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06/04/2000 | LUXEMBOURG | N°11570

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 avril 2000, 11570


N° 11570 du rôle Inscrit le 6 octobre 1999 Audience publique du 6 avril 2000

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Recours formé par Monsieur … MARASCHIN, … contre deux décisions du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle et contre deux décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matières d’inscription au registre des diplômes et d’agréation au stage d’expert-comptable

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6

octobre 1999 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats...

N° 11570 du rôle Inscrit le 6 octobre 1999 Audience publique du 6 avril 2000

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Recours formé par Monsieur … MARASCHIN, … contre deux décisions du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle et contre deux décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matières d’inscription au registre des diplômes et d’agréation au stage d’expert-comptable

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 octobre 1999 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MARASCHIN, gradué de l’enseignement supérieur économique, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1.

a) d’une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 7 avril 1999, refusant de considérer le diplôme de gradué de l’enseignement supérieur économique de plein exercice de type court, section comptabilité-gestion d’entreprise, obtenu par Monsieur MARASCHIN le 14 septembre 1998, comme étant un grade d’enseignement supérieur au sens de la loi modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur, et refusant l’inscription de ce diplôme au registre des titres d’enseignement supérieur, ainsi que b) de la décision confirmative du 8 juillet 1999 prise par ledit ministre, suite à un recours gracieux du 8 juin 1999 et 2. a) d’une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme du 1er juin 1999 refusant de lui délivrer l’autorisation de s’établir en tant qu’expert-comptable au Grand-Duché de Luxembourg, en s’inscrivant au stage d’expert-comptable, au motif que son diplôme ne remplirait pas les conditions de la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988, ni celles de l’article 19, (1), c) et (2) de la loi modifiée du 28 décembre 1988 concernant le droit d’établissement, ainsi que b) de la décision confirmative du 15 juillet 1999 prise par ledit ministre, suite à un recours gracieux du 8 juin 1999;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur en date du 31 décembre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Jean-Paul MEYERS, en remplacement de Maître Patrick KINSCH, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 14 septembre 1998, la Haute Ecole Catholique du Luxembourg Blaise Pascal (« HEPAS »), dont le département d’économie est établi à Arlon sous le nom d’Institut Supérieur des Aumôniers du Travail (« ISTA »), décerna à Monsieur … MARASCHIN, né à Luxembourg le …, de nationalité italienne, titulaire d’un diplôme de fin d’études secondaires, un diplôme de gradué de l’enseignement supérieur économique de plein exercice et de type court, section comptabilité, option gestion.

Désireux d’exercer la profession d’expert-comptable au Luxembourg, Monsieur MARASCHIN y a introduit une demande de reconnaissance de son diplôme belge par inscription sur la liste des diplômes. Ayant erronément introduit sa demande auprès du ministre des Classes Moyennes et du Tourisme, ce dernier la transmit au ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle.

Par décision du 7 avril 1999, le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, ci-après dénommé le « ministre de l’Education nationale », refusa de considérer le diplôme de Monsieur MARASCHIN comme étant un grade d’enseignement supérieur au sens de la loi modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur et il refusa l’inscription de ce diplôme au registre des titres d’enseignement supérieur.

Suite à un recours gracieux du 8 juin 1999, le ministre de l’Education nationale confirma le 8 juillet 1999 sa décision antérieure.

Parallèlement à sa demande en reconnaissance de son diplôme, Monsieur MARASCHIN avait introduit devant le ministre des Classes moyennes et du Tourisme, ci-

après dénommé le « ministre des Classes moyennes », une demande d’agréation pour accomplir le stage d’expert-comptable requis par la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée « la loi d’établissement ».

Le 1er juin 1999, le ministre des Classes moyennes informa Monsieur MARASCHIN de ce que « le résultat [de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement] m’amène à vous informer que l’exercice de la profession d’expert-comptable est soumis à la possession d’un des titres prévus à la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 et à l’article 19, (1), c) et (2) de la loi susmentionnée.

Etant donné que vous n’avez pas produit ces preuves, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête dans l’état actuel du dossier en me basant sur l’article 3 de la loi susmentionnée. (…) ».

Suite à un recours gracieux du 8 juin 1999, le ministre des Classes moyennes confirma le 15 juillet 1999 sa décision antérieure.

Par requête déposée le 6 octobre 1999, Monsieur MARASCHIN a introduit un recours principalement en réformation et subsidiairement en annulation contre 1. a) la décision précitée du ministre de l’Education nationale du 7 avril 1999 et b) la décision confirmative prise par 2 ledit ministre en date du 8 juillet 1999 et 2. a) la décision précitée du ministre des Classes moyennes du 1er juin 1999 et b) la décision confirmative prise par ledit ministre en date du 15 juillet 1999.

Le demandeur expose que la HEPAS ferait partie des hautes écoles créées en vertu du décret « Hautes Ecoles » belge du 5 août 1995 et que la formation post-secondaire qu’il aurait suivie auprès de la HEPAS se serait étendue sur trois années et constituerait un enseignement de type court, dont les programmes et les matières enseignées « qui sont rigoureusement contrôlés par les autorités de contrôle instituées par le prédit décret sur les Hautes Ecoles, témoignent d’une volonté de maintenir un degré d’enseignement très élevé et de former des gradués en comptabilité de haut niveau ». - Il fait ajouter que le graduat en enseignement supérieur économique de plein exercice et de type court, section comptabilité, option gestion d’entreprise serait repris en Belgique sur la liste des diplômes remplissant toutes les conditions d’accès au stage d’expert comptable, annexée à l’arrêté royal belge du 22 novembre 1990 relatif aux diplômes des candidats experts-comptables et que ledit diplôme serait reconnu par la loi belge sur les professions comptables et fiscales du 22 avril 1999 comme ouvrant à son titulaire le droit de s’inscrire directement au stage d’expert-comptable en Belgique, et d’y exercer la profession.

Concernant les deux décisions prises par le ministre de l’Education nationale, le demandeur soutient en premier lieu que la loi précitée du 17 juin 1963 viserait tout « grade d’enseignement supérieur » et que le ministre compétent ne pourrait légalement refuser l’inscription de son diplôme au motif qu’il ne conférerait pas un titre pouvant être considéré comme un grade d’enseignement supérieur au sens de la loi de 1963.

Selon le délégué du gouvernement, la décision ministérielle d’inscrire ou de ne pas inscrire un diplôme au registre des titres devrait être prise sur base des dispositions légales de l’Etat d’origine.

Il expose, à titre d’exemple, que les diplômes allemands prévus au « Hochschulrahmengesetz » seraient inscrits au registre des titres indépendamment de la durée des études, tout en soutenant qu’il serait erroné de supposer que les titres d’une durée de trois ans ne seraient pas inscrits au registre des titres.

Le représentant étatique expose encore que les diplômes belges « sanctionnant des études supérieures de type long » seraient également inscrits au registre des titres.

Concernant les décisions querellées, le délégué expose que le ministre de l’Education nationale a refusé l’inscription du diplôme du demandeur au motif que la Belgique aurait légalement défini le diplôme de gradué comme « un diplôme sanctionnant un enseignement supérieur (non universitaire) de type court », que « ce cycle d’études n’est pas considéré conformément à la loi belge (loi du 7 juillet 1970) comme titre universitaire » et que l’ISTA n’aurait ni le statut d’établissement universitaire ni d’institut dispensant un enseignement de niveau universitaire.

Or, selon le délégué, l’économie de la loi précitée du 17 juin 1963 serait de ne protéger que les grades universitaires, étant donné que lors de l’élaboration de ladite loi, le terme enseignement supérieur aurait été synonyme d’enseignement universitaire, de sorte que l’inscription d’un titre qui n’est pas considéré dans l’Etat d’origine comme un titre de niveau 3 universitaire ne serait pas « compatible avec la mission que la loi de 1963 octroie au ministre ».

Le délégué ajoute encore que la reconnaissance académique d’un diplôme ne saurait conférer au demandeur dans l’Etat d’accueil plus de droits que ne découlent de la détention du diplôme dans l’Etat d’origine.

Comme l’article 4 de la loi précitée du 17 juin 1963 prévoit un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les décisions du ministre de l’Education nationale susvisées des 7 avril et 8 juillet 1999.

Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable sous ce rapport.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours subsidiaire en annulation des susdites décisions du ministre de l’Education nationale est à déclarer irrecevable.

Aux termes de l’article 1er de la loi précitée du 17 juin 1963 « à l’exception des personnes qui n’ont au Grand-Duché ni domicile ni résidence fixe, nul ne peut porter publiquement le titre d’un grade d’enseignement supérieur a) s’il n’en a obtenu le diplôme conformément aux lois et règlements du pays où le grade a été conféré;

b) si son diplôme, suivi du nom de l‘école ou de l’institution qui l’a délivré, ainsi que l’appellation entière du titre conféré n’ont pas été inscrits au registre des diplômes déposé au ministère de l’éducation nationale.

Sont notamment considérés comme titres d’un grade d’enseignement supérieur au sens de la présente loi les titres de docteur, licencié, ingénieur, architecte ».

Aux termes de l’article 2 alinéa 2 de la loi précitée de 1963 « l’inscription des diplômes étrangers et la détermination du titre exact et complet à porter se feront à la demande des intéressés, par décision du ministre de l’éducation nationale prise sur avis d’une commission des titres d’enseignement supérieur ».

Il convient en premier lieu de relever que l’objet de la loi de 1963 est de protéger au Grand-Duché de Luxembourg les titres d’enseignement supérieur, c’est-à-dire de réglementer le port des titres des grades d’enseignement supérieur national ou étranger et que la réglementation de la reconnaissance des titres académiques ne vise pas la question de la protection de l’exercice des professions.

En outre, contrairement à une demande en homologation d’un diplôme étranger, qui, conformément aux dispositions légales afférentes, appelle l’autorité compétente à entreprendre un examen au fond des études accomplies, une demande d’inscription au registre des diplômes n’implique aucune appréciation par le ministre de l’Education nationale des études accomplies par le demandeur.

4 En effet, en prévoyant que le titre d’un grade d’enseignement supérieur doit être obtenu « conformément aux lois et règlements du pays où le grade a été conféré » pour qu’il puisse être inscrit au registre des diplômes, la loi de 1963 n’appelle le ministre de l’Education nationale à examiner ni la qualité de l’enseignement sanctionné par un diplôme, ni sa durée, mais qu’il est uniquement appelé à constater si le diplôme, dont l’inscription au registre est demandée, représente un titre d’enseignement supérieur légalement conféré (CE 11 mars 1992, Rezette, n° 8635 du rôle).

En d’autres termes, le pouvoir du ministre n’est pas discrétionnaire, mais sa décision doit être guidée par des critères objectifs lui permettant de juger si le document à lui soumis remplit les conditions requises pour être inscrit au registre des diplômes. De tels critères doivent faire abstraction d’une quelconque appréciation de la valeur des études supérieures, de leur durée, et de toute comparaison avec d’autres études supérieures sanctionnées par un diplôme. Seul compte le niveau des études et la qualité du document qui les sanctionne (CE 20 février 1990, Ventzke, n° 8251 du rôle).

Concernant la notion d’«enseignement supérieur », il est vrai qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne définit ce qu’il faut entendre par un enseignement de type supérieur.

Il est cependant encore vrai que la notion employée par le législateur de 1963 est une notion générique n’excluant pas l’enseignement supérieur de type non universitaire.

Dès lors, en l’absence de l’une quelconque disposition de la loi de 1963 par laquelle le législateur a précisé vouloir protéger uniquement les titres des grades d’enseignement supérieur de type universitaire et exclure ceux de type non universitaire, il convient d’appliquer la disposition légale dans toute son étendue et de retenir que la protection des titres et l’inscription des diplômes instituée par la loi de 1963 vise tous les grades de l’enseignement supérieur, tant universitaire que non universitaire.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’argumentation fondée sur ce qu’à l’époque de l’élaboration du texte de loi de 1963, le terme d’enseignement supérieur aurait été synonyme d’enseignement universitaire. En effet, comme l’a fait relever à juste titre le demandeur, lors de l’élaboration de ladite loi les deux types d’enseignement supérieur existaient, de sorte que si le législateur avait voulu restreindre la notion d’enseignement supérieur employée il aurait pris le soin de le préciser en termes exprès. - La loi ayant disposé sans restrictions, le juge ne saurait en réduire la substance en introduisant des exigences qui ne s’y trouvent pas.

En l’espèce, il ressort des pièces versées en cause que Monsieur MARASCHIN a accompli un cycle d’études supérieures de trois ans à l’ISTA, le département d’économie établi à Arlon de la Haute Ecole Catholique du Luxembourg Blaise Pascal.

Il se dégage encore des pièces produites en cause que, d’après le décret belge « Hautes Ecoles » du 5 août 1995, une Haute Ecole est une « institution d’enseignement supérieur, (…) dispensant un enseignement supérieur de type court, de type long ou des deux types (…) » (article 1 1° dudit décret belge), que l’enseignement supérieur de type court est dispensé en un seul cycle comptant au moins trois ans d’études et au plus quatre années d’études (article 14 § 1er) et que les études supérieures de type court sont entre autres sanctionnées par le grade de gradué (article 15).

5 Il ressort encore des pièces produites en cause que, le 14 septembre 1998, la HEPAS a décerné à Monsieur MARASCHIN un diplôme de gradué de l’enseignement supérieur économique de plein exercice et de type court, section comptabilité, option gestion.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le diplôme, dont l’inscription au registre est demandée par Monsieur MARASCHIN, représente un titre d’enseignement supérieur légalement conféré en Belgique et que la seule condition légalement prévue en vue de l’inscription dudit diplôme est remplie en l’espèce.

Par conséquent, par réformation des décisions du ministre de l’Education nationale susvisées des 7 avril et 8 juillet 1999, le diplôme délivré à Monsieur MARASCHIN, suivi du nom de l’institution qui l’a délivré, ainsi que l’appellation dans son intégralité du titre conféré est à inscrire au registre conservé par le ministre de l’Education nationale.

Concernant les deux décisions prises par le ministre des Classes moyennes en date des 1er juin et 15 juillet 1999, le demandeur relève en premier lieu qu’il n’a pas introduit une demande de s’établir définitivement en tant qu’expert-comptable au Luxembourg, mais qu’il a introduit une demande « en vue d’obtenir l’agréation d’accomplir le stage d’expert-comptable au Luxembourg, conformément à la loi du 28 décembre 1988 ». Il a encore précisé que la production « d’une décision par laquelle le Ministre des Classes Moyennes informe les candidats qu’il a pris bonne note du commencement de leur stage » serait exigée par l’Ordre des experts-comptables luxembourgeois avant d’admettre un candidat comme membre stagiaire.

Il soutient en premier lieu qu’en tant que titulaire d’un diplôme de gradué de l’enseignement supérieur économique de plein exercice et de type court, section comptabilité, option gestion délivré par la HEPAS, il remplirait la condition fixée par l’article 19 de la loi d’établissement et qu’en ne précisant pas en quoi ledit titre ne répondrait pas aux dispositions légales, le ministre des Classes moyennes n’aurait pas suffisamment motivé sa décision. Sur ce, soutenant qu’une appréciation et un contrôle de la légalité interne desdites décisions serait impossible il conclut à leur annulation. Dans ce contexte, il précise que ce moyen d’illégalité ne serait pas tiré d’un non-respect de la réglementation relative à la procédure administrative non contentieuse, mais d’un non-respect des dispositions, d’essence supérieure à la loi nationale, de la directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988.

Concernant la légalité interne des susdites décisions, le demandeur, « dans l’hypothèse où le rejet de la demande d’agréation (…) aurait été basé sur le fait que le diplôme du requérant n’a pas été inscrit au registre des diplômes prévu par la loi de 1963, tel qu’exigé par l’article 19, (2) de la loi de 1988 » conclut à l’annulation des deux décisions critiquées « par voie de conséquence de la réformation, sinon de l’annulation, de la décision du Ministre de l’Education nationale de ne pas inscrire le diplôme du requérant ».

Pour le cas où le rejet de la demande d’agréation serait basé sur le fait que son diplôme ne remplirait pas les conditions de l’article 19, (1), c) de la loi d’établissement, il soutient que ledit diplôme correspondrait parfaitement aux critères légaux fixés à l’article 19 (1) c) n° 2 de ladite loi sinon même au n° 1 dudit article.

En ordre subsidiaire, dans la mesure où le rejet de la demande d’agréation est basé sur la directive précitée 89/48/CEE, il soutient que, sur base de l’article 3 de ladite directive, en 6 tant que titulaire d’un diplôme belge qui remplit les conditions posées par les lois belges, pour exercer la profession d’expert-comptable et s’inscrire au stage en Belgique, il faudrait lui permettre d’exercer la profession d’expert-comptable au Luxembourg dans les mêmes conditions que les nationaux disposant d’un diplôme équivalent, c’est-à-dire par l’inscription au stage prévu par les lois respectives. - En ordre plus subsidiaire encore, le demandeur propose au tribunal de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes de la question préjudicielle suivante : « La directive 89/48/CEE doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle est inapplicable lorsque 1) la détention d’un diplôme, délivré par une autorité compétente dans un Etat membre A, dont la reconnaissance est demandée dans un Etat membre B, donne accès dans l’Etat membre A à un stage dont l’accomplissement est indispensable, au regard de la réglementation de l’Etat membre A, à l’autorisation de s’établir définitivement dans une profession réglementée, et que 2) la reconnaissance du diplôme dans l’Etat membre B est sollicitée à des fins d’inscription à un stage dont l’accomplissement est indispensable, au regard de la réglementation de l’Etat membre B, à l’autorisation de s’établir définitivement dans la même profession réglementée? ».

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre des Classes moyennes ne serait pas habilité à octroyer une agréation pour l’accomplissement du stage requis à l’article 19 de la loi d’établissement. Sur ce, il expose que, comme la demande de Monsieur MARASCHIN aurait été « accompagnée des pièces normalement nécessaires pour délivrer une autorisation d’établissement », le ministre l’aurait analysée sous cet angle et, dans les deux décisions négatives querellées, il se serait rallié à l’avis unanimement négatif relativement à la qualification professionnelle de Monsieur MARASCHIN de la commission prévue à l’article 2 de la loi d’établissement, la condition de l’honorabilité professionnelle n’ayant pas été examinée.

Le délégué conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que la loi ne prévoirait pas de recours au fond en la matière.

Au fond, le représentant étatique soutient que Monsieur MARASCHIN ne remplirait ni les conditions de qualification professionnelle fixées par l’article 19 (1) c) et (2) de la loi d’établissement ni celles de la directive précitée 89/48/CEE, de sorte que les décisions ministérielles seraient justifiées.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 5, page 310, et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation des deux décisions critiquées.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

7 Il se dégage des dispositions de la loi d’établissement qu’une autorisation d’établissement doit être sollicitée de la part du ministre des Classes moyennes préalablement à l’exercice, principal ou accessoire, au Luxembourg, de la profession d’expert-comptable, c’est-

à-dire en vue d’un établissement en tant qu’expert-comptable au Luxembourg. Afin d’obtenir la délivrance d’une telle autorisation, le postulant doit présenter des garanties suffisantes d’honorabilité et de qualification professionnelle. La qualification professionnelle des experts-

comptables indépendants, sans préjudice quant à l’application du mécanisme de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur institué par la directive 89/48/CE, résulte de la possession de l’un des diplômes précisés à l’article 19 (1) c) et de l’accomplissement d’un stage de trois ans.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement a relevé qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit que l’inscription au stage prévu par l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement en vue de l’exercice de la profession d’expert-comptable requiert une agréation ou une autorisation d’inscription préalable de la part du ministre des Classes moyennes. Il se dégage de ce constat que ledit ministre n’est pas compétent pour émettre ou refuser pareille agréation.

Par conséquent, abstraction faite de toutes autres considérations et sans qu’il y ait lieu d’examiner les différents moyens d’annulation proposés par le demandeur, les deux décisions ministérielles querellées émises suite à la demande en agréation au stage d’expert-comptable sollicitée par Monsieur MARASCHIN sont à annuler purement et simplement au motif que le ministre des Classes moyennes n’est pas compétent pour en connaître faute de disposition légale spéciale y afférente.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

déclare le recours en annulation dirigé contre les décisions du ministre de l’Education nationale susvisées des 7 avril et 8 juillet 1999 irrecevable;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre lesdites décisions du ministre de l’Education nationale;

au fond le déclare justifié sous ce rapport;

partant, par réformation des décisions du ministre de l’Education nationale susvisées des 7 avril et 8 juillet 1999, dit que le diplôme délivré à Monsieur MARASCHIN, suivi du nom de l’institution qui l’a délivré, ainsi que l’appellation dans son intégralité du titre conféré, est à inscrire au registre conservé par le ministre de l’Education nationale;

se déclare incompétent pour connaître de la demande en réformation dirigée contre les deux décisions du ministre des Classes moyennes prises en date des 1er juin et 15 juillet 1999;

8 reçoit le recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre les susdites décisions du ministre des Classes moyennes;

le déclare également fondé sous ce rapport;

partant, annule les deux décisions du ministre des Classes moyennes des 1er juin et 15 juillet 1999;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 6 avril 2000, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11570
Date de la décision : 06/04/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-04-06;11570 ?

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