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29/03/2000 | LUXEMBOURG | N°11329

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mars 2000, 11329


N° 11329 du rôle Inscrit le 14 juin 1999 Audience publique du 29 mars 2000

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Recours formé par Monsieur … ALCINDO contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de Monsieur X.

en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 14 juin 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ALCINDO, employé p

rivé, de nationalité cap-

verdienne, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et su...

N° 11329 du rôle Inscrit le 14 juin 1999 Audience publique du 29 mars 2000

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Recours formé par Monsieur … ALCINDO contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de Monsieur X.

en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 14 juin 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ALCINDO, employé privé, de nationalité cap-

verdienne, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 18 mars 1999 lui refusant la délivrance d’un permis de travail ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 9 juin 1999 portant signification de ce recours à Monsieur X., restaurateur, demeurant à L-… ;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle le demandeur a été invité à indiquer au tribunal s’il entendait maintenir son recours ;

Vu la déclaration de Maître Yann BADEN faite à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 octobre 1999, par laquelle il a déclaré que son mandant entendait poursuivre le présent recours ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 octobre 1999 ;

Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, décidant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Maître Olivier TOTH, en remplacement de Maître Yann BADEN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par déclaration d’engagement datée au 11 janvier 1999, entrée à l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée “ l’ ADEM ”, le 12 janvier 1999, Monsieur X., exploitant un café-restaurant à L-…, introduisit une demande en obtention d’un permis de travail en faveur de Monsieur … ALCINDO, demeurant actuellement à L-…, pour le poste d’“ aide-cuisine ”, en indiquant comme date d’entrée en service le 4 janvier 1999.

Le permis de travail fut refusé à Monsieur … ALCINDO, par arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le “ ministre ”, du 18 mars 1999 “ pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 2345 ouvriers non-qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi -

priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) -

poste de travail non déclaré vacant par l’employeur -

occupation irrégulière depuis le 04.01.1999 -

recrutement à l’étranger non-autorisé -

augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi durant les six dernières années : 3526 en 1993/ 5313 en 1998 ”.

Par requête déposée le 14 juin 1999, Monsieur ALCINDO a introduit un recours en annulation sinon en réformation contre ledit arrêté ministériel du 18 mars 1999.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, au motif que la loi ne prévoit pas un recours de pleine juridiction en la matière.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (trib. adm. 4 décembre 1997, n°10404 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 2, p. 309 et autres références y citées).

Aucun recours au fond n’étant prévu ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ;

3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni par aucune autre disposition légale ou 2 réglementaire, le tribunal est en l’espèce incompétent pour statuer en tant que juge du fond.

Le recours de droit commun en annulation, introduit en ordre principal, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait notamment valoir qu’au vu des motifs de refus de l’octroi du permis de travail tirés de l’augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi, de la priorité réservée aux ressortissants de l’Espace Economique Européen, dénommé ci après “ l’E.E.E. ” ainsi que du nombre de demandeurs d’emploi disponibles sur le marché du travail luxembourgeois, il y aurait lieu de constater que le chiffre de 2345 demandeurs d’emploi disponibles pour cet emploi spécifique au Luxembourg serait “ relativement minime ”, que ces motifs ne sauraient être opposés à un étranger non ressortissant de l’E.E.E. et que le seul fait de la disponibilité de 2345 demandeurs d’emploi ne serait pas suffisant pour justifier un refus de délivrance d’un permis de travail. Par ailleurs, le ministre du Travail et de l’Emploi n’aurait pas justifié en quoi ces demandeurs d’emploi seraient disponibles et appropriés pour occuper l’emploi devant être occupé par lui auprès de Monsieur X..

Le délégué du gouvernement estime qu’en vertu de la priorité à accorder à l’emploi des ressortissants de l’E.E.E. et en prenant en considération qu’au moment de l’engagement envisagé du demandeur, la situation du marché de l’emploi luxembourgeois aurait été et serait toujours mauvaise, tel que cela résulterait des statistiques officielles, en ce qu’au 28 février 1999, 5943 demandeurs d’emploi auraient été inscrits aux bureaux de placement de l’ADEM, sans compter les 1680 personnes bénéficiant d’une mesure en faveur de l’emploi ainsi que le fait que, comme la fonction d’aide-cuisinier ne nécessiterait aucune qualification particulière, 2345 personnes non qualifiées, concrètement à la recherche d’un emploi au 28 février 1999, auraient pu occuper l’emploi vacant auprès de Monsieur X., le ministre du Travail et de l’Emploi n’aurait pas été obligé de faire droit à une demande en obtention d’un permis de travail formulée par un non ressortissant de l’E.E.E. “ qui par ailleurs n’était en possession que d’un visa touristique délivré par les autorités françaises, visa valable pendant quarante-cinq jours ”, d’autant plus que ledit visa aurait perdu sa validité au moment de l’introduction de la déclaration d’engagement, étant donné qu’il aurait été délivré le 13 novembre 1998.

Le représentant étatique a encore exposé dans son mémoire en réponse que le demandeur aurait été occupé irrégulièrement depuis le 1er août 1997.

La législation spécifique existant en matière de permis de travail vise à réglementer l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire luxembourgeois et conditionne l’exercice d’un emploi salarié à l’obtention d’un permis de travail préalablement à l’entrée en service, tout en fixant notamment l’accès prioritaire des ressortissants de l’E.E.E.

L’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail a la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi 3 bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (v. trav. parl. relatifs au projet de loi n° 2097, exposé des motifs, p.2).

Au vœu de l’article 28 de la loi précitée du 28 mars 1972, et de l’article 1er du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union européenne, dénommée ci-après “ UE ” et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E. sont dispensés de la formalité du permis de travail.

En l’espèce, la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’UE et de l’E.E.E. se justifie donc, en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité cap-verdienne, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’UE et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E.

Après avoir vérifié que la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’UE et de l’E.E.E. est, en principe, justifiée en l’espèce, le tribunal doit encore examiner si des demandeurs d’emploi prioritaires aptes à occuper le poste vacant étaient concrètement disponibles sur le marché de l’emploi.

S’il faut, en principe, que le ministre établisse, in concreto, la disponibilité sur place de ressortissants d’un Etat membre de l’E.E.E., susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé, il n’en reste pas moins que l’employeur doit mettre l’ADEM en mesure d’établir cette disponibilité concrète de ressortissants de l’E.E.E., en introduisant auprès d’elle une déclaration de vacance de poste. La déclaration de poste vacant, qui peut ressortir le cas échéant d’autres pièces ou documents introduits auprès de l’ADEM, doit être faite avant l’entrée en service du travailleur. Faute par l’employeur de ce faire, l’ADEM est mise dans l’impossibilité de lui assigner utilement des candidats et de rapporter ainsi la preuve de la disponibilité concrète de main-

d’œuvre apte à occuper le poste vacant, de sorte qu’aucune autorisation de travail ne saurait être délivrée aux travailleurs étrangers (trib.adm. 30 avril 1998, Pas. adm.

1/2000, V° Travail, II Permis de travail, n° 19, p.326 et autres références y citées).

En l’espèce, il est constant que l’employeur a introduit le 12 janvier 1999 auprès de l’ADEM une déclaration d’engagement pour un poste d’ “ aide-cuisinier ”, cette déclaration valant demande en obtention d’un permis de travail pour Monsieur ALCINDO. Comme ladite déclaration mentionne comme date d’entrée en service le 4 janvier 1999, soit une date antérieure à la date d'introduction auprès de l'ADEM et que la demande d’embauche est limitée à une seule personne, l’administration n’était pas tenue d’assigner d’autres candidats à l’employeur qui n’avait manifestement pas l’intention d’engager une autre personne que celle nommément visée et d’ores et déjà entrée en service. La date d’entrée en service de Monsieur ALCINDO auprès de Monsieur X., à savoir le 4 janvier 1999, a été confirmée par les parties à l’instance, sur question du tribunal, étant entendu qu’à cette occasion le délégué du 4 gouvernement a informé le tribunal que son mémoire en réponse contenait une erreur matérielle dans la mesure où il y aurait lieu de remplacer la date de l’occupation irrégulière y mentionnée, à savoir le 1er août 1997, par la date du 4 janvier 1999.

Dans ces circonstances, le ministre n’a pas été mis en mesure d’établir concrètement l’existence de travailleurs appropriés et disponibles sur place, qui auraient pu bénéficier d’une priorité d’emploi en leur qualité de ressortissants d’un Etat membre de l’U.E. ou de l’E.E.E., avant l’entrée en service effective du demandeur.

Il suit des considérations qui précèdent que la décision ministérielle de refus litigieuse se trouve légalement justifiée par les motifs analysés ci-dessus et que l’examen des autres motifs à la base de la décision ministérielle, de même que des moyens d’annulation y afférents invoqués par le demandeur, devient surabondant.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Nonobstant le fait que Monsieur X., auquel la requête introductive d’instance a été signifiée, n’a pas fait déposer de mémoire, l’affaire est néanmoins réputée être jugée contradictoirement, en vertu de l’article 6 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, étant donné que la présente instance est régie par la loi précitée du 21 juin 1999, par application de l’article 70 alinéa 3 de la loi en question, tel que cela a été constaté par le jugement précité de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 29 mars 2000 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11329
Date de la décision : 29/03/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-03-29;11329 ?

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