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05/04/2000 | LUXEMBOURG | N°11485

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 avril 2000, 11485


N° 11485 du rôle Inscrit le 20 août 1999 Audience publique du 5 avril 2000

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Recours formé par Monsieur … KLICA contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 20 août 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KLICA, demeurant à L-…, tendant à l’annulatio

n de deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi intervenues respectivement les 6 et 17 a...

N° 11485 du rôle Inscrit le 20 août 1999 Audience publique du 5 avril 2000

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Recours formé par Monsieur … KLICA contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 20 août 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KLICA, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi intervenues respectivement les 6 et 17 août 1999, la première refusant de lui accorder le permis de travail sollicité, et la seconde rejetant un recours gracieux exercé contre la première décision;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle le demandeur a été invité à indiquer au tribunal s’il entendait maintenir son recours;

Vu la déclaration de Maître Gaston VOGEL faite à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 octobre 1999, par laquelle il a déclaré que son mandant entendait poursuivre le présent recours;

Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, constatant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 décembre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Pascal PEUVREL, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par une déclaration d’engagement datée du 18 mai 1999, la société à responsabilité limitée X. sàrl, établie et ayant son siège social à L-4027 Esch-sur-Alzette, 5-7, Place Benelux, introduisit auprès de l’administration de l'Emploi, ci-après dénommée « l’ADEM », une demande en obtention d’un permis de travail en faveur de Monsieur … KLICA, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, pour le poste de manœuvre.

1 Par lettre recommandée du 14 juin 1999, l’ADEM informa la sàrl X. qu’elle était en mesure de lui assigner des candidats appropriés pour l’exercice de la fonction de manœuvre et elle l’a invitée à contacter le placeur en charge du dossier en vue de lui communiquer une date et une plage horaire pour l’assignation des candidats retenus. La sàrl X. ne réserva aucune suite à cette lettre.

En date du 15 juillet 1999, le ministre de la Justice invita Monsieur KLICA à quitter le pays.

Le permis de travail fut refusé à Monsieur KLICA par arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le « ministre », du 6 août 1999 « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes:

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 1855 ouvriers non-

qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - a été invité à quitter le pays - augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi durant les six dernières années : 3.526 en 1993 / 5.313 en 1998.

Sur recours gracieux formé par le mandataire de Monsieur KLICA en date du 11 août 1999, le ministre confirma, en date du 17 août 1999, sa décision initiale du 6 août 1999.

Par requête déposée le 20 août 1999, Monsieur KLICA a introduit un recours en annulation contre l’arrêté ministériel du 6 août 1999, ainsi que contre la décision confirmative du 17 août 1999.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir en premier lieu que les décisions attaquées seraient insuffisamment motivées dans la mesure notamment où les motifs énoncés dans l’arrêté ministériel litigieux du 6 août 1999 seraient trop généraux et ne contiendraient aucune référence à sa situation particulière. Il considère que la décision de refus d’un permis de travail devrait être motivée d’après les éléments de fait objectifs tirés du marché de l’emploi et qu’il faudrait dans cette optique analyser la situation particulière du demandeur d’emploi en question, ce que le ministre aurait omis de faire dans le cas d’espèce.

Le délégué du gouvernement rétorque que la motivation de l’arrêté litigieux serait légale, réelle et suffisante.

Une obligation de motivation expresse exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal d’exécution du 12 mai 1972 2 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.

Dès lors que la motivation expresse d’une décision peut se limiter, conformément à l’article 6 précité, à un énoncé sommaire de son contenu, il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment du refus, quitte à ce que l’administration concernée les complète a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours d’une procédure contentieuse ( Cour adm., 13 janvier 1998, Pas. adm.

1/2000, V° Travail, II. Permis de travail, n° 26 et autres références y citées).

En l’espèce, l’arrêté du 6 août 1999 énonce 4 motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère ainsi qu’un motif tiré de la législation relative aux autorisations de séjour et il suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, cette motivation étant utilement complétée, d’une part, par la décision confirmative du 17 août 1999 et, d’autre part, par le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, de sorte que le demandeur n’a pas pu se méprendre sur la portée à attribuer aux décisions litigieuses.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il s’agit encore d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier les décisions critiquées.

La législation spécifique existant en matière de permis de travail vise à réglementer l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire luxembourgeois et conditionne l’exercice d’un emploi salarié à l’obtention d’un permis de travail préalablement à l’entrée en service, tout en fixant notamment une priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen, ci-après dénommé l’« E.E.E. ».

L’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail a la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (v. trav. parl. relatifs au projet de loi n° 2097, exposé des motifs, page 2).

Au vœu de l’article 28 de la loi précitée du 28 mars 1972, et de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union européenne (U.E.) et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E. sont dispensés de la formalité du permis de travail.

En l’espèce, la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’U.E et de l’E.E.E. se justifie donc, en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité yougoslave, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’U.E. et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E.

3 Après avoir vérifié que la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’U.E. et de l’E.E.E. est, en principe, justifiée en l’espèce, le tribunal doit encore examiner si des demandeurs d’emploi prioritaires aptes à occuper le poste vacant étaient concrètement disponibles sur le marché de l’emploi.

S’il faut, en principe, que le ministre établisse, in concreto, la disponibilité sur place de ressortissants d’un Etat membre de l’E.E.E., susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé, il n’en reste pas moins que l’employeur doit mettre l’ADEM en mesure d’établir cette disponibilité concrète de ressortissants de l’E.E.E..

En l’espèce, il est constant que l’employeur a introduit le 18 mai 1999 auprès de l’ADEM une déclaration d’engagement pour un poste de manœuvre, cette déclaration valant demande en obtention d’un permis de travail pour Monsieur KLICA. Même si cette déclaration mentionne comme date d’entrée en service la date à laquelle le permis de travail serait délivré, il ressort néanmoins des faits de l’espèce que l’employeur n’avait manifestement pas l’intention d’engager une autre personne que celle nommément visée par la déclaration. En effet, il ressort d’une déclaration d’engagement antérieure, introduite le 25 septembre 1998 que Monsieur KLICA a déjà travaillé auprès de la sàrl X. du 10 mars au 11 septembre 1998. Il ressort encore de la lettre précitée de l’ADEM du 14 juin 1999, que celle-ci disposait de candidats appropriés pour occuper le poste en question auprès de la sàrl X. et que l’employeur a été invité à contacter le placeur en charge du dossier afin de lui indiquer la date et la plage horaire qui conviendraient le mieux pour l’assignation des candidats retenus pour le poste. Néanmoins, l’employeur n’a donné aucune suite à cette lettre, de sorte qu’il a mis l’ADEM dans l'impossibilité de lui assigner utilement des candidats et de rapporter ainsi la preuve de la disponibilité concrète de main-d'oeuvre apte à occuper le poste vacant, de sorte qu’aucune autorisation de travail ne saurait être délivrée à Monsieur KLICA. En effet, en refusant les assignations de candidats appropriés proposées par l’ADEM, l’employeur a affirmé sa volonté de vouloir exclusivement engager Monsieur KLICA et non pas l’un quelconque demandeur d’emploi à envoyer par l’ADEM, de sorte que cette volonté a court-circuité la procédure légale suivant laquelle l’ADEM est appelée à assigner des candidats susceptibles d’occuper le poste à pourvoir, bénéficiant de l’accès prioritaire aux emplois disponibles en leur qualité de ressortissants de l’E.E.E. et a ainsi empêché l’ADEM de rapporter la preuve de la disponibilité concrète de main-d’oeuvre apte à occuper le poste en question (trib. adm. 10 juin 1999, Pas.

adm. 1/2000 V° Travail, II. Permis de travail, n° 25, p.328) Il se dégage de ces éléments que l’employeur n’était pas disposé à engager une autre personne et plus particulièrement un ressortissant de l’U.E. ou de l’E.E.E. et que partant toute assignation était, ab initio, vouée à l’échec.

Il suit des considérations qui précèdent que les décisions ministérielles litigieuses se trouvent légalement justifiées par le motif analysé ci-dessus et que l’examen des autres motifs à la base des décisions ministérielles, de même que les moyens d’annulation y afférents invoqués par le demandeur, devient surabondant.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

4 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 5 avril 2000 par le vice-président, en présence de M. Legille greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11485
Date de la décision : 05/04/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-04-05;11485 ?

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