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03/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11512

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mai 2000, 11512


N° 11512 du rôle Inscrit le 1er septembre 1999 Audience publique du 3 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … KALAJA et son épouse, Madame X., Luxembourg contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11512 et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 1999 par Maître Paul WINANDY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Yvette NGONO YAH

, avocat, inscrit au prédit tableau de l’Ordre des avocats, au nom de Monsieur … KALAJA, né l...

N° 11512 du rôle Inscrit le 1er septembre 1999 Audience publique du 3 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … KALAJA et son épouse, Madame X., Luxembourg contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11512 et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 1999 par Maître Paul WINANDY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Yvette NGONO YAH, avocat, inscrit au prédit tableau de l’Ordre des avocats, au nom de Monsieur … KALAJA, né le …, de nationalité albanaise, et de son épouse, Madame X., née le …, de nationalité albanaise, les deux demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 18 mai 1999, notifiée le 4 août 1999, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle les demandeurs ont été invités à indiquer au tribunal s’ils entendaient maintenir leur recours;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 octobre 1999;

Vu la déclaration de Maître Paul WINANDY faite à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposée au greffe du tribunal administratif le 26 octobre 1999, par laquelle il a déclaré que ses mandants entendaient poursuivre le présent recours;

Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, décidant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Yvette NGONO YAH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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1 En date des 22 et 26 juin 1997, respectivement Madame X., née le …, de nationalité albanaise, et son époux, Monsieur … KALAJA, né le …, de nationalité albanaise, les deux demeurant actuellement à L-… introduisirent au Grand-Duché de Luxembourg une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du 23 janvier 1998, Madame X. fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande. Son époux fut entendu en ses déclarations en date des 20 novembre et 5 décembre 1997, ainsi que le 23 janvier 1998 et, suite à une demande d’une audition complémentaire formulée par la commission consultative pour les réfugiés, les 31 mars et 8 avril 1999.

Le 3 mai 1999, la commission consultative pour les réfugiés émit un avis défavorable.

Par décision du 18 mai 1999, notifiée le 4 août 1999, le ministre de la Justice informa les consorts KALAJA-X. de ce que leur demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. (…) ».

Par requête déposée en date du 1er septembre 1999, les consorts KALAJA-X. ont introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 18 mai 1999.

Monsieur … KALAJA fait exposer qu’il aurait été membre du parti démocratique et d’un syndicat professionnel et qu’il aurait participé à des manifestations contre le gouvernement socialiste en place depuis 1997.

Il fait ajouter, d’une part, qu’il aurait fait l’objet d’une tentative d’assassinat et qu’à cette occasion son beau-père aurait été tué et, d’autre part, qu’en mai 1997, alors qu’il aurait exploité, ensemble avec son frère, un café, qui aurait été fréquenté par les membres de son parti et de son syndicat, il aurait reçu des menaces de mort, des menaces d’enlèvement et une demande de rançon et, comme il n’aurait pas satisfait à ladite demande de rançon, son café aurait fait l’objet d’un attentat à la bombe. Il soutient encore que ces menaces et attaques émaneraient de « groupes armés ou de gang » et qu’elles seraient motivées par son appartenance au parti démocratique.

Les demandeurs soutiennent que le refus ministériel serait contraire à l’article 14 de la déclaration universelle des droits de l’homme, qui garantit le droit d’asile pour toute personne 2 qui est persécutée et à l’article 1er de la Convention de Genève et ils reprochent au ministre de la Justice une mauvaise appréciation des faits. Sur ce, ils concluent à la réformation sinon à l’annulation de la décision critiquée.

Ils estiment que le bien-fondé de leur demande ne saurait être mis en doute ni par le fait que dans le passé, ils avaient déjà introduit une demande d’asile en Allemagne, ni par le fait qu’ils ont utilisé des faux documents pour partir de leur pays d’origine.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation.

Quant au recours en réformation, le représentant étatique soutient, d’une part, que les demandeurs ne rapporteraient aucune preuve pour établir la véracité de leurs allégations et, d’autre part, que même à les supposer établis, les faits allégués s’inscriraient dans un contexte de criminalité répandue en Albanie et ne seraient pas de nature à justifier une crainte justifiée au sens de la Convention de Genève.

Etant donné que l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée du 18 mai 1999. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Il s’ensuit que la demande en annulation de la décision critiquée est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des demandeurs.

Concernant les éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des consorts KALAJA-X., le tribunal relève que les demandeurs restent en défaut de produire l’un 3 quelconque élément de preuve à l’appui de leurs allégations et que la crédibilité des déclarations de Monsieur KALAJA est ébranlée par le fait que, lors de ses premières auditions en date des 20 novembre, 5 décembre 1997 et 23 janvier 1998, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu y relatif, Monsieur KALAJA a déclaré qu’il n’avait pas encore demandé asile dans un autre pays et qu’il n’a jamais travaillé à l’étranger ni voyagé à l’exception d’un voyage touristique d’un jour en 1993-1994, alors qu’il se dégage des éléments du dossier et notamment d’un rapport de la gendarmerie grand-ducale, service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, du 27 mars 1998, qu’en avril 1995, Monsieur KALAJA était entré en Allemagne au moyen d’un passeport falsifié et qu’il y avait introduit une demande d’asile à Worms en se déclarant originaire du Kosovo, qu’il y est resté jusqu’en avril 1996 pour retourner ensuite en Albanie, qu’il a admis avoir « profité de la guerre en Yougoslavie pour demander l’asile politique en Allemagne, c’est pour cela que j’ai dit que j’étais d’origine Yougoslave. Les Albanais ne recevaient pas l’asile politique à ce moment en Allemagne ». - Il convient encore de relever que Madame X. n’a pas fait état de motifs de persécution propres distincts de ceux présentés par son époux.

Sur ce, après examen des éléments lui soumis, le tribunal arrive à la conclusion que les demandeurs restent en défaut d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par le moyen tiré d’une prétendue violation des droits garantis par la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, étant donné que la simple violation par des autorités étatiques ou par des groupes de personnes contrôlées ou tolérées par elles de droits garantis par la prédite déclaration ne saurait à elle seule justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique, régie par la seule Convention de Genève. En effet, le simple fait de tomber dans le champ d’application de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui dispose dans son article 14 que devant la persécution toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays, n’autorise pas une personne à se voir reconnaître le statut de réfugié politique. Ce principe général doit faire l’objet d’une appréciation au cas par cas et notamment à la lumière des normes juridiques existantes régissant les conditions d’octroi du droit d’asile, à savoir la Convention de Genève (trib. adm. 15 juillet 1998, n° 10654 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Etrangers, I. Réfugiés, A. Généralités, n° 3, p. 101).

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, 4 déclare le recours en annulation irrecevable, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 3 mai 2000, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11512
Date de la décision : 03/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-03;11512 ?

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