d’un arrêté d’expulsion, il a valablement pu être estime que sur base des circonstances de fait exposées ci-avant, l’exécution immédiate de la mesure d’éloignement était rendue impossible.

La demanderesse soutient encore qu’une mesure de placement ne se justifie qu’au cas où il existe dans le chef d’une personne qui se trouve sous le coût d’une décision de refoulement, un danger réel qu’elle laissait de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieure.

C’est cependant à tort que le demandeur soutient que le danger réel de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieure se confond avec la notion de danger de fuite de l’inculpé consacrée à l’article 94 du Code d’instruction criminelle au titre des conditions y prévues dans le chef des inculpés résidant dans le Grand-Duché peuvent se voir décerné un mandat de dépôt.

En effet, le danger de fuite y visé s’entend par rapport à la poursuite ultérieure des faits dont l’intéressé est inculpé, soit en l’espèce faux et usage de faux, tandis que le danger invoqué par le ministre de la Justice a trait plus particulièrement à la mesure d’éloignement.

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que le demandeur a fait usage d’une fausse identité et d’un faux passeport et il existe à l’heure actuelle encore un doute sur sa véritable identité, de sorte qu’il existe dans son chef un risque qu’il essaie de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieur.

Incarcération dans un centre pénitentiaire d’une personne se trouvant sous le coût d’une mesure de placement ne se justifie qu’au cas où cette personne constitue en outre un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre public. Il échet en effet d’éviter une telle mesure dans tous les cas où la personne visée par une mesure de placement ne remplie pas les conditions précitées et qu’elle peut être retenue et surveillée par le Gouvernement d’une autre manière afin d’éviter qu’elle se soustraie à son éloignement ultérieur.

A cet égard il convient encore de relever que la notion de crainte que l’inculpé n’abuse de sa liberté pour commettre de nouvelles infractions inscrites sub 3) de l’article 94 du Code d’instruction criminelle, également inscrites parmi les conditions à remplir dans le chef d’un inculpé résidant dans le Grand-Duché pour se voir décerné un mandat de dépôt, est d’avantage circonscrite quant à son objet que celles plus larges applicables en l’espèce de danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre public.

En l’espèce, les faits précités, à savoir l’usage par le demandeur d’une fausse identité et d’un faux passeport, ainsi que le doute non encore évincé à l’heure actuelle concernant son identité comme pouvant le cas échéant être celle du dénommé … RAMDEDOVIC, caractérisent à eux seuls le comportement d’une personne étrangère susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre public et justifie dès lors, dans les circonstances de l’espèce qu’elle soit placée au Centre Pénitentiaire de Luxembourg, afin d'évite’ qu'elle porte atteinte à la sécurité et à l’ordre public et pour garantir qu’elle soit à la disposition des autorités en vue de son éloignement ultérieure.

En d’autres termes, le Centre Pénitentiaire est à considérer en l’espèce comme constituant un établissement approprié tel que visé par l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur est à en débouter.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié ;

partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 mai 2000 par :

M. Ravarani, président du tribunal administratif Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11952
Date de la décision : 03/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-03;11952 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award