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03/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11316

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mai 2000, 11316


N° 11316 du rôle Inscrit le 8 juin 1999 Audience publique du 3 mai 2000

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Recours formé par Madame … LOPES CORREIA contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de Monsieur … en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 8 juin 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … LOPES CORREIA, e

mployée privée, de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…, tendant principalement à l’ann...

N° 11316 du rôle Inscrit le 8 juin 1999 Audience publique du 3 mai 2000

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Recours formé par Madame … LOPES CORREIA contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de Monsieur … en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 8 juin 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … LOPES CORREIA, employée privée, de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation, d’une part, d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 17 février 1998, lui refusant la délivrance d’un permis de travail, et, d’autre part, d’une décision confirmative du 20 avril 1999 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 31 mai 1999, portant signification de ce recours à Monsieur …, demeurant à L-…;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 août 1999 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Yann BADEN au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 1999 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Maître Olivier TOTH, en remplacement de Maître Yann BADEN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par déclaration d’engagement datée au 10 novembre 1997, entrée à l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée “ l’ADEM ”, le 14 novembre 1997, Monsieur …, demeurant à L-…, introduisit une demande en obtention d’un permis de travail en faveur de Madame … LOPES CORREIA, employée privée, de nationalité cap-verdienne, demeurant actuellement à L-…, pour le poste de “ femme à tout faire ” dans le cadre de son ménage privé, en spécifiant que la date d’entrée en service était fixée au 15 septembre 1997.

Le permis de travail fut refusé à Madame LOPES CORREIA, par arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le “ ministre ”, du 17 février 1998 “ pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

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des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place :

2498 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi -

poste de travail non déclaré vacant par l’employeur -

priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) -

occupation irrégulière depuis le 15.09.1997 -

augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi durant les 5 dernières années : 3526 en 1993, 4643 en 1994, 5130 en 1995, 5680 en 1996 et 6357 en 1997 ”.

Par une nouvelle déclaration d’engagement datée au 22 avril 1998, entrée à l’ADEM en date du 28 avril 1998, Monsieur HOFFMANN introduisit une nouvelle demande en obtention d’un permis de travail en faveur de Madame LOPES CORREIA en vue d’effectuer le même travail que celui initialement indiqué dans sa déclaration du 10 novembre 1997, précitée, et en rappelant que la date d’entrée en service était le 15 septembre 1997. Dans une lettre d’accompagnement, Monsieur HOFFMANN déclara qu’il souhaitait “ garder à son service Madame LOPES CORREIA … étant donné que cette personne donne entière satisfaction ”.

Par courrier daté du 12 août 1998, le ministre informa Monsieur HOFFMANN que faute d’éléments nouveaux, il n’était pas “ en mesure de revenir sur sa décision de refus du 17 février 1998 ”.

En date du 23 septembre 1998, Monsieur HOFFMANN envoya une lettre au ministre par laquelle il lui soumit “ quelques explications supplémentaires qui éventuellement devraient lui permettre de réviser sa décision ”, en lui indiquant que “ la fonction précise de Madame LOPES CORREIA dans mes services se concentre essentiellement et primordialement de la garde d’enfants ; - Madame LOPES CORREIA est mariée depuis 2 ans avec Monsieur DE OLIVEIRA Antonio Manuel - de nationalité portugaise - extrait de l’acte de mariage en annexe ; - Madame LOPES CORREIA doit activement contribuer à l’amélioration de la situation financière familiale ”, en le priant de réserver une suite favorable à sa requête.

En réponse à la prédite requête de Monsieur HOFFMANN, le ministre l’informa, par courrier du 24 septembre 1998 qu’il était “ au regret de lui faire savoir que faute d’éléments nouveaux il n’était pas en mesure de revenir sur sa décision du 17 février 1998 et confirmée par son courrier du 12 août 1998 ” en précisant que “ bien que l’intéressée soit mariée à un ressortissant de l’Union européenne, il ressort de notre dossier que le mari de Madame LOPES CORREIA ne réside et ne travaille pas au Grand-Duché de Luxembourg ”.

2 A la suite de ce nouveau refus, Monsieur HOFFMANN fit parvenir une nouvelle lettre au ministre, en date du 15 mars 1999, dont la teneur est la suivante :

“ (…) Par arrêté ministériel du 17 février 1998, vous avez refusé le permis de travail sollicité pour un certain nombre de raisons (copie ci-jointe).

… Lopes Correia n’étant dès lors pas autorisée à travailler, j’ai résilié mon contrat de travail par lequel je l’avais employée.

J’apprends aujourd’hui que la dame Correia cherche un nouvel emploi.

Ensemble avec ce fait et la circonstance que la dame Correia est mariée à un ressortissant de la Communauté Européenne qui travaillait et vivait au Luxembourg, je vous prie de bien vouloir me confirmer que je n’ai pas besoin de solliciter un permis de travail, sinon de bien vouloir accorder un permis de travail à la dame Correia.

En effet, la dame Correia est mariée au sieur De Oliveira Antonio Manuel de nationalité portugaise, suivant acte de mariage du 16 septembre 1996 (copie en annexe). Il ne fait aucun doute que les époux …-Correia vivaient au Luxembourg, l’époux ayant travaillé au Luxembourg pour par la suite percevoir des allocations de chômage. Le mariage a d’ailleurs été célébré à Esch-sur-Alzette.

Or, conformément à l’article 11 du règlement CEE 1612/68 du Conseil relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté du 15 octobre 1968 et à l’article 88 de la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers, le ressortissant étranger, conjoint d’un ressortissant de la Communauté Européenne, a le droit de travailler dans celui des pays de la Communauté Européenne où le ressortissant de la Communauté Européenne a choisi de vivre et de travailler. Le droit subsiste alors même que le ressortissant ne travaille plus dans ce dernier pays ou que les conjoints sont divorcés (cf. Arrêt CJCE 13 février 1985, aff.

267/83, Diatta/Land Berlin, Rec. p. 567, et arrêt CJCE 7 juillet 1992, SINGH) ”.

Par courrier du 20 avril 1999, le ministre prit position par rapport à la lettre précitée de Monsieur HOFFMANN, en l’informant de ce que “ faute d’éléments nouveaux, il n’était cependant pas en mesure de revenir sur sa décision du 17 février 1998 de refuser l’autorisation de travail à l’intéressée ”. Cette lettre est motivée comme suit :

“ A titre d’information, je vous signale encore que s’il est exact que l’article 11 du règlement CEE N° 1612/68 du Conseil relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté du 15 octobre 1968 consacre au conjoint, quel que soit sa nationalité, d’un ressortissant d’un Etat membre de l’Union Européenne le droit d’accéder à une activité salariée sur le territoire de l’Etat membre d’accueil, il est aussi vrai que ce texte ne s’applique pas à la famille d’un ressortissant communautaire qui ne se trouve pas dans une situation de circulation entre Etats membres.

En effet, le conjoint de l’intéressée ne réside pas sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg. Par ailleurs, il n’y travaille pas. Il n’a dès lors pas invoqué 3 son droit personnel de libre circulation et de travail prévu par le règlement CEE précité N° 1612/68 de sorte que Madame … LOPES CORREIA, de nationalité cap-

verdienne, ne peut pas invoquer son droit dérivé et prétendre au libre choix de l’emploi au Grand-Duché de Luxembourg ”.

Par requête déposée le 8 juin 1999, Madame LOPES CORREIA a introduit un recours en annulation sinon en réformation contre l’arrêté ministériel précité du 17 février 1998 ainsi que contre la décision ministérielle du 20 avril 1999, précitées.

Le délégué du gouvernement conclut tout d’abord à l’irrecevabilité du recours en réformation, au motif que la loi ne prévoit pas un recours de pleine juridiction en la matière.

Encore que la demanderesse entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas.

adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 2, p. 309 et autres références y citées).

Aucun recours au fond n’étant prévu ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ;

3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni par aucune autre disposition légale ou réglementaire, le tribunal est en l’espèce incompétent pour statuer en tant que juge du fond. Il en découle que seul un recours en annulation, qui constitue le recours de droit commun, a pu être intenté contre les décisions déférées.

Le délégué du gouvernement conclut encore à l’irrecevabilité du recours en annulation, en estimant que la requête introductive d’instance, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 juin 1999, aurait été introduite en dehors du délai légal pour agir. Il soutient en effet que les lettres des 12 août et 24 septembre 1998 et 20 avril 1999 ne seraient pas à considérer comme constituant des décisions nouvelles, mais qu’il s’agirait au contraire de décisions simplement confirmatives de l’arrêté ministériel précité du 17 février 1998, étant donné qu’elles auraient été rendues en l’absence de tout élément nouveau soumis au ministre.

La partie demanderesse n’a pas pris position dans son mémoire en réplique par rapport à ce moyen d’irrecevabilité invoqué par le délégué du gouvernement.

S’il est vrai qu’une décision administrative ouvre un délai contentieux de trois mois à condition qu’elle indique correctement, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’administré, les voies de recours ouvertes contre elle, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l’autorité à laquelle il doit être adressé, ainsi que la manière de laquelle il doit être présenté, encore faut-il, pour que le prédit délai contentieux court vis-à-vis de la personne ayant introduit un recours devant les juridictions administratives, qu’elle ait été notifiée à celle-ci.

4 En l’espèce, il échet de constater que les prescriptions de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes ont été respectées. Toutefois, il ne ressort d’aucun élément du dossier et les parties à l’instance n’ont, sur question afférente du tribunal, pas pu établir que la décision du 17 février 1998 ainsi que les décisions subséquentes des 12 août et 24 septembre 1998 et 20 avril 1999 ont été notifiées à la demanderesse. Lesdites décisions n’ont donc pas pu faire courir un délai contentieux.

Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation a été introduit dans les délais prévus par la loi en ce qu’il a été dirigé contre les décisions précitées des 17 février 1998 et 20 avril 1999, sans qu’il y a lieu d’analyser si la décision du 20 avril 1999 a été rendue sur base d’éléments nouveaux.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes de la loi, il est partant à déclarer recevable.

Le délégué du gouvernement soulève encore la question de la régularité de la demande en obtention d’un permis de travail soumise par lettre du 15 mars 1999 au ministre, en ce que celle-ci ne contient pas le contreseing de la demanderesse, en violation de l’article 4, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. Même si c’est à tort que cette question a été soulevée par le délégué du gouvernement dans le cadre de l’analyse de la recevabilité du recours en annulation, cette question a néanmoins son importance quant au fond du recours, dans la mesure où il échet d’analyser si le ministre a été valablement saisi d’une demande en obtention d’un permis de travail.

La formalité du contreseing du travailleur exigé par l’article 4, alinéa 2 précité ne constitue une irrégularité de la demande en obtention ou en renouvellement du permis de travail, entraînant le refus du permis de travail sollicité pour remise d’une demande incomplète qu’à partir du moment où l’accord du travailleur en vue de l’introduction d’une telle demande ne ressort d’autres pièces et éléments du dossier en possession du ministre.

En l’espèce, le fait par la demanderesse d’avoir contresigné les déclarations d’engagement respectives des 10 novembre 1997 et 22 avril 1998 permet de conclure que la nouvelle demande présentée par Monsieur …, par lettre du 15 mars 1999, en vue d’obtenir le cas échéant un permis de travail en faveur de la demanderesse, a été faite avec l’accord pour le moins tacite de celle-ci, confirmé par le recours sous analyse qui émane de Madame LOPES CORREIA, et les antécédents du dossier ont mis l’administration en mesure de pouvoir légitimement admettre que cette nouvelle lettre lui adressée en vue de la délivrance d’un permis de travail en faveur de la demanderesse a été introduite avec l’accord de celle-ci.

Il suit de ce qui précède que le ministre a été valablement saisi d’une demande formulée tant par l’employeur potentiel de la demanderesse que par celle-ci et le moyen afférent présenté par le délégué du gouvernement, tiré d’une demande irrégulièrement introduite auprès du ministre, est à rejeter.

5 La décision querellée du 20 avril 1999, refusant de faire droit à la demande tendant à obtenir confirmation de la part du ministre que la demanderesse ne nécessite pas un permis de travail au titre de sa qualité de conjoint d’un ressortissant communautaire, est motivée par le fait que ledit ressortissant communautaire “ ne se trouve pas dans une situation de circulation entre Etats membres ” et que partant l’article 11 du règlement CEE n° 1612/68 du Conseil relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté du 15 octobre 1968 ne saurait lui être applicable.

Le tribunal est en premier lieu amené à analyser le bien-fondé de cette motivation, en examinant si ledit règlement communautaire est applicable à la situation telle qu’exposée par la demanderesse, au vu notamment de l’argumentation développée par celle-ci tendant à voir décider qu’elle ne nécessiterait aucun permis de travail pour pouvoir travailler légalement au Luxembourg, alors qu’elle devrait être assimilée sous ce rapport aux ressortissants nationaux sur base du prédit règlement.

L’article 11 du règlement CEE précité n° 1612/68 dispose que “ le conjoint et les enfants de moins de 21 ans ou à charge d’un ressortissant d’un Etat membre exerçant sur le territoire d’un Etat membre une activité salariée ou non salariée ont le droit d’accéder à toute activité salariée sur l’ensemble du territoire de ce même Etat, même s’ils n’ont pas la nationalité d’un Etat membre ”.

Le droit du conjoint, originaire d’un Etat tiers, d’un travailleur, ressortissant d’un Etat membre bénéficiaire de la libre circulation, est cependant accessoire en ce qu’il est conditionné par l’exercice effectif par le travailleur ressortissant communautaire de la liberté de circulation lui reconnue moyennant l’occupation d’un poste salarié dans cet autre Etat membre. Il s’ensuit qu’en l’absence de déplacement et d’activité salariée du travailleur ressortissant communautaire dans cet autre Etat membre, son conjoint ne saurait s’y prévaloir d’un droit au travail (trib. adm. 10 mai 1999, n° 11086 du rôle, Pas. adm. 1/2000 V° Travail, II Permis de travail, n° 40, p.

332).

En l’espèce, il est constant qu’au moment de l’introduction de la demande en obtention d’un permis de travail en faveur de la demanderesse, en date du 10 novembre 1997, le conjoint de celle-ci, de nationalité portugaise, ne travaillait et ne résidait plus au Grand-Duché de Luxembourg.

Il ressort ainsi plus particulièrement des pièces du dossier, que le conjoint de la demanderesse a été rayé d’office du registre de la population de la Ville d’Esch-sur-

Alzette en date du 9 septembre 1997. Partant, au moment de l’introduction de la demande en obtention d’un permis de travail précitée, le conjoint de la demanderesse, ressortissant communautaire, n’a pas invoqué un droit à bénéficier de la liberté de circulation des travailleurs communautaires, tel que réglementé par le règlement communautaire précité.

Il découle de ce qui précède que le règlement communautaire précité 1612/68 ne s’applique pas au cas d’espèce, étant donné que les conditions d’application ne sont pas remplies dans le chef du conjoint de la demanderesse.

6 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demanderesse ne peut pas invoquer un droit à l’obtention du permis de travail découlant du droit communautaire, de sorte que le régime du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, dans sa teneur d’avant le règlement grand-ducal du 29 avril 1999 portant modification de certaines de ses dispositions, trouve application.

Cette conclusion ne saurait être énervée par l’argumentation fournie par la demanderesse dans son mémoire en réplique, tirée de ce que, le simple fait de son mariage à Esch-sur-Alzette, en date du 16 septembre 1996, avec un ressortissant communautaire, devrait la faire bénéficier des dispositions communautaires précitées alors que le mariage et la cohabitation subséquente jusqu’au 9 septembre 1997 au Luxembourg, ne sauraient, à eux seuls, accorder un tel droit à la demanderesse.

Il y a également lieu de rejeter dans ce contexte la demande formulée dans ledit mémoire en réplique par la demanderesse et tendant à voir ordonner à l’administration de l’Emploi et au Centre commun de la Sécurité sociale “ le versement du dossier administratif du sieur …, préqualifié, y compris les fiches d’affiliation et de sortie du Centre commun de la Sécurité sociale et les fiches d’indemnités de chômage ”, étant donné que les faits que la demanderesse souhaite ainsi prouver et portant sur le fait que son conjoint a travaillé au Luxembourg et y a perçu des indemnités de chômage ne sont ni pertinents ni concluants, alors qu’ils ne sont pas de nature à renverser la conclusion à laquelle le tribunal a abouti ci-avant, portant sur le fait que ledit ressortissant communautaire n’habite plus au Luxembourg depuis le 9 septembre 1997.

Le moyen tiré de la violation de l’article 11 du règlement communautaire n° 1612/68 est partant à rejeter.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement a encore apporté un complément de motivation par rapport à la motivation d’ores et déjà contenue dans les deux décisions déférées, tirée de ce qu’au moment de l’introduction de sa première demande en obtention d’un permis de travail, à savoir en date du 10 novembre 1997, la demanderesse aurait été en séjour irrégulier au Luxembourg et que partant elle serait à considérer comme un travailleur ayant été recruté à l’étranger. Comme toutefois l’employeur n’aurait pas obtenu l’autorisation prévue par l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, ce serait à bon droit que le ministre a refusé la délivrance du permis de travail.

La demanderesse n’a pas pris position par rapport à ce moyen dans son mémoire en réplique.

L’article 16 de la loi précitée du 21 février 1976, tel que modifié par la loi du 12 février 1999 concernant la mise en œuvre du plan d’action national en faveur de l’emploi 1998, dispose dans ses deux premiers alinéas que “ (1) Le recrutement de travailleurs non ressortissant de l’Espace Economique Européen dans les Etats non membres de l’Espace Economique Européen est de la compétence exclusive de l’administration de l’Emploi.

7 (2) Dans ce cas, l’administration de l’Emploi peut, sur demande préalable, autoriser un ou plusieurs employeurs ou une organisation professionnelle d’employeurs, à recruter des travailleurs ”.

D’après la jurisprudence de la Cour administrative, qui, bien que rendue en application de la version des alinéas (1) et (2) de l’article 16 précité ayant existé antérieurement à leur modification par la loi précitée du 12 février 1999, garde toutefois sa pertinence pour déterminer les circonstances dans lesquelles l’accord préalable doit être obtenu de la part de l’ADEM avant de procéder au recrutement des travailleurs tels que visés à l’alinéa (1) de l’article en question, cette dernière disposition fixe, en principe, pour l’ADEM, le monopole de procéder au recrutement de travailleurs à l’étranger. Ainsi, pour prospérer dans son intention d’engager un travailleur résidant à l’étranger, l’employeur doit solliciter préalablement auprès de l’ADEM l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger (Cour adm. 13 janvier 1998, Pas. adm. 1/2000, V° Travail, II Permis de travail, n° 31, p. 330). En d’autres termes, même si ce sont les règlements grand-ducaux des 28 mars 1972 et 12 mai 1972 qui fixent respectivement les conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales et déterminent les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, il n’en reste pas moins que la loi du 21 février 1976 impose dans son article 16 une condition supplémentaire à l’employeur qui veut recruter un travailleur à l’étranger, à savoir celle de solliciter préalablement l’autorisation auprès de l’ADEM, de sorte que le ministre, ayant compétence pour vérifier le respect de toutes les dispositions légales en la matière, peut refuser le permis de travail en cas d’absence d’une telle autorisation (Cour adm. 10 novembre 1998, Pas. adm. 1/2000, V° Travail, II Permis de travail, n° 31, p. 330).

Il est constant en cause que l’autorisation de séjour délivrée à la demanderesse en date du 7 novembre 1996 a expiré en date du 7 novembre 1997. En l’absence d’une preuve d’un titre de séjour autorisant la demanderesse à résider au Luxembourg au moment de l’introduction de la demande en obtention d’un permis de travail, il y a lieu de conclure que celle-ci était en séjour irrégulier à ce moment.

Dans la mesure où l’on ne saurait admettre qu’un travailleur séjournant irrégulièrement au pays puisse tirer avantage de cette situation illégale et se voir considérer comme travailleur disponible sur le marché du travail interne pour ainsi contourner les contraintes administratives supplémentaires découlant de l’article 16 précité, c’est à bon droit que la demanderesse a été qualifiée de travailleur demeurant en dehors de l’Espace Economique Européen et qu’à défaut de preuve d’un séjour régulier au pays, le ministre lui a refusé l’octroi du permis de travail sur cette base.

Il suit des considérations qui précèdent que la décision ministérielle litigieuse se trouve légalement justifiée par le motif analysé ci-dessus et que l’examen des autres motifs à la base de la décision ministérielle, de même que les moyens d’annulation y afférents invoqués par la demanderesse, devient surabondant.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

8 Etant donné que Monsieur … n’a pas déposé de mémoire en réponse à la suite de la signification de la requête introductive d’instance qui lui a été faite le 31 mai 1999, il y a lieu de statuer par défaut à son égard, sur base de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, applicable au présent litige en vertu de l’article 69 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant par défaut à l’égard de Monsieur … et contradictoirement à l’égard des autres parties;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

rejette la demande tendant à voir ordonner une mesure d’instruction et ayant pour objet d’enjoindre à l’administration de l’Emploi et au Centre commun de la Sécurité sociale le versement du dossier administratif de l’époux de la demanderesse, y compris les fiches d’affiliation et de sortie du Centre commun de la Sécurité sociale et les fiches d’indemnités de chômage ;

au fond déclare le recours en annulation non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 3 mai 2000 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier Legille Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11316
Date de la décision : 03/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-03;11316 ?

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