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23/03/2000 | LUXEMBOURG | N°11250

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mars 2000, 11250


N° 11250 du rôle Inscrit le 19 avril 1999 Audience publique du 23 mars 2000

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Recours formé par Monsieur … PEPIN, … contre une décision implicite de refus du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11250 et déposée le 19 avril 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex BONN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour

g, au nom de Monsieur … PEPIN, …, demeurant à L-…, par laquelle est introduit un recours à l’en...

N° 11250 du rôle Inscrit le 19 avril 1999 Audience publique du 23 mars 2000

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Recours formé par Monsieur … PEPIN, … contre une décision implicite de refus du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11250 et déposée le 19 avril 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex BONN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PEPIN, …, demeurant à L-…, par laquelle est introduit un recours à l’encontre d’une décision implicite de refus du directeur de l’administration des Contributions directes rendue suite à une demande en date du 29 juillet 1998 tendant à obtenir la remise par voie gracieuse équivalente à la somme du principal et des accessoires de l’imposition pour l’année 1987, établie par un bulletin d’impôt du 4 octobre 1989, découlant de la mise en compte par l’administration de la part du bénéfice qu’il aurait prétendument tiré d’une participation dans une entreprise X. & PEPIN pendant l’exercice 1987, ladite requête contenant une demande en relevé de la forclusion encourue par l’omission d’avoir introduit sa demande de remise dans les délais légaux;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle le demandeur a été invité à indiquer au tribunal s’il entendait maintenir son recours;

Vu la déclaration de Maître Alex BONN faite à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposée au greffe du tribunal administratif, par laquelle il a déclaré que son mandant entendait poursuivre le présent recours;

Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, décidant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 novembre 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur le 21 décembre 1999;

Vu les pièces versées en cause;

1 Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean STEFFEN, en remplacement de Maître Alex BONN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année civile 1983, daté du 31 octobre 1988, Monsieur … PEPIN, …, demeurant à L-…, fut notamment imposé du chef d’un bénéfice commercial d’un montant de …- francs ainsi que d’un revenu provenant d’une occupation salariée d’un montant de …- francs.

Par courrier du 9 novembre 1988, le mandataire de Monsieur PEPIN introduisit une réclamation contre ce bulletin. Dans sa réclamation, il fit soutenir qu’il n’aurait jamais réalisé de bénéfice commercial ni n’aurait exercé une activité commerciale. Il précisa qu’un collègue de travail, Monsieur X., l’aurait induit à former avec lui, le 16 mars 1983, à parts égales, une société sous la raison « X. & PEPIN » en vue de l’exploitation d’un garage, mais que cette société n’aurait ni été réalisée [sic] ni n’aurait été opérationnelle à un quelconque moment.

Reconnaissant avoir travaillé chez X., il fit préciser qu’il n’aurait touché qu’un salaire mensuel en-dessous du salaire social minimum.

Par lettre du 10 novembre 1988, l’administration des Contributions directes, ci-après dénommée « l’administration », informa le réclamant que l’imposition comprendrait son revenu réalisé dans l’entreprise collective X. & PEPIN, dont le revenu aurait été établi en commun et séparément par l’administration, conformément au paragraphe 215 alinéa 2 de la loi générale des impôts - ci-après dénommée « AO » -, et que le bulletin d’établissement séparé avait déjà été notifié le 14 mars 1988 à la société de fait sans qu’une réclamation n’eût été faite dans le délai légal, de sorte que le réclamant serait forclos à contester lesdits revenus.

Suite à un échange de courrier, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », a retenu, par décision avant dire droit du 17 avril 1991, que « la part de bénéfice litigieuse n’est pas dûment établie à l’égard du réclamant et ne peut, en cet état, être retenue aux fins du § 218 al. 2 AO dans le cadre du bulletin de l’impôt sur le revenu et du contentieux y relatif ».

Cette décision est principalement basée sur les considérations « que les décisions individuelles régies par la loi générale des impôts ne sortent leurs effets qu’après notification régulière à partie (§ 91 AO); que si la notification des bulletins d’établissement séparé et en commun du § 215 AO peut se faire, à défaut de mandataire commun, entre les mains de l’un quelconque des communistes ou associés avec effet pour et contre les autres (§ 219 al. 1er AO), cette représentation légale suppose l’existence d’une communauté ou société au moment de la notification (Conseil d’Etat du 19 décembre 1986 n°7721) et n’opère expressément qu’entre les communistes ou associés, à l’exclusion donc d’un tiers tel que la société, à supposer qu’elle soit personnalisée; qu’en l’espèce le bulletin d’établissement séparé et en commun des bénéfices réalisés en 1983 par les coexploitants présumés du garage sis…, n’a été adressé pour notification qu’à la société de fait X. et PEPIN et à une époque où elle n’était déjà plus supposée exister ».

Il convient de préciser que ladite décision du 17 avril 1991 n’a pas réformé le bulletin entrepris ni ordonné le remboursement des montants éventuellement perçus par l’administration, mais, avant dire droit, sur base des paragraphes 243 et 244 AO, le directeur a 2 requis de la part de Monsieur PEPIN la production d’informations supplémentaires pour l’imposition des salaires par lui perçus.

Par lettre du 7 mai 1991, le mandataire de Monsieur PEPIN, d’une part, donna suite à la prédite demande du directeur et, d’autre part, se fondant sur une identité de situation et de motifs, introduisit une demande pour être relevé de l’imposition de sa part prétendue dans le bénéfice commercial prétendu des années 1984, 1985 et 1986.

Par décision du 4 juin 1991, le directeur fixa l’impôt dû au titre de l’année 1983, par voie de taxation du revenu net provenant d’une occupation salariée selon le § 217, alinéa 2 AO.

Par décision séparée du 4 juin 1991, le directeur rejeta les réclamations contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1984 à 1986 pour être tardives. Le directeur releva spécialement que « le réclamant n’allègue même pas de circonstance susceptible de justifier un relevé de forclusion (§ 86 AO) ».

Par lettre du 12 juin 1991, le mandataire de Monsieur PEPIN introduisit devant le directeur, tout en se réservant le droit d’introduire un recours contentieux devant le Conseil d’Etat, un recours gracieux contre la décision du 4 juin 1991 ayant rejeté comme tardives les trois réclamations contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1984 à 1986.

Par décision du 27 juin 1991, le directeur déclara le recours gracieux du 12 juin 1991 irrecevable, au motif que la décision attaquée « a été prise par le directeur des contributions dans l’exercice de sa juridiction de première instance au contentieux de l’impôt et selon les règles de procédure de la loi générale des impôts; qu’elle bénéficie donc de l’autorité de la chose jugée dont le premier effet est de s’opposer à un réexamen de la cause par le même juge et que le §94 AO interdit expressément toute modification d’une décision contentieuse ».

Par lettre du 31 juillet 1991, ledit mandataire demanda à « relever le requérant de la forclusion essuyée dans ses réclamations contre les impositions sur le revenu de 1984, 1985 et 1986 et annuler ces impositions pour les motifs qui ont conduit à l’annulation de l’imposition du bénéfice prétendument réalisé par le requérant en 1983, sinon procéder à l’annulation en question par voie de décision gracieuse pure et simple ».

Un recours contentieux introduit le 29 août 1991 aux mêmes fins fit l’objet d’un arrêt du Comité du contentieux du Conseil d’Etat en date du 5 mai 1993. Dans cet arrêt le Conseil d’Etat reçut le recours en la forme, le déclara justifié pour autant et dans la mesure où il était dirigé contre la décision du directeur ayant déclaré tardives les trois réclamations produites contre les impositions des années 1984, 1985 et 1986, sans se prononcer sur un relevé de forclusion régulièrement sollicité, pour le surplus, le Comité du contentieux se déclara incompétente pour statuer sur la question de savoir si la demande en relevé de forclusion du premier degré était suffisamment justifiée quant au fond et elle renvoya le dossier au directeur pour qu’il prenne « telles mesures que de droit en conformité avec les dispositions du présent arrêt ».

L’exposé des motifs dudit arrêt contient notamment les considérants suivants:

« Considérant que selon l’article 131 de la loi générale sur les impôts, une remise gracieuse n’est envisageable que si, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement 3 dans le chef de la personne du contribuable, la perception de l’impôt apparaît comme constituant une rigueur incompatible avec le principe de l’équité;

Considérant que pour établir la rigueur des bulletins d'imposition en cause, ainsi que la situation subjective du requérant, le mandataire de ce dernier invoque les circonstances de fait suivantes:

Pour les années 1983-1984-1985-1986 le requérant a été imposé par taxation du chef d'un prétendu bénéfice commercial qui n'a jamais été réalisé; que sur réclamation de son avocat en date du 9 novembre 1988 contre l'imposition de 1983 le requérant a obtenu satisfaction en ce sens qu'elle fut annulée par décision directoriale du 17 avril 1991; que vingt jours plus tard, c'est-à-dire par lettre du 7 mai 1991, l'avocat du sieur Pepin fournit au directeur les renseignements réclamés, tout en sollicitant pour identité de motifs l'annulation des impositions pour les années 1984-1985-1986; qu'à l'appui de cette demande il est allégué que le requérant n'a pas eu connaissance des fixations de bénéfice servant de base auxdites impositions et que, de toute façon, il n'a en fait jamais participé à de tels bénéfices; que par les renseignements fournis, non autrement contestés en cause, il appert que le prétendu associé X.. a laissé son ouvrier Pepin à l'insu total des affaires traitées et des bénéfices réalisés; que par ailleurs il est encore acquis à suffisance de droit que Pepin n'a touché pendant les années concernées qu'un gain mensuel de 20.000 francs, y non compris les repas et logis durant les cinq jours de travail par semaine; que dans ces circonstances, c'est-à-dire au plus tard à partir de la décision précitée du 17 avril 1991 (dans laquelle il est expressément retenu que pour l’année 1983 déjà la part de bénéfice litigieuse n'est pas dûment établie à l'égard du réclamant Pepin, ceci principalement du fait que "le bulletin d'établissement séparé et en commun des bénéfices réalisés en 1983 par les coexploitants présumés du garage sis …, n'a été adressé pour notification qu'à la société de fait X. et Pepin et à une époque où elle n'était déjà plus supposée exister"), le directeur devait savoir que les impositions afférentes ultérieures n'étaient pas fondées non plus et que partant il ne pouvait entériner cette situation illégale au détriment du requérant en opposant à ce dernier une fin de non-recevoir pour forclusion; que pour identité des motifs ayant justifié la décision favorable du 17 avril 1991, le mandataire du requérant devait donc nécessairement admettre que la légalité rétablie par le directeur pour l'exercice 1983 en vertu de sa décision précitée, celle-ci aurait le même effet pour les trois exercices subséquents, de sorte que par là même toute forclusion devait être considérée comme levée; que dès lors une demande formelle en relevé de forclusion était devenue superfétatoire, tout comme la motivation de pareille demande devait se dégager logiquement des faits et rétroactes allégués par le requérant et non autrement contredits ou énervés au fond par l'administration;

Considérant qu’il résulte par ailleurs de la correspondance échangée et des pièces versées au dossier que la situation du requérant Pepin était devenue encore plus confuse et impénétrante par la seule faute de X., de sorte que les retards effectivement survenus lors des réclamations contre les impositions de 1984-1985-1986 ne sauraient être imputés de négligence fautive au mandataire ni à plus forte raison au requérant pour lui barrer définitivement toute voie de recours au fond en la présente espèce;

Considérant que dans cet ordres d’idées, le Comité du contentieux estime que la réclamation du requérant en date du 31 juillet 1991 entre les mains du directeur de l’Administration des contributions constitue un mémoire circonstancié et motivé, expliquant à suffisance de droit les circonstances indépendantes de la volonté aussi bien du requérant que de son mandataire ayant causé les omissions et retards reprochés, de sorte que cette 4 réclamation doit être considérée comme demande valable en relevé de forclusion, tout comme le recours subséquent, introduit et déposé au Conseil d’Etat le 29 août 1991;

qu’il en suit que face aux excuses de fond pertinemment et valablement invoquées par le requérant, le directeur de l’Administration des contributions n’est pas habilité à refuser d’y statuer, alors que, d’une part, la réclamation du 31 juillet 1991 tout comme le recours subséquent du 29 août 1991 constituent à chaque fois une demande en relevé de forclusion motivée susceptible d’être vidée par l’autorité compétente et que, d’autre part, les moyens de non-recevoir invoqués par le directeur ne sont pas couverts en l’espèce par les paragraphes allégués 85, 86 et 87 de la AO;

Considérant toutefois que pour des raisons d’ordre public et de compétence le Comité retient qu’il incombe en premier lieu au directeur de statuer sur une demande en relevé de forclusion du premier degré, pour arriver ensuite aux réclamations de fond et de les accueillir, le cas échéant, comme il l’a fait précédemment au sujet de la réclamation sur l’imposition de 1983;(…) ”.

Etant donné qu’aucune suite ne fut donnée par le directeur à cet arrêt, le mandataire de Monsieur PEPIN introduisit le 30 janvier 1995 un nouveau recours devant le Conseil d’Etat, sollicitant que le Comité du contentieux statue par voie d’évocation.

Par arrêt du 12 mars 1996, le Conseil d’Etat rejeta ce recours au motif que le dossier avait été renvoyé par le prédit arrêt du 5 mai 1993 devant le directeur et que “ l’article 473 du Code de procédure civile n’était pas applicable en l’espèce ”.

Aucune décision directoriale n’étant intervenue par la suite, un nouveau recours a été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 1997. Dans ce recours, Monsieur PEPIN demanda la réformation sinon l’annulation des bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1984 à 1986 sinon la remise gracieuse des impositions litigieuses.

Par jugement du 30 avril 1998, le tribunal administratif a reçu ledit recours, en ce qu’il tendait à la réformation du silence du directeur de l’administration des Contributions directes suite à l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 mai 1993, en la forme; au fond, le tribunal l’a déclaré justifié; il a relevé le demandeur de la forclusion encourue pour introduire une demande de remise gracieuse totale ou partielle des impositions pour les exercices 1984, 1985 et 1986 et lui a accordé une remise gracieuse équivalente à la somme du principal et des accessoires de l’imposition découlant de la mise en compte par l’administration de la part de bénéfice litigieuse, à savoir les prétendus bénéfices commerciaux tirés par le demandeur de sa prétendue participation à l’entreprise X. & PEPIN pendant les exercices 1984, 1985 et 1986; le tribunal a encore renvoyé l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution et prosécution et il a condamné l’Etat aux frais, à l’exception des frais de signification du recours, lesquels sont restés à charge du demandeur.

Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment considéré que « l’autorité de la chose jugée qui s’attache à une décision résulte non seulement de son dispositif, mais encore à ceux des motifs qui en forment le soutien nécessaire.

Par conséquent, en l’espèce, l’autorité de l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 mai 1993 s’attache donc, outre au dispositif, à l’ensemble des considérants qui s’y rattachent par un 5 lien indissoluble, de sorte que le tribunal administratif est amené à analyser le recours lui soumis dans le cadre tracé par ledit arrêt.

Ainsi, c’est à bon droit que le demandeur fait rappeler que le Conseil d’Etat a, d’ores et déjà, placé le litige sous l’empire exclusif du paragraphe 131 AO, étant précisé que la disposition dudit paragraphe ne permet pas de remettre en question la détermination de l’impôt, cette dernière étant soumise à d’autres voies de recours (trib. adm. 5.03.1997, no. du rôle 9220, Pas. adm. 98/1. V° Impôts, III remise gracieuse, no.25, p.80).

En l’absence de décision directoriale, le tribunal, substitué au directeur, est appelé en premier lieu à statuer sur la demande en relevé de forclusion valablement présentée par le demandeur, tel que cela ressort de l’arrêt précité du Conseil d’Etat du 5 mai 1993.

Conformément au paragraphe 86 AO, “ Nachsicht wegen Versäumung einer Rechtsmittelfrist kann beantragen, wer ohne sein Verschulden verhindert war, die Frist einzuhalten. Das Verschulden eines gesetzlichen Vertreters oder eines Bevollmächtigten steht dem eigenen Verschulden gleich ”.

Afin d’atténuer les rigueurs de la forclusion, le législateur permet à l’instance de recours de relever de la déchéance encourue le contribuable qui a été empêché sans sa faute d’interjeter la réclamation dans le délai légal (v. Jean OLINGER, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, in Etudes fiscales, novembre 1989, No.83, p.62).

S’il est vrai que l’indulgence se mérite, étant donné qu’il est dans l’intérêt de la sécurité des rapports juridiques de respecter les délais de procédure, d’autant plus que les conditions de recevabilité des réclamations sont réduites à un minimum, il n’en reste pas moins que, en l’espèce, dans le cadre prétracé par l’arrêt précité du Conseil d’Etat, il se dégage des éléments de la cause que ni Monsieur PEPIN ni son mandataire n’ont commis de négligence fautive excluant le relevé de forclusion, de sorte qu’il y a lieu à faire droit à la demande afférente et de relever le demandeur de la déchéance encourue.

Quant au fond de la demande en remise gracieuse, il échet de relever qu’une remise gracieuse n’est envisageable que si, objectivement ratione materiae, soit subjectivement ratione personae dans le chef du contribuable concerné, la perception de l’impôt apparaît comme constituant une rigueur incompatible avec le principe d’équité (trib. adm. 5.03.1997, no. du rôle 9220, et 7.05.1997, no. du rôle 9538, Pas. adm. 98/1. V° Impôts, III remise gracieuse, no.24, p.80).

Autrement dit, le paragraphe 131 AO autorise la remise gracieuse d'un impôt dont la perception serait contraire à l'équité eu égard aux circonstances de la cause. Cette iniquité ne doit pas nécessairement résulter de la situation personnelle du contribuable mais elle peut aussi résider dans l'imposition elle-même sans avoir égard à la situation économique du contribuable.

Une demande de remise gracieuse appelle le tribunal à examiner le cas qui lui est présenté tant en droit qu’en fait et à statuer sur base de considérations d’équité et d’opportunité.

Eu égard aux considérations du Conseil d’Etat, ci-avant reproduites, dans l’arrêt intervenu en cause le 5 mai 1993, dont l’autorité s’impose au tribunal, et, plus 6 particulièrement, eu égard aux circonstances spéciales de la cause qui se dégagent des faits et rétroactes, constatés par le tribunal sinon allégués par le demandeur et non autrement contredits par l’administration, tout prélèvement fiscal basé sur la mise en compte par l’administration de la part de bénéfice litigieuse, à savoir les prétendus bénéfices commerciaux tirés par le demandeur de sa prétendue participation à l’entreprise X. & PEPIN pendant les exercices 1984, 1985 et 1986, s’analyse, en définitive, en une imposition inique en elle-même, de sorte qu’il y a lieu de faire bénéficier le demandeur d’une modération d’impôt équivalente à la somme du principal et des accessoires, notamment les intérêts de retards courus, formant lesdites impositions.

Comme le tribunal n’a pas été mis en mesure de déterminer la prédite somme, notamment parce que, malgré sa demande, ni le demandeur ni le représentant étatique n’ont été en mesure de produire les bulletins d’impôt relatifs aux années d’imposition 1984 et 1985, il y a lieu de renvoyer le dossier au directeur pour exécution et prosécution, ceci englobant, conformément à la demande du demandeur, le cas échéant, la restitution des sommes indûment perçues par l’administration ».

Faisant suite au susdit jugement du 30 avril 1998, le directeur prit trois décisions en matière gracieuse toutes datées du 3 juin 1998, desquelles il se dégage que la remise accordée par le tribunal porte sur l’intégralité de l’impôt liquidé par le bureau d’imposition pour les années 1984 à 1986 et, concernant les accessoires, sur l’intégralité des intérêts de retard de l’impôt desdites années.

Par lettre du 10 juillet 1998, l’administration adressa au demandeur un extrait de compte au 9 juillet 1998, lui réclamant la somme de …- francs au titre de l’impôt sur le revenu de 1987, suivant un bulletin d’impôt émis le 4 septembre 1989, et …- francs au titre d’intérêts de retard.

Le 29 juillet 1998, le mandataire de Monsieur PEPIN s’adressa au directeur pour solliciter la remise par voie gracieuse de l’imposition de 1987. Dans ledit courrier le mandataire de Monsieur PEPIN précisa qu’au vu de l’extrait de compte précité du 10 juillet 1998 « le soussigné s’est rendu compte à sa déconvenue qu’à travers toute la procédure qui a finalement abouti à la remise des impôts dus en raison de l’inexistence de revenu commercial pour les exercices 1984, 1985 et 1986, il a omis de comprendre dans la procédure extra-

judiciaire et judiciaire le bulletin de l’impôt commercial pour l’année 1987;

que ce bulletin daté du 4 septembre 1989 (…) porte exclusivement sur le revenu commercial prétendument gagné par Pepin pendant l’exercice 1987 dans la société Pepin & X., mais que Pepin n’a jamais réalisé;

que l’exposant, par l’organe de son conseil soussigné, entend réparer une omission aussi fautive que préjudiciable (…) ».

En l’absence d’une décision directoriale à la suite de ladite demande de remise gracieuse, Monsieur PEPIN a fait introduire le 19 avril 1999 un recours à l’encontre de la décision implicite de refus du directeur suite à sa demande en date du 29 juillet 1998 tendant à obtenir la remise par voie gracieuse équivalente à la somme du principal et des accessoires de l’imposition pour l’année 1987, découlant de la mise en compte par l’administration de la part du bénéfice qu’il aurait prétendument tiré d’une participation dans une entreprise X. & PEPIN 7 pendant l’exercice 1987. Ladite requête contient une demande en relevé de la forclusion encourue par l’omission d’avoir introduit sa demande de remise dans les délais légaux.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en la pure forme et, « dans la mesure où la présente demande de remise est basée sur les mêmes causes que celles qui avaient été acceptées par le Conseil d’Etat, pour les années 1984 à 1986, elle est tardive au vu du nouveau § 131 AO ». Concernant la demande en relevé de forclusion, le délégué soutient que « comme la tardiveté de la demande adressée au Directeur est due de l’aveu de Me Bonn à sa propre omission, il n’y a pas lieu à relevé de forclusion, les erreurs du mandataire étant conformément aux principes généraux, opposables aux mandants ».

Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

En l’espèce, pour identité de situation et de motifs à ceux ayant été retenus dans le cadre des deux instances contentieuses ayant abouti aux arrêt et jugement respectivement du Comité du contentieux du Conseil d’Etat en date du 5 mai 1993 et du tribunal administratif du 30 avril 1998 - notamment eu égard au fait que la situation de Monsieur PEPIN était devenue des plus confuse et impénétrable par les agissements de Monsieur X. -, le retard effectivement survenu lors de l’introduction de la demande de remise dont il est question en cause, de même que les retards survenus dans l’introduction des demandes relativement aux impositions des années 1984-1985-1986, ne saurait être imputé de négligence fautive au mandataire du demandeur ni à plus forte raison au demandeur lui-même pour lui barrer définitivement toute voie de recours au fond en la présente espèce et il y a lieu de faire droit à la demande afférente et de relever le demandeur de la déchéance encourue.

De même, pour identité de situation et de motifs à ceux auxquels il est fait référence ci-

dessus, il y a lieu de lui accorder une remise gracieuse équivalente à la somme du principal et des accessoires de l’imposition découlant de la mise en compte par l’administration des prétendus bénéfices commerciaux tirés par le demandeur de sa prétendue participation à l’entreprise X. & PEPIN pendant l’exercice 1987.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme;

au fond le déclare justifié;

relève le demandeur de la forclusion encourue pour introduire une demande de remise gracieuse de l’imposition pour l’exercice 1987;

accorde une remise gracieuse équivalente à la somme du principal et des accessoires de l’imposition découlant de la mise en compte par l’administration des prétendus bénéfices commerciaux tirés par le demandeur de sa prétendue participation à l’entreprise X. & PEPIN pendant l’exercice 1987;

8 renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution et prosécution;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 23 mars 2000, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11250
Date de la décision : 23/03/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-03-23;11250 ?

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