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20/03/2000 | LUXEMBOURG | N°11486

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 mars 2000, 11486


Numéro 11486 du rôle Inscrit le 20 août 1999 Audience publique du 20 mars 2000 Recours formé par Monsieur … HANIC, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11486 du rôle, déposée le 20 juillet 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Dominique PETERS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …

HANIC, de nationalité bosniaque, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une déc...

Numéro 11486 du rôle Inscrit le 20 août 1999 Audience publique du 20 mars 2000 Recours formé par Monsieur … HANIC, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11486 du rôle, déposée le 20 juillet 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Dominique PETERS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … HANIC, de nationalité bosniaque, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 12 août 1999 portant refus de lui délivrer le permis de travail pour un poste d’ouvrier auprès de la société … s. à r.l.;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en ses plaidoiries.

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Par déclaration d’engagement datée au 5 mars 1999, parvenue à l’administration de l’emploi, ci-après appelée « ADEM », le 10 mars 1999, la société … s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, sollicita un permis de travail en faveur de Monsieur … HANIC, de nationalité bosniaque, demeurant à L-…, pour un poste qualifié de « Hilfsarbeiter », l’entrée en service étant indiquée pour le 3 mars 1999 et la rémunération par heure pour ce poste fixée à … LUF, le tout en contrepartie de 40 heures de travail par semaine.

Par courrier du 12 août 1999, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé « le ministre », refusa le permis de travail à Monsieur HANIC sur base des motifs suivants :

« Je suis au regret de vous faire savoir que faute d’éléments nouveaux je ne me vois pas en mesure de revenir sur ma décision du 23 janvier 1998 de vous refuser l’autorisation d’exercer une fonction ne nécessitant aucune qualification particulière.

Je tiens à préciser que des demandeurs d’emploi pouvant exercer la fonction d’aide-

ouvrier, soit une fonction ne nécessitant aucune qualification particulière, et bénéficiant d’une priorité d’emploi, étaient et sont toujours disponibles sur place.

Par ailleurs, vous avez été invité par le Ministère de la justice à quitter le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ».

A l’encontre de cette décision ministérielle du 12 août 1999, Monsieur HANIC fit introduire un recours en annulation par requête déposée le 20 août 1999.

Le délégué du Gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté en relevant plus particulièrement qu’une décision ministérielle du 23 janvier 1998 avait refusé au demandeur le permis de travail pour un poste de manœuvre non-

qualifié au motif notamment de la disponibilité de demandeurs d’emploi sur place, cette décision n’ayant pas été liée à un employeur déterminé, mais à l’exercice d’une activité salariée pour laquelle aucune qualification particulière n’était requise. Etant donné que la nouvelle demande du 5 mars 1999 visait pareillement un poste d’ouvrier non-qualifié et que le motif de la présence de demandeurs d’emploi bénéficiant d’une priorité à l’embauche se trouvait toujours vérifié, le courrier attaqué du 12 août 1999 se confinerait à préciser que le ministre ne se verrait pas en mesure de revenir sur sa décision antérieure de refus. Le représentant étatique conclut que la décision du 23 janvier 1998 aurait acquis autorité de chose décidée à défaut de recours intenté à son encontre et que le courrier du 12 août 1999 ne saurait être qualifié de décision nouvelle en l’absence de tout réexamen du dossier. Il ajoute qu’aucun fait nouveau comportant une modification de la situation juridique du demandeur ne se serait produit tout comme le demandeur n’aurait présenté aucun argument nouveau à l’appui de sa demande du 5 mars 1999, la circonstance que l’emploi en cause soit offert par un autre employeur étant sans incidence face à l’identité de la fonction offerte.

Les deux demandes de permis de travail introduites par Monsieur HANIC ci-avant relatées sont relatives à des employeurs et postes de travail différents et se distinguent encore quant à leur objet, la première en date, toisée par la décision de refus du 23 janvier 1998, portant sur un poste dans la branche d’activité de la récupération de tous matériaux, tandis que la seconde, à la base de la décision et actuellement déférée, porte sur un poste dans la branche d’activité du terrassement et des travaux forestiers, étant entendu que même si aucune qualification spécifique n’est exigée par la loi, les prédispositions physiques et intellectuelles respectivement requises pour les deux sortes de postes en question ne sont pas nécessairement les mêmes.

Il s’ensuit que la décision de refus du 12 août 1999 n’est pas simplement confirmative de celle du 23 janvier 1998, de sorte que l’exception de tardiveté doit tomber à faux, le recours ayant été introduit dans le délai légal de trois mois. Ayant été introduit par ailleurs suivant les formes légales, le recours en annulation est recevable, étant constant en cause que la loi ne prévoit pas de recours de pleine juridiction en la matière.

Le demandeur soutient d’abord que la motivation de la décision attaquée se limiterait à énoncer une formulation abstraite ne pouvant valoir comme motivation suffisante, de manière à entraîner son annulation.

2 Une obligation de motivation expresse exhaustive d’un arrêté ministériel de refus de prolongation d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.

l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base.

Dès lors que la motivation expresse d’une décision peut se limiter, conformément à l’article 6 précité, à un énoncé sommaire de son contenu, il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment du refus, quitte à ce que l’administration concernée les complète a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours d’une procédure contentieuse (cf. Cour adm., 13 janvier 1998, Da Rocha Oliveira, n° 10243C, Pas adm. 1/2000, v° procédure administrative non contentieuse, n° 28, et autres décisions y citées).

En l’espèce, la décision attaquée du 12 août 1999 énonce, outre un motif lié au droit de séjour du demandeur, un autre motif tiré de la législation sur l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, en se référant à une décision antérieure, et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 prévisé, cette motivation étant utilement complétée par le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement.

Il s’ensuit que le premier moyen laisse d’être fondé.

La décision attaquée repose ainsi tant sur les motifs énoncés dans la décision attaquée du 12 août 1999 elle-même que sur ceux fournis complémentairement par le délégué du Gouvernement, fondés notamment sur la priorité à l’emploi des ressortissants d’un Etat membre de l’Union Européenne et de ceux d’un Etat partie à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, désignés ci-après par « ressortissants prioritaires », la disponibilité de demandeurs d’emploi prioritaires appropriés sur place et le défaut d’introduction préalable de la déclaration d’engagement avant l’engagement du demandeur, ces moyens n’ayant plus été autrement critiqués par ce dernier.

L’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi, compte tenu de la priorité à l’embauche dont bénéficient les ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, conformément à l’article premier du règlement CEE 1612/68 concernant la libre circulation des travailleurs ».

Cette disposition trouve sa base légale habilitante à la fois dans l’article 1er du règlement CEE précité n° 1612/68, qui dispose que « 1. tout ressortissant d’un Etat membre, quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet Etat. 2.

3 Ils bénéficient notamment sur le territoire d’un autre Etat membre de la même priorité que les ressortissants de cet Etat dans l’accès aux emplois disponibles » et dans l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, qui dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi ».

Lesdits articles 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et 27 de la loi précitée du 28 mars 1972 confèrent à l’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail, la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (v. trav. parl. relatifs au projet de loi n° 2097, exposé des motifs, p. 2).

Au voeu de l’article 28 de la loi précitée du 28 mars 1972, et de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen sont dispensés de la formalité du permis de travail.

En l’espèce, la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants prioritaires se justifie donc, en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité bosniaque, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen.

Après avoir vérifié que la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants prioritaires est, en principe, justifiée en l’espèce, le tribunal doit encore examiner si des ressortissants prioritaires aptes à occuper le poste vacant étaient concrètement disponibles sur le marché de l’emploi.

S’il faut, en principe, que le ministre établisse, in concreto, la disponibilité sur place de ressortissants prioritaires, susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé, il n’en reste pas moins que l’employeur doit mettre l’ADEM en mesure d’établir cette disponibilité concrète en introduisant auprès d’elle une déclaration de vacance de poste. La déclaration de poste vacant, qui peut ressortir le cas échéant d’autres pièces ou documents introduits auprès de l’ADEM, doit être faite avant l’entrée en service du travailleur. Faute par l’employeur de ce faire, l’ADEM est mise dans l’impossibilité de lui assigner utilement des candidats et de rapporter ainsi la preuve de la disponibilité concrète de main-d’oeuvre apte à occuper le poste vacant, de sorte qu’aucune autorisation de travail ne saurait être délivrée au travailleur étranger censé occuper le poste de travail vacant (trib. adm. 30 avril 1998, Wagner et Skrijelj, confirmé par Cour adm. 20 octobre 1998, n° 10754C, Pas. adm. 1/2000, v° Travail, II., Permis de travail, n° 19 et autres références y citées).

En l’espèce, il résulte de la déclaration d’engagement du 5 mars 1999, signée par un représentant de la société … et le demandeur lui-même, que celui-ci est entré en service le 3 mars 1999 et qu’il était partant déjà au service de cette société au moment de l’introduction de la déclaration d’engagement auprès de l’ADEM.

4 Il y a ainsi lieu de conclure que le poste en cause était déjà occupé au moment où la déclaration d’engagement du 5 mars 1999 est parvenue à l’ADEM, de sorte que celle-ci a été mise dans l’impossibilité d’établir utilement la disponibilité concrète de demandeurs d’emploi par l’assignation de candidats au poste à pourvoir.

Etant donné que l’arrêté déféré est légalement justifié par le seul constat de l’occupation illégale avant la remise de la déclaration d’engagement, le recours laisse d’être fondé sans qu’il n’y ait lieu d’analyser plus loin les autres moyens soulevés par la partie demanderesse et les autres motifs soumis par le représentant étatique.

La procédure devant les juridictions administratives étant entièrement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent ni représenté à l’audience des plaidoiries est indifférent. Du moment que la requête introductive d’instance a été déposée et que la partie défenderesse a déposé un mémoire en réponse, le jugement est rendu contradictoirement entre parties (trib. adm. 19 février 1997, Pas. adm. 1/2000, v° Procédure contentieuse, n° 132 et autres références y citées).

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 mars 2000 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11486
Date de la décision : 20/03/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-03-20;11486 ?

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