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26/04/2000 | LUXEMBOURG | N°11571

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 avril 2000, 11571


N° 11571 du rôle Inscrit le 6 octobre 1999 Audience publique du 26 avril 2000

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Recours formé par la société anonyme SOLFICORP S.A., … contre une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’exercer la profession d’expert-comptable

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 octobre 1999 par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la sociét

é anonyme SOLFICORP S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil ...

N° 11571 du rôle Inscrit le 6 octobre 1999 Audience publique du 26 avril 2000

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Recours formé par la société anonyme SOLFICORP S.A., … contre une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’exercer la profession d’expert-comptable

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 octobre 1999 par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme SOLFICORP S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme du 6 juillet 1999 refusant de lui délivrer l’autorisation d’exercer la profession d’expert-comptable;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse en date du 17 décembre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Fabienne DAUBENFELD, en remplacement de Maître Charles KAUFHOLD, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 27 avril 1999, la société anonyme SOLFICORP S.A., établie et ayant son siège social à L-…, introduisit auprès du ministre des Classes moyennes et du Tourisme, ci-après dénommé le « ministre des Classes moyennes », une demande en obtention d’une autorisation en vue de l’exercice de la profession « d’expert-comptable - conseil fiscal et management ».

Dans ladite demande, la société SOLFICORP S.A. précisa que la « gérance » de la société était assurée par Monsieur …, né le …, de nationalité italienne, demeurant à B-… Le 6 juillet 1999, le ministre des Classes moyennes informa la société SOLFICORP S.A. de ce que « le résultat [de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée « la loi d’établissement] m’amène à vous informer que l’exercice de la profession d’expert comptable est soumis à la détention d’un diplôme universitaire, sanctionnant un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques, commerciales ou financières conformément aux dispositions de la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 et de l’article 19, (1), c) et (2) de la loi précitée.

Or, le diplôme de Monsieur … ne correspond pas à ces exigences. Dans ces conditions, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête pour défaut d’accomplissement des conditions de capacité professionnelle requises.(…) ».

Par requête déposée le 6 octobre 1999, la société SOLFICORP S.A. a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre des Classes moyennes du 6 juillet 1999.

La demanderesse fait soutenir que Monsieur … remplirait les conditions fixées à l’article premier a) de la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, ainsi qu’à l’article 19 (1) c) et (2) de la loi d’établissement. Dans ce contexte, elle fait valoir que Monsieur … serait établi comme expert-comptable en Belgique depuis plus de 25 ans et qu’il aurait « nécessairement les diplômes et la qualification professionnelle requises ».

Elle fait encore exposer que Monsieur … serait inscrit au tableau de l’Institut belge des experts-comptables depuis le 5 juin 1986, tel que cela ressortirait d’une attestation délivrée par le directeur général dudit institut produite en cause et qu’il serait détenteur de « l’insigne d’honneur d’argent de lauréat du travail », établissant qu’il exercerait son activité depuis plus de 20 ans.

Elle fait encore soutenir que la décision querellée violerait les articles 48 et 52 du traité instituant les communautés européennes du 25 mars 1957 relatifs à la libre circulation des travailleurs et au droit d’établissement des ressortissants d’un Etat membre dans un autre Etat membre, au motif « que la décision attaquée ne respecte pas le principe de la réciprocité, l’Institut des Experts Comptables belge reconnaissant de son côté depuis de longue date les experts-comptables exerçant sur base d’une autorisation ministérielle luxembourgeoise ».

Lors des plaidoiries et sur question afférente du tribunal, le mandataire de la demanderesse a déclaré que sa partie n’était pas en mesure de produire les diplômes de Monsieur … en raison du fait que ce dernier les aurait perdus.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que la loi ne prévoirait pas de recours au fond en la matière.

Quant au recours en annulation, le représentant étatique soutient que Monsieur … ne remplirait ni les conditions de qualification professionnelle fixées par l’article 19 (1) c) et (2) de la loi d’établissement ni celles de la directive précitée 89/48/CEE, de sorte que la décision ministérielle serait justifiée.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 5, page 310, et autres références y citées).

2 Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Il se dégage des dispositions de la loi d’établissement qu’une autorisation d’établissement doit être sollicitée de la part du ministre des Classes moyennes préalablement à l’exercice, principal ou accessoire, au Luxembourg, de la profession d’expert-comptable, c’est-

à-dire en vue d’un établissement en tant qu’expert-comptable au Luxembourg.

Afin d’obtenir la délivrance d’une telle autorisation, le postulant doit présenter des garanties suffisantes d’honorabilité et de qualification professionnelles.

Il convient encore de préciser qu’aux termes de l’article 3 alinéa 2 de la loi d’établissement, lorsqu’il s’agit d’une société qui sollicite une autorisation d’établissement, ce sont les dirigeants qui devront satisfaire aux conditions imposées aux personnes physiques.

Concernant les conditions de qualification professionnelle, il suffit qu’elles soient remplies par le chef d’entreprise ou par la personne chargée de la gestion ou de la direction de l’entreprise.

La qualification professionnelle des experts-comptables indépendants, sans préjudice quant à l’application du mécanisme de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur institué par la directive 89/48/CEE, résulte de la possession de l’un des diplômes précisés à l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement et de l’accomplissement d’un stage de trois ans.

Concernant plus particulièrement la nature des diplômes visés, le susdit article 19 (1) c) vise soit un diplôme de fin d’études délivré par un Etat ou un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et certifiant la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable soit un diplôme d’études supérieures représentant la sanction finale d’un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques ou commerciales ou en sciences financières.

Aux termes de l’article 3 a) de la directive 89/48/CEE, - applicable en l’espèce, étant donné qu'en Belgique la profession d’expert-comptable constitue une profession réglementée au sens de l’article 1er point c) de ladite directive -, « lorsque, dans un Etat membre d’accueil, l’accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession d’un diplôme, l’autorité compétente ne peut refuser à un ressortissant d’un Etat membre, pour défaut de qualification, d’accéder à cette profession ou de l’exercer dans les mêmes conditions que les nationaux: si le demandeur possède le diplôme qui est prescrit par un autre Etat membre pour accéder à cette profession sur son territoire ou l’y exercer et qui a été obtenu dans un Etat membre ».

Force est de constater que tant la législation nationale que la directive communautaire prévisées présupposent la possession d’un diplôme d’enseignement supérieur sanctionnant une formation ayant préparé le détenteur à l’exercice d’une activité visée, en l’occurrence l’activité d’expert-comptable.

3 Or, en l’espèce la demanderesse est restée en défaut de produire, que ce soit au cours de l’instruction de sa demande par le ministre des Classes moyennes voire au cours de la procédure contentieuse, un tel diplôme d’enseignement supérieur sanctionnant une formation ayant préparé Monsieur … à l’exercice de la profession d’expert-comptable.

Concernant les pièces produites, il convient de préciser que, d’une part, le titre versé, documentant que Monsieur … est détenteur de « l’insigne d’honneur d’argent de lauréat du travail » du « groupe conseils fiscaux » ne saurait être analysé comme constituant un des diplômes visés par l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement ou la directive 89/48/CEE et, d’autre part, les attestations émanant de l’institut belge des experts-comptables et des conseils fiscaux certifiant que Monsieur … est membre dudit institut et que ledit institut lui a conféré le titre d’expert-comptable ne sauraient ni être assimilés à un des diplômes susénoncés ni encore suppléer à la carence d’un tel diplôme.

Il suit des considérations qui précèdent que la demanderesse a mis le ministre des Classes moyennes dans l’impossibilité d’examiner et de vérifier si Monsieur … remplit les conditions de qualification professionnelle requises pour exercer la profession d’expert-

comptable et, par conséquent, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée et le recours est à rejeter pour manquer de fondement.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître de la demande en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 26 avril 2000, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11571
Date de la décision : 26/04/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-04-26;11571 ?

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