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05/04/2000 | LUXEMBOURG | N°10473

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 avril 2000, 10473


Numéro 10473 du rôle Inscrit le 24 décembre 1997 Audience publique du 5 avril 2000 Recours formé par la société anonyme …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10473, déposée le 24 décembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean HOSS, assisté de Maître Pierre ELVINGER, tous les deux avocats à la Cour

inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme...

Numéro 10473 du rôle Inscrit le 24 décembre 1997 Audience publique du 5 avril 2000 Recours formé par la société anonyme …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10473, déposée le 24 décembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean HOSS, assisté de Maître Pierre ELVINGER, tous les deux avocats à la Cour inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, ayant son siège social à …, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 25 septembre 1997, n° C 7463 du rôle, déclarant la réclamation introduite pour son compte le 31 octobre 1989 contre le bulletin d’établissement en commun du bénéfice commercial de l’année 1984, émis le 16 août 1989, recevable, mais non fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 octobre 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mars 1999 par Maître Jean HOSS, assisté de Maître Pierre ELVINGER, pour compte de la société … S.A.;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Jean HOSS et Pierre ELVINGER, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Ayant été constituée par acte notarié du 4 décembre 1924 sous la forme sociale d’une société en nom collectif et sous la raison sociale “ …”, cette même société se transforma de plein droit en société en commandite simple et prit la dénomination de “ … …” suivant décision de son assemblée générale du 4 mars 1961.

Lors de l’assemblée générale extraordinaire du 1er octobre 1984, les dix associés de la société “ … …” décidèrent de procéder à une augmentation de capital pour le porter de 200.000 francs à 20.400.000 francs moyennant 1) incorporation de divers immeubles, 2) incorporation de réserves et de bénéfices, 3) transformation de créances à charge de la société. La même assemblée générale décida de transformer la société en société anonyme, adopta les nouveaux statuts afférents, retenant la dénomination de “ …, société anonyme ”, et prit la résolution que “ tous les comparants déclarent et reconnaissent qu’en libération intégrale des actions émises, et proportionnellement aux actions leur attribuées et souscrites par eux, ils apportent tous les actifs et passifs du commerce connu et établi au Luxembourg sous la dénomination “ … ”, suivant bilan arrêté au 30 septembre 1984 .. ”.

A la suite de cette transformation, le bureau d'imposition Luxembourg sociétés III émit le 16 août 1989 un bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives pour l’année 1984 fixant le bénéfice commercial courant à … francs et le bénéfice de cession résultant de la transformation à … francs et opérant la répartition des bénéfices ainsi dégagés sur les différents associés de la société en commandite simple “ … et Cie ” en proportion de leurs parts respectives. Dans le chef de quatre associés, à savoir Monsieur A., habitant à B-…, Madame B., habitant à CH-…, Monsieur C., demeurant à CH-…, et Madame D., habitant à CH-…, le bulletin d’établissement prévisé imputa un montant de … respectivement … francs du chef d’un “ bénéfice de cession résultant du transfert de participations dans le patrimoine privé ”.

La société … S.A. formula une réclamation contre ce bulletin d’établissement par lettre de son mandataire du 30 octobre 1989, la motivation de cette voie de recours ayant été fournie par courrier subséquent du 28 novembre 1989. Par cette réclamation elle contesta l’imputation aux quatre associés non résidents précités du bénéfice de cession résultant du transfert de leurs participations dans leur patrimoine privé.

Le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après appelé “ le directeur ”, vida cette réclamation par décision du 25 septembre 1997, n° C 7463 du rôle, déclarant le recours recevable, mais non fondé.

A l’encontre de cette décision directoriale, la société … S.A. fit introduire un recours par requête déposée le 24 décembre 1997.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée “ Abgabenordnung ”, en abrégé “ AO ”, et de l’article 8 (3) 1.

de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant tranché sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin d’établissement en commun. La société demanderesse étant censée avoir formé le recours prévu par la loi à défaut d’avoir elle-même autrement spécifié sa nature, il s’ensuit que le recours est recevable comme tendant à la réformation de la décision déférée pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant aux moyens tirés du droit interne La contestation au fond soulevée par la société demanderesse s’insère dans le cadre du traitement fiscal des plus-values rattachées à la participation dans une société de personnes détenue par un contribuable personne physique lors de la transformation de cette société en société de capitaux. A cet égard, l’article 59 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 sur l'impôt sur le revenu, en abrégé “ LIR ”, pose dans son alinéa (2) le principe de l’évaluation de la participation à sa valeur d’exploitation entraînant la réalisation et l’imposition de la plus-value y inhérente. Dans sa teneur applicable jusqu’à l’année d’imposition 1978, l’article 59 LIR admettait par dérogation à ce principe une évaluation à la valeur comptable, n’entraînant pas la réalisation des réserves occultes, dans l’hypothèse où le contribuable résident détenait, le cas échéant ensemble avec ses proches parents, une participation importante supérieure à 25 pour cent. La loi du 15 juillet 1980 modifiant certaines dispositions de la loi concernant l’impôt sur le revenu a modifié l’article 59 LIR notamment en ce sens que la condition relative à l’ampleur de la participation a été abolie. La société demanderesse estime que la décision directoriale ne serait pas conforme à l’article 59 LIR en ce qu’elle dénierait dans le chef de ses quatre associés non résidents la faculté dérogatoire de l’évaluation de leurs participations respectives à la valeur comptable, alors que les autres associés résidents ont été autorisés à procéder à cette immunisation provisoire.

La société demanderesse expose à cet égard en premier lieu que, si l’article 59 (2) LIR établit en effet le principe que les apports sont à évaluer à leur valeur d’exploitation, l’article 59 (3) LIR permettrait, à titre d’exception, à la société de capitaux de maintenir les valeurs alignées par l’entreprise, la condition de la résidence étant néanmoins fixée pour les apporteurs personnes physiques. En l’espèce, la société demanderesse aurait aligné, dans son bilan d’ouverture les valeurs des apports résultant du bilan final de la société en commandite simple, de sorte qu’aucune réévaluation n’aurait été faite, même pas pour la partie des biens de l’entreprise apportée par les associés non résidents. Ce bilan d’ouverture, comportant les valeurs de l’ensemble des apports - y compris ceux des associés non résidents - sans réévaluation, aurait été accepté par l’administration. S’il avait fallu réévaluer les apports des apporteurs non résidents, seule la part des contribuables résidents aurait pu être maintenue à son ancienne valeur, tandis que la part des apports des apporteurs non-résidents aurait dû être faite à la valeur d’exploitation. Agir autrement aurait eu pour conséquence qu’avec l’émission du bulletin d’établissement, les apporteurs non résidents seraient d’une part imposés pour une prétendue plus-value, mais que, d’autre part, les anciennes valeurs seraient intégralement retenues. Cette façon de procéder constituerait d’abord une distorsion du traitement égalitaire entre les différents apporteurs. Mais en outre, en cas de réalisation ultérieure du bien par la société demanderesse, le bénéfice en résultant serait déterminé par rapport à la valeur de reprise, bien qu’une partie de cette réévaluation ait déjà antérieurement fait l’objet d’une réalisation et d’une imposition en conséquence.

Au vœu des dispositions combinées du paragraphe 11bis de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934 et de l’article 57 LIR, une société en commandite simple est considérée comme n’ayant pas de personnalité juridique distincte de celle des associés, et la participation de chaque associé dans cette société est fiscalement réputée constituer une exploitation autonome et individuelle, de sorte que le bilan de la société ne représente que la somme des bilans des associés. Les dispositions des articles 14 à 60 LIR s’appliquent ainsi individuellement à la participation de chaque associé d’une société en commandite simple, dont l’article 59 LIR, dans la teneur lui conférée par la loi précitée du 15 juillet 1980 et applicable pour l’année d’imposition 1984.

L’article 59 (7) LIR assimile la transformation d’une société en commandite simple en une société anonyme à l’apport d’une entreprise collective à une société de capitaux. La part de chaque associé de la société en commandite simple est considérée comme l’apport d’une part d’une entreprise collective.

L’évaluation par la société anonyme des apports résultant de la transformation est régie par le seul article 59 (1) LIR qui renvoie à l’article 35 alinéas 1er, 2 et 3, première phrase.

Les alinéas (2) et (3) de l’article 59 LIR ne régissent que la seule évaluation par l’associé de sa part dans la société en commandite simple au moment de sa transformation en société anonyme et sont conçus comme suit :

“ (2) Le contribuable apporteur doit, au moment de l’apport, évaluer à leur valeur d’exploitation les biens apportés, y compris les valeurs immatérielles du fonds d’exploitation, sans qu’il puisse retenir, en ce qui concerne les biens de l’actif, des valeurs inférieures, ni, en ce qui concerne les dettes, des valeurs supérieures à celles alignées par la société bénéficiaire de l’apport.

(3) Toutefois, lorsque l’apporteur est une personne physique qui est un contribuable résident ou une société de capitaux résidente pleinement imposable et que la société bénéficiaire de l’apport est une société de capitaux résidente pleinement imposable, l’apporteur peut évaluer au moment de l’apport les biens apportés aux valeurs différentes alignées initialement par la société de capitaux, sans qu’il puisse faire état, en ce qui concerne les biens d’actif, de valeurs inférieures, ni en ce qui concerne les dettes, de valeurs supérieures aux valeurs-limites admissibles au cas où l’entreprise serait continuée sans changement ”.

S’il est bien vrai que l’article 59 LIR imposait dans sa teneur d’origine le parallélisme d’évaluation des biens apportés par la société réceptrice et les associés en cas de participation importante, ce lien est complètement rompu depuis la réforme de cette disposition opérée par la loi précitée du 15 juillet 1980. Dans le système de l’article 59 LIR résultant de cet amendement législatif, “ la liaison entre les évaluations finales de l’apporteur et les évaluations de la société bénéficiaire de l’apport qui est obligatoire suivant le texte actuel dans l’hypothèse d’une participation de plus de vingt-cinq pour cent sera dorénavant facultative ” (doc. parl. 2319, commentaire des articles, p. 9). Il s’ensuit que l’évaluation des biens opérée par la société anonyme issue de la transformation n’influe pas sur l’évaluation des mêmes biens par les associés, les deux évaluations étant la base à la découverte éventuelle de plus-values différentes, de manière à ce que la prise en compte de valeurs divergentes dans le chef des différents associés n’est pas contraire à l’article 59 LIR. Etant donné que les quatre associés en cause en l’espèce n’étaient pas contribuables résidents au moment de la transformation, ils se voyaient privés du droit d’option conféré par l’article 59 (3) LIR et étaient tenus d’évaluer leurs apports à la valeur d’exploitation conformément à l’article 59 (2) LIR.

Le premier moyen laisse en conséquence d’être fondé.

La société demanderesse se prévaut en deuxième lieu de l’article 59 (6) LIR en soutenant que ce texte ne prévoit en principe pas une imposition immédiate puisque les titres sont réputés rester dans le capital investi de l’associé et qu’une imposition ne serait déclenchée que dans les hypothèses limitativement énumérées au point 3. de ce texte. Le cas dont se prévaudrait l’administration, à savoir la perte de la qualité de résident, ne se trouverait pourtant pas vérifié en l’espèce, les quatre associés concernés ayant déjà été contribuables non résidents depuis un certain temps et n’ayant opéré aucun changement de domicile au moment de la transformation de la société ou postérieurement.

L’article 59 (6) LIR dans ses points relevants en l’espèce dispose que “ (6) Lorsque les titres de capital reçus en rémunération de l’apport ne font pas partie de l’actif net investi d’une entreprise ou d’une exploitation soumise à l’impôt sur le revenu et que, dans cette hypothèse, les biens apportés ne sont pas évalués, au moment de l’apport, à la valeur d’exploitation, ces titres seront traités comme s’ils constituaient l’actif net d’une entreprise au sens de l’article 14, n°, acquise au prix fixé d’après l’alinéa 5, sauf que les dispositions particulières suivantes sont à observer : (…) 3. Les titres de capital sont considérés comme prélevés et transférés dans le patrimoine privé à la valeur estimée de la réalisation :

a) lorsque le détenteur déclare qu’il transfère les titres dans son patrimoine privé, b) lorsque le détenteur perd la qualité de contribuable résident, c) lorsque le droit du fisc à l’imposition ultérieure d’un bénéfice de cession est exclu par une convention tendant à éviter la double imposition ”.

Il se dégage de l’économie générale de l’article 59 LIR que cette disposition vise à assurer dans le chef de l’associé concerné l’imposition de la plus-value inhérente à la participation dans la société transformée en cas d’évaluation à une valeur inférieure à la valeur d’exploitation. La situation d’un associé pour l’application de l’article 59 LIR doit être dégagée au moment de la transformation de la société, l’article 59 LIR disposant dans son alinéa (3) que seul le contribuable résident est admis à l’immunisation provisoire de la plus-

value attachée à sa participation dans la société transformée. Dans ce cadre, l’alinéa (6) de cet article ne vise ainsi que le cas d’un associé qui, en sa qualité de contribuable résident au moment de la transformation de la dite société, a pu bénéficier de la faveur accordée par l’article 59 (3) LIR et qui perd ultérieurement cette qualité. Il s’ensuit que la disposition de l’article 59 (6) LIR ne vise pas l’hypothèse d’un associé qui était déjà non-résident au moment de la transformation de la société.

Le deuxième moyen est partant également à rejeter.

Quant au moyen tiré du droit conventionnel La société demanderesse se fonde en troisième lieu sur l’article 24 de la convention du 17 septembre 1970 entre le Luxembourg et la Belgique en vue d’éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ci-après appelée “ la convention ”, telle qu’approuvée par la loi du 14 août 1971. Elle renvoie notamment au paragraphe (6) de cet article en soutenant qu’une entreprise sous forme d’une société en commandite simple luxembourgeoise détenue partiellement par un résident belge ne peut pas être soumise à des impositions plus onéreuses qu’une société similaire entièrement détenue par des résidents luxembourgeois. Etant donné que la prohibition de discrimination ainsi précisée porterait également sur l’entreprise en son entièreté, le Luxembourg serait tenu d’assimiler cette dernière intégralement à une entreprise détenue par des résidents luxembourgeois, de manière à empêcher toute évaluation différente de fractions dans un même bien apporté selon qu’elles sont détenues par des résidents ou des non-résidents de pays différents.

Au vœu de l’article 24 § 1er de la convention, “ les nationaux d’un Etat contractant ne sont soumis dans l’autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation ”.

La société demanderesse ne saurait invoquer l’application de cette disposition qui ne vise que le régime d’imposition dans le premier Etat signataire d’une personne physique ayant la nationalité de l’autre Etat signataire ou d’une société constituée selon la loi de ce même Etat. Or, en l’espèce, la société demanderesse, constituée selon la loi luxembourgeoise et ayant son siège au Grand-Duché, critique une imposition luxembourgeoise, tout comme l’associé en cause qui déclenche l’application de la convention a la nationalité luxembourgeoise et subit les conséquences d’une règle d’imposition luxembourgeoise.

L’article 24 § 6 de la convention dispose plus particulièrement que “ les entreprises d’un Etat contractant, dont le capital est en totalité ou en partie, directement ou indirectement, détenu ou contrôlé par un ou plusieurs résidents de l’autre Etat contractant ne sont soumises dans le premier Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujetties les autres entreprises de même nature de ce premier Etat ”.

La disposition sous analyse ne protège d’une discrimination dans l’imposition de façon expresse que l’entreprise elle-même et non pas les personnes qui la contrôlent. Cette limitation du champ de protection se dégage de la reprise de cette disposition de la convention-modèle de l’OCDE (cf. doc. parl. 1470, exposé des motifs), restreignant ses effets dans cette même mesure, et de l’absence d’un écartement de ce modèle documenté dans les travaux parlementaires. Alors même que la notion d’entreprise ne se trouve pas définie dans la convention, il ressort néanmoins de l’article 3 § 1er n° 6 de la convention que l’entreprise ainsi visée est celle exploitée par un résident de l’Etat signataire concerné. Une société en commandite simple étant, tout comme une société anonyme, qualifiée de résident par l’article 4 de la convention, l’entreprise bénéficiant de la protection conventionnelle ne s’étend qu’aux biens et bénéfices qui se rattachent directement à la société visée tout en excluant de son champ les plus-values imputables au patrimoine personnel d’un associé.

Il résulte de ces éléments que l’article 24 § 6 de la convention prohibe en l’espèce une imposition de la société demanderesse, contrôlée partiellement par un résident belge, divergeant de celle d’une société similaire détenue par des seuls résidents luxembourgeois, dont notamment un régime différent d’imposition dans le chef de la société demanderesse des plus-values latentes inhérentes aux biens transmis . L’imposition personnelle de l’associé de la société demanderesse du chef des plus-values inhérentes à sa participation et faisant partie de son patrimoine personnel reste par contre hors du champ de l’article 24 § 6 de la convention.

Il s’ensuit que l’article 24 § 6 en question ne s’applique pas en l’espèce et que ce moyen laisse pareillement d’être fondé.

Quant au moyen tiré du droit communautaire La société demanderesse invoque en dernier lieu le droit communautaire, alors qu’elle estime que la situation de l’espèce ne constitue pas une situation purement interne, mais rentre également dans le domaine d’application du droit communautaire au vu de l’existence du domicile étranger de plusieurs associés. Par renvoi à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, elle estime que même si, en l’état actuel du droit communautaire, la fiscalité directe ne relève pas de la compétence communautaire, les Etats membres seraient tenus d’exercer leurs compétences en la matière dans le respect du droit communautaire.

L’article 7 du Traité de Rome, interdisant toute discrimination fondée sur la nationalité, prohiberait non seulement les discriminations ostensibles, mais également toute forme dissimulée de discrimination qui aboutit en fait, par son effet pratique, au même résultat.

Ainsi en l’espèce, la condition de résidence inscrite à l’article 59 (3) LIR affecterait principalement les ressortissants communautaires non résidents qui seraient soumis à un régime fiscal plus défavorable quant au fait générateur que les contribuables résidents, alors que les situations de ces deux catégories de contribuables seraient à cet égard du moins similaires et ne justifieraient pas la distinction opérée.

L’examen de ce moyen présuppose la clarification des mouvements migratoires des quatre associés en cause qui se sont vus imposer le bénéfice de cession critiqué. Il résulte des informations fournies par le mandataire de la société demanderesse sur rupture du délibéré que :

1. Monsieur A. avait quitté le Luxembourg en février 1952 et vivait depuis lors à B-

… pour y travailler dans un laboratoire de recherche de la société actuellement dénommée …. Son épouse, Madame … n’a jamais exercé d’activité professionnelle et est retournée au Luxembourg le 27 octobre 1997 suite au décès de son mari. ;

2. Madame B., ayant exercé une activité professionnelle au Luxembourg, s’était établie en Suisse au cours de l’année 1955 sans y exercer d’activité professionnelle ;

3. Monsieur C. était parti du Luxembourg au mois de septembre 1961 pour exercer en Suisse une activité salariée ; il a été naturalisé en tant que citoyen … le 24 novembre 1983 ;

4. Madame D. avait quitté le Luxembourg en octobre 1960 pour y contracter mariage avec un ressortissant suisse et devenir citoyenne suisse sans pour autant exercer une activité professionnelle.

Il ressort de ces éléments de fait que les dames B. et D., ainsi que Monsieur C. ne sauraient invoquer la protection du droit communautaire pour s’être établis en dehors du champ d’application territorial de celui-ci.

D’un autre côté, Monsieur A. a quitté le Grand-Duché en février 1952 pour aller exercer une activité salariée en Belgique. S’il est bien vrai qu’au moment de la transformation de la société demanderesse au cours de l’année 1984 et de l’application du régime d’imposition critiqué de la plus-value en cause, Monsieur A. était résident de la Belgique, autre pays membre de la Communauté Economique Européenne de l’époque, il n’en reste pas moins que son mouvement migratoire du Grand-Duché vers la Belgique, qui est à l’origine de son traitement fiscal différent de celui appliqué aux associés résidents, se situe dans le temps avant l’entrée en vigueur du Traité de Rome en date du 1er janvier 1958, voire encore avant l’acquisition de l’effet direct par l’article 48 de ce même Traité, dans sa teneur applicable en l’année 1984, à l’expiration de la période transitoire. Ce mouvement ne saurait partant bénéficier de la protection communautaire et la situation de Monsieur A. au regard du droit communautaire se cristallise à partir de sa qualité de résident belge à l’expiration de la période transitoire. Etat donné que ce dernier n’a plus accompli de mouvement migratoire en tant que travailleur communautaire depuis ce moment, du moins d’après les éléments du dossier soumis au tribunal, tout comme il ne s’est jamais plaint d’avoir été freiné dans un mouvement migratoire le faisant sortir hors de la Belgique, la société demanderesse ne peut pas utilement invoquer l’article 48 du Traité de Rome pour voir écarter les dispositions de l’article 59 LIR.

Il résulte des développements qui précèdent que recours laisse d’être fondé dans tous ses moyens et doit partant être rejeté.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la société demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 avril 2000 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10473
Date de la décision : 05/04/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-04-05;10473 ?

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