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04/04/2000 | LUXEMBOURG | N°11790C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 avril 2000, 11790C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11790C Inscrit le 17 janvier 2000

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Audience publique du 4 avril 2000 Recours formé par Nuradin HODZIK contre le ministre de la Justice en matière de:

statut de réfugié politique - Appel -

(jugement entrepris n° 11503 du 16 décembre 1999)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour adminis

trative le 3 février 2000 par Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour, au nom de Nuradin HODZIK, de ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11790C Inscrit le 17 janvier 2000

___________________________________________________________________________

Audience publique du 4 avril 2000 Recours formé par Nuradin HODZIK contre le ministre de la Justice en matière de:

statut de réfugié politique - Appel -

(jugement entrepris n° 11503 du 16 décembre 1999)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 3 février 2000 par Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour, au nom de Nuradin HODZIK, de nationalité macédonienne, demeurant à L-1940 Luxembourg, 344, route de Longwy, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 16 décembre 1999.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 28 janvier 2000 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 28 février 2000 par Maître Luc SCHANEN.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 16 décembre 2000.

Ouï le conseiller rapporteur en son rapport, Maître Sandra Cortinovis en remplacement de Maître Luc SCHANEN ainsi que le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro du rôle 11503 et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 août 1999 par Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour, Nuradin HODZIK, de nationalité macédonienne, demeurant à L-1940 Luxembourg, 344, route de Longwy, a demandé principalement l’annulation et subsidiairement la réformation d’une 1 décision du ministre de la Justice du 23 juillet 1999, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement en date du 16 décembre 1999 a déclaré le recours en annulation irrecevable, a déclaré le recours non justifié quant au fond et en a débouté.

Maître Luc SCHANEN, au nom de Nuradin HODZIK, a interjeté appel contre ce jugement moyennant dépôt d’une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 17 janvier 2000.

Ce serait à tort que le tribunal administratif a retenu que la décision dudit ministre était motivée à suffisance de droit.

Les premiers juges auraient estimé à tort qu'une simple formule de style contenue dans toutes les décisions du ministre de la Justice en matière d'asile politique constituait une motivation suffisante.

Le tribunal administratif aurait par ailleurs affirmé à tort que le ministre n'était pas obligé d'énoncer, dans le corps même de la décision, l'ensemble des motifs indiqués des déclarations faites par le demandeur d'asile au cours de l'instruction de ce dossier et en quoi lesdits motifs et déclarations sont insuffisants pour constituer des craintes justifiées de persécution au sens de la Convention de Genève.

Un tel raisonnement ne pourrait subsister alors qu'il viderait de son sens le principe même de l'obligation de motivation, ceci d’autant plus que l'exigence de motivation est consacrée expressément à l'article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre dans les administrations relevant de l'Etat et des Communes et plus particulièrement à l'article 12 de la loi du 3 avril 1996 portant création d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile.

Le délégué du gouvernement, représentant le ministre de la Justice, n'aurait par ailleurs à aucun moment présenté les motifs gisants à la base de la décision dudit ministre.

Ce serait encore à tort que le tribunal administratif a considéré que l'appelant ne remplissait pas toutes les conditions pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié politique alors qu’il aurait déserté au dernier appel de la réserve, refusant, en tant que musulman, devoir tuer ses frères de foi.

Même si d'après une jurisprudence constante, l'insoumission n'est pas en elle-même un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, celle-ci s'accompagnerait d'une considération d'ordre religieuse et l’appelant risquerait par ailleurs une peine disproportionnée à la nature de l'infraction commise, alors que cette peine pourrait atteindre 20 ans d'emprisonnement sur fondement d'une loi macédonienne récente.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 28 janvier 2000 dans lequel il persiste à croire qu'il appartient d’abord à l'appelant d'apporter la preuve que l'avis de la commission consultative pour les réfugiés n'aurait pas été annexé à la décision querellée.

2 En ordre subsidiaire, il y aurait lieu de suivre le raisonnement du tribunal administratif en admettant que la décision du ministre de la Justice, abstraction faite de l'avis de la commission consultative pour les réfugiés, serait en soi suffisamment précise.

Maître Luc SCHANEN a déposé un mémoire en réplique au greffe de la Cour administrative en date du 28 février 2000 dans lequel il fait valoir que c’est avec raison que le tribunal administratif a considéré que l'obligation de motivation incombe au ministre de la Justice et que c'est à ce dernier de prouver que la décision est motivée.

Que la simple indication «me ralliant à l'avis de la Commission consultative pour les réfugiés… et dont je joins une copie en annexe », ne constituerait pas en soi une preuve, ni même une présomption que l'avis a été annexé, alors surtout que lors de la notification d'une décision du ministre de la Justice à un demandeur d'asile, une traduction littérale et complète ne serait pas effectuée, mais uniquement un simple résumé de ladite décision.

Quant au fond, l’appelant rappelle que sa décision de désertion serait basée sur ses convictions religieuses et qu’il risquerait une importante peine de prison s’il était renvoyé en Macédoine.

C’est à juste titre et pour des motifs auxquels se rallie la Cour que les premiers juges sont parvenus à la conclusion qu’il ne ressort pas des éléments du dossier si l’avis de la commission consultative pour les réfugiés a été joint en annexe à la décision litigieuse, de sorte que les motifs énoncés dans ledit avis ne sauraient être considérés comme faisant partie de la motivation énoncée dans l’acte critiqué.

C’est à bon droit que les premiers juges ont décidé que le fait par l’autorité compétente d’avoir précisé dans la décision attaquée qu’il ressort de votre dossier que vous n'invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est pas établie » et que « votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 12 de la loi du 3 avril 1996 constituait une motivation suffisamment précise tant en droit qu’en fait pour permettre à un demandeur d’asile d’assurer la défense de ses intérêts.

La décision du tribunal est par ailleurs motivée à suffisance de droit par l’énonciation et l’interprétation des textes légaux applicables au cas d’espèce, suivie de l’appréciation souveraine des éléments de preuve fournis.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs 3 d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

C’est à bon droit que les premiers juges ont décidé que dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, le juge administratif ne se limite pas à un examen de la pertinence des faits allégués, mais doit apprécier également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

L’examen des déclarations faites par Nuradin HODZIK lors de son audition du 15 mars 1999 telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments, pièces et précisions apportés au cours de la procédure contentieuse, amène la Cour à conclure que c’est pour de justes motifs que le tribunal administratif a retenu que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à faire naître dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il suit des considérations qui précèdent que le premier jugement est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel;

le déclare non fondé;

partant en déboute;

confirme le jugement du 16 décembre 1999 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion LANNERS, vice-présidente, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

le greffier la vice-présidente 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11790C
Date de la décision : 04/04/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-04-04;11790c ?

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