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03/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11759

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mai 2000, 11759


N° 11759 du rôle Inscrit le 5 janvier 2000 Audience publique du 3 mai 2000

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Recours formé par Madame … LANSER, … contre une décision du bourgmestre de la Ville de … en présence de Monsieur X., … en matière de permis de construire

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 janvier 2000 par Maître René WEBER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à

Luxembourg, au nom de Madame … LANSER, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du bou...

N° 11759 du rôle Inscrit le 5 janvier 2000 Audience publique du 3 mai 2000

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Recours formé par Madame … LANSER, … contre une décision du bourgmestre de la Ville de … en présence de Monsieur X., … en matière de permis de construire

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 janvier 2000 par Maître René WEBER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … LANSER, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du bourgmestre de la Ville de … du 21 octobre 1999 référencée sous le numéro 1603/1999, accordant à Monsieur X., demeurant à L-…, l’autorisation de construire une terrasse au premier étage derrière sa maison d’habitation, sise à la même adresse sous réserve des conditions y plus amplement mentionnées ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Rita HERBER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 14 janvier 2000 portant signification de ce recours au bourgmestre de la Ville de …, ainsi qu’à Monsieur X. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 février 2000 par Maître Guy CASTEGNARO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 15 février 2000 portant signification de ce mémoire en réponse à Madame … LANSER, ainsi qu’à Monsieur X. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Gerd BROCKHOFF et Roger NOTHAR en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 avril 2000.

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Considérant que suivant décision intervenue le 19 octobre 1990 sur avis de la commission d’urbanisme locale du 10 octobre précédant, le bourgmestre de la Ville de … a accordé à Monsieur X., demeurant à …, l’autorisation pour la construction d’une terrasse au 1er étage derrière sa maison d’habitation sise à la même adresse ;

Que dans son courrier du 20 octobre 1999 adressé audit bourgmestre, Monsieur X.

explique que pour des raisons personnelles il a avait décidé de reporter les travaux à plus tard, de sorte à solliciter une nouvelle autorisation de construire concernant le même objet ;

Que par décision du 21 octobre 1999, le bourgmestre de la commune de … a accordé à Monsieur X. l’autorisation de construire sollicitée en la soumettant à des conditions légèrement amplifiées comparées à celles retenues dans son autorisation prévisée du 19 octobre 1990 ;

Que suivant requête déposée en date du 5 janvier 2000, Madame … LANSER, demeurant à L-…, a introduit un recours en annulation dirigé contre la décision prévisée du bourgmestre de la Ville de … du 21 octobre 1999 pour violation de la loi et plus particulièrement de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ainsi que des articles 25 et 30 du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la Ville de …, désigné ci-

après par “ Rb ” ;

Considérant que dans son mémoire en réponse l’administration communale de … soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours pour être dirigé contre le bourgmestre de la Ville de … auquel il a également été signifié en personne, de manière à méconnaître ainsi l’article 83 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, suivant lequel le collège des bourgmestre et échevins répond en justice à toute action intentée à la commune ;

Que dès lors l’intervention personnelle du bourgmestre dans un litige portant sur un permis de construire serait irrecevable, tout comme la demande en condamnation aux frais dirigée directement contre ledit bourgmestre serait inconcevable, ce dernier ne disposant d’aucun budget, ni d’aucune allocation répondant à ces fins ;

Considérant que le recours ayant été introduit le 5 janvier 2000, après l’entrée en vigueur de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, c’est cette dernière qui régit la procédure à suivre en la matière ;

Considérant que si en préambule du recours en annulation l’intitulé résumant les parties en cause se lit “ contre Monsieur le bourgmestre de la Ville de …, administration communale, établie à L-… ”, la partie demanderesse conclut au dispositif à l’annulation de “ la décision du 21 octobre 1999 ” prévisée, ainsi qu’à la condamnation de “ la partie défenderesse ” aux frais et dépens de l’instance ;

Que la signification du recours suivant exploit de l’huissier de justice Rita HERBER d’Esch-sur-Alzette du 14 janvier 2000 est intervenue à “ Monsieur le bourgmestre de la Ville de …, Administration communale, établie à L-…, ” ainsi qu’à Monsieur X. préqualifié ; “ d’un recours en annulation daté du 5.01.2000, annulant la décision n° 1603/99 du 21.10.1999 du Bourgmestre de la Ville de … accordant à Monsieur X., préqualifié, l’autorisation de construire ” ;

Considérant qu’il résulte de la requête introductive d’instance en question que le recours est dirigé contre la décision du bourgmestre de la commune de … du 21 octobre 1999 déféréé sans qu’aucune méprise n’ait pu être possible à ce sujet ;

2 Que si la condamnation de la partie défenderesse aux frais et dépens de l’instance est demandée, il convient dès lors de lire sous ce vocable l’administration communale de …, même si cette dernière n’y est pas expressément mentionnée ;

Considérant que pour le surplus les formulations approximatives de la requête introductive, voire celles de l’exploit de signification HERBER précité, eussent-elles engendré une inobservation des règles de procédure applicables, n’ont cependant pas fait l’objet de la part de la partie défenderesse ne fût-ce que d’une allégation d’une atteinte intervenue à ses droits de la défense ;

Considérant que conformément à l’article 29 de la loi du 21 juin 1999 précitée “ l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ” ;

Que dès lors en toute occurrence la demande n’encourt pas l’irrecevabilité sur base du premier moyen soulevé par la partie défenderesse, lequel est partant à écarter ;

Considérant que la partie défenderesse se rapporte à la prudence du tribunal concernant l’intérêt à agir de Madame LANSER ;

Considérant qu’il est patent que Madame LANSER est la voisine directe de l’immeuble X., objet de la décision déférée ;

Considérant que le voisin contigu ayant une vue directe sur l’élément de construction qui fait l’objet du permis de construire litigieux, a un intérêt personnel direct et légitime à voir contrôler la conformité du permis de construire aux dispositions réglementaires applicables, l’inobservation de ces règles étant de nature à aggraver sa situation de voisin ;

Considérant que la partie défenderesse conclut encore à la caducité du recours sur base de l’article 4 (2) de la loi du 21 juin 1999 précitée, alors qu’aucune signification valable ne serait intervenue dans le mois du dépôt du recours ;

Que plus particulièrement seule l’administration communale représentée par son collège des bourgmestre et échevins aurait été légalement habilitée pour répondre comme défenderesse aux actions en justice conformément à l’article 83 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, de sorte que le bourgmestre, qui s’est vu adresser la signification, ne serait pas à considérer comme partie défenderesse au recours au sens de l’article 4 (2) de la loi du 21 juin 1999 précitée ;

Considérant que l’article 4 (2) en question dispose que “ faute par le requérant d’avoir procédé à la signification de son recours à la partie défenderesse dans le mois du dépôt du recours, celui-ci est caduc ” ;

Considérant qu’ainsi qu’il vient d’être prérelaté la signification du recours est intervenue à l’encontre de “ Monsieur le bourgmestre de la Ville de … ”, suivi de la mention “ administration communale ”, l’exploit de signification ayant été remis au bourgmestre … en personne ;

3 Considérant qu’il vient d’être retenu que l’administration communale de … est visée dans le dispositif du recours comme étant la partie défenderesse au litige sous analyse ;

Considérant que l’exploit de signification adressé également à l’administration communale suffit dès lors aux exigences de l’article 4 (2) de la loi du 21 juin 1999 précitée, étant entendu que le bourgmestre de la Ville de … auquel l’exploit de signification a été remis est censé y figurer en tant que représentant légal au vœu des dispositions de l’article 163 du Nouveau Code de Procédure Civile, suivant lequel les communes sont assignées en la personne du bourgmestre, les significations aux communes étant faites à la maison communale suivant l’article 164 du même Code ;

Que le recours n’est dès lors pas caduc ;

Considérant qu’aucune irrecevabilité n’étant encourue en raison des formes légales prescrites, le recours, introduit par ailleurs dans le délai légal, est recevable ;

Considérant que bien que la partie tierce intéressée X. n’ait pas comparu dans les délais prévus à l’article 5 de la loi du 21 juin 1999 précitée, le tribunal est amené à statuer néanmoins à l’égard de toutes les parties conformément à son article 6 ;

Considérant qu’au fond la partie demanderesse avance comme premier moyen d’annulation la violation de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, en ce qu’aucune publicité n’aurait été donnée à la demande en autorisation de Monsieur X. et qu’elle-même en tant que voisine directe dont les droits étaient susceptibles d’être affectés par la décision à intervenir, n’a pas été mise en mesure de faire valoir ses moyens, la décision intervenue dès le lendemain de l’entrée à la commune de la demande afférente lui donnant l’impression que le bourgmestre s’est hâté de donner l’autorisation pour ne pas devoir répondre à des questions dérangeantes ;

Considérant que la partie défenderesse ne conteste pas qu’aucune publicité destinée à la voisine directe lui offrant la possibilité de faire valoir immédiatement ses observations n’a été accomplie, tout en soulignant que les arguments et moyens de Madame LANSER n’auraient aucunement amené le bourgmestre à prendre une décision différente de celle actuellement déférée ;

Qu’en droit, la défenderesse entend à titre principal résister à ce moyen en arguant que l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne serait conforme ni à l’article 36 de la Constitution, ni à l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse ;

Qu’ainsi le pouvoir d’édicter des règles générales en exécution d’une norme supérieure ne pourrait être délégué directement à une autorité administrative, étant donné que l’article 36 de la Constitution réserve le pouvoir réglementaire au Grand-Duc ;

Que dans la mesure où la loi du 1er décembre 1978 habiliterait seulement le Grand-Duc à édicter un corps de règles générales destiné à réglementer la procédure administrative non contentieuse, ce texte légal n’autoriserait pas le pouvoir exécutif à subdéléguer en cette matière son application à une autorité administrative ;

4 Que dès lors l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en ce qu’il prévoirait que l’autorité administrative doit donner une publicité adéquate à une décision susceptible d’affecter les droits et intérêts de tierces personnes serait à la fois contraire à l’article 36 de la Constitution et sortirait du cadre de la disposition habilitante de l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 prévisée ;

Qu’à titre subsidiaire, l’inobservation de la prescription de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne se résoudrait pas en l’annulation de la décision prise en sa méconnaissance, mais entraînerait tout au plus la suspension du délai de recours jusqu’au jour où la décision a été portée à la connaissance des tiers intéressés ;

Que dans la mesure où dans le cadre de la procédure contentieuse la demanderesse aurait pu exposer l’ensemble de ses doléances et moyens, elle n’aurait subi aucun grief de l’inobservation des dispositions de l’article 5 en question ;

Qu’étant donné que les moyens proposés par la partie demanderesse seraient en état d’être toisés au fond, l’intérêt des parties et le principe de l’effet utile commanderaient que cette analyse au fond puisse être faite sans autre détour ;

Considérant que d’après l’article 95 de la Constitution le tribunal n’applique les règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes à la Constitution et aux lois;

Considérant que d’après l’article 1er alinéa 1er de la loi du 1er décembre 1978 précitée “ le Grand-Duc est habilité à édicter un corps de règles générales, destiné à réglementer la procédure administrative non contentieuse ”;

Que le seul règlement grand-ducal pris jusqu’à ce jour sur base de cette habilitation est celui précité du 8 juin 1979, dont l’article 5 dispose que “ lorsqu’une décision administrative est susceptible d’affecter les droits et intérêts de tierces personnes, l’autorité administrative doit lui donner une publicité adéquate mettant les tiers en mesure de faire valoir leurs moyens.

Dans la mesure du possible, l’autorité administrative doit rendre publique l’ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision.

Les personnes intéressées doivent avoir la possibilité de faire connaître leurs observations.

La décision définitive doit être portée par tous moyens appropriés à la connaissance des personnes qui ont présenté des observations ”;

Que l’article 5 en question entend protéger les tiers contre les décisions que l’administration est amenée à prendre, les procédures y prévues devant respecter les trois grands principes y retenus, savoir réaliser une information appropriée des tiers intéressés, leur permettre de présenter leurs observations et assurer la communication de la décision finale aux personnes qui ont présenté des objections (cf. doc. parl. 2313, commentaire des articles, page 5);

5 Que cette disposition a été prise notamment sur base des principes inscrits en l’article 1er, alinéa 2 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, retenant que le corps de règles générales destinées à réglementer la procédure administrative non contentieuse, à édicter par le Grand-Duc et ayant donné naissance au règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, “doivent notamment assurer le respect des droits de la défense de l’administré en aménageant dans la mesure la plus large possible la participation de l’administré à la prise de la décision administrative ”;

Qu’il résulte de l’économie de l’article 1er en question, découlant des droits et obligations conférés à l’administré y visé, que cette dernière notion ne recouvre pas seulement le destinataire direct de la décision administrative individuelle concernée, mais également les tierces personnes dont les droits et intérêts sont susceptibles d’être affectés par pareille décision, dans la mesure de leurs droits et obligations respectifs prévus par les textes en question;

Considérant que les prévisions de l’article 5 précité vont au-delà de la notion de droits de la défense retenue à l’époque par la jurisprudence française prise en exemple, laquelle restreignait l’application effective de ces droits aux sanctions administratives et aux mesures prises en raison de faits personnels aux intéressés, étant donné que les législateur et pouvoir réglementaire luxembourgeois se sont laissés guider par le champ d’application plus large de la loi fédérale helvétique sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 considérée notamment en ses articles 26, 29 et 30 (cf. avis du professeur G.Ph. Bloch, in doc parl. 22091, page 10, n° 326 in fine);

Que la notion de tierce personne visée à l’alinéa 1er de l’article 5 précité y est précisée dans la mesure de l’affectation possible de ses droits et intérêts par la décision administrative a qua, de sorte qu’en principe et dans le souci d’un parallélisme concordant avec les règles applicables en matière contentieuse, elle vise toute personne tierce ayant un intérêt suffisant à agir devant une juridiction administrative, hypothèse vérifiée au cas où les dispositifs d’information, de participation, de communication, de discussion et de conciliation établis par les loi du 1er décembre 1978 et règlement grand-ducal du 8 juin 1979 instituant la procédure administrative non contentieuse auraient échoué;

Que les tierces personnes ainsi visées sont celles pouvant subir des conséquences dommageables de l’acte administratif en question et ayant de ce fait intérêt à présenter leurs observations (cf. Fernand Schockweiler, Le Contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 2e éd., 1996, n° 362; comp. C.E. 24 mai 1985, Langers, n° 7493 du rôle);

Considérant que la publicité adéquate à donner à la décision prise suivant l’alinéa 1er de l’article 5, de même que les modalités aux fins de rendre publique l’ouverture d’une procédure aboutissant à une telle décision, visées en l’alinéa 2 du même article, dépendent notamment de l’envergure de l’objet à la base de la dite décision, ainsi que du nombre des tiers intéressés, auxquels elle est susceptible de causer un préjudice;

Que les modalités pratiques de la mise en oeuvre de ces mesures tendant à porter à la connaissance des tiers intéressés la procédure, voire son aboutissement, - la décision à prendre -, étant laissées au choix de l’administration, il n’en reste pas moins que celle-ci doit se laisser 6 guider par l’impératif posé par l’alinéa 3 de l’article 5 prédit, en ce que les personnes intéressées doivent avoir la possibilité de faire connaître leurs observations;

Que le fait pour l’article 5 de ne prévoir de modalités précises ni en vue de réaliser l’information des tiers relativement aux procédures et décisions y émargées, ni concernant les diligences à déployer par eux pour recueillir pareilles informations, ne saurait signifier que ce texte n’imposerait pas en la matière, d’une manière générale, des exigences de publicité préalable à l’octroi du permis de construire, lequel est, par ailleurs, délivré sous réserve des droits des tiers (comp. C.E. 18 novembre 1993, Ferreira-Antuns - Barros Antunes, n°8657 du rôle);

Qu’aboutir à une conclusion contraire pourrait en effet apparaître contestable, ainsi que l’a relevé la doctrine, si l’on considère, d’une part, que la réserve des droits des tiers vise essentiellement la préservation de leurs droits civils, et, d’autre part, que l’association des tiers concernés à la prise de décision doit permettre à l’administration de prendre sa décision en parfaite connaissance de cause et servir précisément à l’exercice d’une bonne administration (cf. Fernand Schockweiler, op. cit. n° 365-1);

Que d’après les auteurs du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, le mode de publicité à envisager, afin de pouvoir atteindre les objectifs posés par l’article 5 en question, pouvait consister, en présence d’une seule personne ou d’un nombre limité de tiers intéressés, en une information faite individuellement, tandis que par ailleurs et notamment en présence d’un nombre indéterminé de tierces personnes intéressées, lesdits auteurs envisageaient l’avis dans les journaux faisant connaître l’engagement de la procédure et son objet, sinon l’affichage, ce dernier ne devant, d’après eux, pas se borner à être opéré à la maison communale, mais dans la mesure du possible être envisagé également in situ, à l’endroit notamment de la construction ou de l’établissement à autoriser (doc. parl. 2313, ibidem);

Que les mêmes auteurs avaient prévu qu’en dehors de la forme écrite, on pouvait envisager d’admettre également la forme orale, en permettant au réclamant de s’adresser à l’autorité chargée de l’enquête, s’il y en a, sinon à l’autorité de décision ou à l’agent qu’elle a désigné (doc. parl. 2313, commentaire des articles, page 5) (cf. trib. adm. 4 mai 1998, Pas.

adm. 01/2000, Mousel, V° Procédure administrative non contentieuse n°s 45 à 47, pages 263 et 264 et autres décisions y citées);

Considérant qu’il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent qu’au vu de la multiplicité des situations pouvant se présenter à l’administration, ensemble la diversité des aspects y relatifs concernant notamment le nombre de tiers intéressés, de même que l’envergure et les caractéristiques de l’objet de la demande à la base de la décision administrative à délivrer, conditionnant ainsi la publicité à en observer relativement aux tiers visés par le texte, le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’a pas entendu fixer plus en détail, ni figer les modalités concrètes d’application de la publicité ainsi prévue;

Considérant que les dispositions du règlement grand-ducal en question ainsi délimitées n’ont pas non plus opéré une subdélégation dans le chef des autorités administratives concernées relativement à une fixation par catégories de destinataires ou de décisions à prendre des mesures de publicité y prévus;

7 Que de son côté, l’administration communale de … n’a pas posé d’acte réglementaire concernant la publicité adéquate visée à l’article 5 sous analyse, dont les termes par ailleurs comportent un degré de précision suffisant, eu égard au but à atteindre à travers la disposition querellée;

Considérant que force est de retenir que l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’a pas opéré une subdélégation prohibée par l’article 36 de la Constitution, ensemble l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 précitée, de sorte que le moyen de non-conformité à la Constitution et à la loi est à écarter ;

Considérant qu’il est constant en cause qu’avant la prise de la décision déférée du 21 octobre 1999, l’administration communale de … n’a pas mis en mesure Madame … LANSER de faire valoir utilement ses observations, de même que la procédure ayant abouti à ladite décision n’a pas été soumise à publicité ;

Considérant qu’il découle du libellé de l’article 5, ensemble les considérations à sa base, telles que prédécrites, que les observations visées en l’alinéa 3 dudit article doivent pouvoir être présentées par la partie tierce intéressée préalablement à la prise de décision par l’administration;

Considérant qu’en présence du nombre somme toute limité de personnes voisines de la construction X. envisagée, dont la situation est affectée par celle-ci, il aurait été parfaitement possible pour l’autorité administrative de rendre publique l’ouverture de la procédure afférente à travers l’affichage sur les lieux de la demande en permis de construire ayant abouti à la décision du 21 octobre 1999 déférée, avec indication des possibilités de consultation des annexes y afférentes et de formulation de leurs observations éventuelles, ces modalités rentrant dans la mesure du possible, en présence d’une construction de menue envergure, telle que celle actuellement litigieuse, même si la rapidité de la prise de décision en l’espèce aurait laissé sans effet majeur les mesures de publicité en question ;

Considérant qu’il se dégage de l’économie même du premier alinéa de l’article 5, d’une part, ainsi que des alinéas 2 et 3 combinés du même article, d’autre part, que les sanctions afférentes se résolvent nécessairement de façon différente, compte tenu du silence à ce propos des textes légaux et réglementaires;

Considérant d’abord que le défaut de conférer une publicité adéquate à la décision administrative de nature à affecter les droits et intérêts de tierces personnes, mettant celles-ci hors mesure de faire valoir leurs moyens, ne saurait se résoudre impérativement en une annulation, étant donné que ce seul défaut de publicité est indépendant du contenu même de la décision prise et que dès lors le seul grief accru aux tiers intéressés est celui de ne pas encore avoir pu faire valoir utilement leurs moyens;

Que la sanction adéquate en résultant, d’après l’essence même du texte, est celle de la suspension des délais de recours jusqu’à due communication de la décision en question;

Qu’une sanction éventuelle de suspension des délais de recours reste sans effet en l’espèce, puisque de toute façon le recours a été introduit dans le délai légal de trois mois en date du 5 janvier 2000, à le supposer avoir couru, ainsi qu’il vient d’être retenu ci-avant;

8 Considérant par contre que le défaut d’avoir rendu publique l’ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision a pour conséquence que les personnes intéressées n’ont pas eu la possibilité de faire connaître leurs observations conformément aux exigences impératives de l’alinéa 3 de l’article 5 précité;

Que s’il est vrai que l’alinéa 2 dudit article 5 ne prévoit l’obligation de rendre publique l’ouverture de cette procédure que dans la mesure du possible et que le texte est muet quant aux modalités de réalisation en pratique, il vient d’être relevé que rien n’a empêché, en l’espèce, l’administration communale d’afficher sur les lieux en bonne et due forme la demande de l’autorisation de construire introduite, afin de rendre possible l’exercice des droits des tiers intéressés, tel que prévu impérativement par l’article 5 alinéa 3 précité;

Considérant qu’au regard de sa finalité tendant au respect des droits de la défense de l’administré et à l’aménagement, dans la mesure la plus large possible, de sa participation à la prise de la décision administrative, la sanction en cas de non-observation de l’article 5 pris en ses alinéas 2 et 3 ne saurait se résoudre de façon adéquate en la suspension des délais contentieux;

Qu’en effet, une fois la décision administrative prise, sans la participation des administrés concernés, celle-ci n’est pas automatiquement “ réparable ” ex post par le fait de permettre à ces personnes de faire valoir leurs moyens éventuels ultérieurement par un recours gracieux ou dans le cadre de la procédure contentieuse;

Qu’ainsi, dans sa prise de position à l’égard des observations formulées par la commission de Travail de la Chambre des Députés, le Gouvernement a retenu dans une dépêche du ministre de la Justice adressée au président de la Chambre des Députés le 8 mai 1979, relativement à l’article 5 en question, que “ cette disposition, en exigeant une publicité adéquate pour les décisions intéressant les personnes non impliquées dans la procédure, pose un principe général qui devrait être mis en oeuvre dans les différentes procédures particulières. Ce principe a ainsi été développé, de façon parfaite, dans la loi du 16 avril 1979 réorganisant le régime des établissements dangereux. En matière d’autorisations de construire, des solutions satisfaisantes ont pu être mises en pratique par certaines administrations communales ”;

Que le fait pour des personnes intéressées d’avoir été mises dans l’impossibilité de présenter leurs observations orales dans le cadre d’une enquête de commodo et incommodo soumise aux dispositions de la loi du 16 avril 1979, entre-temps successivement étendues par la loi du 9 mai 1990 sur les établissements dangereux insalubres ou incommodes et la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, a été analysé par le Comité du contentieux du Conseil d’Etat en une omission d’une formalité substantielle, au motif que les observations que les intéressés étaient susceptibles de faire auraient pu avoir une influence sur la décision critiquée, emportant ainsi l’annulation de la décision administrative afférente (C.E. 8 décembre 1982, P. 25, 365);

Que la même sanction a été retenue sur base du même article 5 alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité par le Comité du contentieux du Conseil d’Etat dans son arrêt Blum du 4 mars 1985 (numéros 7446 et 7448 du rôle) (comp. C.E. 8 juillet 1987, Tonteling, numéro 7823 du rôle);

9 Considérant qu’en présence d’une disposition visant la participation de l’administré à la prise d’une décision administrative, présupposant également l’initiative de celui-ci, le défaut d’avoir rendu publique l’ouverture de la procédure afférente, exigence prévue dans la mesure du possible à charge de l’autorité administrative compétente, tout en constituant une formalité substantielle, ne saurait être sanctionné que dans la mesure où son non-respect a été invoqué, utilement comme en l’espèce, dans le délai contentieux par l’administré qui affirme ne pas avoir pu de ce chef faire valoir ses observations et que ces dernières contiennent, outre les moyens de légalité invoqués, des éléments concrets de participation à la décision à prendre, qui, eussent-ils pu être proposés en temps utile, auraient été de nature à conduire l’autorité compétente à prendre une décision différente en tenant compte de ces propositions, dans les limites d’appréciation laissées au cas précis à l’auteur de la décision;

Considérant que même si la partie demanderesse n’a pas déposé de mémoire en réplique, elle a pu exposer dans le cadre de son recours l’ensemble de ses doléances, non autrement amplifiées à l’audience et démontrer à suffisance le contenu des propositions concrètes tendant à voir prendre une décision différente de celle déférée ;

Considérant que le tribunal est amené à constater qu’outre le moyen tenant à la procédure administrative non contentieuse proposé, Madame LANSER invoque des éléments de non-conformité de l’autorisation déférée au règlement des bâtisses, des voies publiques et des sites de la commune de …, lesquels ne font pas ressortir essentiellement et concrètement des éléments de participation alternatifs, mais se ramènent en somme à un ensemble de moyens de légalité dont le tribunal se trouve valablement saisi et qui sont en état d’être toisés sans retard, dans le cadre de la procédure contentieuse régulièrement engagée;

Que dans l’intérêt des parties et sur base du principe de l’effet utile il échet dès lors de procéder à l’analyse des autres moyens au fond ;

Considérant que la partie demanderesse invoque en second lieu au fond la violation par la décision déférée de l’article 25 i) Rb, estimant que la terrasse prévue par Monsieur X. tombe sous les prévisions de cette disposition ;

Que cette terrasse dépassant une saillie d’un mètre telle qu’y prévue, un recul sur la limite latérale égale à la valeur de leur saillie, évaluée à 1,50 mètres aurait dû être observé sauf convention entre voisins non intervenue en l’espèce ;

Que pour le cas où la terrasse ne serait pas directement visée par l’article 25 i Rb, la limite latérale en question serait néanmoins à respecter, alors que la règle serait destinée à protéger le voisin de saillies gênantes, la finalité de la disposition étant détournée si le respect de ces distances latérales ne s’imposaient pas également aux terrasses ;

Que d’après la commune l’article 25 Rb en tous ses points ne s’appliquerait qu’aux façades principales et viserait essentiellement à régler les alignements de ces façades aux abords des routes ;

Que plus particulièrement les points g et i de l’article 25 en question auraient pour objet de régler la construction sur les façades principales des parties saillantes, telles que corniche et balcon, comportant une emprise à l’intérieur des distances d’alignement par rapport aux routes fixées au point b dudit article ;

10 Qu’aucun texte du règlement sur les bâtisses ne concernerait la construction de terrasses ou de balcons sur la façade arrière des bâtiments, les règlements en matière d’urbanisme étant par ailleurs d’interprétation stricte ;

Que de fait de nombreuses constructions à … seraient dotées d’une terrasse sur la façade postérieure ;

Considérant que l’article 25 i Rb dipose que “ Sur l’ensemble du territoire communal, à l’intérieur des zones à bâtir et indépendamment de la présence d’alignements ou de distances à observer par rapport aux axes des routes, les corps avancés et les loggias ne pourront pas dépasser une saillie de 1m. ; ils ne pourront couvrir qu’un tiers de la façade et leur recul sur la limite latérale sera au moins égal à la valeur de leur saillie, sauf convention entre voisins ” ;

Considérant que l’autorisation déférée porte sur la construction d’une terrasse au premier étage accolée à la façade arrière de la maison d’habitation X. munie d’un garde-corps d’une hauteur minimum d’un mètre, ainsi que de murs de séparation en verre dormant d’une hauteur de 1,90 mètres, apposés latéralement du côté des deux propriétés voisines contiguës ;

Considérant que l’article 25 en ses point a) à h) a trait aux alignements et distances à observer le long des voies publiques ainsi qu’aux façades y donnant ;

Considérant que le même article en son point i) prérelaté, en disposant indépendamment de la présence d’alignements et distances à observer par rapport aux axes des routes, concerne dès lors également les façades donnant sur les routes en question, étant entendu que les dispositions du règlement sur les bâtisses, règlement de police limitant l’usage du droit de propriété constitutionnellement garanti, sont d’interprétation stricte ;

Que dès lors les éléments de construction accolés à la façade arrière de la maison X. et ne donnant pas sur la rue Henri Luck par rapport à laquelle ladite maison est alignée, ni par ailleurs sur une autre route, ne sont pas concernés par les dispositions de l’article 25 i Rb ;

Que par voie de conséquence le moyen afférent est à écarter ;

Considérant qu’en dernier lieu Madame LANSER invoque l’article 30 Rb en ce que cette disposition imposerait au bourgmestre d’interdire une construction qui, par son aspect extérieur, détruit l’harmonie des façades de la rangée de maisons en question, les photos versées en cause prouvant, d’après elle, qu’il s’agirait d’un véritable enlaidissement ;

Considérant que la commune fait valoir qu’au-delà de la question de la légalité de l’article 30 Rb, celui-ci ne viserait que les constructions agricoles et ne trouverait aucune application aux maisons d’habitation sises dans le secteur de moyenne densité, telle celle de Monsieur X. ;

Qu’en fait la terrasse autorisée s’intégrerait parfaitement et harmonieusement dans les façades postérieures des maisons voisines, dont certaines disposent d’ores et déjà de terrasses comparables à celle autorisée ;

11 Considérant qu’il est patent que l’article 30 Rb intitulé “ constructions agricoles ” a trait en ses alinéa a) b) et c), respectivement aux constructions agricoles existantes, à la construction de nouvelles exploitations agricoles, ainsi qu’aux fermes avicoles, porcheries industrielles et autres installations nouvelles dégageant des nuisances importantes ;

Que la maison d’habitation X., ne relevant dès lors d’aucune construction agricole telle que ci-avant visée, n’est point concernée par les dispositions de l’article 30 Rb en question ;

Que par voie de conséquence ce moyen est également à écarter ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 mai 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 12


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11759
Date de la décision : 03/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-03;11759 ?

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