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03/05/2000 | LUXEMBOURG | N°11229

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mai 2000, 11229


N° 11229 du rôle Inscrit le 2 avril 1999 Audience publique du 3 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … SCHRAM contre une décision du ministre de la Justice en matière de stage judiciaire

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11229 du rôle, déposée le 2 avril 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SCHRAM, avocat, demeurant à L-…, tendant pr

incipalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de...

N° 11229 du rôle Inscrit le 2 avril 1999 Audience publique du 3 mai 2000

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Recours formé par Monsieur … SCHRAM contre une décision du ministre de la Justice en matière de stage judiciaire

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11229 du rôle, déposée le 2 avril 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SCHRAM, avocat, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 janvier 1999 lui refusant le paiement des indemnités du stage judiciaire prévues par le règlement grand-ducal du 21 janvier 1978 portant organisation du stage judiciaire, au sujet de la période allant du 1er octobre 1997 au 1er octobre 1998 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juin 1999 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 1999 par Maître Jean SCHAFFNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en remplacement de Maître Roger NOTHAR ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Maître Jean SCHAFFNER ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … SCHRAM, demeurant à L-…, fut assermenté en tant qu’avocat stagiaire en date du 24 avril 1997 et commença à ladite date son stage judiciaire.

En date du 9 juillet 1997, il adressa une demande d’équivalence de stage au ministère de la Justice, à l’attention de la commission du stage judiciaire, sur base de l’article 17 du règlement grand-ducal du 21 janvier 1978 portant organisation du stage judiciaire, au motif qu’il souhaitait poursuivre une année d’études complémentaires de troisième cycle en Allemagne dans le cadre d’un “ Magisterstudium für ausländische graduierte Juristen ” et il sollicita en conséquence une équivalence pour la période du 1er octobre 1997 au 1er octobre 1998.

La secrétaire de la commission du stage judiciaire fit parvenir à Monsieur SCHRAM sa réponse en date du 18 juillet 1997, par laquelle il fut informé de ce que ladite commission avait décidé de lui accorder l’équivalence à titre provisoire à concurrence de 12 mois du 1er octobre 1997 au 1er octobre 1998, tout en attirant son attention sur le fait que dès son retour de l’étranger, il devait présenter une demande d’équivalence à titre définitif auprès de ladite commission du stage.

Par un courrier du même jour, le ministre de la Justice, en se référant à l’équivalence de stage à titre provisoire accordée par la commission du stage judiciaire à Monsieur SCHRAM, informa ce dernier que conformément à l’article 45 du règlement grand-ducal précité du 21 janvier 1978, “ le paiement de l’indemnité de stage est suspendu durant la période d’équivalence de stage ”.

En date du 28 septembre 1998, l’université de Trèves délivra à Monsieur SCHRAM le diplôme de “ Magister der Rechte (LL.M.) ”.

Par lettre du 14 octobre 1998, Monsieur SCHRAM sollicita de la part de la commission du stage judiciaire l’équivalence à titre définitif au stage judiciaire pour les études complémentaires poursuivies du 1er octobre 1997 au 1er octobre 1998, tout en la priant de le “ renseigner du sort de l’indemnité de stage suspendue pendant la période d’équivalence ”.

La secrétaire de la commission du stage judiciaire informa Monsieur SCHRAM, par courrier du 16 novembre 1998, que ladite commission avait décidé, lors de sa réunion du 12 novembre 1998, de lui accorder l’équivalence à titre définitif du 1er octobre 1997 au 1er octobre 1998, date à laquelle il a repris son stage en deuxième année.

En date du 25 novembre 1998, Monsieur SCHRAM adressa une lettre au ministre de la Justice, en se basant sur l’article 45 du règlement grand-ducal précité du 21 janvier 1978, afin de solliciter le paiement des indemnités de stage judiciaire suspendues pendant la période d’équivalence de stage.

En date du 5 janvier 1999, le ministre fit parvenir à Monsieur SCHRAM une lettre par laquelle il l’informa de ce qu’il était “ au regret de l‘ informer qu’il ne peut pas être fait droit à sa demande de paiement de l’indemnité de stage pour la période du 1.10.1997 au 1.10.1998 ”.

Cette décision, prise sur avis conforme de la commission du stage judiciaire pris lors de sa réunion du 17 décembre 1998, était motivée comme suit :

“ En effet durant cette période d’un an vous avez interrompu votre stage judiciaire pour effectuer des études universitaires à l’étranger.

L’article 45 du RGD modifié du 21 janvier 1978 réglementant le stage judiciaire énonce que pendant la durée normale du stage judiciaire les stagiaires touchent une indemnité.

2 Or, dans votre cas, la durée normale du stage judiciaire a été interrompue pour 12 mois, afin d’effectuer des études complémentaires. En conséquence une indemnité de stage n’est pas due pour cette période d’équivalence de 12 mois, ce d’autant plus que l’indemnité sert à rémunérer le travail du stage professionnel proprement dit et effectivement presté par le stagiaire au barreau et non pas à financer en partie des études universitaires à l’étranger.

En conséquence , le paiement de votre indemnité de stage a repris le 1.10.98, au moment où vous avez repris le stage judiciaire et aucune indemnité ne peut être accordée pour la période de 12 mois pendant lesquels vous avez été autorisé à effectuer des études universitaires ”.

Par requête déposée le 2 avril 1999, Monsieur SCHRAM a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 5 janvier 1999.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours ne serait pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 5 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que l’article 45 alinéa 5 du règlement grand-ducal précité du 21 janvier 1978 énumérerait limitativement les cas dans lesquels l’indemnité de stage peut être réduite ou supprimée et que partant, comme son cas, à savoir l’équivalence obtenue pour des études supérieures complémentaires, ne serait pas visé par ladite disposition, il ne saurait se voir refuser le paiement de l’indemnité de stage pendant la période pendant laquelle il a suivi lesdites études supérieures, reconnues comme étant équivalentes par les décisions provisoire et définitive de la commission de stage. Il estime plus particulièrement que les hypothèses visées par ledit alinéa 5 de l’article 45 précité concerneraient toutes des situations dans lesquelles l’avocat stagiaire perçoit une rémunération de la part d’une institution internationale, d’une administration publique ou d’une entreprise privée en considération de laquelle son indemnité de stage serait réduite ou supprimée et que comme, d’une part, la poursuite d’études supérieures, qui ne donneraient pas droit à une rémunération au profit de l’étudiant, et, d’autre part, la qualité d’étudiant ne serait pas prévue par ladite disposition en vue de procéder à la réduction ou à la suppression de l’indemnité de stage, il devrait en bénéficier, d’autant plus qu’il a obtenu l’équivalence au stage de son 3 troisième cycle accompli auprès de l’université de Trèves, par la décision précitée de la commission du stage judiciaire.

Par ailleurs, comme le ministre a indiqué dans sa lettre précitée du 18 juillet 1997 que le paiement des indemnités sera simplement “ suspendu ” et non pas interrompu pendant la période d’équivalence, et comme ces deux notions juridiques auraient des significations distinctes, il devrait avoir droit, après la décision portant sur l’équivalence définitive de ses études supérieures, au paiement rétroactif des indemnités ayant trait aux 12 mois de la période d’équivalence, à savoir du 1er octobre 1997 au 1er octobre 1998.

Il soutient encore qu’on ne saurait lui opposer, pour justifier la décision déférée du ministre, un prétendu caractère inéquitable de la solution par lui préconisée, tirée de ce que le paiement des indemnités de stage aux avocats ayant bénéficié d’une équivalence au cours de l’accomplissement de leur stage judiciaire défavoriserait les étudiants qui ont accompli un troisième cycle d’études supérieures avant leur inscription au stage judiciaire, alors que, d’après lui, d’une part, ces étudiants ne sont pas inscrits, au moment de leurs études complémentaires, au barreau en tant qu’avocat stagiaire et que, d’autre part, “ il serait inéquitable de sanctionner un stagiaire qui opte pour l’une des possibilités offertes par la loi pour effectuer à titre équivalent au stage judiciaire des études complémentaires lors du stage judiciaire alors que les hypothèses limitatives de diminution ou de suppression facultatives prévues par le législateur pour justifier la limitation ou la suppression des indemnités de stage pendant la période d’équivalence sont celles où les stagiaires sont rémunérés pendant la période d’équivalence en effectuant un travail auprès d’une institution internationale, d’une administration publique ou d’une entreprise privée ”.

Il rejette encore l’argumentation lui opposée par le ministre de la Justice, en faisant valoir qu’au cours de l’accomplissement de ses études supérieures complémentaires, reconnues comme étant équivalentes par la commission du stage judiciaire, ledit stage n’aurait pas été interrompu, étant donné que ces études auraient une valeur ou une fonction égale audit stage judiciaire et que partant “ une période de stage judiciaire équivalente au stage judiciaire équivaut à une période de stage judiciaire ”.

Enfin, il admet, de concert avec le ministre de la Justice, que l’indemnité de stage ne serait pas destinée à financer en partie des études universitaires à l’étranger, mais qu’elle aurait pour objet de favoriser la formation des avocats stagiaires notamment par des études complémentaires “ et de les indemniser pour les mérites d’un travail supplémentaire effectué avec succès dans le cadre d’une formation universitaire complémentaire et spécialisée qui constitue une partie non négligeable de leur formation en tant qu’avocat stagiaire ensemble avec leur formation au barreau ”.

En vertu de l’article 17, alinéa 1er du règlement grand-ducal précité du 21 janvier 1978, dans sa teneur applicable au présent litige, à savoir avant son abrogation par le règlement grand-ducal du 8 avril 1999 modifiant le règlement grand-ducal modifié du 21 janvier 1978 précité, “ par décision de la commission du stage, peuvent être admises comme équivalentes au stage des périodes d’études supérieures complémentaires ou des stages de formation spécialisée accomplis à temps plein auprès d’une institution internationale, d’un barreau étranger, d’une administration publique ou dans les 4 services juridiques, fiscaux, commerciaux ou sociaux d’une entreprise privée.

L’équivalence ne peut être accordée que pour une année et seulement pendant la première et la deuxième année du stage ”.

En l’espèce, Monsieur SCHRAM, après avoir obtenu, en date du 18 juillet 1997, l’équivalence à titre provisoire de ses études supérieures complémentaires à effectuer du 1er octobre 1997 au 1er octobre 1998, s’est vu reconnaître l’équivalence à titre définitif pour la période en question par décision de la commission du stage judiciaire du 16 novembre 1998.

Le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une interprétation erronée des articles 17 et 45 du règlement grand-ducal précité en lui refusant pour la période de son équivalence au stage judiciaire le paiement des indemnités de stage, telles que fixées par l’article 45 du règlement grand-ducal en question.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement rejette l’argumentation développée par le demandeur pour obtenir le paiement de l’indemnité de stage pour la période d’équivalence précitée, en concluant au non fondé du recours, dans la mesure où il estime que le paiement d’une indemnité de stage pour une période d’équivalence au stage judiciaire correspondant à la poursuite d’études supérieures complémentaires violerait non seulement l’esprit mais surtout le texte du règlement grand-ducal précité de 1978.

En effet, l’article 45 précité, dans sa version applicable au cas d’espèce, et avant sa modification par le règlement grand-ducal du 8 avril 1999, prévoyait plusieurs hypothèses dans lesquelles l’indemnité de stage pouvait être réduite voire supprimée.

Ainsi, l’alinéa 2 dudit article prévoyait la suppression, temporaire ou définitive, de ladite indemnité en cas de “ manque d’assiduité du stagiaire ” aux cours du stage judiciaire.

L’alinéa 3 dudit article prévoyait “ la suspension du paiement de l’indemnité jusqu’à l’admission au stage professionnel proprement dit ”, au cas où le candidat stagiaire a été refusé aux examens des cours complémentaires en droit luxembourgeois, tels que réglementés par les articles 3 à 8 du prédit règlement grand-ducal du 21 janvier 1978.

L’alinéa 5 dudit article prévoyait la possibilité de réduire ou de supprimer ladite indemnité au cas où le stagiaire perçoit une rémunération supérieure à l’indemnité de stage de la part d’une institution internationale, d’une administration publique ou d’une entreprise privée. L’alinéa 6 dudit article prévoyait la suppression automatique de l’indemnité de stage au cas où le stagiaire a omis de demander l’équivalence de stage pour une certaine période. Le demandeur ne tombant sous aucune des hypothèses visées ci-avant, qui ne visent pas l’hypothèse dans laquelle un stagiaire effectue des études supérieures complémentaires reconnues comme étant équivalentes suivant la procédure fixée par l’article 17 du règlement grand-ducal précité du 21 janvier 1978, il n’y a pas lieu de les analyser plus en détail.

Enfin, l’alinéa 1er de l’article 45 précisait, d’une manière générale, qu’une indemnité de stage n’est payée que “ pendant la durée normale .. du stage judiciaire ”.

Il y a lieu d’entendre par “ durée normale ” du stage judiciaire les périodes pendant lesquelles le stagiaire effectue effectivement tous les travaux incombant normalement à un avocat stagiaire et remplit toutes les autres obligations liées à la poursuite du stage judiciaire. Ainsi, au cours de cette durée normale du stage judiciaire, le stagiaire doit être 5 non seulement inscrit auprès d’un patron de stage, mais il doit en outre travailler effectivement dans l’étude de celui-ci afin d’acquérir les connaissances ainsi que l’expérience nécessaires non seulement en vue de la préparation de l’examen de fin de stage judiciaire mais en outre pour le préparer à la profession d’avocat à la Cour. Par ailleurs, et parallèlement aux travaux précités, l’avocat stagiaire a dû suivre, sous la législation et la réglementation applicables avant l’entrée en vigueur du règlement grand-

ducal précité du 8 avril 1999, les cours théoriques hebdomadaires et obligatoires liés au stage judiciaire. L’indemnité de stage constituant la contrepartie de ces obligations découlant du stage judiciaire, son paiement a été limité par l’alinéa 1er précité aux périodes pendant lesquelles le stagiaire a effectivement suivi le stage judiciaire.

Il découle de ce qui précède qu’un avocat stagiaire ayant suivi des études supérieures complémentaires au cours de la période de son stage judiciaire, même si celles-ci ont été reconnues équivalentes par la commission du stage, n’a pas pu suivre effectivement les travaux résultant nécessairement du stage judiciaire et il n’a pas pu accomplir les obligations y liées. Il n’a partant pas pu suivre normalement le stage judiciaire et les études reconnues comme étant équivalentes à son stage judiciaire ne sont pas à considérer comme l’accomplissement normal du stage judiciaire. Partant, il n’a pas droit au paiement de l’indemnité de stage pendant la période en question.

En l’espèce, comme le demandeur a suivi des études supérieures complémentaires au cours de la période allant du 1er octobre 1997 au 1er octobre 1998, c’est à bon droit que le ministre de la Justice lui a refusé le paiement de l’indemnité de stage pendant la période en question, nonobstant le fait que ces études ont été reconnues comme étant équivalentes à une année de stage judiciaire.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent, que le recours est à déclarer non fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge 6 et lu à l’audience publique du 3 mai 2000 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11229
Date de la décision : 03/05/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-05-03;11229 ?

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