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23/03/2000 | LUXEMBOURG | N°11522

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mars 2000, 11522


N° 11522 du rôle Inscrit le 6 septembre 1999 Audience publique du 23 mars 2000

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Recours formé par Monsieur … MEDJEDOVIC et son épouse Madame X.

contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11522 et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 1999 par Maître Danièle WAGNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom

de Monsieur … MEDJEDOVIC et de son épouse Madame X., tous les deux de nationalité yougoslave, res...

N° 11522 du rôle Inscrit le 6 septembre 1999 Audience publique du 23 mars 2000

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Recours formé par Monsieur … MEDJEDOVIC et son épouse Madame X.

contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11522 et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 1999 par Maître Danièle WAGNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … MEDJEDOVIC et de son épouse Madame X., tous les deux de nationalité yougoslave, ressortissants du Monténégro, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 27 juillet 1999, notifiée le 4 août 1999, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle les demandeurs ont été invités à indiquer au tribunal s’ils entendaient maintenir leur recours;

Vu la déclaration de Maître Danièle WAGNER faite à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 octobre 1999, par laquelle elle a déclaré que ses mandants entendaient poursuivre le présent recours;

Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, décidant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé par les demandeurs le 6 janvier 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Yvette NGONO-YAH, en remplacement de Maître Danièle WAGNER, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 30 octobre 1998, Monsieur … MEDJEDOVIC et son épouse Madame X., tous les deux de nationalité yougoslave, ressortissants du Monténégro, agissant tant en leur nom 1 personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur …, demeurant ensemble à L-…, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Ils furent entendus respectivement les 6 et 8 janvier 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 1er juillet 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur et Madame MEDJEDOVIC-X., par lettre du 27 juillet 1999, notifiée le 4 août 1999, que leur demande avait été rejetée aux motifs suivants:

« Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi, une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie (…) ».

Par requête déposée en date du 6 septembre 1999, les époux MEDJEDOVIC-X. ont introduit un recours en réformation sinon en annulation contre la décision ministérielle précitée du 27 juillet 1999.

Le tribunal étant compétent, en vertu des dispositions de l’article 13 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, pour statuer en tant que juge du fond en la matière, le recours en réformation, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Le recours en annulation est partant irrecevable.

Les demandeurs estiment en premier lieu que la décision du ministre de la Justice serait insuffisamment motivée en droit et en fait en ce qu’elle ne reposerait pas sur des motifs clairs et précis.

Une décision administrative est motivée à suffisance de droit si l’auteur de la décision déclare se rallier à l’avis d’une commission consultative et que cet avis est annexé en copie à la décision (trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure administrative non contentieuse, III. Motivation de la décision administrative, p. 261, n° 35 et autres références y citées).

En l’espèce, le moyen d’annulation invoqué par les demandeurs consistant à soutenir que la décision ministérielle critiquée serait entachée d’illégalité pour absence de motivation, n’est pas fondé, étant donné qu’il ressort des pièces versées au dossier que la décision du ministre de la Justice du 27 juillet 1999, ensemble l’avis de la commission consultative pour les réfugiés auquel le ministre s’est rallié, en en adoptant également les motifs, et qui a été annexé 2 en copie à la décision en question, de sorte qu’il en fait partie intégrante, indiquent de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels le ministre s’est basé pour justifier sa décision de refus, motifs qui ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance de la demandeurs.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il convient encore d’examiner si la décision ministérielle n’est pas le résultat d’une mauvaise appréciation de la situation personnelle des demandeurs.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir que ce serait à tort que le ministre de la Justice aurait retenu qu’ils n’auraient pas invoqué des craintes sérieuses de persécution pour une des raisons visées par la Convention de Genève, alors qu’il résulterait des rapports d’audition précités que Madame X. a indiqué qu’elle avait « peur devant les provocations de la population serbe ». Elle aurait en outre indiqué qu’en tant que musulmane, elle n’aurait pas pu terminer ses études universitaires, étant donné que l’université de Prizren, qu’elle fréquentait avant son départ, était dirigée par des Serbes. Elle aurait encore relevé que son mari aurait été arrêté par la police serbe sans raison apparente, lorsqu’il circulait en voiture à Novi-Pazar et que le « but aurait été non pas de faire un contrôle des papiers, mais d’exiger de l’argent avant de le laisser partir à nouveau ». Les demandeurs estiment partant qu’ils auraient établi une crainte de persécution liée à leur religion musulmane.

Ils estiment par ailleurs qu’il régnerait au Monténégro une « atmosphère générale d’insécurité, provoquant chez les requérants un sentiment d’appréhension quant à leur propre sort ». Même s’ils n’avaient pas personnellement fait l’objet de mauvais traitements, néanmoins le sort subi par des parents ou par des amis ou par d’autres membres du même groupe racial ou social pourrait attester une crainte fondée dans le chef des demandeurs d’être eux-mêmes tôt ou tard victimes de persécutions. Ainsi, la situation au Monténégro avant leur départ aurait été telle qu’ils auraient avec raison pu craindre, en raison de leur religion musulmane, de subir des « persécutions, représailles, molestassions, traitements arbitraires et exactions des Serbes » Le délégué du gouvernement fait valoir que les demandeurs fonderaient leur demande d’asile sur l’atmosphère générale d’insécurité régnant au Monténégro. A cet égard, il soutient que la situation générale du pays d’origine ne justifierait pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié politique.

En ce qui concerne leur appartenance à la communauté musulmane et les persécutions qu’ils subiraient à cause de cette appartenance, il relève que cette affirmation serait en contradiction avec leurs déclarations faites au cours de leurs auditions respectives. En effet, Monsieur MEDJEDOVIC, interrogé sur le motif de sa venue au Luxembourg, a déclaré :

« Asyl, ich wollte hierher kommen damit meine Frau unser erstes Kind sicher zur Welt bringt, da eine gute Geburt viel Geld in unserem Land kostet. Wir haben im Moment nicht viel Geld und es war demnach besser hierher zu kommen, da auch die politische Situation nicht so stabil war. Sobald die Situation besser ist, möchten wir zurückkehren ». Le délégué du gouvernement souligne en outre que le demandeur a affirmé lui-même que le président DJUKANOVIC « ist den Musulmanen sehr freundlich gestimmt und macht keinen Unterschied zwischen Serben und Musulmanen, wir sind alle Montenegriner ». Il conclut dès lors qu’une crainte raisonnable d’être persécuté au sens de la Convention de Genève ne pourrait pas se dégager des explications fournies par les demandeurs.

3 Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des demandeurs.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur et Madame MEDJEDOVIC-X. lors de leurs auditions du 6 et 8 janvier 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que les demandeurs ont quitté leur pays en raison de l’insécurité générale régnant au Monténégro et en raison du fait qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour financer l’accouchement de leur premier enfant dans un hôpital et que les éléments ayant trait à une prétendue persécution à cause de leur appartenance à la communauté musulmane, à défaut par les demandeurs d’avoir établi des circonstances particulières dans leur chef, ne s’analysent pas en une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le recours est dès lors à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, 4 condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 23 mars 2000, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11522
Date de la décision : 23/03/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-03-23;11522 ?

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