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03/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11280

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mai 2000, 11280


N° 11280 du rôle Inscrit le 7 mai 1999 Audience publique du 3 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … BERISA contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 7 mai 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond LORANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BERISA, de nationalité yougoslave, originaire du Kosovo, demeu

rant actuellement à B-…, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’...

N° 11280 du rôle Inscrit le 7 mai 1999 Audience publique du 3 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … BERISA contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 7 mai 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond LORANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BERISA, de nationalité yougoslave, originaire du Kosovo, demeurant actuellement à B-…, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 9 février 1999 lui refusant l’octroi d’un permis de travail ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 août 1999 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur le 11 octobre 1999 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Laurence CAUWEL, en remplacement de Maître Edmond LORANG ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par déclaration datée du 21 juillet 1998, introduite auprès de l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée « l’ADEM », la société anonyme X. , établie et ayant son siège social à L-…, a introduit une demande en obtention d’un permis de travail, pour un poste d’ « Handler », en faveur de Monsieur … BERISA, né le 27 septembre 1969, de nationalité yougoslave, originaire du Kosovo, demeurant actuellement à B-

…. Ledit document spécifie que l’entrée en service de Monsieur BERISA était fixée au 21 juillet 1998.

Le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le « ministre », refusa la délivrance d’un permis de travail par arrêté du 9 février 1999 « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 1.938 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi dont 53 personnes ont été assignées à l’employeur - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - occupation irrégulière depuis le 21.07.1998 - recrutement à l’étranger non-autorisé - augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi durant les six dernières années : 3.526 en 1993/5.313 en 1998 ».

Par requête déposée le 7 mai 1999, Monsieur BERISA a fait introduire un recours en annulation contre l’arrêté ministériel précité du 9 février 1999.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il serait arrivé en 1995 en Belgique en tant que réfugié originaire du Kosovo, qu’en date du 11 octobre 1997, il a épousé Madame …, de nationalité luxembourgeoise, pardevant l’officier de l’état civil de la Ville d’Arlon en Belgique, qu’il est titulaire d’une carte d’identité d’étranger émise par les autorités belges et valable jusqu’au 15 avril 2003, qu’il habite ensemble avec son épouse à l’adresse précitée à Arlon, que celle-ci travaillerait en tant que standardiste auprès de l’entreprise de taxis Y., établie à L-… Le demandeur estime que le ministre lui aurait refusé à tort la délivrance d’un permis de travail, au motif qu’il aurait violé l’article 11 du règlement CEE 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté.

Le délégué du gouvernement conclut à l’inapplicabilité du règlement communautaire précité, au motif que celui-ci n’aurait pas vocation à s’appliquer à un ressortissant communautaire qui, comme en l’espèce, ne se trouverait pas et ne demanderait pas à se trouver dans une situation de circulation entre Etats membres. En effet, comme l’épouse du demandeur est de nationalité luxembourgeoise, qu’elle travaille au Luxembourg et comme le demandeur entend lui aussi occuper un emploi au Luxembourg, il s’agirait d’une situation purement interne au Grand-Duché de Luxembourg, qui ne saurait tomber sous le champ d’application du règlement communautaire précité.

Quant aux faits exposés ci-avant par le demandeur, le délégué du gouvernement précise que Monsieur BERISA a fait l’objet, en date du 9 janvier 1995, d’une décision de refus de séjour en Belgique avec ordre de quitter le territoire belge et interdiction de se rendre au Luxembourg ainsi qu’aux Pays-Bas.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur conteste l’interprétation donnée par le représentant étatique à l’article 11 du règlement communautaire précité, en soutenant, d’une part, qu’en tant que conjoint d’un ressortissant d’un Etat membre exerçant sur le territoire d’un Etat membre une activité salariée, il aurait le droit d’accéder à toute activité salariée sur le territoire de ce même Etat et, d’autre part, que 2 du fait de l’établissement régulier de leur domicile dans un autre Etat membre que celui dans lequel son épouse, ressortissante communautaire, exerce son travail, celle-ci serait en circulation entre Etats membres.

L’article 10 (1) du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg, dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l'évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi, compte tenu de la priorité à l’embauche dont bénéficient les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, conformément à l’article 1er du règlement CEE 1612/68 concernant la libre circulation des travailleurs ».

Cette disposition trouve sa base légale habilitante à la fois dans l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, qui dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi » et dans l’article 1er du règlement CEE précité n°1612/68, qui dispose que « 1. Tout ressortissant d’un Etat membre, quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet Etat. 2. Ils bénéficient notamment sur le territoire d’un autre Etat membre de la même priorité que les ressortissants de cet Etat dans l’accès aux emplois disponibles ».

Lesdits articles 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, confèrent à l’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail, la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (v. trav. parl. relatifs au projet de loi n° 2097, exposé des motifs, p. 2).

Au vœu de l’article 28 de la loi précitée du 28 mars 1972, et de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen sont dispensés de la formalité du permis de travail.

La référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’Union européenne et de l’Espace Economique Européen se justifie donc, en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité yougoslave, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen. Toutefois, en l’espèce, le demandeur invoque le fait qu’en raison de son mariage avec une ressortissante luxembourgeoise, habitant en Belgique et travaillant au Grand-Duché de Luxembourg, il devrait bénéficier des dispositions du règlement CEE précité n° 1612/68 et être, à ce 3 titre, assimilé aux ressortissants de l’Union européenne en vue de l’obtention d’un permis de travail au Luxembourg.

Aux termes de l’article 11 du règlement communautaire précité n° 1612/68, « le conjoint et les enfants de moins de 21 ans ou à charge d’un ressortissant d’un Etat membre exerçant sur le territoire d’un Etat membre une activité salariée ou non salariée, ont le droit d’accéder à toute activité salariée sur l’ensemble du territoire de ce même Etat, même s’ils n’ont pas la nationalité d’un Etat membre ».

Pour que le demandeur tombe sous le champ d’application du règlement CEE précité, il y a d’abord lieu de vérifier si son épouse remplit les conditions prévues par l’article 1er dudit règlement CEE, à savoir si elle possède la nationalité d’un Etat membre de l’Union européenne et si elle exerce sur le territoire d’un autre Etat membre une activité salariée.

En l’espèce, il n’est pas contesté, et il ressort d’ailleurs des pièces versées à l’appui du recours, que Madame …, l’épouse du demandeur, est de nationalité luxembourgeoise. Il est par ailleurs constant que Madame …demeure ensemble avec son mari à Arlon en Belgique et qu’elle travaille au Grand-Duché de Luxembourg.

Il résulte des constatations faites ci-avant que bien que l’épouse du demandeur possède la nationalité d’un Etat membre de l’Union européenne, elle n’exerce pas une activité salariée dans un Etat membre autre que celui dont elle est ressortissante. Ainsi, elle n’exerce pas et n’a pas besoin d’invoquer le principe de la liberté de circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, alors qu’elle travaille dans son pays d’origine et partant elle ne se trouve pas dans une situation de circulation entre Etats membres. Le fait qu’elle possède son domicile dans un autre Etat que celui dans lequel elle exerce son activité salariée est indifférent dans ce contexte.

Comme l’épouse du demandeur ne se trouve pas dans une hypothèse de circulation entre Etats membres, le règlement communautaire précité ne trouve pas application en l’espèce. Partant, le demandeur, en sa qualité de conjoint, ressortissant d’un Etat tiers, d’un ressortissant communautaire, ne saurait en invoquer les dispositions, alors qu’il ne tombe pas non plus sous son champ d’application.

Le moyen afférent, tiré de l’applicabilité du règlement communautaire précité, et tendant à voir dire en substance que le demandeur serait en droit de travailler au Grand-Duché de Luxembourg et d’y exercer une activité salariée sans être obligé de solliciter à ces fins un permis de travail, est dès lors à rejeter.

Le demandeur ayant invoqué comme seul moyen à l’appui de sa requête introductive d’instance la violation du règlement communautaire précité n° 1612/68, il n’incombe pas au tribunal d’analyser les autres motifs se trouvant à la base de la décision ministérielle déférée et il n’a plus particulièrement pas à prendre position à deux de ces motifs plus amplement développés dans le mémoire en réponse du délégué du gouvernement.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer non fondé.

4 Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 3 mai 2000 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11280
Date de la décision : 03/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-03;11280 ?

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