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22/03/2000 | LUXEMBOURG | N°11319

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 mars 2000, 11319


N° 11319 du rôle Inscrit le 10 juin 1999 Audience publique du 22 mars 2000

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Recours formé par Madame … GROTZ, épouse …, … contre une décision du ministre des Finances et un arrêté grand-ducal en matière de promotion

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 1999 par Maître Monique WATGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d

e Madame … GROTZ, épouse …, inspecteur, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annula...

N° 11319 du rôle Inscrit le 10 juin 1999 Audience publique du 22 mars 2000

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Recours formé par Madame … GROTZ, épouse …, … contre une décision du ministre des Finances et un arrêté grand-ducal en matière de promotion

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 1999 par Maître Monique WATGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … GROTZ, épouse …, inspecteur, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision de refus implicite se dégageant du silence gardé par le ministre des Finances pendant plus de trois mois à la suite d’une demande par elle présentée en date du 14 décembre 1998 tendant à obtenir sa nomination au grade 11 de la carrière du rédacteur avec effet au 1er juillet 1998, ainsi que d’un arrêté grand-ducal du 22 avril 1999 opérant sa nomination au grade 11 avec effet au 1er mai 1999 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 1999 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 1999 par Maître Monique WATGEN, au nom de Madame … GROTZ, épouse … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Monique WATGEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 janvier 2000.

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Madame … GROTZ, épouse …, demeurant à L-…, fonctionnaire de l’Etat auprès de l’administration des Contributions directes, a bénéficié, consécutivement à un congé de maternité, d’un congé pour travail à mi-temps à compter du 1er septembre 1995 jusqu’au 31 août 2001. Par arrêté du 9 juin 1997, elle obtint sa nomination au grade 10 avec effet au 1er juillet 1997 lorsqu’elle fut nommée chef de bureau à la direction de l’administration des Contributions et affectée à la division “ législation ”. Par l’intermédiaire de son conseil, elle s’adressa en date du 14 décembre 1998 au ministre des Finances et au ministre de la Fonction publique pour solliciter sa nomination au grade 11 avec effet au 1er juillet 1998. Le ministre de la Fonction publique prit position par rapport à cette demande en date du 5 janvier 1999 tout en informant Madame GROTZ de ce qu’il avait transmis sa demande pour raison de compétence au ministre des Finances. Celui-ci ayant gardé le silence face à la demande par elle présentée et sa nomination au grade 11 ayant par ailleurs eu lieu par arrêté grand-ducal du 22 avril 1999 avec effet au 1er mai 1999 seulement, Madame GROTZ fit introduire, par requête déposée en date du 10 juin 1999, un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de refus implicite se dégageant du silence gardé par le ministre des Finances pendant plus de trois mois à la suite de sa demande présentée en date du 14 décembre 1998 tendant à obtenir sa nomination au grade 11 avec effet au 1er juillet 1998, ainsi que contre l’arrêté grand-

ducal de nomination précité du 22 avril 1999.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en matière d’accession d’un fonctionnaire à un grade supérieur au sien, voire un refus de ce faire, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation.

Quant à la décision de rejet implicite se dégageant du silence gardé par le ministre des Finances suite à la demande lui adressée en date du 14 décembre 1998 par Madame GROTZ, celle-ci fait valoir à l’appui de son recours que la décision ainsi déférée serait contraire aux dispositions de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes pour ne pas indiquer les motifs à sa base par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base.

Il est constant que Madame GROTZ s’est adressée en date du 14 décembre 1998 à la fois au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative et au ministre des Finances pour solliciter sa nomination au grade 11 avec effet au 1er juillet 1998, que le ministre de la Fonction publique l’a informée par courrier du 5 janvier 1999 que “ conformément à la Constitution et aux lois régissant la matière, les nominations des fonctionnaires sont proposées au Grand-Duc par le ministre du ressort ” et qu’il a partant fait parvenir à celui-ci la demande lui adressée ensemble avec une prise de position afférente, mais que le ministre des Finances n’a pas pris expressément position par rapport à la demande prévisée lui adressée par courrier du 14 décembre 1998.

Conformément à l’article 35 de la Constitution, c’est le Grand-Duc qui est investi du pouvoir de nommer aux emplois civils et militaires, conformément à la loi, et sauf les exceptions établies par elle. Une décision ministérielle de refus de soumettre au Grand-Duc un projet d’arrêté de nomination peut néanmoins s’analyser en une décision prise dans l’exercice de prérogatives de puissance publique qui, lorsqu’elle constitue une étape finale dans la procédure, est susceptible de faire grief à la personne concernée en affectant directement sa situation personnelle et en étant de nature à lui causer un préjudice individualisé (cf. trib. adm.

29 octobre 1998, n° 10684 du rôle, confirmé par Cour adm. 25 février 1999, n° 11015C du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Fonction publique, II. Promotion, n° 14) .

Il s’ensuit que la décision ministérielle de refus implicite déférée, résultant du silence du ministre des Finances, en tant que ministre du ressort, observé pendant plus de trois mois à partir de la demande lui adressée par Madame GROTZ en vue de sa nomination au grade 11 avec effet au 1er juillet 1998, s’analyse au regard des développements qui précèdent en une décision de refus de soumettre au Grand-Duc, seule autorité investie du pouvoir de nomination en la matière, un projet d’arrêté de nomination conforme aux expectatives de la demanderesse.

2 Dans la mesure où le Grand-Duc a en l’espèce effectivement arrêté la nomination de Madame GROTZ au grade 11, certes avec effet au 1er mai 1999 seulement, il a posé l’acte final de la procédure de nomination initiée par l’intéressée, de sorte qu’à la date de l’introduction du recours contentieux sous examen, la décision ministérielle déférée n’a plus revêtu le caractère d’étape finale dans cette procédure et ne comporte dès lors plus d’élément décisionnel propre.

Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est par voie de conséquence irrecevable en tant que dirigé contre le silence ministériel déféré. Il est par contre recevable à l’encontre de l’arrêté grand-ducal également déféré du 22 avril 1999, ledit recours ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi.

Conformément à l’article 8 de la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat, les carrières du rédacteur, dont celle de la demanderesse, comportent un cadre ouvert comprenant les grades 7, 8, 9 et 10 et un cadre fermé comprenant les grades 11, 12 et 13.

Il est constant que l’arrêté grand-ducal déféré du 22 avril 1999 portant nomination de Madame GROTZ au grade 11 a sorti ses effets au 1er mai 1999 seulement, et n’a partant fait droit que partiellement à la demande présentée par Madame GROTZ en date du 14 décembre 1998 tendant à l’accession au grade 11 avec effet au 1er juillet 1998.

A l’appui de son recours, la partie demanderesse expose à cet égard avoir obtenu sa nomination au grade 10 avec effet au 1er juillet 1997, pour soutenir qu’elle aurait pu postuler à un avancement au cadre fermé (grade 11) après un an de service, soit dès le 1er juillet 1998, si elle avait presté une tâche complète.

Elle critique plus particulièrement la décision déférée en ce que la période d’ancienneté de service accomplie par elle dès le 1er septembre 1997 sous le bénéfice d’un congé pour travail à mi-temps, ne lui fut mise en compte que pour moitié seulement, de manière à ne lui reconnaître le droit de bénéficier d’une promotion au grade 11 qu’à compter du 1er mai 1999.

Concernant d’abord le principe même de la possibilité de postuler à un nouvel avancement seulement après un an de service à partir de la promotion précédente, le délégué du Gouvernement expose dans son mémoire en réponse que par suite d’une décision du Conseil de Gouvernement du 13 mars 1989, toute nomination dans le cadre fermé postérieure à la date du 1er avril 1989 est soumise à la condition d’un délai d’attente d’un an entre deux promotions, que cette condition serait appliquée à tous les fonctionnaires et qu’elle ne serait d’ailleurs comme telle pas critiquée par la demanderesse.

La partie demanderesse entend réfuter dans son mémoire en réplique ce constat d’une absence de contestation dans son chef relative au principe ainsi énoncé par le représentant étatique comme découlant d’une décision du Gouvernement en Conseil du 13 mars 1989, en signalant que la décision déférée elle-même ne comporte pas de référence à cette condition d’attente et que cette justification n’aurait été invoquée pour la première fois qu’en cours d’instance contentieuse, à travers le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement.

Elle conteste par ailleurs le caractère obligatoire de la décision ainsi invoquée du Gouvernement en Conseil, laquelle ne constituerait, à ses yeux, que tout au plus une simple 3 gouverne pour les départements ministériels, mais ne saurait en rien ajouter aux dispositions de la loi qui ne comporterait pas cette condition liée à un délai d’attente d’un an entre deux promotions.

Il est constant, à travers les pièces versées au dossier, que l’arrêté grand-ducal déféré ne comporte aucune référence expresse à la décision du Gouvernement en Conseil du 13 mars 1989, de sorte que la partie demanderesse, informée seulement sur le tard, en cours d’instance contentieuse, de l’existence de ce motif de refus, a valablement pu prendre position et contester le bien-fondé de ce motif pour la première fois dans son mémoire en réplique, sous peine de se voir léser dans ses droits de la défense.

Dans la mesure où l’administration peut en effet produire ou compléter les motifs à la base d’une décision litigieuse postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (cf. Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure administrative non contentieuse, III. Motivation, n° 28 et autres références y citées), la partie demanderesse doit en effet être admise à étendre les moyens formulés dans sa requête introductive d’instance pour rencontrer utilement les éléments de motivation complémentaires fournis par l’administration dans le cadre de l’instruction du recours contentieux.

Il se dégage à travers la décision déférée et les explications fournies en cause notamment par le représentant étatique, que la décision de nommer Madame GROTZ au grade 11 avec effet au 1er mai 1999 seulement, repose sur une motivation qui s’articule à deux niveaux distincts, qui sont en l’occurrence d’abord le principe même de l’attente d’un an entre deux promotions, et, ensuite seulement, la manière de prendre en compte, pour le calcul de l’année d’ancienneté de service ainsi exigée, la période de travail effectivement prestée par l’intéressée au regard notamment de la circonstance qu’elle a bénéficié pendant la période entrant en ligne de compte d’un congé pour travail à mi-temps consécutivement à un congé de maternité.

Il y a partant lieu d’examiner, dans un premier temps, si l’autorité investie du pouvoir de nomination a valablement pu poser l’exigence, à la base du présent litige, de l’attente d’un an entre deux promotions, étant donné que cette exigence conditionne la pertinence des autres moyens invoqués par la partie demanderesse comme ayant trait à la mise en œuvre concrète de cette exigence à travers la prise en compte de la période de travail effectivement prestée par l’intéressée.

Conformément à l’article 5 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, il faut entendre par promotion “ la nomination du fonctionnaire à une fonction hiérarchiquement supérieure ; la hiérarchie des fonctions résulte de la loi fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat ”. Ladite disposition légale précise par ailleurs que “ dans la mesure où les lois concernant les administrations et services n’en disposent pas autrement, la promotion du fonctionnaire se fait dans les conditions et suivant les modalités prévues par un règlement grand-ducal pris sur avis du Conseil d’Etat ”, et que “ nul fonctionnaire ne peut prétendre à la promotion s’il est établi qu’il ne possède pas les qualités professionnelles et morales requises pour exercer les fonctions du grade supérieur ”.

Concernant plus particulièrement une fonction du cadre fermé, telle celle à laquelle fut nommée Madame GROTZ, il est précisé à l’article 1, II. de la loi modifiée du 28 mars 1986 4 précitée que “ nul ne peut être nommé à une fonction du cadre fermé s’il n’a pas bénéficié de tous les avancements prévus au cadre ouvert et s’il ne peut faire valoir comme années de carrière le nombre d’années prévu pour l’accès à la fonction la plus élevée du cadre ouvert ”. Concernant plus particulièrement l’hypothèse vérifiée en l’espèce de l’accès au cadre fermé, ladite disposition légale précise encore in fine que “ l’accès au cadre fermé se fait sur base du tableau d’avancement ”.

Au-delà de ces dispositions légales d’ordre général en matière d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat, les conditions de promotion des fonctionnaires de la carrière du rédacteur à l’administration des Contributions directes sont fixées par un règlement grand-ducal afférent datant du 25 avril 1995, pris notamment sur base de la loi modifiée du 17 avril 1964 portant réorganisation de l’administration des contributions directes et des accises, qui, outre de poser l’exigence d’avoir subi avec succès un examen de promotion pour être promu à une fonction supérieure à celle de vérificateur, question non litigieuse en l’espèce, dispose dans son article 3 que “ (1) pour déterminer la promotion aux emplois supérieurs à celui de contrôleur, il est pris égard non seulement au résultat de l’examen de promotion, mais également à l’ancienneté de service.

(2) le rang d’ancienneté des candidats pour les emplois de promotion est déterminé par l’ordre chronologique des sessions d’examen.

A l’intérieur d’une session d’examen l’ancienneté de service est déterminée par une cote de points qui est ajoutée au résultat de l’examen. La cote est fixée à 0,5 points par mois entier d’ancienneté et ne peut pas dépasser 12 points au total par référence au candidat de la session d’examen admis le dernier à la carrière du rédacteur ”.

Le délégué du Gouvernement se prévaut de l’existence d’une règle générale d’un délai d’attente d’un an au minimum entre deux promotions, découlant d’une décision du Gouvernement en Conseil du 13 mars 1989, pour justifier légalement la décision à cet égard.

Même abstraction faite de la considération que la décision ainsi invoquée, par ailleurs non versée en cause, n’est pas publiée au Mémorial, et que le tribunal ne saurait dès lors en tout état de cause la retenir comme base légale suffisante en l’espèce, force est de constater qu’au-delà même de la question de la possibilité de conférer au Gouvernement en Conseil le pouvoir d’édicter des règles générales en exécution d’une norme juridique supérieure, au regard de la compétence de principe y relative conférée par l’article 36 de la Constitution au Grand-Duc, la partie défenderesse reste en l’espèce encore en défaut d’établir, voire d’alléguer l’existence d’une base légale habilitant le Gouvernement en Conseil d’agir en la matière et d’introduire plus particulièrement l’exigence d’un délai d’attente d’une année entre deux promotions.

L’arrêté grand-ducal déféré est par conséquent illégal dans la mesure où il est basé sur la prédite décision du Gouvernement en Conseil du 13 mars 1989 ainsi énoncée.

A défaut d’autre base légale invoquée pour justifier l’exigence d’un délai d’attente d’un an entre deux promotions à sa base, la décision déférée encourt partant l’annulation pour cause de violation de la loi, sans qu’il ne soit besoin d’analyser plus loin les autres moyens invoqués par la partie demanderesse.

Par ces motifs, 5 le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation irrecevable en tant que dirigé contre la décision de refus implicite se dégageant du silence gardé par le ministre des Finances, pendant plus de trois mois à la suite d’une demande présentée par la demanderesse en date du 14 décembre 1998 tendant à obtenir sa nomination au grade 11 avec effet au 1er juillet 1998 ;

reçoit le recours en annulation pour le surplus en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule l’arrêté grand-ducal déféré du 22 avril 1999 et renvoie l’affaire au ministre des Finances ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 mars 2000 par :

M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11319
Date de la décision : 22/03/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-03-22;11319 ?

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