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05/04/2000 | LUXEMBOURG | N°11712

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 avril 2000, 11712


Numéro 11712 du rôle Inscrit le 13 décembre 1999 Audience publique du 5 avril 2000 Recours formé par Monsieur … CALLAKU, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11712 du rôle, déposée le 13 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul RIPPINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon

sieur … CALLAKU, de nationalité albanaise, demeurant à L-…, tendant à la réformati...

Numéro 11712 du rôle Inscrit le 13 décembre 1999 Audience publique du 5 avril 2000 Recours formé par Monsieur … CALLAKU, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11712 du rôle, déposée le 13 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul RIPPINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … CALLAKU, de nationalité albanaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 3 novembre 1999 ayant rejeté sa demande en obtention du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 décembre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Véronique ACHENNE, en remplacement de Maître Jean-Paul RIPPINGER, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 25 novembre 1998, Monsieur … CALLAKU, de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur CALLAKU fut entendu en date du 26 août 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le 8 octobre 1999, la commission consultative pour les réfugiés émit à l’unanimité un avis défavorable.

Par décision du 3 novembre 1999, notifiée le 17 novembre 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur CALLAKU de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit :

« Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie (…) ».

Par requête déposée le 13 décembre 1999, Monsieur CALLAKU fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 3 novembre 1999.

L’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours en réformation est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose que toute sa famille aurait fait l’objet de persécutions de la part du régime communiste depuis 1949, époque où son oncle aurait été condamné à huit ans de prison et de travaux forcés du chef de rébellion et d’attentat contre le pouvoir en place, qu’en 1967 son père, Monsieur … CALLAKU, aurait été emprisonné pour une période de trois années pour s’être opposé au régime communiste, en précisant que ce dernier aurait définitivement perdu la vue en raison des mauvais traitements subis lors de cet emprisonnement, et qu’en 1970 toute la famille CALLAKU aurait été déplacée en camp d’isolement. Il se fonde encore sur l’engagement politique de son frère … CALLAKU au sein du parti démocratique en raison duquel ce dernier aurait été arrêté et torturé à plusieurs reprises. Alors même qu’il n’était pas lui-même membre du parti démocratique, le demandeur affirme avoir été arrêté dans le rue le 6 septembre 1998 par trois personnes armées qui auraient émis contre lui-même et son frère la menace de leur « élimination » s’ils continuaient leur activité au sein du parti démocratique. Le demandeur expose que son frère aurait décidé de quitter le pays et de l’emmener avec lui afin de lui épargner des représailles de la part de la police albanaise et des hommes de main des dirigeants communistes suite à son propre départ, étant donné que plusieurs autres militants du parti démocratique auraient été assassinés dans la suite et que son frère aurait été averti de sa « condamnation » et son « arrestation imminente » pour sa participation à l’enterrement du député démocratique Azem HAJDARIT.

Le demandeur conclut de cet exposé des faits qu’il aurait quitté son pays d’origine à la suite d’une crainte légitime d’avoir à subir les répressions violentes et injustes de la police albanaise et qu’un retour serait impensable dans ces conditions, d’autant plus que le nouveau premier ministre en fonction depuis octobre 1999 serait un « communiste pur et dur ».

2 Le délégué du Gouvernement rétorque que le demandeur se réfère au passé politique de sa famille ainsi qu’à l’activité politique de son frère, sans pour autant être lui-même membre d’un parti politique ou invoquer une activité politique propre, de manière à ce qu’il n’établirait pas des éléments subjectifs justifiant une crainte légitime de subir des persécutions. Il ajoute que rien ne permettrait d’admettre que les menaces alléguées à son égard proviendraient effectivement du gouvernement et qu’elles traduiraient une persécution systématique au sens de la Convention de Genève, mais qu’elles s’inscriraient dans le contexte d’une criminalité très répandue en Albanie à l’époque des faits.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais englobe également l’appréciation de la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l'espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 26 août 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir, à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de sa appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, le demandeur ne fait pas état de persécutions systématiques personnelles en raison d’une activité qui lui était propre et les activités politiques et les persécutions de son frère ne sont pas non plus de nature à fonder une crainte légitime de persécution dans son chef, d’autant plus qu’elles n’ont pas été reconnues, suivant jugement du tribunal de ce jour (numéro 11713 du rôle), comme justifiant l’octroi du statut de réfugié politique au dit frère.

Le recours est partant à rejeter comme non fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, 3 reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 avril 2000 par:

Mme LENERT, premier juge, Mme LAMESCH, juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11712
Date de la décision : 05/04/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-04-05;11712 ?

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