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05/04/2000 | LUXEMBOURG | N°11523

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 avril 2000, 11523


Numéro 11523 du rôle Inscrit le 6 septembre 1999 Audience publique du 5 avril 2000 Recours formé par Monsieur … BIVER, … contre une décision du bourgmestre de la Commune de … en matière d’établissements dangereux, insalubres et incommodes

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11523 du rôle, déposée le 6 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à L

uxembourg, au nom de Monsieur … BIVER, agriculteur, demeurant à L-…, tendant à la r...

Numéro 11523 du rôle Inscrit le 6 septembre 1999 Audience publique du 5 avril 2000 Recours formé par Monsieur … BIVER, … contre une décision du bourgmestre de la Commune de … en matière d’établissements dangereux, insalubres et incommodes

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11523 du rôle, déposée le 6 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BIVER, agriculteur, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de … du 21 juillet 1999 lui refusant la délivrance d’une autorisation pour l’établissement de deux réservoirs à gasoil d’une capacité totale de 2.500 litres dans une grange sise dans la rue … à …;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 7 septembre 1999 portant signification dudit recours à l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 1er décembre 1999 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l’administration communale de … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER du 2 décembre 1999 portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur BIVER ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 décembre 1999 par Maître Charles OSSOLA pour compte de Monsieur BIVER ;

Vu la notification d’avocat à avocat de ce mémoire en réplique à Maître Albert RODESCH intervenue le 22 décembre 1999 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, conformément à son article 70 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Charles OSSOLA et Albert RODESCH en leurs plaidoiries respectives.

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Disposant « depuis plusieurs années » de deux réservoirs dans la grange lui appartenant sise dans la rue … à …, Monsieur … BIVER, agriculteur, demeurant à L-…, s’adressa, suivant courrier du 16 février 1999, au bourgmestre de la commune de … en les termes suivants :

« Sehr geehrter Herr Bürgermeister, Ich unterzeichneter … BIVER, Landwirt in …, stelle hiermit den Antrag 2 Tanks für insgesamt 2500 Liter Traktor-Mazout in unserer Scheune gelegen in der rue … zu lagern.

Mein Vater, Herr …, hatte vor ungefähr 25 eine diesbezügliche Genehmigung von der Gemeinde erhalten.

Nach der neuen Commodo-Incommodo Bestimmung haben wir das Umänderungsdatum verpasst.

Wir hoffen auf eine positive Antwort ihrerseits und verbleiben mit freundlichen Grüssen ».

A ce courrier fut annexé un croquis indiquant l’emplacement des réservoirs « au premier étage » sur une plate-forme constituée par le plafond d’un local fermé construit en dur à l’intérieur de la grange visée et recouvrant une partie de sa surface.

Cette demande fit l’objet d’un affichage à la maison communale de … du 27 février au 13 mars respectivement au 29 mars 1999, le délai de réclamation ayant été prolongé au 29 mars 1999 suivant avis au public du 15 mars 1999 « suite à une erreur administrative ». Une publication de l’avis relatif à cette demande d’exploitation eut lieu dans 4 journaux luxembourgeois en date du 27 février 1999. Une réclamation écrite à l’encontre de ce projet fut introduite par Madame …, demeurant à L-…, tandis que Monsieur …, dont les qualités ne ressortent pas plus spécifiquement du dossier, formula des objections orales à l’occasion de l’enquête de commodo et incommodo à laquelle procéda le délégué du bourgmestre en date du 17 mars 1999.

Suite à une visite des lieux effectuée le 8 juillet 1999, le bourgmestre refusa l’autorisation d’exploitation sollicitée par décision du 21 juillet 1999 aux motifs suivants :

« 1. L’installation de deux réservoirs à gasoil dans la grange précitée ne peut être autorisée pour des raisons de sécurité. L’état délabré de la grange et les autres activités y effectuées (p.ex. stockage et traitement avec un insecticide de grains, travaux de soudage) sont en effet incompatibles avec l’installation d’une source d’émanations de gasoils.

2 2. Les riverains sont incommodés de façon intolérable par l’installation projetée, notamment par des odeurs de gasoils à chaque procédé de distribution ».

A l’encontre de cette décision de rejet, Monsieur BIVER fit introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 6 septembre 1999.

Au vu notamment de l’argumentation déployée par le mandataire de l’administration communale de … et tendant à l’application par le tribunal de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés et de ses règlements d’exécution, il échet d’emblée de préciser, avant de trancher la recevabilité et les mérites du recours sous analyse, les dispositions légales applicables en l’espèce au vu des modifications législatives intervenues entre les dates respectives du dépôt de la demande d’autorisation et du présent jugement.

La décision de rejet déférée a été rendue le 21 juillet 1999, date à laquelle la loi modifiée du 9 mai 1990 relative aux établissement dangereux, insalubres ou incommodes était encore en vigueur.

La loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés fixe son entrée en vigueur à travers son article 30 alinéa premier au « 1er juillet 1999 ou, si elle est publiée à une date ultérieure, le premier jour du mois suivant la date de sa publication au Mémorial, à l’exception des dispositions du point 6, de l’article 7 et des dispositions de l’article 9 dont la mise en vigueur est reportée au 1er janvier 2000 ». La loi du 10 juin 1999 ayant été publiée au Mémorial A numéro 100 du 28 juillet 1999, son entrée en vigueur a eu lieu le 1er août 1999 conformément à l’alinéa premier de l’article 30 précité, les exceptions y portées concernant des points spécifiques de confection de dossiers de demandes d’autorisation, ainsi que la procédure d’instruction des demandes d’autorisation et les délais de prise de décisions nouveaux. En son alinéa second ledit article 30 de la loi du 10 juin 1999 dispose qu’à la date d’entrée en vigueur en question, sont abrogés la loi du 9 mai 1990 précitée ainsi que les règlements grand-ducaux pris en son exécution y énoncés plus spécifiquement, de même que d’une manière générale toutes les dispositions légales applicables aux établissements soumis à la loi nouvelle et qui lui sont contraires, étant précisé toutefois que les règlements d’exécution pris en vertu de l’ancienne loi restent en vigueur jusqu’à leur abrogation par les règlements grand-ducaux pris en exécution de la nouvelle loi.

Dès lors qu’au prescrit de l’article 31 alinéa 3 de la loi prévisée du 10 juin 1999, « toute demande introduite avant l’entrée en vigueur de la présente loi et dont l’affichage a été effectué, est traitée suivant les modalités de la loi modifiée du 9 mai 1990 », cette disposition soumet ratione temporis à ladite loi du 9 mai 1990 non seulement l’autorisation correspondante, même octroyée après le 1er août 1999, mais également une décision de refus et la voie de recours ultérieurement introduite à l’encontre de cette dernière. Il s’ensuit en l’espèce que la demande de Monsieur BIVER introduite par courrier du 16 février 1999 et ayant fait l’objet d’un affichage durant la période du 27 février au 29 mars 1999 est restée soumise à la loi modifiée précitée du 9 mai 1990 tant en ce qui concerne la décision de rejet déférée que le recours contentieux présentement sous analyse. L’argument de l’administration communale de l’application de la loi précitée du 10 juin 1999 et de ses règlements d’exécution et du défaut d’intérêt du demandeur en découlant à agir contre une autorité incompétente sous la nouvelle loi doit être écarté, à ce stade, sur base des développements qui précèdent.

L’article 13 alinéa 1er de la loi précitée du 9 mai 1990 instaurant un recours au fond en matière d’autorisations d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes, le tribunal est 3 compétent pour connaître du recours principal en réformation. Il s’ensuit que le recours en annulation est irrecevable. Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai de la loi.

Le demandeur reproche au bourgmestre en premier lieu une violation de la loi en ce que la décision déférée ferait référence à « l’établissement » de deux réservoirs, alors que ces mêmes réservoirs se trouveraient sur place depuis un certain nombre d’années et auraient été sous le couvert d’une autorisation d’exploitation délivrée par le bourgmestre de l’époque au précédent exploitant sur base de la loi du 16 avril 1979 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes. Etant donné encore que sa demande ferait suite à une proposition afférente des autorités communales afin d’adapter les conditions d’utilisation aux regard des prescriptions actuelles de sécurité, elle ne pourrait pas être qualifiée de demande en vue de l’installation nouvelle de deux réservoirs, mais devrait être considérée comme demande d’adéquation éventuelle des conditions d’exploitation antérieurement fixées. N’étant fondée sur aucune prescription légale en matière de sécurité, la décision encourrait la réformation pour violation de la loi.

L’administration communale conteste l’existence d’une autorisation d’exploitation antérieure et toute proposition de sa part en vue d’un réexamen des conditions d’exploitation antérieurement fixées, et affirme n’avoir fait qu’attirer l’attention du demandeur sur le caractère illégal de cette installation et la nécessité d’une autorisation d’exploitation.

Il échet de constater qu’aucune autorisation d’exploitation n’est versée en cause, même suite aux courriers du mandataire du demandeur du 22 décembre 1999 à l’adresse de l’Inspection du Travail et des Mines et au ministère du Travail et de l’Emploi sollicitant la délivrance d’une copie d’une telle autorisation antérieure, de sorte que l’installation des deux réservoirs doit être considérée, d’après les éléments actuels du dossier, comme n’étant pas couverte par une autorisation d’établissement et que le moyen afférent du demandeur doit être rejeté.

L’administration communale justifie encore sa décision de refus déférée par le défaut dans la demande lui soumise de toute indication quant aux mesures projetées en vue de prévenir ou d’atténuer les inconvénients et risques auxquels les réservoirs pourraient donner lieu, tant pour les personnes attachées à l’exploitation que pour les voisins, le public et l’environnement. En l’absence de ces informations pourtant requises par l’article 6 de la loi précitée du 9 mai 1990, le demandeur ne devrait être admis à reprocher au bourgmestre de n’avoir fondé la décision de refus déférée sur aucune prescription légale de sécurité, vu qu’il incomberait au demandeur d’autorisation d’établir que son projet est conforme aux prescriptions légales les plus récentes ou du moins de mettre l’autorité compétente en mesure d’effectuer ce contrôle en versant un dossier complet.

La phase de l’enquête publique, telle que prévue notamment aux articles 7 et 8 de la loi précitée du 9 mai 1990, est un élément essentiel de la procédure de commodo et incommodo qui repose sur des dispositions qui sont d’ordre public, vu qu’elle a pour objet de permettre à la population concernée de s’exprimer par rapport aux causes de danger ou aux inconvénients dégagés le cas échéant par l’existence ou l’exploitation de l’établissement projeté, soit pour la sécurité, la salubrité ou la commodité, par rapport au public, au voisinage, au personnel de l’établissement soit pour l’environnement humain et naturel, tels que prévus à l’article 1er de la loi du 9 mai 1990. L’appréciation de ces causes de danger ou inconvénients potentiels présuppose l’existence, au moment de l’ouverture de l’enquête publique, d’un dossier comportant des renseignements suffisants sur la nature et l’envergure de 4 l’établissement projeté ainsi que les mesures de protection envisagées par l’exploitant (trib.

adm. 9 décembre 1998, Wilhelm, n° 9852, Pas. adm. 1/2000, v° Établissements classés, n° 9).

C’est à cette fin que l’article 6 de ladite loi du 9 mai 1990 prescrit la constitution d’un dossier par le demandeur en autorisation incluant notamment des indications sur les mesures projetées en vue de prévenir ou d’atténuer les inconvénients et les risques auxquels l’établissement pourrait donner lieu, tant pour les personnes attachées à l’exploitation que pour les voisins, le public et l’environnement. L’enquête publique ne doit être entamée qu’à partir du moment où le dossier est considéré comme complet par l’autorité compétente afin que le public puisse obtenir une connaissance utile du projet.

Il s’ensuit que, dès lors que l’autorité compétente estime qu’un dossier n’est pas encore complet, pour défaut de spécification des mesures de protection requises, il lui incombe, conformément au principe de la collaboration procédurale de l’administration consacré par l’article 1er alinéa 3 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, d’attirer l’attention du demandeur en autorisation sur la lacune subsistant dans son dossier et de l’inviter à le compléter avant que l’enquête publique ne soit engagée. Le caractère incomplet du dossier initial de la demande ne saurait par contre constituer un motif pour refuser d’emblée l’autorisation sollicitée.

Etant donné que la demande déposée le 16 février 1999 se réduit à un courrier comportant en annexe un simple croquis sur l’emplacement des réservoirs et accuse partant effectivement des lacunes manifestes quant aux indications sur les mesures de protection à mettre en place, le dit motif, invoqué complémentairement par l’administration communale, loin de justifier la décision négative critiquée, n’est que la preuve supplémentaire du vice résultant d’une information incomplète à disposition du public et entachant l’enquête publique, affectant par voie de conséquence également la légalité de la décision déférée du 21 juillet 1999.

Etant donné que le tribunal ne saurait remédier au vice inhérent à la procédure accomplie, la décision déférée encourt l’annulation qui s’étend également à la procédure de commodo et incommodo. L’annulation ainsi prononcée par le présent jugement remet les parties dans la situation d’une demande introduite avant la date de l’entrée en vigueur de la loi précitée du 10 juin 1999 pour laquelle l’affichage n’a pas encore été accompli, de manière à ce qu’au vœu de l’article 31 alinéa 2 de la dite loi du 10 juin 1999 elle sera dorénavant soumise à cette dernière loi en tant qu’établissement de la classe 4 prévu au n° 224. 4) a) de l’annexe du règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés.

Au vu de la solution ci-avant dégagée, la demande d’expertise ou de visite des lieux formulée par le demandeur doit être écartée pour être dénuée de pertinence.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, 5 au fond le déclare justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation, annule la décision déférée du bourgmestre de la commune de … du 21 juillet 1999, écarte les demandes d’expertise et d’institution d’une visite des lieux, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne l’administration communale de … aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 avril 2000 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef s. SCHMIT s. DELAPORTE 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11523
Date de la décision : 05/04/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-04-05;11523 ?

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